Sarlabot

La race Sarlabot ou race désarmée ou race cotentine sans cornes[4] ou normande améliorée[5] est une race bovine française sans cornes créée vers 1840-1850 par Henri Philippe-Auguste Dutrône (1796-1866[6]), éleveur à Trousseauville-Dives[7]. Il souhaitait ainsi créer une race de bovins inoffensifs et éviter les accidents. Cette race connut une certaine notoriété et était en voie d'extinction vers 1900.

Sarlabot

Bœuf et vache de race Sarlabot[3].
Région d’origine
Région France
Caractéristiques
Autre
Diffusion race éteinte

C'est sous le nom de Sarlabot qu'un Bœuf Gras de cette race a participé au cortège des Bœufs Gras au Carnaval de Paris en 1857 et un autre en 1858.

Sarlabot est à Trousseauville-Dives le nom de la ferme où la race a été créée, ainsi que du château où à l'époque habite Dutrône[5]. La ferme fut transformée par la suite en restaurant[8] et à présent n'existe plus. Il exista également un golf de Sarlabot. Le château est toujours là[9]. Et un nouveau quartier de Dives-sur-Mer – situé en contrebas et créé en 2009, – porte le nom de Sarlabot[10].

À propos de la race Sarlabot

Sarlabot Bœuf Gras en 1857[11].
La ferme Sarlabot.

En 1857, au cortège carnavalesque parisien des Bœufs Gras, un des Bœufs Gras fait sensation. Il s'appelle Sarlabot, du nom de la ferme de Trousseauville-Dives dont il vient. Au-dessus de lui, sur son char, une banderole annonce : SARLABOT, Bœuf sans Cornes de Race Normande[12]. Il appartient à une nouvelle race sans cornes créée en France : la race Sarlabot.

La Presse littéraire le 15 mars 1857 parle de[13] : « Sarlabot, le bœuf de la nouvelle race cotentine, autrement dit normande, élevé et engraissé par M. Dutrône, sur son domaine de Sarlabot, à Trousseauville, canton de Dozulé (Calvados). »

La Presse du 23 février 1857 parle également de Sarlabot et souligne son absence de cornes : « le bœuf de race sans cornes, qui a fait hier l'admiration des connaisseurs[14] ».

Il s'agit d'un bœuf sans cornes, obtenu par des croisements de bovins de race Cotentine avec une race anglaise sans corne qui constituera la Red Polled (Suffolk ). Cette race nouvelle est le produit de 18 années d'efforts de son créateur. Le Journal d'agriculture pratique publie en 1857 un portrait gravé de la bête. Qui est repris pour illustrer deux brochures sur Sarlabot : Rapport de M. Magne et lettre de M.M. les membres du syndicat de la boucherie de Paris sur Sarlabot et Rapport sur Sarlabot Ier bœuf de la race Cotentine sans cornes.

On lit dans ce dernier rapport, fait en 1858 à la Société impériale zoologique d'acclimatation par Urbain Leblanc, membre de l'Académie de médecine et président de la Société de médecine vétérinaire de Paris :

M. Dutrône, conseiller honoraire à la Cour impériale d'Amiens, alarmé des quasi-délits, des accidents et des inconvénients de toute sorte qui proviennent de la présence des cornes chez l'espèce bovine, s'est appliqué à constituer une race nationale sans cornes, en alliant des animaux appartenant aux races anglaises et écossaises à tête nue avec des sujets à cornes de la race française COTENTINE ou normande.
Un bœuf Sarlabot fait partie des collections du Jardin d'Acclimatation à Paris en 1865[15].
Le Journal d'agriculture pratique nous apprend que plusieurs animaux de la race Sarlabot ont été repartis dans les environs de Paris et à Paris même, — qu'un taureau et une vache ont été donnés par M. Dutrône au Muséum d'histoire naturelle, — qu'une vache se trouve encore à l'ermitage de Sannois, près d'Enghien, chez M. Féline, et une autre chez M. Levasseur, à Maisons-Laffitte ; elles sont très bonnes laitières.— Il en a été de même de deux vaches mises par M. Dutrône à la disposition de M. Magne, qui a constaté à l'école d'Alfort leur qualité supérieure. Enfin, une vache donnée à une loterie en faveur de Petit-Bourg[16], est échue à M. Vuillaume, aux Thernes, où ses qualités laitières sont encore notoires.

Après celui de 1857, le deuxième Bœuf Gras Sarlabot qui défile au Carnaval de Paris en 1858, est jugé si réussi par les bouchers parisiens, qu'ils font porter en tête de l'animal ces mots sur un écusson[17] : « La boucherie reconnaissante pour la formation de la race sans cornes Sarlabot. »

Juste après le défilé 1858, le célèbre boucher Duval ayant acheté le Bœuf Gras Sarlabot, exige qu'il lui soit livré immédiatement. Dutrône refuse de le livrer avant quinze jours. Duval, qui s'estime lésé, attaque en justice Dutrône. Demande des dommages et intérêts. Pour justifier sa demande, il détaille avec précisions le budget du défilé des Bœufs Gras 1858 dont il est l'organisateur. La dépense totale s'élève à 14 187 francs et 10 centimes. Il perd son procès[18].

Dutrône cherche à propager la race qu'il a créé y compris hors de France. En août 1859, il offre un taureau et une génisse Sarlabot au roi et à la reine de Grèce[19].

Des opposants à la race Sarlabot

Maurice La Châtre, Nouveau dictionnaire universel, Paris 1865[20].

Dutrône n'a pas connu que des encouragements pour créer sa race. Comme le relève en passant L'Illustration, du 7 mars 1857, parlant de Dutrône : « Ainsi non content d'avoir, malgré bien des mauvais vouloirs, constitué dans sa province la souche d'une précieuse race[21] ».

Les sociétés d'éleveurs ont toujours refusé d'accorder à la race Sarlabot une catégorie spéciale[22].

C'est le rejet de la race Sarlabot par les éleveurs, pour des motifs qui ont été critiqués, qui finira par la faire disparaître[5].

Le Bœuf Gras Sarlabot IV.

Un jugement sévère de la race Sarlabot en 1867

Rendant compte des animaux présentés à l'Exposition universelle de 1867, le Journal d'agriculture pratique juge sévèrement les bœufs de race Sarlabot[23].

La fin du dernier troupeau en 1907

Le premier Bœuf Gras Sarlabot sur son char de Carnaval au défilé des Bœufs Gras 1857 à Paris[24].
Le deuxième Bœuf Gras Sarlabot sur son char de Carnaval au défilé des Bœufs Gras 1858 à Paris[25].
Deux brochures sur Sarlabot Bœuf Gras de 1857, l'une publiée en 1857, l'autre en 1858.

En juillet 1907, J. Giniéis, dans le Recueil de médecine vétérinaire fait l'histoire et la description de la race Sarlabot, et annonce son extinction, en dépit de ses qualités, du fait de l'hostilité des éleveurs normands[5].

La race Sarlabot dans la culture

La vache Sarlabot dans un poème de Victor Hugo en 1865

En 1865 paraît à Bruxelles le recueil de poèmes de Victor Hugo Les Chansons des rues et des bois. Dans celui-ci, dans le poème L'Ascension humaine, on trouve « la vache Sarlabot[26] ».

Extrait du poème de Victor Hugo :

« Va, Dieu crée et développe
« Un lion très réussi,
« Un bélier, une antilope,
« Sans le concours de Poissy[27].

« Il fait l'aile de la mouche
« Du doigt dont il façonna
« L'immense taureau farouche
« De la Sierra Morena ;

« Et dans l'herbe et la rosée
« Sa génisse au fier sabot
« Règne, et n'est point éclipsée
« Par la vache Sarlabot.

« Oui, la graine dans l'espace
« Vole à travers le brouillard
« Et de toi le vent se passe,
« Semoir Jacquet-Robillard[28] !

:

Notes et références

  1. Lithographie en couleurs, planche XXXI, extraite du livre Het Rundvee, zijne verschillende soorten, rassen en veredeling ; door G. J. Hengeveld, Haarlem 1865 Les Bovins, leurs différentes sortes, races et leur reproduction ; par G. J. Hengeveld, Harlem 1865 »). Dessin et peinture de la planche : G.J. Hengeveld. Lithographiée par Emrik et Binger. Elle se trouve après la page 266 du livre.
  2. Lithographie en couleurs, planche XXXI, extraite du livre Het Rundvee, zijne verschillende soorten, rassen en veredeling ; door G. J. Hengeveld, Haarlem 1865 Les Bovins, leurs différentes sortes, races et leur reproduction ; par G. J. Hengeveld, Harlem 1865 »). Dessin et peinture de la planche : G.J. Hengeveld. Lithographiée par Emrik et Binger. Elle se trouve après la page 266 du livre.
  3. Lithographie en couleurs, planche XXXI, extraite du livre Het Rundvee, zijne verschillende soorten, rassen en veredeling ; door G. J. Hengeveld, Haarlem 1865 Les Bovins, leurs différentes sortes, races et leur reproduction ; par G. J. Hengeveld, Harlem 1865 »). Dessin et peinture de la planche : G.J. Hengeveld. Lithographiée par Emrik et Binger. Elle se trouve après la page 266 du livre.
  4. « Pour créer cette race, M. Dutrône a allié, sur son domaine de Trousseauville-Dives (Calvados) , les taureaux sans cornes d'Angus et de Suffolk aux vaches cotentines ; cette race est connue sous le nom de race cotentine sans cornes ; elle est dite aussi race sarlabot. » Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique, 1868-1869, p. 242.
  5. ZOOTECHNIE, La race de Sarlabot, par J. Giniéis, répétiteur de zootechnie à l'École de Grignon., Recueil de médecine vétérinaire, 15 juillet 1907, pp. 434-437.
  6. Précisions des dates de naissance et mort de Dutrône et de ses prénoms donnés par : Michel Vivier H. P.-A Dutrône, notable philanthrope et les bovins désarmés de Sarlabot. Une aventure zootechnique dans le monde agricole augeron du XIXe siècle., Le Pays d'Auge, juillet août 2007, p. 10. Les mêmes dates sont indiquées sur le site Calames, dans la fiche bibliographique d'une lettre manuscrite conservée à la bibliothèque de la Sorbonne et adressée à Dutrône. Sur cette fiche il est appelé Henry Dutrône.
  7. On lit dans le Journal d'agriculture pratique, n°7, quatrième série, tome VII, 5 avril 1857, p. 314 :
    La vacherie de M. Dutrône présente, terme moyen, 20 à 25 têtes de bétail, vaches, veaux, taureaux et bœufs de tout âge.
    Elle existe depuis plus de quinze ans.
  8. La ferme de Sarlabot existait encore en 1921. Marcel Monmarché, à la page 266 du volume Normandie des Guides bleus Hachette, sorti cette année-là, indique que c'est un restaurant.
  9. L'ensemble, château, ferme et terres en dépendant formaient une grande propriété unique, ainsi décrite lors de sa mise en vente dans le Journal des débats, du 20 septembre 1872, p. 4, 4e colonne :
    Étude de Me TOUTAIN, notaire à Caen, 16, place Saint-Sauveur.
    A VENDRE
    par adjudication définitive, le 26 septembre 1872, à trois heures de l'après-midi, à Caen, en l'étude et par le ministère dudit Me Toutain, le
    CHÂTEAU DE SARLABOT ET TERRES EN DÉPENDANT,
    Le tout sis en la commune de Dives, section de Trousseauville, et par extension sur Grangues, arrondissement de Pont-l'Evêque.
    Cette propriété comprend, outre le château de Sarlabot et les réserves, trois fermes composées de bâtiments d'habitation et d'exploitation, terres en herbage, prés et labour.
    La superficie est de 64 hectares 60 ares 33 centiares.
    Le revenu, par baux authentiques et enregistrés, s'élève à 8,980 fr. par an (non compris la location du château).
    La situation de cette magnifique propriété est tout à fait exceptionnelle.
    Abritée de la mer par un rideau d'arbres séculaires, elle n'en jouit pas moins d'une vue splendide, s'étendant tout à la fois sur la mer, les stations de bains de Houlgate, de Beuzeval, de Cabourg-Dives, sur la belle vallée de la Dives (l'une des anciennes et renommées vallées d'Auge), sur l'embouchure de l'Orne.
    Trouville est a 16 kilomètres.
    Un chemin de fer en voie d'exécution va mettre prochainement Dives et Beuzeval en communication directe avec Paris.
    Mise à prix abaissée a 330,000 fr.
    Une seule enchère fera prononcer l'adjudication.
    S'adresser pour les renseignements
    A Paris, à Me Bazin, notaire, rue de Menars,
    Et à M. Mignot, rue de Richelieu, 97, passage des Princes (escalier B), chez lequel sont déposés des plans et des vues de la propriété.
    A Dives, à M. Fleury, percepteur ;
    A Caen, à Me Toutain, notaire, dépositaire des titres de propriété et du cahier des charges.
  10. Voir un article sur le site Internet du journal Le Pays d'Auge, qui parle du quartier Sarlabot et indique la date de sa création.
  11. Dessin d'Eugène Lambert gravé par Pesard et publié en 1857 dans le Journal d'agriculture pratique. Il est repris pour illustrer deux brochures sur Sarlabot : Rapport de M. Magne et lettre de M.M. les membres du syndicat de la boucherie de Paris sur Sarlabot et Rapport sur Sarlabot Ier bœuf de la race Cotentine sans cornes.
  12. Le terme Normande est utilisé ici dans le sens de zone géographique et pas de race normande au sens actuel.
  13. Promenade des bœufs gras., Introduction en France d'une nouvelle race., La Presse littéraire, 15 mars 1857, p. 344.
  14. La Presse, 23 février 1857. Voir l'article reproduit sur la base Commons.
  15. Pierre-Henri-Louis-Dominique Vavasseur Guide du promeneur au Jardin zoologique d'acclimatation, éditeur : au Jardin zoologique d'acclimatation, Paris, mai 1865, p. 51.
  16. Le Petit-Bourg mentionné ici est situé dans le département de Seine-et-Oise et se trouve être un orphelinat et colonie agricole ouvert en 1844. Cet orphelinat est mentionné par exemple par La Mode, revue des modes, galerie de mœurs, album des salons, en 1849, page 533.
  17. Annales de l'agriculture française, 1858, p.176.
  18. Petit-Jean Courrier du Palais, Le Monde illustré, 8 mai 1858, p. 299, 1re et 2e colonnes. Voir l'extrait de cet article où il est question de ce procès, reproduit sur la base Commons.
  19. Journal de Gand, Extrait du n°6, du 3 mars 1860., Agriculture, élevage. Race Cotentine sans cornes, les Sarlabot: délibération du Conseil Communal de Gand et programme de concours, Vanderhaeghen, 1860, p. 12.
  20. Maurice La Châtre, Nouveau dictionnaire universel, Docks de la Librairie, Paris 1865, tome premier, p. 60, 3e colonne.
  21. L'Illustration, 7 mars 1857
  22. Bulletin des séances de la société nationale d'agriculture de France, séance du 27 janvier 1904, p. 62.
  23. Journal d'agriculture pratique, 1867, p. 557, 1re colonne.
  24. Le Moniteur des comices et des cultivateurs, Journal spécial des associations, des établissements et des intérêts agricoles, tome 2e, novembre 1856-octobre 1857, p. 290.
  25. Détail d'un dessin pleine page figurant le cortège de la promenade du Bœuf Gras, paru dans Le Monde illustré, 27 février 1858, p. 136.
  26. L'Ascension humaine, Les chansons des rues et des bois, Livre second – Sagesse, 4e édition, Librairie internationale, Paris 1866, p. 364.
  27. Le concours de Poissy était un célèbre concours d'animaux de boucherie qui se déroulait à Poissy, près de Paris.
  28. Voir l'image et la description du semoir à la volée de Jacquet-Robillard. dans le Journal d'Agriculture pratique, 1861, p. 421.

Sources

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