Sagittarius A*

Sagittarius A* (abrégé en Sgr A*) est une source intense d'ondes radio, située dans la direction de la constellation zodiacale du Sagittaire (coordonnées J2000 : ascension droite 17h 45m 40,045s, déclinaison -29,00775°) et localisée au centre de la Voie lactée, à environ 8 178 parsecs (26 673 années-lumière) du Système solaire. Initialement non résolue au sein d'une zone d'émission radio plus vaste dénommée Sagittarius A, elle est par la suite distinguée de l'ensemble des sources formant cette zone d'émission, dont Sgr A Est et Sgr A Ouest. L'utilisation de l'astérisque dans son nom signifie que, contrairement à Sgr A Est et Sgr A Ouest, il s'agit d'une source quasi ponctuelle et non étendue.

Sagittarius A*

Visualisation du disque d'accrétion de Sagittarius A* réalisée par l'Event Horizon Telescope.
Données d’observation
(Époque J2000.0)
Constellation Sagittaire
Ascension droite (α) 17h 45m 40,045s
Déclinaison (δ) −29° 00 27,9

Localisation dans la constellation : Sagittaire

Astrométrie
Distance 26 673 ± 42 al
Caractéristiques physiques
Type d'objet Radiosource
Masse 4,152 ± 0,014 × 106 M
Dimensions (12,264 ± 0,041) × 106 km (rayon de l'horizon)
Découverte
Désignation(s) Sgr A*
Liste des objets célestes

La radiosource Sgr A* est aujourd'hui considérée comme associée à un trou noir supermassif d'environ 4,152 millions de masses solaires situé au centre de notre galaxie[1],[2]. Ce trou noir est l'objet primaire d'un amas stellaire. La douzaine d'étoiles connues composant cet amas est en orbite autour du trou noir.

Découverte

La radiosource Sgr A* est découverte les 13 et à l'observatoire de Green Bank[3]. Balick et Brown publient leur découverte le dans la revue The Astronomical Journal[4].

Désignation

La source radio Sagittarius A* est ainsi désignée à la suite de Robert L. Brown qui fut le premier[3] à employer l'abréviation Sgr A* en 1982[5].

Le nom « Sagittarius A* » est composé de « Sagittarius A », qui désigne la région dans laquelle la source radio est située, suivi d'un astérisque. D'après Brown lui-même, l'astérisque dénote que Sgr A* est une « source d'excitation » (en anglais : exciting source) pour la région d'hydrogène ionisé qui l'entoure, l'astérisque étant utilisé en physique atomique, pour noter l'état excité des atomes[3].

En 1982[6], Donald C. Backer (en) et Richard A. Sramek proposent le nom Sgr A(cn) pour objet « compact non thermique » (en anglais : compact non-thermal) du centre galactique[3].

Nature

Dans le courant des années 1990 s'est imposée l'idée que nombre de galaxies massives hébergeaient en leur sein un trou noir supermassif. S'il était logique que la Voie lactée ne fasse pas d'exception à cette règle, son trou noir central fut plus difficile à mettre en évidence du fait de sa faible activité électromagnétique, résultant directement de la faible quantité de matière qu'il engloutit à l'heure actuelle. La première preuve consensuelle de l'existence d'un trou noir à l'origine de l'émission radio de Sgr A* fut obtenue à la fin des années 1990, où des observations à suffisamment haute échelle angulaire permirent de résoudre individuellement nombre d'étoiles situées à proximité immédiate du centre géométrique de notre galaxie.

En effet, ces étoiles sont tellement proches du trou noir central qu'elles orbitent autour de lui en quelques décennies, la plus rapide, dénommée S62, effectuant un tour complet autour du trou noir en environ 9,9 ans. Ainsi, il est possible en quelques années d'observation de mettre en évidence la portion d'orbite parcourue pendant cet intervalle de temps et d'en déduire la masse de l'objet central au moyen de la troisième loi de Kepler.

Les mesures obtenues indiquent que l'objet central a une masse de 4,152 ± 0,014×106 masses solaires concentrée dans un rayon ne dépassant pas au[7],[8]. Un trou noir de cette masse a un rayon de 12,264 millions (± 0,041) de kilomètres[9], soit 18 fois le rayon du Soleil[10]. La distance de cet objet est estimée grâce aux orbites des étoiles S29, S55, S300 et autres : 8 178 ± 13stat ± 22sys parsecs[8], soit 26 673 années-lumière (± 42)[11].

Aucune forme de matière connue, autre qu'un trou noir, n'est susceptible d'être aussi comprimée dans un tel espace, tout en étant aussi peu lumineuse.

Observations

En 2002, une équipe internationale conduite par Rainer Schödel de l'Institut Max-Planck de physique extraterrestre observe le mouvement de l'étoile S2 proche de Sagittarius A* sur une durée de dix ans et obtient la preuve que Sagittarius A* contient un objet extrêmement massif et compact. Ces observations sont compatibles avec l'hypothèse selon laquelle il contiendrait un trou noir. Par déduction, sa masse est estimée à 3,7 ± 1,5 millions de masses solaires, confinées dans un rayon de moins de 120 unités astronomiques (l'unité astronomique est la distance entre la Terre et le Soleil)[12].

En 2005, l'équipe de Shen Zhi-Qiang, après observation de Sagittarius A* par interférométrie, montre que la radiosource compacte est contenue dans une sphère d'une unité astronomique de rayon[7].

Sagittarius A* imagé par interférométrie en onde radio (Event Horizon Telescope, 2022). Les trois taches sur le disque d'accrétion correspondent à des turbulences[13].

En commencent les observations de Sgr A* par interférométrie par les radiotélescopes constituant l'Event Horizon Telescope, afin de produire une image résolue[N 1] du disque d'accrétion autour du trou noir[14],[15]. Celle-ci est dévoilée le par l'équipe de l'Observatoire européen austral et est la deuxième image de trou noir obtenue dans l'histoire, après celle de M87*.

Cette observation confirme la masse de 4,152 millions de masses solaires du trou noir[16]. Vu de la Terre, le diamètre du trou noir de Sgr A* est de 20 μas (microsecondes d'arc). Celui de M87* est beaucoup plus massif et plus gros : l'anneau de lumière a un diamètre d'environ 104 milliards de kilomètres alors que le trou noir lui-même, de 6,5 milliards (± 0,7) de masses solaires, a un diamètre de 38,4 milliards (± 4,1) de kilomètres (en comparaison, environ 3,2 fois le grand-axe de l'orbite de Pluton), mais est beaucoup plus lointain de nous que Sgr A*, avec une distance de M87 de 16,757 Mpc (± 2,949), soit 54,65 millions d'années-lumière (± 9,62), soit 5,171 × 1020 km (± 0,919), pour être précis ; ce qui explique que son diamètre apparent — calculable par le quotient du diamètre de l'horizon du trou noir, 38 milliards de km, par cette distance en km, un quotient très petit (7,35 10-11), quasi identique au sinus ou à la tangente de l'angle, donné en radian, à convertir en seconde d'arc, en divisant par 2 π et en multipliant par 360 x 3600 — est de 15 μas, soit du même ordre de grandeur que pour Sgr A*, alors que la taille de l'anneau lumineux de M87* est de 42 μas et que la taille de l'orbite de Pluton serait de 5 μas. Pour Sgr A* beaucoup plus petit, mais bien plus proche, la comparaison de sa taille apparente de 20 μas peut être faite avec l'orbite de Mercure qui serait de 95 μas.

Astres en orbite autour de Sagittarius A*

Étoiles

DésignationSéparation angulaire θ ()Demi grand-axe a (ua)Excentricité orbitale ePériode de révolution P (a)Date de passage au péricentre T0 (année)Référence
S1S0-10,412 ± 0,0243 300 ± 1900,358 ± 0,03694,1 ± 9,02002,6 ± 0,6[17]
S2S0-20,122 6 ± 0,002 5980 ± 20
919 ± 23
0,876 0 ± 0,007 2
0.8670 ± 0.0046
15,24 ± 0,36
14.53±0.65
2002,315 ± 0,012
2002.308 ± 0.013
[17]
[18]
S8S0-40,329 ± 0,0182 630 ± 1400,927 ± 0,01967,2 ± 5,51987,71 ± 0,81[17]
S12S0-190,286 ± 0,0122 290 ± 1000,902 0 ± 0,004 754,4 ± 3,51995,628 ± 0,016[17]
S13S0-200,219 ± 0,0581 750 ± 4600,395 ± 0,03236 ± 152006,1 ± 1,4[17]
S14S0-160,225 ± 0,0221 800 ± 180
1680 ± 510
0,938 9 ± 0,007 8
0,974 ± 0,016
38 ± 5,7
36 ± 17
2000,156 ± 0,052
2000,201 ± 0,025
[17]
[18]
S629,9
S55S0-1020,68 ± 0,0211,5 ± 0,32009,5 ± 0,3[19]
Orbites des étoiles gravitant autour de notre trou noir galactique central.

Autres

Des objets de nature indéterminée orbitent également autour de Sagittarius A* : les premiers découverts sont G1 (découvert en 2005), G2 (découvert en 2012) et G3, G4, G5, G6 (découverts en 2020 à moins de 0,04 pc du trou noir[20]). Ces six objets sont probablement de même nature et spécifiques des abords de trous noirs supermassifs[20].

Disque d'accrétion

Le disque d'accrétion de Sgr A* contient du gaz chaud (à environ 107 K) et du gaz froid (à une température comprise entre 102 et 104 K). En 2019, une première observation de la portion froide du disque de gaz est réussie ; sa température est de 104 K et il est situé à 1 000 au de l'horizon du trou noir[21]. Sa rotation a pu être mise en évidence, ce qui a permis d'estimer sa masse entre 10−6 M et 10−5 M, avec une densité entre 105 et 106 atomes par centimètre cube[21].

Notes et références

Notes

  1. Cette image n'est ainsi pas une photographie ordinaire obtenue en lumière visible par des télescopes, mais une visualisation d'ondes radios en fausses couleurs. Elle est obtenue par reconstitution informatique de mesures effectuées par des radiotélescopes reliés par interférométrie à très longue base.

Références

  1. « Un trou noir au centre de notre Galaxie », sur INSU, (consulté le ).
  2. Daniel Rouan et François Lacombe (LESIA), « Un trou noir au centre de notre Galaxie », sur Observatoire de Paris, mis en ligne le , dernière modification le (consulté le ).
  3. (en) W. Miller Goss, Robert L. Brown et K. Y. Lo, « The discovery of Sgr A* » La découverte de Sgr A* »], Astronomical Notes / Astronomische Nachrichten, John Wiley & Sons, vol. 324, no S1 « Proceedings of the Galactic Center Workshop 2002: The central 300 parsecs of the Milky Way », , p. 497-504 (DOI 10.1002/asna.200385047, Bibcode 2003ANS...324..497G, arXiv astro-ph/0305074, résumé, lire en ligne, consulté le )
    L'article est en libre accès sur arXiv, site sur lequel il a été prépublié le . Il a été mis en ligne le sur Wiley Online Library.
  4. (en) Bruce Balick et Robert L. Brown, « Intense sub-arcsecond structure in the galactic center », The Astrophysical Journal, vol. 194, no 2, 1/12/1974/, p. 265-270 (DOI 10.1086/153242, Bibcode 1974ApJ...194..265B, lire en ligne [[GIF]], consulté le )
    L'article a été reçu par la revue le .
  5. (en) Robert L. Brown, « Precessing jets in Sagittarius A: Gas dynamics in the central parsec of the Galaxy », The Astrophysical Journal, vol. 262, , p. 110-119 (DOI 10.1086/160401, Bibcode 1982ApJ...262..110B, lire en ligne [[GIF]], consulté le )
    L'article a été reçu par la revue le et accepté par son comité de lecture le .
  6. (en) Donald C. Backer et Richard A. Sramek, « Apparent proper motions of the Galactic Center compact radio source and PSR 1929+10 », The Astrophysical Journal, vol. 260, no 2, , p. 512-519 (DOI 10.1086/160273, Bibcode 1982ApJ...260..512B, lire en ligne [[GIF]], consulté le )
    L'article a été reçu par la revue le et accepté par son comité de lecture le .
  7. (en) Z.-Q. Shen, K. Y. Lo, M.-C. Liang, P.T.P. Ho et J.-H. Zhao, « A size of ~1 AU for the radio source Sgr A* at the centre of the Milky Way », Nature, vol. 438, , p. 62-64 (lire en ligne).
  8. (en) R. Abuter, A. Amorim, M. Bauböck et al., Collaboration GRAVITY, « A geometric distance measurement to the Galactic center black hole with 0.3% uncertainty », Astronomy and Astrophysics, vol. 625, (lire en ligne).
  9. (en) "black hole 4000000 solar masses", Wolfram Alpha, site de calcul computationnel (consulté le 11 juillet 2020).
  10. (en) "1.181×10^10 meter", Wolfram Alpha (consulté le 11 juillet 2020).]
  11. (en) Watch stars move around the Milky Way’s supermassive black hole in deepest images yet, Observatoire européen austral, le 14 décembre 2021.
  12. (en) R. Schödel et al., « A star in a 15.2-year orbit around the supermassive black hole at the centre of the Milky Way », Nature, vol. 419, , p. 694-696 (lire en ligne).
  13. Laurent Sacco, « L'Event Horizon Telescope révèle le trou noir supermassif de la Voie lactée ! », sur Futura, (consulté le ).
  14. (en) Heino Falcke, « Imaging black holes: past, present and future », Journal of Physics: Conference Series, vol. 942, no 1, , p. 3-5 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  15. Pierre Barthélémy, « Le trou noir central de la Voie lactée enfin révélé », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  16. (en) « We got it! Astronomers reveal first image of the black hole at the heart of our galaxy », sur National Science Foundation (consulté le ).
  17. (en) F. Eisenhauer et al., « SINFONI in the Galactic Center: Young Stars and Infrared Flares in the Central Light-Month », The Astrophysical Journal, vol. 628, no 1, , p. 246–259 (DOI 10.1086/430667, Bibcode 2005ApJ...628..246E, arXiv astro-ph/0502129, lire en ligne).
  18. (en) A. M. Ghez, Salim, S., Hornstein, S. D., Tanner, A., Lu, J. R., Morris, M., Becklin, E. E. et Duchêne, G., « Stellar Orbits around the Galactic Center Black Hole », The Astrophysical Journal, vol. 620, no 2, , p. 744–757 (DOI 10.1086/427175, Bibcode 2005ApJ...620..744G, arXiv astro-ph/0306130).
  19. (en) L. Meyer, Ghez, A. M., Schödel, R., Yelda, S., Boehle, A., Lu, J. R., Do, T., Morris, M. R., Becklin, E. E. et Matthews, K., « The Shortest Known Period Star Orbiting our Galaxy's Supermassive Black Hole », Science, vol. 338, no 6103, , p. 84–87 (PMID 23042888, DOI 10.1126/science.1225506, Bibcode 2012Sci...338...84M, arXiv 1210.1294).
  20. (en) Anna Ciurlo, Randall D. Campbell et al., « A population of dust-enshrouded objects orbiting the Galactic black hole », Nature, vol. 577, (lire en ligne).
  21. (en) Elena M. Murchikova et al., « A cool accretion disk around the Galactic Centre black hole », Nature, vol. 570, (lire en ligne ).

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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