Sphinx (1755)

Le Sphinx est un vaisseau à deux ponts portant 64 canons, construit par Pierre Salinoc pour la Marine royale française et lancé de Brest en 1755. Il est mis en chantier pendant la vague de construction qui sépare la fin de guerre de Succession d'Autriche (1748) du début de la guerre de Sept Ans (1755)[3]. Il participe à de nombreuses opérations pendant la guerre de Sept Ans. Il est retiré du service en 1775.

Pour les autres navires du même nom, voir Sphinx.

Ne doit pas être confondu avec Sphinx (1776).

Sphinx

Profil d'un vaisseau de 64 canons du même type que le Sphinx.
Type Vaisseau de ligne
Histoire
A servi dans  Marine royale française
Chantier naval Brest
Quille posée [1]
Lancement
Statut Démoli en 1775
Équipage
Équipage 640 à 650 hommes[N 1]
Caractéristiques techniques
Longueur 48,7 m[1]
Maître-bau 13,2 m
Tirant d'eau 6,5
Déplacement 1 200 t
Propulsion Voile
Caractéristiques militaires
Armement 64 canons[1]

Caractéristiques principales

Le Sphinx est un bâtiment moyennement artillé mis sur cale selon les normes définies dans les années 1730-1740 par les constructeurs français pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement afin de pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui dispose de beaucoup plus de navires[4]. Il fait partie de la catégorie des vaisseaux dite de « 64 canons » dont le premier exemplaire est lancé en 1735 et qui sera suivi par plusieurs dizaines d’autres jusqu’à la fin des années 1770, époque où ils seront définitivement surclassés par les « 74 canons[N 2]. »

Sa coque est en chêne, son gréement en pin, ses voiles et cordages en chanvre[7]. Il est moins puissant que les vaisseaux de 74 canons car outre qu'il emporte moins d'artillerie, celle-ci est aussi pour partie de plus faible calibre, soit :

Cette artillerie correspond à l’armement habituel des 64 canons. Lorsqu'elle tire, elle peut délivrer une bordée pesant 540 livres (soit à peu près 265 kg) et le double si le vaisseau fait feu simultanément sur les deux bords[9]. Chaque canon dispose en réserve d’à peu près 50 à 60 boulets, sans compter les boulets ramés et les grappes de mitraille[7].

Pour nourrir les centaines d’hommes qui compose son équipage, c’est aussi un gros transporteur qui doit avoir pour deux à trois mois d'autonomie en eau douce et cinq à six mois pour la nourriture[10]. C'est ainsi qu'il embarque des dizaines de tonnes d’eau, de vin, d’huile, de vinaigre, de farine, de biscuit, de fromage, de viande et de poisson salé, de fruits et de légumes secs, de condiments, de fromage, et même du bétail sur pied destiné à être abattu au fur et à mesure de la campagne[10].

Historique

Mission de ravitaillement au Canada

Louisbourg assiégée en 1758. Le Sphinx fait partie de la dernière escadre venue ravitailler la place.

Le 2 mai 1758, sous les ordres de Vendes Turgot, le Sphinx appareille de l'île d'Aix dans la division de Du Chaffault (cinq vaisseaux, trois frégates, un flûte, un senau) qui doit transporter des troupes pour le Canada[11]. Pour cette mission, le Sphinx est armé en flûte : une partie de son artillerie est déposée afin de pouvoir embarquer les troupes. La traversée de l'Atlantique se fait sans croiser les Anglais mais Du Chaffault doit mouiller à Port-Dauphin sur l'île Royale car le port de Louisbourg est bloqué par une escadre britanniques très supérieure, et débarque les troupes dans la baie de Sainte-Anne. Il passe ensuite à Québec[12]. Ce secours tardif n'ayant pu empêcher Louisbourg de tomber entre les mains des Britanniques, Du Chaffault appareille le 9 septembre pour rentrer en France[12].

Le 27 octobre, à 66 milles environ Nord-Nord-Ouest d'Ouessant, il tombe sur neuf des navires de l'escadre de Boscawen qui rentre du siège de Louisbourg. Malgré son infériorité en nombre et en armement ainsi que ses nombreux malades, il réussit à les tenir à distance après une brève canonnade[13]. Cependant, la division française doit se séparer à cause du mauvais temps alors que les Anglais, qui se sont repris, se lancent à leur poursuite. Un vaisseau se perd dans la Manche est se fait capturer bêtement (8 novembre). Le navire-amiral, que la tempête a sérieusement avarié se réfugie dans la rade des Basques près de l’île d'Aix[13]. Le Sphinx, avec deux autres vaisseaux, réussit à atteindre Brest dans les derniers jours d’octobre[14].

La bataille des Cardinaux et le blocus de la Vilaine

La bataille des Cardinaux à laquelle participe le Sphinx en 1759.

En 1759, le Sphinx fait partie de l'escadre de 21 vaisseaux du maréchal de France Hubert de Brienne de Conflans concentrée à Brest en vue d'un débarquement en Angleterre[15]. Il participe à la bataille des Cardinaux le [1]. Il est alors sous les ordres de de Gouyon chevalier de Coutance La Selle dans l’escadre bleue  l’escadre qui forme l’arrière-garde ainsi nommée est commandée par Louis de Saint-André du Verger, arborant sa marque sur le Formidable[16].

Au lendemain de la défaite française, le Sphinx se réfugie avec 6 autres vaisseaux, le Robuste, l’Inflexible, le Dragon, l’Éveillé, le Brillant et le Glorieux, accompagnés de deux frégates  la Vestale et l’Aigrette  et de deux corvettes  la Calypso et le Prince Noir  dans l’estuaire de la Vilaine. En raison du manque de visibilité, le Glorieux et l’Éveillé s’envasent[17]. Si les dommages de l’Éveillé sont sans conséquences, le Glorieux déplore une voie d’eau ; l’Inflexible, d’autre part, a perdu ses mâts de misaine et de beaupré[17].

Il faut plus de deux ans et demi d'effort aux deux officiers nommés par le duc d'Aiguillon[18], Charles-Henri-Louis d'Arsac de Ternay[N 3] et Charles Jean d'Hector[N 4], pour sortir les navires de l’embouchure de la Vilaine. Le , le Glorieux et le Sphinx sont les deux derniers vaisseaux à s’échapper de l'estuaire[21]. Seule demeure l'épave de l'Inflexible, aujourd'hui recouverte par les eaux du barrage d'Arzal.

En 1775, le Sphinx est démoli. Son nom est relevé par un vaisseau de même puissance lancé en 1776 à Brest.

Notes et références

Notes

  1. Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. L'état-major est en sus. Cet effectif réglementaire peut cependant varier considérablement en cas d'épidémie, de perte au combat ou de manque de matelots à l'embarquement[2].
  2. Les 74 canons en étaient par ailleurs un prolongement technique apparu neuf ans après le lancement du premier 64 canons, le Borée[5],[6]. Sur la chronologie des lancements et les séries de bâtiments, voir aussi la liste des vaisseaux français.
  3. D'Arsac de Ternay est nommé capitaine le en récompense de ses efforts durant le blocus[19].
  4. D'Hector est nommé capitaine le pour avoir sauvé le Brillant et l'Éveillé durant le blocus[20].

Références

  1. « Le Sphinx », sur threedecks.org (consulté le ).
  2. Acerra et Zysberg 1997, p. 220.
  3. Villiers 2015, p. 126.
  4. Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
  5. Acerra et Zysberg 1997, p. 67.
  6. Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
  7. Acerra et Zysberg 1997, p. 107 à 119.
  8. Ronald Deschênes, « Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780 du troisième rang », sur le site de l'association de généalogie d’Haïti (consulté le ).
  9. Selon les normes du temps, le navire, en combattant en ligne de file, ne tire que sur un seul bord. Il ne tire sur les deux bords que s'il est encerclé ou s'il cherche à traverser le dispositif ennemi. Base de calcul : 1 livre = 0,489 kg.
  10. Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487 et Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
  11. Les autres vaisseaux sont le Dragon (64 canons) qui sert de vaisseau-amiral, le Belliqueux (64), Le Hardi (64), et le Brillant (56 venant de la Compagnie des Indes), les frégates la Zéphyr, la Valeur et la Mignonne ; la flûte le Rhinocéros, le senau le Cerf-Volant. Chack 2001, p. 272-298.
  12. Lacour-Gayet 1910, p. 385-387.
  13. Chack 1931, p. 272-298.
  14. Le Hardi arrive le 30 octobre, le Sphinx et le Brillant le 31 octobre. Chack 1931, p. 299.
  15. Lacour-Gayet 1910, p. 352-367 et p.519-520.
  16. Le Moing 2011, p. 127-128.
  17. Perrochon 2011, p. 36.
  18. Perrochon 2011, p. 38.
  19. Mascart 2000, p. 448.
  20. Mascart 2000, p. 473.
  21. Vergé-Franceschi 2002, p. 1389.

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883)
  • Pierre de La Condamine, Le combat des Cardinaux : 20 novembre 1759, baie de Quiberon et rade du Croisic, La Turballe, Éd. Alizés, (1re éd. 1982), 143 p. (ISBN 2-911835-03-4, BNF 37624571)
  • Georges Lacour-Gayet, La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XV, Paris, Honoré Champion éditeur, édition revue et augmentée en 1910 (1re éd. 1902), 581 p. (BNF 37450961, lire en ligne)
  • Paul Chack, « L'homme d'Ouessant : Du Chaffault », dans Marins à la bataille : Des origines au XVIIIe siècle, Paris, Le Gerfaut, (1re éd. 1931) (présentation en ligne), p. 187-420
  • Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'histoire, Rennes, Marines éditions, , 619 p. (ISBN 978-2-35743-077-8, BNF 42480097)
  • Jean Mascart, La vie et les travaux du chevalier Jean-Charles de Borda, 1733-1799 : épisodes de la vie scientifique au XVIIIe siècle, Paris, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, coll. « Bibliothèque de la Revue d'histoire maritime », (1re éd. 1911), 817 p. (ISBN 2-84050-173-2, BNF 37219533, lire en ligne)
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, éditions Ouest-France, , 427 p. (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
  • Cécile Perrochon, « La bataille des Cardinaux et le blocus de la Vilaine », Les Cahiers du Pays de Guérande, Société des Amis de Guérande, (ISSN 0765-3565)
  • Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, Toulon, J.-M. Roche, , 527 p. (ISBN 978-2-9525917-0-6, OCLC 165892922, BNF 40090770, lire en ligne)
  • Onésime Troude, Batailles navales de la France, Paris, Challamel aîné, 1867-1868, 453 p. (BNF 36474146, lire en ligne)
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0, BNF 38825325)
  • Patrick Villiers, La France sur mer : de Louis XIII à Napoléon Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6, BNF 44313515)
  • Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies : XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette supérieur, coll. « Carré Histoire » (no 37), , 255 p. (ISBN 2-01-145196-5, BNF 35864311)

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