Schisandra chinensis

Schisandra chinensis ( en Chinois, pinyin: wǔwèizi[N 1]), graine aux cinq saveurs[1] est une espèce de liane arborescente sauvage originaire du Nord Est de la Chine (Heilongjiang, Jilin et Liaoning) et de Mongolie. Elle appartient à la famille des Schisandraceae.

Étymologie

Le terme de "schisandra" dérive du grec "schizein" « diviser, séparer » et "andros" « homme », en référence aux cellules séparées de l'anthère de S. coccinea[2].

Description

Schisandra chinensis est une liane arborescente caduque, sauvage à croissance lente pouvant atteindre 9 à 10 mètres de long[réf. nécessaire]. Elle s'enroule autour des arbres et peut atteindre leur sommet.

Un pétiole de 0,9-cm porte une feuille simple elliptique à obovée, de 4,5-8 × 2,5-6,5 cm[3].

La fleur est axillaire et solitaire. Elle comporte de 5 à 9 tépales, de couleur blanche à jaune. Les fleurs sont unisexuées, mâles et femelles en général sur des pieds différents. L'espèce est donc dioïque (parfois monoïque) et nécessite un plant mâle et une femelle pour fructifier. Il existe une variété monoïque "Eastern prince". Après avoir été fécondée, le réceptacle de la fleur femelle s'allonge[4] et dispose les drupes formées à partir des différents carpelles dans une structure ayant l’apparence d'une grappe.

Les fruits sont des drupes[N 2] rouges de 5 à mm de diamètre apparaissant en grappes[3].

Répartition

Schisandra chinensis pousse en montagne entre 250 m et 1 700 m[3] dans les ravins et le long des cours d'eau.

On trouve cette liane en Chine du Nord-Est, dans le nord du Japon, en Corée et en Russie Extrême-Orientale

C'est une plante cultivée pour son fruit comestible, utilisé en médecine chinoise traditionnelle. Elle est rustique jusqu'en zone USDA 4 et pousse bien à l'ombre même si elle a besoin de soleil pour mettre à fruits.

Nomenclature et systématique

Son nom chinois wǔwèizi tient au fait que l'on trouve les cinq saveurs de la cuisine chinoise dans la plante[4] : le fruit est sucré et sa peau aigre, le noyau est épicé et amer et les feuilles mâchées laissent un arrière-goût salé.

Synonyme : Kadsura chinensis Turcz. (basionyme)
La première description botanique fut l'œuvre du botaniste russe Nikolaï Tourtchaninov qui en 1832 la nomma Kadsura chinensis[5]. En 1866, le botaniste français, Henri Ernest Baillon (1827-1895) transféra l'espèce dans le genre Schisandra, si bien qu'on l'appelle maintenant Schisandra chinensis (Turcz.) Baill.

Culture

La culture de Schisandra chinensis n'est pas facile. Elle a besoin d'un sol riche et humide. La liane ne résiste pas à la sécheresse ou à un haut degré d'humidité.

Le semis donne un faible taux de germination[6]. En cas de réussite, les premiers fruits apparaissent à l'âge de 5 ans.

La bouture est également difficile et seule la bouture herbacée permet d'obtenir environ 1/3 de réussite.

L'espèce est sensible à l'oïdium et peut être traitée à la bouillie bordelaise.

La plante est cultivée comme la vigne sur des espaliers[7].

La récolte, d'environ kg par arbre, s'effectue en septembre-novembre.

Composition des graines aux cinq saveurs

Les baies contiennent 20 % de sucre, 11 % d'acide citrique, 10 % de protéines, 10 % d'acide malique, 2 % d'acide tartrique, 17 sortes d'acides aminés et de nombreuses vitamines (A, B6, C, E), oligo-éléments (germanium, sélénium, iode et zinc) et huiles essentielles[8].

La recherche du composé actif responsable de l'effet stimulant a conduit à la découverte de la schisandrine (Balandin 1951), un composé de la famille des lignanes. Il fut montré que parmi six fractions différentes, la schisandrine était le principe activant le plus les performances mentales[8]. Viennent ensuite la gamma-schisandrine puis d'autres lignanes secondaires : gomisine A, B, C, D, E, F.

Utilisation en médecine traditionnelle

  • Chine :

Les graines aux cinq saveurs sont utilisées en herbologie chinoise, où l'on considère cette espèce adaptogène, comme une des « 50 plantes fondamentales » [9]. Les fruits du wǔwèi sont le plus souvent utilisés séchés puis bouillis pour en faire une infusion.

La médecine traditionnelle chinoise tire ses principes depuis son origine, de la théorie du yin-yang et de la théorie cosmologique des cinq phases, qui rassemble en classes de cinq entités la multiplicité des phénomènes naturels et humains. Les cinq phases (Bois, Feu, Terre, Métal, Eau) sont associés aux cinq viscères pleins (Foie, Cœur, Rate, Poumon, Rein), aux cinq saveurs (Aigre, Amer, Sucré, Épicé, Salé) et aux cinq sens (vue, parole/toucher, goût, odorat, ouïe). Ces règles de correspondance servent à établir les relations entre les propriétés organoleptiques des plantes et leurs actions thérapeutiques.

La première encyclopédie de matière médicale chinoise, le Shennong bencao jing (au Ier siècle), décrit la graine aux cinq saveurs comme « aigre et chaud. Elle stimule le qi... elle fortifie le yin et stimule l'essence mâle[10] ». La saveur aigre prédominante indique une aptitude à pénétrer les organes yin, le foie et les reins. De tous temps, les graines aux cinq saveurs ont été prescrites pour les patients souffrant du foie et des reins et ceux ayant des sueurs nocturnes et des émissions nocturnes[4].

Tonifiant général, la Schisandra a été donnée durant des siècles aux jeunes Chinois avant leur nuit de noce, afin qu’ils honorent, comme il se doit, leur jeune épouse. C’est en effet un activateur, au niveau du système nerveux central, des cinq sens : goût, odorat, ouïe, vue et surtout toucher. Ses vertus anti-fatigue en font un aphrodisiaque aussi prisé en Chine que le ginseng (auquel on peut l’associer). D’ailleurs, la tradition chinoise affirmait que les baies de Schisandra permettaient de «posséder dix femmes pendant cent nuits».

Ces baies ne doivent pas être consommées par les femmes enceintes.

Tisane de schisandra

En Chine, on fabrique également une sorte de baijiu (alcool) avec ses fruits.

En Corée, ces baies sont appelées omija (hangeul: 오미자), et le thé qui en est extrait est l'omija cha (hangeul: 오미자 차). En Japonais, les baies sont appelées gomishi.

  • Russie

Les fruits de la Schisandra chinensis ont été utilisés par les populations de chasseurs Nanai[N 3] dans la Russie Extrême-Orientale, pour améliorer la vision nocturne, comme reconstituant ainsi que pour réduire la faim et la soif[8]: « ça permet de poursuivre une zibeline toute une journée sans manger » disent-ils. Cet effet pouvant être fort utile aux soldats, attira l'intérêt des autorités soviétiques durant la dernière Guerre Mondiale qui lancèrent alors un vaste programme d'étude des propriétés de la limonnik (le nom russe de la plante)[8].

Études pharmacologiques

Les chercheurs de l'ancienne Union soviétique ont mené de très nombreux travaux[8] des effets sur l'animal d'extraits éthanoliques des graines sèches de Schisandra chinensis (EGS). Ces études ont révélé une protection contre le stress, une augmentation de la capacité de travail physique, une stimulation du système nerveux central et une activité antioxydante.

Ils ont montré que l'administration d'EGS (extrait de graines de Schisandra) à la dose de 0,05 mL/kg augmentait la durée de nage des souris blanches de 71 ± 4 min à 120 ± 11 min (Lupandin, 1965, 1981, 1986). L'extrait de Schisandra accroit la résistance des animaux de laboratoire soumis à diverses conditions stressantes comme la chaleur ou le froid extrêmes ou la diminution de la pression atmosphérique. L'expérimentation animale a aussi montré que l'extrait alcoolique de l'amande de la graine était anti-hépatotoxique. Une activité antioxydante a été aussi mise en évidence sur le lapin par administration orale de Fructus Schisandra.

Des études récentes ont montré que les lignanes de la plante pourraient expliquer certains de ces effets. Ces composés sont des polyphénols formés de deux unités phénylpropanoïdes.

La schisandrine, le composant actif de la classe des lignanes, le plus abondant dans les graines aux cinq saveurs, procure une protection des tissus contre des dommages oxydatifs en renforçant le statut antioxydant du glutathion[11]. Plusieurs études de la Hong Kong University ont montré qu'un traitement à la schisandrine B pouvait protéger contre les dégâts provoqués par les radicaux libres sur la peau, le cerveau, le cœur, les reins et le foie des rongeurs.

Le vieillissement photo-induit de la peau est dû à la dégradation de la matrice extracellulaire. L'irradiation solaire de la peau augmente les dérivés réactifs de l'oxygène (DRO) qui accroissent l'activité des protéases de type élastases et MMP-1 chez le fibroblaste humain et provoquent la dégradation de la matrice extracellulaire. Le prétraitement par la schisandrine B ou C supprime l'accroissement d'élastases et MMP1 induit par irradiation solaire. La diminution du glutathion réduit (GSH) cellulaire provoquée par l'irradation solaire est limitée si elle est accompagnée par un prétraitement à la schisandrine B. La réponse antioxydante du glutathion obtenu par l'action pro-oxydante des schisandrine B et C peut renforcer la résistance des fibroblastes humains aux dégâts oxydatifs provoqués par l'irradiation solaire.

La consommation prolongée d'alcool produit une augmentation du stress oxydatif dans le foie et divers autres organes. Un traitement prolongé à l'éthanol de rats permet d'observer une diminution des paramètres anti-oxydants mitochondriaux[N 4] dans divers tissus. Si celui-ci s'accompagne d'un cotraitement à la schisandrine B, on observe une amélioration des paramètres antioxydants mitochondriaux[12]. Celle-ci est accompagnée par une augmentation significative des protéines de choc thermique (HSP) dans tous les tissus et particulièrement dans le cœur.

Plusieurs essais sur l'animal indiquent que les fruits de S. chinensis sont hépatoprotecteurs[13], en favorisant la régénération des cellules hépatiques en cas d'atteinte toxique (au tétachlorure de carbone).

La présence importante de lignagne dans cette plante fait qu'il est considéré par certain comme un stimulant qui augmenterait les sécrétions sexuelles[14]

Notes

  1. morphologiquement « 5-parfums-baie»
  2. ce sont des agrégats d'apocarpes cf. Flora of China parfois aussi qualifiées de baies, en précisant qu'elles sont en général uniséminées
  3. Les Nanai sont une population toungouse vivant dans le bassin moyen du fleuve Amour, descendant des Jurchens.
  4. glutathion réduit (GSH), alpha-tocophérol (a-TOC), glutathion réductase (GR), glutathion S-transférase (GST), Mn-superoxyde dismutase (MnSOD)

Références

  1. Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes médicinales, 4e éd., revue et augmentée, Paris, Tec & Doc - Éditions médicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
  2. (en) Steven Foster et Yue Chongxi, Herbal Emissaries : Bringing Chinese Herbs to the West : A Guide to Gardening, Herbal Wisdom, and Well-Being, Inner Traditions / Bear & Co, , 356 p. (ISBN 978-0-89281-349-0, lire en ligne)
  3. (en) Référence Flora of China : Schisandra chinensis
  4. (zh) Shiu-ying Hu, Food Plants of China, The Chinese University Press (HK), , 844 p.
  5. Steven Foster et Chongxi Yue, Herbal emissaries. Bringing Chinese herbs to the West : a guide to gardening, herbal wisdom, and well-being, Inner Traditions / Bear & Co, , 356 p.
  6. Cultural Requirements for Cultural Production of Schisandra chinensis
  7. Culture de Schizandra dans le Liaoning
  8. Alexander Panossian and Georg Wikmana, « Pharmacology of Schisandra chinensis Bail.: An overview of Russian research and uses in medicine », Journal of Ethnopharmacology, vol. 118, no 2, , p. 183-212
  9. Bown. D. Encyclopaedia of Herbs and their Uses. Dorling Kindersley, London. 1995 (ISBN 0-7513-0203-1)
  10. 味酸,溫。主益氣,咳逆上氣,勞傷羸瘦。補不足,強陰,益男子精
  11. Po Yee Chiu, Philip Y. Lam, Chung Wai Yan, Kam Ming Ko, « Schisandrin B protects against solar irradiation-induced oxidative injury in BJ human fibroblasts », Fitoterapia, vol. 82, no 4, , p. 682-691
  12. Philip Y. Lam, Po Yee Chiu, Hoi Yan Leung, Na Chen, Pou Kuan Leong, Kam Ming Ko, « Schisandrin B co-treatment ameliorates the impairment on mitochondrial antioxidant status in various tissues of long-term ethanol treated rats », Fitoterapia, vol. 81,
  13. J. L. Hancke, R. A. Burgos, F. Ahumada, « Schisandra chinensis (Turcz.) Baill », Fitoterapia, vol. 70, no 5, , p. 451-471
  14. Chevalier, A., & L. (2014). Larousse des plantes médicinales - Nouvelle présentation : Identification, préparation, soins (Petit Larousse de. . . Santé, Larousse, Paris, p.130
  • (en) Winston, David, and Steven Maimes (2007). ADAPTOGENS: Herbs for Strength, Stamina, and Stress Relief. Healing Arts Press. (Contains a detailed monograph on S. chinensis as well as a discussion of health benefits.)

Liens externes

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