Série des inverses des nombres premiers
En mathématiques, la série des inverses des nombres premiers est la série de terme général 1pi, où pi désigne le i-ème nombre premier. Le terme général de la série tend vers zéro, cependant, la suite (croissante) des sommes partielles n'est pas convergente pour autant : Leonhard Euler a démontré en 1737[1] que
ce qui renforce à la fois le théorème d'Euclide sur les nombres premiers et celui d'Oresme sur la série harmonique.
Preuve par l'analyse
La preuve suivante est due à Paul Erdős[2].
Supposons par l'absurde que la série des inverses des nombres premiers soit convergente. Il existe donc un entier naturel m tel que :
Définissons comme le nombre d'entiers strictement positifs inférieurs à x et qui ne sont pas divisibles par un nombre premier autre que les m premiers. Un tel entier peut être écrit sous la forme kr2 où k est un entier sans facteur carré.
Puisque seulement les m premiers nombres premiers peuvent diviser k, il y a au plus 2m choix pour k. Conjointement avec le fait qu'il y a au plus valeurs possibles pour r, cela nous donne :
Le nombre d'entiers strictement positifs inférieurs à x et divisibles par au moins un nombre premier différent des m premiers est égal à .
Puisque le nombre d'entiers inférieurs à x et divisibles par p est au plus x/p, nous obtenons :
ou encore
Or cette inégalité est fausse pour x suffisamment grand, en particulier pour x supérieur ou égal à 22m + 2, d'où une contradiction.
En affinant cette preuve par l'absurde, on peut même la transformer en une minoration explicite des sommes partielles de la série[3] :
- donc
ce qui confirme une partie[5] de l'intuition d'Euler :
« La somme de la série des inverses des nombres premiers […] est infiniment grande ; mais infiniment moins que la somme de la série harmonique […]. De plus, la première est comme le logarithme de la seconde[6]. »
Preuve par un produit eulérien
Connaissant l'équivalent
- quand ,
il suffit de montrer la divergence de la série de terme général , ou encore de son exponentielle, le produit (a posteriori infini) des . Or
(pour les égalités (1) et (2), voir l'article « Produit eulérien »).
Prenant les logarithmes des équivalents, on en déduit à nouveau que . On pourrait penser que cela implique que et donc que , mais il est en fait impossible de rendre rigoureuse cette démonstration du théorème des nombres premiers[7].
Développement asymptotique
Soit x un réel positif. Le développement asymptotique à deux termes de la série des inverses des nombres premiers est[8]:
- où est la constante de Meissel-Mertens[alpha 1] et la constante d'Euler.
Annexes
Notes
- La série servant à définir M est bien convergente, car par un calcul de développement limité on a pour tout entier positif i : , qui est le terme général d'une série convergente.
Références
- (la) « Variae observationes circa series infinitas » (E 072).
- (de) Paul Erdős, « Über die Reihe Σ 1p », Mathematica (Zutphen B), no 7, , p. 1-2 (lire en ligne) ; elle est reproduite au premier chapitre de Raisonnements divins.
- Gérald Tenenbaum et Michel Mendès France, Les nombres premiers, entre l'ordre et le chaos, Dunod, (1re éd. 2011) (lire en ligne), p. 22-23.
- On a majoré par 2 via une somme télescopique (ou une comparaison série-intégrale), mais on peut aussi utiliser sa valeur exacte : π26.
- Voir « Constante d'Euler-Mascheroni » et « Constante de Meissel-Mertens ».
- E 072, th. 19.
- Une analyse de cet argument et d'autres arguments heuristiques analogues est faite dans cette discussion (en) sur MathOverflow, et dans cette entrée (en) du blog de Terence Tao.
- G. H. Hardy et E. M. Wright (trad. de l'anglais par François Sauvageot, préf. Catherine Goldstein), Introduction à la théorie des nombres [« An Introduction to the Theory of Numbers »] [détail de l’édition], chapitre 22 (« La suite des nombres premiers (3) »), sections 22.7 et 22.8.
Articles connexes
- Constante de Meissel-Mertens : intervient dans le développement asymptotique de la série divergente étudiée ici
- Théorème de Brun : la série des inverses des nombres premiers jumeaux converge
Lien externe
(en) There are infinitely many primes, but, how big of an infinity?, sur le site Prime Pages de Chris Caldwell
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