Seconde guerre civile soudanaise
La seconde guerre civile soudanaise a commencé en 1983, même si elle est plus précisément une suite de la première guerre civile soudanaise de 1955 à 1972. Elle s'est déroulée principalement dans le Soudan du Sud et fut l'une des guerres les plus longues et les plus meurtrières du XXe siècle. En effet, le bilan s'évaluait à 2 millions de morts, les rebelles séparatistes du Sud s'étant opposés au gouvernement central, et plus de 4 millions d'habitants du sud ont été forcés d'abandonner leur foyer. Le nombre de victimes civiles est l'un des plus élevés de toutes guerres, depuis la Seconde Guerre mondiale. Le conflit a officiellement pris fin avec la signature d'un accord de paix en .
Pour les articles homonymes, voir Guerre civile soudanaise.
Ne doit pas être confondu avec Guerre civile sud-soudanaise.
Date |
– (21 ans, 7 mois et 4 jours) |
---|---|
Lieu |
Nil Bleu Monts Nouba Soudan du Sud |
Casus belli | Déclaration du président Gaafar Nimeiry d'islamiser le pays. |
Issue |
Accord de Naivasha (en). Accord de paix avec le front de l'Est du Soudan. Indépendance de la République du Soudan du Sud à la suite d'un référendum en . Conflit au Kordofan du Sud. |
Soudan
SSDF (en) Soutien militaire : Soutien non-militaire : Biélorussie (depuis 2002)[1] | SPLA
SSLM (en) Soutien militaire : |
Gaafar Nimeiry Abdel Rahman Swar al-Dahab | John Garang Salva Kiir |
Le conflit a été marqué par de nombreuses violations des droits de l'homme. Parmi celles-ci figurent l'esclavage[2] et des massacres.
Origines et causes
Cette guerre est habituellement représentée comme un combat entre les populations du Sud, non Arabes, et celles du Nord, contrôlées par un gouvernement arabe. Les royaumes et les grandes puissances situées le long du Nil ont combattu les Soudanais des terres depuis des siècles. Depuis au moins le XVIIe siècle, les gouvernements centraux arabes ont essayé de réguler et d'exploiter les catholiques du Sud et du centre du Soudan[3].
Durant la domination coloniale britannique du Soudan anglo-égyptien, ceux-ci administraient les provinces du nord et du sud séparément. Le Sud était considéré comme similaire aux autres colonies est-africaines — Kenya, Tanzanie, et Ouganda — alors que le nord du Soudan s'apparentait plus aux colonies arabes (Égypte). Les Arabes du nord ne pouvaient obtenir des positions de pouvoir dans le sud catholique dominé, et des barrières au commerce entre les deux régions étaient mises en place.
Cependant, en 1946, les Britanniques cédèrent à la pression du nord pour réunifier les deux régions. L'arabe devint la langue administrative au sud, et les populations du nord commencèrent à y obtenir des postes de pouvoir. Les élites du sud, anglophones, ressentirent ce changement comme une mise à l'écart de leur propre gouvernement[4]. Après la décolonisation, la plupart des pouvoirs fut donnée aux élites du nord, basées à Khartoum, causant des troubles dans le sud.
En 1955, le ressentiment des populations du sud par rapport à la domination du nord arabe musulman culmina lors d'une mutinerie des troupes du sud dans la province d'Équatoria-Central. Ces troupes se révoltaient contre le gouvernement de Khartoum car celui-ci n'avait pas tenu sa promesse faite aux britanniques de créer un système fédéral. Durant les 17 années suivantes, la région du sud se retrouva confrontée à un conflit civil, et plusieurs leaders du sud militèrent pour l'autonomie ou la sécession.
Un autre élément d'explication de la seconde guerre civile tenait en la présence de nombreuses sources de pétrole, particulièrement dans le sud. Les revenus du pétrole constituaient près de 70 % des gains du Soudan à l'exportation. Du fait des nombreux affluents du Nil et des précipitations plus importantes dans le sud du Soudan, celui-ci a un meilleur accès à l'eau, et est de ce fait bien plus fertile. Le nord du pays est situé au commencement du désert du Sahara. Le désir des populations du nord de contrôler ces ressources, et de celles du sud d'en conserver la maîtrise, contribua à la guerre. Une guerre parallèle entre les Nuer et les Dinka faisait aussi rage au sud.
Loi pénale de 1991
En , un nouveau code pénal, la loi pénale de 1991, a institué des peines sévères dans tout le pays, y compris des amputations et des lapidations. Bien que les États du sud aient été officiellement exemptés de ces interdictions et sanctions islamiques, la loi de 1991 prévoyait une possible application future de la loi islamique de la charia dans le sud. En 1993, le gouvernement a transféré la plupart des juges non musulmans du sud vers le nord, les remplaçant par des juges musulmans dans le sud[5]. L'introduction de la police de l'ordre public pour faire appliquer la loi de la charia a entraîné l'arrestation, et la mise en application de sanctions suivant la charia envers des habitants du sud et d'autres non musulmans vivant dans le nord.
Commencement
Cet état d'insurrection chronique contre le gouvernement central fut suspendu en 1972, après la signature des Accords d'Addis-Abeba qui garantissait au sud du Soudan une importante autonomie en matière interne. En 1983, le Président Nimeiry lança une campagne d'islamisation, déclarant son intention de transformer le Soudan en un État arabe musulman, de diviser le sud en trois régions et d'instituer la charia. Cette déclaration fut controversée même au sein des groupes musulmans. Après avoir questionné la légitimité de Nimeiry à islamiser la société soudanaise, le chef Ansar Sadeq al-Mahdi fut assigné à résidence.
Le , le président Nimeiry déclara l'état d'urgence, en partie pour s'assurer que l'application de la Shari’a s'étende. La plupart des droits constitutionnellement garantis furent suspendus. Dans le nord, des cours d'urgence, connues plus tard sous le nom de "Cours décisives de justice" furent mises en place, et munies d'une juridiction sommaire concernant les affaires criminelles. Les populations du sud et d'autres non-musulmans vivant dans le nord furent soumis à ce type de punitions. Ces évènements, ainsi que d'autres griefs durables, conduisirent en partie à la reprise de la guerre civile.
L'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) fut fondée en 1983 en tant que groupe de rebelles non-musulmans du sud se battant contre le gouvernement central et tentant d'établir un État laïc et socialiste du Soudan sous leur gouvernance. Leur chef était John Garang.
En , le président Nimeiry annonça la fin de l'état d'urgence et mis fin aux Cours d'urgence, mais promulgua bientôt un nouvel acte judiciaire, qui pérennisait un nombre élevé des pratiques des cours d'urgence. Malgré les affirmations publiques de Nimeiry que les droits des non-musulmans seraient respectés, les populations du sud et les autres non-musulmans restèrent extrêmement suspicieux.
Nettoyage ethnique
Selon certains analystes, les populations civiles noires du Sud ont été victimes d'une politique du pouvoir arabe de Khartoum d'inspiration raciste et totalitaire sous la forme d'une guerre d'extermination[6]. Selon un certain nombre d’observateurs kényans, un racisme systématique est à l'origine des violences et la cause profonde de la volonté arabe d’élimination systématique des Noirs au Darfour[7].
Esclavage
L'esclavage est toujours pratiqué au Soudan[8]. L'esclavage est utilisé par le gouvernement du Soudan comme un outil de guerre mais pas uniquement. Les esclavagistes arabes choisissent leurs victimes en fonction de leur race, de leur ethnie et de leur religion et considèrent les Noirs du Sud comme des infidèles inférieurs[9],[2].
Conséquences sociales
La guerre civile a déplacé plus de 4 millions de personnes (populations du sud). Certains fuirent vers les villes plus au sud, telles que Djouba; d'autres marchèrent vers le nord, jusqu'à Khartoum voire jusqu'à l'Éthiopie, le Kenya, l'Ouganda, l'Égypte, et d'autres pays voisins. Les réfugiés parviennent parfois jusqu'en Europe comme l'illustre le témoignage de Naomi Baki[10]. Ces personnes n'étaient pas capable de cultiver de la nourriture ou de gagner de l'argent pour se nourrir, et la malnutrition et la famine se répandirent (voir aussi Famine de 1998 au Soudan). On estime à 500 000 le nombre de Soudanais ayant fui le Soudan.
Le manque d'investissements dans le sud résultait aussi de ce que les organisations humanitaires appellent une "génération perdue" qui n'ont pas accès à l'éducation ou aux services de soins de base, et pas de perspective d'emploi dans les petites et faibles économies du nord et du sud.
Conséquences politiques
L'accord qui permit la fin de la guerre en 2005 a aussi contribué à la création du conflit au Darfour.
Un référendum sur l'indépendance du Soudan du Sud a eu lieu le . L'indépendance du Soudan du Sud n'a pas empêché le maintien du conflit dans les zones sudistes encore situées au Soudan.
Articles connexes
- Dave Eggers, Le grand Quoi, roman américain (2006)
- Naomi Baki (1985-), réfugiée sud-soudanaise en France, auteure de Je suis encore vivante, Dix ans d'errance du Soudan à l'Europe (2013)
- The Good Lie (2014), film américain sur les Enfants perdus du Soudan
Notes et références
- Торговля оружием и будущее Белоруссии
- (en) Jok Madut Jok, War and Slavery in Sudan, University of Pennsylvania Press, , 211 p. (ISBN 978-0-8122-1762-9, lire en ligne)
- Lee J.M. Seymour, Review of Douglas Johnson, The Root Causes of Sudan’s Civil Wars. African Studies Quarterly, African Studies Quarterly, Volume 7, Numéro 1, Printemps 2003 (TOC). Consulté le 10 avril 2007.
- What's happening in Sudan?, Sudanese Australian Integrated Learning (SAIL) Program. Archivé le 27 décembre 2005 sur l'Internet Archive. Consulté le 10 avril 2007.
- U.S. DEPARTMENT OF STATE « https://web.archive.org/web/20111006082333/http://dosfan.lib.uic.edu/ERC/democracy/1993_hrp_report/93hrp_report_africa/Sudan.html »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), "SUDAN HUMAN RIGHTS PRACTICES", 1994, Section 1b, paragraph 4. Retrieved 7 February 2010
- Véronique Nahoum-Grappe et Pierre Pachet, « Silence sur le Soudan », Esprit (1940-), no 286 (7), , p. 27–32 (ISSN 0014-0759, lire en ligne, consulté le )
- Étienne Damome, « Kenya : Arabes, racisme et génocide », Outre-Terre, vol. n° 20, no 3, , p. 369 (ISSN 1636-3671 et 1951-624X, DOI 10.3917/oute.020.0369, lire en ligne, consulté le )
- Kevin Bales, « Expendable People: Slavery in the Age of Globalization », Journal of International Affairs, vol. 53, no 2, , p. 461–484 (ISSN 0022-197X, lire en ligne, consulté le )
- (en) « Slavery in Africa Is Alive, Well and Ignored », sur HuffPost Canada, (consulté le )
- Naomi Baki, Je suis encore vivante, Paris, Le Cerf, 2013.
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