Ruta Destroy
La Ruta Destroy[1], également surnommée La Marcha, La Ruta, ou encore et plus médiatiquement La Ruta del Bakalao[2],[3],[4],[5], est un mouvement musical espagnol, ayant émergé dans les années 1980 dans la communauté valencienne, et dissous au milieu des années 1990. Le mouvement se popularise en Espagne, et devient un phénomène unique de clubbing, avec des conséquences à long terme sur la vie nocturne espagnole[6].
Ruta Destroy La Ruta del Bakalao | |
Genre | Sous-culture, mouvement musical |
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Lieu | Communauté valencienne, Espagne |
Date de création | 1976 |
Date de disparition | 1996 |
Site web | www.rutadestroy.com |
Pendant la nuit, des milliers de jeunes se réunissent dans les boîtes de nuit de Valence comme le Barraca, Spook Factory, Chocolate, Espiral, NOD, Puzzle et l'ACTV. Le mouvement est organisé chaque fin de semaine, de manière ininterrompue entre jeudi après-midi et lundi matin, pendant les années 1980 et la première moitié des années 1990. Le mouvement décline en 1996 à cause des ravages liées à l'ecstasy sur le public.
Étymologie
Selon la légende urbaine, le nom « bakalao » dérive de l'expression esto es bakalao del bueno (littéralement : « c'est bien bakalao ») en référence à un morceau de musique destroy[3].
Histoire
Origines
La mort du dictateur Francisco Franco le , qui a dirigé le pays après la guerre civile, marque le début d’une révolution culturelle dans toute l'Espagne. La célèbre movida valenciana devient le signe d’une libération des mœurs et de l'état d’esprit de cette époque[1]. La Ruta Destroy apparaît entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, au sein de ce qu'était la « moguda valenciana », un mouvement passé médiatiquement inaperçu, mais dont l'importance est similaire à celui de la Ruta Destroy[7]. La « moguda valenciana » est influencée par la musique britannique, et en particulier les genres musicaux Nouveaux Romantiques, technopop et new wave[7]. Elle finit par importer en Espagne un nouveau genre musical de dance samplé joué par des disc jockeys valenciens ou européens[7].
À la fin des années 1970, pendant la transition espagnole et pendant la période post-punk et Nouveaux Romantiques (la nouvelle vague dite new wave), Valence commence à s'épanouir, non seulement musicalement mais aussi culturellement. Les groupes musicaux locaux commencent à apparaître avec une forte motivation avant-gardiste. Des groupes tels que Banda de Gaal, La Morgue, Seguridad Social, Vídeo, Glamour, Comité Cisne, Betty Troupe, In Fraganti et Interterror mènent une légion d'artistes valenciens qui parient sur les nouveaux sons venus directement du Royaume-Uni ou de l'Allemagne à commencer par l'image du post-modernisme au début des années 1980, avec des looks élégants, sophistiqués et stridents, issus de l'ère punk[8]. Les événements bakalao se déroulaient initialement sur la route côtière d'El Saler, à Valence, avant de s'étendre à Alicante, où, des années plus tard, le mouvement prendra le nom de La Ruta del Bakalao[3].
Évolution et âge d'or (1982—1990)
La discothèque Barraca, déjà vétéran à l'époque[1], s'était déjà fait remarquer à la fin des années 1970 en voulant se différencier d'une certaine manière du reste des clubs du style La Fièvre du samedi soir. Vers 1980, Juan Santamaría vient dans l'endroit pour lui donner son style éclectique particulier. En 1982, il est remplacé par Carlos Simó, un DJ fortement influencé par Santamaría, apportera une révolution culturelle et musicale mixant des sons tels que le blues, le rhythm and blues ou le jazz, qui avaient également eu leur place auparavant, ainsi que les sons habituels du rock, de la pop et de la musique d'avant-garde[9].
Entre les années 1980 et les années 1990, de nouvelles salles apparaissent, toutes d'une importance significative, mais chacune d'entre elles tournant au son des anciennes[2]. Des discothèques comme Heaven, anciennement Pomelo, une petite salle caverneuse proche de Puzzle, mais plus forte et plus brutale, qui disposait de l'un des parkings les plus fréquentés ; Villa Adelina, située à côté de la discothèque Barraca, qui n'était rien d'autre qu'une villa avec une grande terrasse qui l'a rendue célèbre[2] ; Zona, une discothèque appartenant à l'axe Espiral-NOD, qui est devenue vraiment particulière parce qu'elle s'est spécialisée dans ses sessions du lundi matin, qui pouvaient durer jusqu'au mardi matin (chose impensable de nos jours dans une discothèque de cette taille), et qu'elle attirait des personnes qui travaillaient le week-end la nuit ou dans l'hôtellerie et la restauration, non seulement de Valence, mais aussi de villes plus éloignées comme Madrid avec la discothèque Attica entre autres, ou Barcelone (dans ces villes, il n'y avait rien de tel à cette échelle pour ce type de travailleurs)[2]. On peut aussi citer El Templo, situé à Cullera, non loin de la discothèque Chocolate, fief du populaire Chimo Bayo[2].
Décadence et déclin (1994—1996)
À partir de 1992, les médias commencent à remarquer ce mouvement à grande échelle. À partir de 1993, les déploiements policiers se multiplient[10],[11] et les médias, voire les hommes politiques, commencent à s'alarmer et à exercer une pression sociale sur ce mouvement de loisirs[12]. En fait, si le terme de Ruta Destroy a été inventé par Vicente Pizcueta, autre gourou de la nuit valencienne et principal artisan de la discothèque Barraca, le terme « Ruta del Bakalao » a été, en revanche, celui qui a fini par être imposé, utilisé par les médias pour nommer l'un de leurs principaux chevaux de bataille, d'après le mot bakalao, qui avait déjà été utilisé pour désigner la makina pendant des années auparavant pour nommer les sous-genres de la musique électronique techno et EBM.
Un autre facteur qui a joué un rôle relativement important dans la diabolisation de La Ruta par la société est le crime d'Alcácer, dans lequel trois adolescentes ont été enlevées alors qu'elles se rendaient dans un club bien connu de Picassent, le Coolor, l'une des nombreuses discothèques de village qui existaient à l'époque. La presse valencienne ne tardera à diffuser de manière obsessionnelle que le principal kidnappeur et meurtrier des « filles d'Alcácer », Antonio Anglés Martins, était un habitué des discothèques bakalao. Ainsi, la musique commence à gagner des BPM (révolutions) et à perdre en qualité. Les années 1993 et 1994 continuent à attirer des foules énormes de jeunes, bien qu'ils soient moins préoccupés par la qualité de la musique, qui a sérieusement diminué.
La drogue communément appelée ecstasy (MDMA), qui s'est imposée à Valence à partir de 1987 et 1988, en provenance d'Ibiza et des Pays-Bas, commence à faire des ravages dans les discothèques car elle était consommée à des doses de plus en plus régulières et importantes[4],[5]. Bien qu'en 1994, 1995 et 1996, l'atmosphère était encore cordiale dans le public de discothèques comme Puzzle ou The Face, peu à peu le changement d'attitude se fait évident, surtout dans des clubs comme Chocolate, certainement le club de la Ruta Destroy avec la pire évolution musicale. Les drogues et les conflits qui vont avec entraînent de plus en plus de bagarres et une mauvaise ambiance. En bref, la fin des années 1990 assiste au déclin significatif des salles et discothèques dédiées aux sons dérivés et évolués de ce mouvement (sons déjà minoritaires).
Situation depuis les années 2000
Certains lieux survivent aujourd'hui, comme la légendaire discothèque Barraca qui, avec 50 ans derrière elle et après plusieurs courtes fermetures, est toujours debout, bien qu'avec une musique et une atmosphère très différentes de celles qui l'ont rendu populaire au milieu des années 1980, car elle est, depuis, devenue le porte-drapeau du mouvement techno à Valence. La Spook Factory rouvre en 2005 avec un succès notable sous le nom de Spook Club Vlc, est remplacée par Space Valencia pendant un an, puis rouvre en septembre 2008 sous le nom de Spook Club Vlc[13].
Notes et références
- (es) « Barraca: la madre de todas las discotecas », sur lasprovincias.es, (consulté le ).
- (es) « Reportajes | Regreso a la Ruta del Bakalao: 20 años de aquellas fiestas locas que duraban 4 días », sur elespanol.com, (consulté le ).
- (es) « La 'ruta del bakalao' cumple 40 años | Un repaso a la historia de aquel fenómeno nacido en la Comunitat Valenciana y que marcó a toda una generación », sur levante-emv.com, (consulté le ).
- (es) « Cultură | El creador del éxtasis en la Ruta del Bakalao », sur Vice Magazine (consulté le ).
- (es) « Reportajes | Muertes y delitos relacionados con la MDMA », sur revistaindependientes.com, (consulté le ).
- (ca) Joan M. Oleaque, En éxtasis. El bakalao como contracultura en España, Valence, Barlin Libros, , 192 p. (ISBN 9788494668333).
- (es) VIÑAS, Eugenio, « Valencia destroy », sur Podium Podcast, .
- (ca) Carlos Aimeur, No digas que fue un sueño: La Movida valenciana de los años 80 se reivindica, Valencia Plaza, (lire en ligne).
- (es) « Oggi, 1978: 40 años de la discoteca y el momento que desencadenó la Ruta », CulturPlaza (consulté le ).
- (es) « EL PAIS, 1993: Vera ordena a la policía que use la 'ley Corcuera' para controlar la 'ruta del bakalao' », sur elpais.com.
- (es) « EL PAIS, 1993: Detenidas 559 personas en la 'ruta del bakalao' durante el fin de semana », sur elpais.com.
- (es) Francisco Puig Diaz, « La Ruta del Bakalao : quand Valencia était l’épicentre de la fête », sur lepetitjournal.com, 30 septembre 2021 à 18:30 (consulté le ).
- (es) « El templo de la Ruta del Bakalao acaba en manos de un fondo buitre », sur elindependiente.com, (consulté le ).
Annexes
Bibliographie
- Joan M. Oleaque, En èxtasi. Drogues, música màkina i ball, Ara Llibres, (ISBN 9788496201125).
- (es) Joan M. Oleaque, En éxtasis. El bakalao como contracultura en España, Barlin Libros, (ISBN 9788494668333).
- (es) Luis Costa, ¡Bacalao! Historia oral de la música de baile en Valencia, 1980-1995, Contra, (ISBN 9788494561252).
Liens externes
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