Services de renseignement syriens
Les services de renseignement syriens, ou services secrets syriens, appelés communément « forces de sécurité » ou mukhabarat (en arabe : مخابرات, informateurs), sont omniprésents en Syrie et ont une grande importance dans le fonctionnement du régime baasiste sous Hafez el-Assad puis Bachar el-Assad. Ils sont connus pour former un appareil répressif d’une rare efficacité, exercer un contrôle puissant sur l'ensemble de la société civile, en surveillant tout, en toute immunité. Les arrestations arbitraires, disparitions forcées et la torture dans les centres de détention dirigés par les différentes branches des services de renseignement syriens sont des pratiques très répandues[1],[2],[3],[4],[5].
Les services de renseignement sont dirigés par le directeur du Bureau de la sécurité nationale syrienne. C'est le général Ali Mamlouk qui occupe ce poste depuis , il est sous sanction internationale et fait l'objet de mandats d'arrêt internationaux[6],[7],[8],[9].
Les services de renseignements surveillent l'ensemble de la population civile, les différents corps armés, les journalistes étrangers (parfois arrêtés, emprisonnés, voire assassinés tout comme leurs confrères syriens), ainsi que les diplomates et personnes se rendant en Syrie ou étant en contact avec des militants syriens depuis l'étranger. Ils constituent une base essentielle permettant au régime de tenir[10],[11].
Histoire
Ces services sont mis en place alors qu'Hafez el-Assad s'empare du pouvoir lors d'un coup d’État en 1970. Hafez el-Assad est aidé par Aloïs Brunner, ancien responsable nazi et bras droit d'Adolf Eichmann, exilé en Syrie, pour la mise en place de ces services. C'est ce dernier qui forme tous les responsables des services de renseignements, y compris aux techniques d'interrogatoire et de torture. À la mort d'Hafez, son fils, Bachar el-Assad, hérite d’un « appareil de terreur et de secret (qui) n’a cessé de se perfectionner » pendant 30 ans, solidement installé à tous les niveaux du pouvoir, et qui contrôle jusqu’aux moindres détails de la vie quotidienne des Syriens. « Complexe, divisé en nombreuses branches qui toutes se surveillent et s’épient, fonctionnant sur la base du cloisonnement absolu, cet appareil s’érige sur un principe : tenir le pays par l’usage d’une terreur sans limites. »[12],[13],[14],[10].
Méthodes et fonctionnement
Prisons
Les centres de détentions gérés par les services sont réputés parmi les pires au monde, notamment pendant la guerre civile syrienne, pendant laquelle des millions de Syriens sont surveillés et arrêtés ou enlevés, civils (étudiants, médecins, infirmiers, journalistes, militants...) mais aussi militaires (soupçonnés de vouloir déserter ou de soutenir le soulèvement révolutionnaire). À cette période, le nombre de prisonniers politiques et de détenus d'opinion, déjà très importants, explose littéralement, ainsi que le nombre d'arrestations arbitraires et disparitions forcées, l'usage systématique de la violence et de la torture est largement décrit et documenté[15],[2],[16].
Diplomatie
Les services secrets syriens surveillent les Syriens exilés à l'étranger, via leurs ambassades, et ils surveillent également les diplomates étrangers en Syrie. En 2011, un diplomate français explique à la journaliste Sofia Amara, en reportage en Syrie, qu'il pense sa ligne sur écoute, que ses collègues et lui sont suivis et surveillés dans leurs déplacements, que la « valise diplomatique à destination de Paris fait parfois l'objet d'une fouille discrète de la part des services syriens, en violation des règles du droit diplomatique »[11],[15].
Organisation des différents services
Les services secrets syriens, dénommés de manière générique, « renseignements », sont composés de 4 organisations, elles-mêmes divisées en de nombreuses branches :
- Direction générale de la Sécurité, ou Idarat al-Amn al-Amm, régulièrement appelée par son ancien nom, « Sécurité d’État »
- Service de renseignement de l'armée de l'air, Direction des renseignements de l'aviation, ou Idarat al-Mukhabarat al-Jawiyya
- Direction de la sécurité politique, ou Idarat al-Amn al-Siyasi
- Direction de l'Intelligence militaire, Département des renseignements militaires, ou Shu'bat al-Mukhabarat al-Askariyya[17]
Les Syriens qui sont arrêtés ou victimes de disparition forcée ne savent généralement pas précisément à quel service ils ont affaire. Leurs proches s'adressent, le plus souvent en vain, aux différents services afin d'essayer d'obtenir des informations, contre de l'argent.
Les branches des services de renseignement, qui comportent des « centres d'investigations » (interrogatoires où la torture est communément employée) et des prisons secrètes, sont numérotées, et plusieurs d'entre elles sont devenues « tristement célèbres » avec des surnoms populaires, telles la Branche 235, dite Branche Palestine, la branche 251, dite Branche al-Khatib, ou la branche 215, surnommée « Branche de la mort ».
Justice
Des sanctions internationales et mandats d'arrêts internationaux sont mis en place après le témoignage et les plaintes de réfugiés Syriens en Europe[8].
En 2019, deux anciens agents des renseignements, dont Anwar Raslan, un haut gradé, sont arrêtés en Allemagne. En 2020, leur procès s'ouvre à Coblence. Raslan est inculpé de 58 chefs d'accusation, dont des crimes contre l'humanité, actes de torture, viol et sévices sexuels.
Notes et références
- Jean-Pierre Perrin, « Le massacre de Houla, ce monstrueux révélateur », sur Libération.fr, (consulté le )
- « Walls-Have-Ears », Syria Accoutability Project, (syriaaccountability.org/wp-content/uploads/Walls-Have-Ears-English.pdf)
- « Les disparitions forcées, arme de guerre de Bachar Al-Assad », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « À la recherche d’Anwar Raslan, tortionnaire syrien », sur Les Jours, (consulté le )
- « Colonel Raslan », le podcast sur les traces de « La traque », sur Les Jours, (consulté le )
- Luc Mathieu, « Ali Mamlouk Directeur du bureau de la sécurité nationale », sur Libération.fr, (consulté le )
- Le Point magazine, « Le général Ali Mamlouk devient chef de l'appareil sécuritaire syrien », sur Le Point, (consulté le )
- « Trois dignitaires syriens visés par des mandats d’arrêt émis par la justice française », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « France issues arrest warrants for senior Syrian officials », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
- « Syrie : documenter dix ans de guerre. Avec Jean-Pierre Perrin, Garance Le Caisne et Jean-Philippe Rémy. », sur France Culture (consulté le )
- Sofia Amara, Infiltrée dans l'enfer syrien : du printemps de Damas à l'État islamique, Paris, Stock, , 257 p. (ISBN 978-2-234-07618-1), p. 100 à 102
- « Syrie: comment le nazi Aloïs Brunner a formé le premier cercle du clan Assad », sur Franceinfo, (consulté le )
- « Les numéros XXI », sur www.revue21.fr (consulté le )
- « Hussein Ghrer, survivant des geôles syriennes », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- « "Les murs ont des oreilles" : enquête sur les dérives des services de sécurité syriens », sur France 24, (consulté le )
- Jonathan Littell, Carnets de Homs : 16 janvier-2 février 2012, Paris, Gallimard, , 234 p. (ISBN 978-2-07-013814-2), p. 90
- Jonathan Littell, Carnets de Homs : 16 janvier-2 février 2012, Paris, Gallimard, , 234 p. (ISBN 978-2-07-013814-2), p. 20
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