Romantisme noir
Le romantisme noir est un sous-genre littéraire et pictural du romantisme. Dès ses premières formes à la fin du XVIIIe siècle, le romantisme s'équilibre entre une célébration du sublime et de l'euphorique d'un côté et une fascination pour la mélancolie, la folie, le crime, les atmosphères macabres et angoissantes, marquées par la présence de fantômes, de vampires, de créatures surnaturelles de l'autre. Le terme de romantisme noir qualifie donc l'exacerbation de ce caractère sombre du romantisme. On doit ce nom au théoricien de la littérature Mario Praz dans son étude du genre, publiée en 1930, et intitulée La Carne, la morte et il diavolo nella litteratura romantica (traduit en 1933 en anglais sous le titre The Romantic Agony)[1].
Origines
Genre aux origines incertaines, on en voit les premières formes dans le roman gothique britannique à la fin du XVIIIe siècle[2], avec des auteurs comme John Milton, Mary Shelley, Ann Radcliffe. Les auteurs liés au romantisme noir sont souvent des représentants du romantisme frénétique, du roman gothique ou du décadentisme, et participent alors à l'équivocité des contours de ce genre littéraire. En France, deux des principaux représentants du courant sont Charles Nodier et Gérard de Nerval, dans des ouvrages comme Smarra ou Aurélia, récits mêlant onirisme et fantastique. Dans la littérature anglo-saxonne, le romantisme noir est particulièrement caractéristique des œuvres d'Edgar Allan Poe, de Washington Irving, de Sheridan Le Fanu, d'Herman Melville, ou de Nathaniel Hawthorne, entre autres.
Dans les arts plastiques, à la même époque, des peintres comme William Blake, Johann Heinrich Füssli, Caspar David Friedrich, Francisco Goya, entre autres, représentent des scènes inquiétantes, bien éloignées des canons néo-classiques alors dominants. Au milieu du XIXe siècle, Victor Hugo et Antoine Wiertz produisent des images dans cet esprit.
En France, après 1918, ce sont les surréalistes qui vont remettre au goût du jour ce pan oubliée de la littérature, notamment avec la traduction d'Antonin Artaud du roman Le Moine de Matthew Gregory Lewis. L'héritage actuel du romantisme noir est, selon Martine Lavaud, « restée bloquée dans un monde de stéréotypes : c’est la postérité du vampirisme, la fixation sur des modèles esthétiques comme Dracula, la mode gothique… j’ai l’impression qu’elle s’est un peu pétrifiée et qu’elle a été réduite à des stéréotypes que les romantiques, en 1830, avaient déjà aperçus en s’en moquant un petit peu[2]. »
Bibliographie
- L'ange du bizarre : le romantisme noir de Goya à Max Ernst (préf. Guy Cogeval et Max Hollein), Ostfildern / Paris, Hadje Cantz / Musée d'Orsay, , 303 p. (ISBN 978-3-7757-3590-2).
- Liliane Abensour et Françoise Charras (textes choisis et présentés), Romantisme noir, Paris, Éditions de l'Herne, coll. « Les Cahiers de l'Herne » (no 34), , IX-385 p.
- Simone Bernard-Griffiths (dir.) et Jean Sgard (dir.), Mélodrames et romans noirs, 1750-1890, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, coll. « Cribles » (no 22), , 534 p. (ISBN 2-85816-503-3, présentation en ligne).
- Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion, Paris, Jean-Jacques Pauvert / Garnier, , 303 p. (ISBN 2-7050-0449-1, présentation en ligne). Réédition : Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion : suivi de Soudain un bloc d'abîme, Sade, Paris, Gallimard, coll. « Tel » (no 376), , 637 p. (ISBN 978-2-07-043829-7).
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- Élizabeth Durot-Boucé (préf. Maurice Lévy), Le lierre et la chauve-souris : réveils gothiques, émergence du roman noir anglais, 1764-1824, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, , 286 p. (ISBN 2-87854-277-0, présentation en ligne, lire en ligne).
- Jean Fabre, Idées sur le roman : de Madame de Lafayette au marquis de Sade, Paris, Klincksieck, coll. « Bibliothèque française et romane. Série C, Études littéraires » (no 69), , 319 p., « Sade et le roman noir », p. 166-194.
- Anthony Glinoer, La littérature frénétique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les Littéraires », , 274 p. (ISBN 978-2-13-057749-2, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne].
- Alice M. Killen, Le Roman terrifiant ou Roman noir, de Walpole à Anne Radcliffe, et son influence sur la littérature française jusqu'en 1840, Paris, Georges Crès et Cie, , 287 p. (présentation en ligne). Réédition : Alice M. Killen, Le Roman terrifiant ou roman noir de Walpole à Anne Radcliffe et son influence sur la littérature française jusqu'en 1840, Paris, Édouard Champion, coll. « Bibliothèque de la Revue de littérature comparée » (no 4), , XVI-255 p. (présentation en ligne).Réédition en fac-similé de l'édition Honoré Champion de 1967 : Alice M. Killen, Le Roman terrifiant ou roman noir de Walpole à Anne Radcliffe et son influence sur la littérature française jusqu'en 1840, Genève, Slatkine, , XVI-255 p. (ISBN 2-05-101714-X).
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- Émilie Pezard (dir.), Otrante, vol. 50 : Valeurs du romantisme noir, Paris, Éditions Kimé, (ISBN 978-2380720396, présentation en ligne).
- Émilie Pezard, « Un genre fondé sur le « goût de l'atroce » : le romantisme frénétique », Fabula « Les colloques, Les genres littéraires, les genres cinématographiques et leurs émotions », (lire en ligne).
- Mario Praz (trad. de l'italien par Constance Thompson Pasquali), La chair, la mort et le diable dans la littérature du XIXe siècle : le romantisme noir [« La carne, la morte e il diavolo nella letteratura romantica »], Paris, Gallimard, coll. « Tel » (no 300), (1re éd. 1977, Denoël), 492 p. (ISBN 2-07-075453-7, présentation en ligne).
- Jérôme Prieur, Roman noir, Paris, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », , 199 p. (ISBN 2-02-089280-4).
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- (it) Maria Valentini, « La Carne, la morte e il diavolo nella letteratura romantica », dans Franco Buffoni (dir.), Mario Praz : vent'anni dopo : atti del Convegno, Roma-Cassino, 15-18 ottobre 2002, Milan, Marcos y Marcos, coll. « I saggi di Testo a fronte » (no 14), , 332 p. (ISBN 88-7168-395-1), p. 130-145.
Références
Articles connexes
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