Spirale (manga)
Spirale (うずまき, Uzumaki[1]) est un seinen manga de Junji Itō prépublié dans le magazine Big Comic Spirits entre et , puis publié par Shōgakukan en trois volumes reliés sortis entre et . La version française a été éditée par Tonkam dans la collection « Frissons » en trois tomes sortis entre et . Une réédition en une intégrale est sortie le .
Pour les articles homonymes, voir Spirale (homonymie).
Type | Seinen |
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Genres | Horreur, fantastique |
Auteur | Junji Itō |
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Éditeur | (ja) Shōgakukan |
(fr) Tonkam, Delcourt/Tonkam | |
Prépublication |
Big Comic Spirits Pulp |
Sortie initiale | – |
Volumes | 3 |
Synopsis
Kirie Goshima vit dans la petite ville de Kurouzu, un peu isolée entre la mer et les montagnes qui l'entourent. C'est une lycéenne tout à fait normale, mais le père de son petit-ami commence à se comporter de manière inquiétante : il est obsédé par l'observation d'objets en forme de spirale. Cette forme se fait de plus en plus présente dans la petite ville, comme si elle était sous l'effet d'une malédiction…
Publication
Prépublié dans le magazine Big Comic Spirits entre et , le manga est initialement publié par Shōgakukan en trois volumes reliés sortis entre et . Il connaît plusieurs autres rééditions[2], dont une intégrale avec un chapitre additionnel, La Galaxie (銀河, Ginga), à l'occasion de la sortie d'Uzumaki, l'adaptation cinématographique du manga[3]. En France, le manga est édité par Tonkam en trois volumes sortis entre et , puis réédité en version intégrale d'un volume en (ISBN 978-2-7595-0662-0)[4]. Une nouvelle édition intégrale est publiée le par Delcourt/Tonkam[5].
Liste des volumes
no | Japonais | Français | ||
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Date de sortie | ISBN | Date de sortie | ISBN | |
1 | [ja 1] | 4-09-185721-3[ja 1] | 9782845802025[fr 1] | |
Liste des chapitres :
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2 | [ja 2] | 4-09-185722-1[ja 2] | 9782845802445[fr 2] | |
Liste des chapitres :
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3 | [ja 3] | 4-09-185723-X[ja 3] | 9782845802735[fr 3] | |
Liste des chapitres :
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Autres éditeurs
- Viz Media : Uzumaki
- Planeta DeAgostini Comics
- Conrad
- Japonica Polonica Fantastica
Analyse
Selon Masaru Satō, la spirale symbolise le capitalisme qui transforme les valeurs réelles et sentimentales en des plans prédéterminés et des intérêts égoïstes[6].
Selon cet écrivain et ancien membre du ministère des Affaires étrangères, le manga d'horreur est « un puissant instrument » pour mieux appréhender la situation contemporaine du Japon qui est marquée par la crise.
Ce genre permet de mieux comprendre l'inconscient collectif des japonais. L'être humain n'est pas doué de rationalité. Ses pensées et ses actes sont largement tributaire de sa vie affective. L'éducation et l'entraînement peuvent maîtriser la rancune ou la jalousie. Or, l'horreur est basée sur nos réflexes instinctifs et ne peut donc être contrôlée par la raison ou l'entraînement. Pour lui, Spirale est « un chef-d’œuvre de description humaine au sein de cet espace imaginaire dénommé Kurouzu.
L'écrivain note la démarche dialectique d'Ito. En effet, le personnage féminin principal, Kirié Goshima narre les événements et perce les mystères successifs. Elle fait partie intégrante de la narration. Tout en continuant ses descriptions, elle réfléchit avec le lecteur. Telle une divinité, elle bénéficie d'un statut transcendental. Progressivement, elle et nous, lecteurs, accédons à la vérité des situations énigmatiques.
Les habitants de la ville de Kurouzu sont dominés par une force qu'ils ont créée et qu'ils n'arrivent pas à combattre, la spirale. Cette puissance est destructrice : elle a anéanti les hommes. La disparition de cette communauté laissera la place à une autre communauté. L'Histoire épouse donc ce schéma de destruction créatrice.
Pour Satō, le lien avec la compréhension de la société contemporaine japonaise réside dans la substitution du terme spirale par capital. « Lisez Spirale. Vous y trouverez exactement tout ce que Marx a voulu dire. Considérez que cette spirale est le capital »[6].
Ito a publié sous forme de feuilleton Spirale dans Big Comic Special de 1998 à 1999. En 1999, l'économie japonaise était encore florissante. Peu avait prévu que dix années plus tard le Japon serait confronté à la hausse de la pauvreté et des inégalités sociales. Pour Satō, Ito avait anticipé cette situation. « Ito, lui, a senti d'instinct la vérité qu'on peut exprimer en ces mots : « Le pays va se trouver confronté à une situation extrêmement difficile » et la traduction en a été son Spirale »[6]
Dans le premier chapitre de Spirale, intitulé « Obsession de la spirale », le père de Shuichi est obnubilé par la spirale et perd tout sens de la raison. Satō compare ce comportement à une personne obsédée par les cours boursiers à longueur de journée. « La fixation que le père de Shuichi fait sur la spirale ne date pas du moment où son esprit a commencé à se détraquer. C'est la spirale qui s'est emparée de la ville qui a ensuite influé sur lui »[6].
Si on substitue à spirale le terme néo-libéralisme dans le récit d'Ito, la ville de Kurouzu a été noyée sous la vague du néo-libéralisme. Dans cette économie de marché, tout se chiffre. Des sentiments et des émotions comme la sympathie, la confiance ou la tendresse ne sont pas évaluées dans cette économie de marché et sont dépourvues de toute valeur. Satō déplore que ces idées néo-libérales se soient diffusées dans l'enseignement. Les connaissances des élèves sont notées pendant les concours.
Ceux qui les réussissent occupent des postes stratégiques dans la fonction publique, les médias, en tant que politicien ou dirigeant d'entreprise. Dans ce pays où le libéralisme est largement dominant, « personne ne se rend compte que cette compétition est porteuse de malheur »[6].
Pour Satō, le chapitre 6 intitulé « Les cheveux bouclés » est une métaphore de situations vécues dans cette société où l'argent est roi. Le résultat du combat capillaire entre deux jeunes lycéennes permet à Sekino d'arracher la victoire. A la tête d'une marche victorieuse au sein de la ville, elle entraîne la foule derrière elle. Cette marche se termine pour Selino par sa mort puisqu'elle finit desséchée, épuisée par sa chevelure qui a absorbé toute sa substance.
Ces scènes évoquent pour Satō, ces personnes qui sont obnubilées par le gain d'argent non pour faire des acquisitions mais uniquement pour gonfler la somme de leur compte en banque : « Ils investissent jusqu'à se perdre par désir de voir grossir leur compte en banque, qui au fond n'est que chiffres »[6]. Satō fait aussi allusion au karōshi (décès par surmenage), ces personnes qui surinvestissent leurs lieux de travail.
Consciemment ou pas, ces intoxiqués du travail sont poussés par le désir de se faire remarquer. Satō avoue que lui-même a été victime de ce syndrome : « Débrouille-toi pour que ton boulot donne des résultats concrets et ainsi tu pourras marcher la tête haute devant tes supérieurs et tes collègues. J'étais moi aussi l'un de ceux que la spirale avait entraînés dans ses circonvolutions »[6].
Satō remarque que les prisonniers de la spirale sont prisonniers du regard des autres : « chez ces gens-là, le souci du jugement de l'entourage l'emporte et cela finit par les obnubiler »[6]. Le chapitre trois intitulé « La cicatrice » est une illustration frappante de ce phénomène. Le narcissisme d'Azami est tel qu'elle finira par disparaître dans sa propre spirale. Les personnes victimes de la spirale assimilent autrui à des objets. « Si depuis le XXIe siècle, ont éclaté au Japon des affaires comme celles du maquillage de produits alimentaires ou de l'emploi d'intérimaires à des salaires inférieurs au SMIC, la faute en revient à la prévalence d'un néo-libéralisme selon lequel les hommes sont réduits à de simples instruments de profit »[6].
Pour Satō, la métamorphose d'hommes en escargots, les limac'hommes ou hitomaimai qui sont consommés par la population dans une société appauvrie peut se transposer dans notre société actuelle. Des hommes sont capables de nuire aux autres, de ne plus éprouver de respect pour autrui et sont prêts à lui dénier le droit à exister. Pour Satō, Ito nous lance un avertissement sur notre société qui pourrait évoluer selon ce schéma[6]..
Satō fait remarquer que jusqu'à maintenant progrès et enrichissement fonctionnaient en duo dans nos sociétés. Dans le récit d'Ito, progressivement, la ville de Kurouzu s'appauvrit. Détruite par un typhon, son niveau de vie de la fin des années 90 est ramené à celui des années 50. « ceci n'a rien d'impossible. Dès lors que les hommes sont engloutis par la spirale du capital et ont été dépouillés de ce qui faisait d'eux des hommes, la société décline, avec pour conséquence la surgissement de la pauvreté. » Cette montée de la pauvreté se conjugue avec un affaiblissement étatique. « Tout a son origine dans le fait que les hommes n'ont plus de référence, inconsciente, que dans le capital. Il cite Marx (Le Capital, volume 1) : « Si, d'après Augier, c'est avec des tâches naturelles de sang sur une de ses faces que la monnaie vient au monde, le capital y arrive suant le sang et la boue par toutes les pores »[6].
Le résultat effrayant de cette société qui court à sa perte est dans le chapitre 13. Les humains sont transformés en monstres brutaux par la spirale invisible, des épines poussent sur leurs pores. Ces monstres qui vivent dans notre société sont ceux qui possèdent ces deux obsessions : compétition et argent.
Le dernier chapitre nous indique le seul obstacle que la spirale n'a pas réussi à surmonter : l'empathie.
Satō conclut de la façon suivante : « À chacun d'ouvrir les yeux sur cette réalité qui veut que la spirale (le capital) détruise l'homme, et d'en conclure qu'il faut s'efforcer de revenir à notre humanité originelle. L'homme possède une force opposable à la spirale et cette force s'appelle l'amour. Pour ma part, je considère les mangas d'horreur de Junji Itō comme sa façon à lui de décrire l'amour humain »[6].
Adaptations
Le manga a été adapté en film live sous le titre original, Uzumaki, sorti en 2000 au Japon.
Une adaptation en anime de quatre épisodes est prévue pour . Il est animé par le Studio Drive et coproduit par Production I.G. USA et Adult Swim[7].
Notes et références
- Le titre original est écrit en hiragana sur la couverture, avec le caractère ま (ma) mis en exergue en rouge, les autres étant blancs. Considérant cela, il est intéressant de noter que ma est la prononciation du kanji 魔, qui signifie esprit maléfique.
- « Uzumaki vo », sur http://www.manga-news.com (consulté le )
- (ja) « うずまき (ビッグコミックス ワイド版) », sur Amazon.co.jp (consulté le )
- « Spirale Intégrale », sur http://www.editions-delcourt.fr/manga/tonkam.html (consulté le )
- « Junji Itô fait son grand retour chez Delcourt/Tonkam », sur manga-news.com, (consulté le ).
- Junji Itō (trad. du japonais par Jacques Lalloz), Spirale : postface de Masaru Satō, Paris, Tonkam, coll. « Frissons », , 656 p. (ISBN 978-2-7595-0662-0)
- « L'anime Uzumaki reprogrammé à nouveau pour une sortie en 2022 », sur Anime News Network, (consulté le ).
Prépublication
Annexes
Documentation
- Paul Gravett (dir.), « De 1990 à 1999 : Spirale », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN 2081277735), p. 692.
Liens externes
- Site officiel de l'éditeur français
- (en) Spirale (manga) sur Anime News Network
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