Sonnerie de la cathédrale de Strasbourg

La sonnerie de la cathédrale de Strasbourg est constituée d’un ensemble de cloches, dont la composition a grandement varié en fonction des périodes. La composition exacte de la sonnerie médiévale de la cathédrale de Strasbourg n’est pas connue en détail, et, à l’exception d’un bourdon et des cloches des heures, toutes les cloches antérieures au XIXe siècle ont disparu pendant la Révolution.

Cloches du beffroi.

Histoire

Sonnerie médiévale

Les informations conservées sur les cloches du Moyen Âge sont parcellaires et permettent surtout d’identifier les rôles et, plus rarement, l’emplacement de certaines cloches. En ce qui concerne les rôles, les sources évoquent la cloche de l’Angélus, celle de la messe, celle du sermon, celle des vêpres, celle des morts, celle des foires, celle du tocsin, celle des heures et celle des quarts[1].

La disposition des cloches dans la cathédrale a évolué au fil de la construction et des aménagements ultérieurs. Au Moyen Âge, le beffroi n’est pas installé dans la structure entre les deux tours qui porte ce nom aujourd’hui, mais au deuxième étage de la tour sud, où il a peut-être établi dès l’achèvement du premier étage vers 1316, comme pourrait l’indiquer la fonte d’une grosse cloche à cette date[2].

Le , le bourdon se fêle en raison, d’après le chroniqueur rapportant l’événement, d’un usage trop intensif dû à la peste. Un nouveau bourdon est commandé en 1427 à Hans Gremp, fondeur de cloches de l’Œuvre Notre-Dame, et fondu le de la même année sur l’actuelle place du Château, la couronne se révèle néanmoins défectueuse et nécessite des réparations à plusieurs reprises dans les décennies suivantes. Cette cloche d’environ neuf tonnes est la seule cloche médiévale de la cathédrale encore conservée[3].

Le beffroi actuel ne prend ce rôle qu’en 1521, lorsque la charpente de beffroi est reconstruite à cette emplacement par les charpentiers Médard von Landau et Hans Eckstein. L’opération est nécessaire afin de pouvoir y accrocher Marie, alors plus grosse cloche de la Chrétienté avec ses 21 t pour 2,75 m de diamètre. Marie a été fondue deux ans plus tôt, le , par Jerg von Speyer et installée, bénie et ointe le . Elle sonne pour la première fois le de la même année, mais, moins de trois mois plus tard, elle se fêle en sonnant pour la messe de Noël[3].

Sonnerie moderne

À la veille de la Révolution, la cathédrale compte seize cloches, dont trois ont été coulées en 1786-1787 par Matthieu Edel. Parmi ces dernières, la première, pesant un peu plus de deux tonnes, est l’actuelle cloche de dix-heures, les deux autres étant destinées à sonner les quarts d’heure. À la suite du décret du permettant la confiscation des cloches à usage religieux, les révolutionnaires s’emparent de toutes les cloches du beffroi, à l’exception du bourdon de 1427, qui est conservé pour les usages civils ; les cloches de l’horloge ne sont, elles, pas concernées par ces déprédations[3].

Sonnerie contemporaine

Au début des années soixante-dix est lancé le projet de construire une nouvelle sonnerie pour la cathédrale. Retardé par la fêlure de la cloche du couvre-feu en 1973. Le projet reprend en 1975, le groupe de travail, dirigé par le chanoine Jean Ringue, décidant d’ajouter sept nouvelles cloches, qui sont fondues entre 1975 et 1976 et sonnent pour la première fois le [4].

En 2010, la cathédrale compte seize cloches : dix pour la grande sonnerie du massif occidental, quatre pour l’horloge et deux dans la tour de croisée[5]. À l’occasion du millénaire de la fondation de la cathédrale en 2015, quatre cloches sont ajoutées dans la tour de croisée, portant le nombre total à vingt[6].

Description des cloches

Bourdons

Le grand bourdon a été coulé le par Hans Gremp, afin de remplacer l’ancien bourdon qui s’est fêlé l’année précédente[3]. La cloche fait 222 cm de diamètre à la base pour environ neuf tonnes, avec un profil lourd. Elle est décorée d’une Vierge à l’Enfant et de quatre médaillons représentant les symboles des Évangélistes. Une inscription en latin fait le tour de la cloche, dont la traduction est « Au mois de juillet de l’an du Seigneur 1427, j’ai été coulée par maître Jean de Strasbourg – J’annonce les fêtes, la crainte, les nouvelles et la triste mort »[alpha 1][7]. Le bourdon sonne en la bémol 2. À l’époque contemporaine, il n’est utilisé que pour les grandes fêtes et deuils[8].

Le second bourdon a été coulé en 1976 à Heidelberg, grâce au financement de donateurs, dans le cadre du projet de renouvellement de la sonnerie. La cloche mesure 175 cm de diamètre à la base pour 3 896 kg et sonne en si bémol 2. Elle est décorée de fleurons et compte plusieurs inscriptions en latin : « À toi, Jésus, qui vient en tant que rédempteur du monde, la louange la plus haute avec le Père et l’Esprit pour les siècles éternels » sur les épaules[alpha 2], « Préparez la voie du Seigneur » sur les flancs[alpha 3], « Heureuse Strasbourg en ce sept-centième anniversaire de la consécration de ton élégante cathédrale et plus heureuse encore de la largesse des donateurs et du concert des cloches. Afin que tu sois la plus heureuse, nous appelons à travers le temps les chrétiens à l’unité, les peuples de l’Europe à s’unir, tous les peuples de la Terre à la paix du Christ » sur le bord inférieur[alpha 4][9].

Zehnerglocke

La Zehnerglocke, aussi appelée « cloche de dix-heures » ou « cloche du couvre-feu » a été coulée en 1786 par le fondeur strasbourgeois Matthieu Edel et sonne en si 2[10].

Les noms donnés à la cloche proviennent du rôle qui lui était anciennement dévolu, à savoir la sonnerie du couvre-feu à 22 h tous les soirs. Elle continue de sonner à cette heure par tradition, malgré la disparition du couvre-feu. En revanche, contrairement à ce qui est parfois rapporté, elle ne jouait pas de rôle dans le signal de la fermeture des portes de la ville, ni dans celui indiquant aux Juifs qu’ils devaient sortir des murs[11].

Cloches des heures


Notes et références

Notes

  1. ANNO DOMINI MCCCCXXVII MENSE JULIO FUSA SUM PER MAGISTRUM JOANNEM DES ARGENTINA — NUNCIO FESTA METUM NOVA QUAEDAM FLEBILE LAETHUM
  2. MUNDI REDEMPTOR QUI VENIS + JESU TIBI LAUS MAXIMA + CUM PATRE CUMQUE SPIRITU + IN SEMPITERNA SAECULA
  3. PARATE VIAM DOMINI
  4. FELIX ARGENTINA SPECIOSI CONSECRATIONIS FANI SEPTINGENTESIMO RECURRENTE DIE + FELICIOR DONATORUM LARGITATE ET CONCENTU CAMPANARUM + UT SIS FELICISSIMA VOCAMUS PER TEMPORA + AD UNITATEM CHRISTIFIDELES + EUROPAE GENTES AD CONSOCIATIONEM + TERRIGENAS OMNES AD CHRISTI PACEM

Références

  1. Tarozzi 2010, p. 311.
  2. Bengel, Nohlen et Potier 2014, p. 42-43.
  3. Tarozzi 2010, p. 312.
  4. Tarozzi 2010, p. 313.
  5. Tarozzi 2010, p. 314, 321.
  6. Hervé de Chalendar, « Le « couronnement musical » de la cathédrale », L’Alsace, .
  7. Tarozzi 2010, p. 315-316.
  8. Tarozzi 2010, p. 316.
  9. Tarozzi 2010, p. 313, 316.
  10. Tarozzi 2010, p. 321.
  11. Tarozzi 2010, p. 321, 322.

Annexes

Tableau récapitulatif des cloches en place en 2021

Numéro Nom Diamètre (cm) Masse (kg) Note Date de fonte Fondeur Emplacement
1 Grand bourdon ou Saint-Esprit 222 env. 9000 la bémol 2 1427 Hans Gremp Beffroi
2 Évangéliste 175 3896 si bémol 2 1976 Fonderie de Heidelberg Beffroi
3 Vierge Marie 2307 ré bémol 3 1975 Fonderie de Heidelberg Beffroi
4 Apôtres 1605 mi bémol 3 2006 Frère Michaël

Fonderie Voegelé

Beffroi
5 Martyr 1278 fa 3 1976 Fonderie de Heidelberg Beffroi
6 Pape 1122 la bémol 3 1976 Fonderie de Heidelberg Beffroi
7 Moines 795 si bémol 3 1976 Fonderie de Heidelberg Beffroi
8 Dames 571 do 4 1976 Fonderie de Heidelberg Beffroi
9 Zehnerglocke ou couvre-feu 2450 si 2 1786 Matthieu Edel Beffroi
10 Sainte-Croix 1052 sol bémol 3 1987 Fonderie de Karlsruhe Beffroi
11 Cloche de la paix 304 mi bémol 4 2004 Tour de croisée
12 Cloche de l'ange 153 la bémol 4 1993 Fonderie de Karlsruhe Tour de croisée

Bibliographie

  • Sabine Bengel, Marie-José Nohlen et Stéphane Potier, Bâtisseurs de cathédrales : Strasbourg, mille ans de chantier, Strasbourg, La Nuée bleue, coll. « La grâce d’une cathédrale », , 275 p. (ISBN 978-2-8099-1251-7).
  • Olivier Tarozzi, « Les cloches : la voix de la cathédrale », dans Joseph Doré, Francis Rapp, Benoît Jordan, Strasbourg : La grâce d’une cathédrale, Strasbourg, La Nuée bleue, (ISBN 9782716507165), p. 311-322.
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