Ligue ouvrière féminine chrétienne

La ligue ouvrière féminine chrétienne (LOFC) est une association créée  en 1920  par des syndicats féminins chrétiens. Cette association comptait au départ plus de 125 000 membres. Son objectif initial était d’encadrer l’éducation populaire ainsi que religieuse des femmes catholiques en fonction de leur milieu social qu’il soit :  ouvrier, rural, ou de classe moyenne. Elle a également organisé des consultations pour les nourrissons et les femmes enceintes. Les aspirations de LOFC se sont vues énormément évoluer à la suite des répercussions qu’a provoquées la Seconde Guerre mondiale. De nouvelles problématiques sont apparues comme : la défense de la famille et les droits des femmes et leur égalité dans la société. Ensuite dans les années 1960, la LOFC s’est intéressée à « la promotion  féminine ainsi qu'à l'émancipation  des femmes ». En 1969, la LOFC s’est transformée et a changé son  nom en « Vie féminine ». Cette association porte toujours cette appellation à l’heure actuelle[1],[2].

Contexte et origine

Durant la seconde moitié du 19e siècle, en Belgique, les socialistes sont au pouvoir et ce jusqu’en 1884. Durant cette période, ils créent plusieurs organisations féminines socialistes. En réaction à cela, les catholiques, lorsqu’ils seront au pouvoir à partir de 1884, vont eux aussi créer des institutions pour soutenir la lutte des femmes. C’est dans ce contexte que Victoire Cappe crée en 1907 le « Syndicat de l'aiguille », considéré comme l’ancêtre de la Ligue ouvrière féminine chrétienne.  

Les organisations ouvrières féminines, socialistes et catholiques se font de plus en plus nombreuses surtout après la première guerre mondiale, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance.  

En 1920, la fédération des Ligues ouvrières féminines chrétiennes est créée. Elle constitue une section du mouvement ouvrier chrétien. Elle compte deux branches, l’une francophone qui regroupe « les Ligues ouvrières féminines chrétiennes » (LOFC) et l’autre néerlandophone qui contient les « Kristelijke arbeiders vrouwengilden » (KAV)[3].

C'est d'abord l'association néerlandophone qui est créée en premier en 1920. Elle rassemble les différentes ligues ouvrières féminines de Flandre sous l’appellation « Kristelijke arbeiders vrouwengilden ». Cette association est composée de femmes de la classe ouvrière, qui dans un esprit chrétien veulent « prendre conscience de leur responsabilités personnelles et sociales ». Face à ce mouvement, les Wallons réagissent et la même année l’association des « Ligues ouvrières féminines chrétiennes » voit le jour[4].

Ces deux associations ont été créées par des syndicats féminins catholiques. Leur objectif était rassembler les différentes ligues agissant pour les femmes au sein “des œuvres sociales chrétiennes féminines”. Ces associations “absorbent les services du secrétaire général des œuvres sociales chrétiennes”[5].

LOFC compte 125.000 membres. Ce mouvement se centre surtout sur les épouses au foyer, mais plus généralement sur les femmes de la classe ouvrière. L’association propose un enseignement « social, moral et religieux » ayant pour ambition que les femmes deviennent de bonnes mères, épouses, ménagères et chrétiennes. Ce travail éducatif au sein d’un groupe socialement homogène sera reconnu par l’archevêque Joseph-Ernest van Roey[6],[7].

LOFC  connaît également un enjeu politique et religieux. En 1920, les femmes vont être autorisées à participer aux élections communales. Pour attirer leur voix, les partis politiques vont organiser des consultations médicales pour nourrissons et les femmes enceintes, sans affiliation particulière. L’enjeu politique est une bataille constante entre les socialistes et les catholiques. En effet, les socialistes conseillent aux femmes de se rendre dans des plannings familiaux et, le cas échéant, d’avorter, alors que les catholiques y sont opposés.

Après le décès de Victoire Cappé en 1927, LOFC, en "tant qu'organisation d'Action catholique spécialisée", recentre ses actions sur les missions religieuses et le contrôle de l’Evêque est renforcé. A cette période, LOFC rejoint la ligue nationale des travailleurs chrétiens qui est aussi centrée sur l'éducation.

Programmes et objectifs des ligues féminines ouvrières chrétiennes

1921–1939

Les ligues ouvrières chrétiennes puisent leur origine dans les mouvements d’action catholique qui se développent en Belgique dans les années 1920. Ceux-ci avaient pour aspiration d’encadrer l’éducation populaire ainsi que religieuse des femmes catholiques en fonction de leur milieu social qu’il soit ouvrier, rural, ou de classes moyennes. L’action catholique visait deux objectifs : constituer de nouveaux outils pour christianiser ou entretenir les croyances de ces milieux pour ensuite  leur apporter les enseignements humanistes et sociaux de l'Église. La plus connue en Belgique reste toujours de nos jours l’Action Catholique de la jeunesse Belge. La ligue féminine ouvrière Chrétienne s’occupait plus particulièrement d’éduquer les femmes de la classe ouvrière et des campagnes à être de bonnes mères, épouses, femmes au foyer et chrétiennes. Elle avait également comme objectif de mettre en place des consultations pour les nourrissons, des services maternels et infantiles>[2].

1940 – 1969

La seconde guerre mondiale a brusquement contribué à accélérer l’évolution des mentalités et des modes de vie.  Ce changement a eu un impact sur les ligues ouvrières chrétiennes belges qui  se sont  penchées sur de nouvelles problématiques telles que la défense de la famille et les droits des femmes ainsi que leur égalité dans la société. C’est aussi  la période de la promotion féminine qui se traduit par « une  valorisation de l’enseignement féminin »,  « une obtention de ressources financières suffisantes pour les familles populaires », « droit à une rémunération égale pour un travail égal », « droit de vote des femmes », « autonomie », « droit culturel »[8],[2].

Les années 1960, quant à elles, sont marquées par la montée en puissance de l’émancipation féminine. Tout l'enjeu de la ligue féminine chrétienne va être d’adapter ses actions sociales pour améliorer au mieux  la condition des femmes sans pour autant trahir son  identité religieuse. Toute la difficulté réside dans le fait de savoir comment intégrer la cause des femmes dans des sphères traditionnellement conservatrices[2].

Dans la seconde moitié des années 60 la  LOFC va prendre un nouveau tournant à la suite de l’élaboration d’un manifeste qui va accorder « un nouveau statut » pour les femmes. Il y a ce besoin de créer un nouveau statut pour les  femmes qui soit le reflet des transformations des rôles joués par celles-ci au sein de la famille et de la société. Ces changements sont, en grande partie provoqués par : l’arrivée de l’électroménager, la diffusion de méthodes de contraception chimique et l’amélioration de la formation des jeunes filles. Ces nouvelles évolutions entrainent plusieurs conséquences telles que la transformation du quotidien des ménagères, des nouvelles perspectives aux épouses et une plus large accessibilité au monde professionnel pour les femmes. Ce nouveau statut s’inscrit dans la continuité d’une   tendance sociétale généralisée en faveur de « la promotion de la femme » mais « tout en conservant la valeur fondamentale de la famille, menacée selon la LOFC par les « excès» d’une certaine vision de la libération féminine. »[2].

La LOFC  va aussi revendiquer la reconnaissance des femmes comme  des personnes « à part entière », pour qu'elles puissent s’épanouir pour elles-mêmes. Il s’agit ici non seulement de la représentation de l’épanouissement comme  valeur catholique mais aussi comme « l’idée d’un droit au bonheur et d’une place plus grande à l’individu »[9]. À l’instar  de son environnement, la LOFC perçoit la « promotion de la femme [comme un] épanouissement selon sa vraie nature » et comme « reconnaissance et épanouissement de toutes les valeurs humaines de la femme[10] ». La question qui se pose à la suite de cette conception de la « promotion féminine » par LOFC est celle de la vraie nature féminine[2].

La LOFC y répond en 1966  par ces termes : « à ces deux rôles [épouse et mère], que la femme assume parce qu’elle est “femme”, s’ajoute la nécessité d’assumer d’autres rôles, non plus liés au sexe, mais liés aux aptitudes de l’être humain, au contexte social et à la culture. […] Un être humain doit pouvoir épanouir toutes ses potentialités. Peut-on affirmer que toute femme épanouit toutes ses potentialités dans l’accomplissement unique et perpétuel des seuls rôles liés à son sexe ? » [11]En d’autres termes, pour la LOFC il est évident que les femmes exercent des fonctions liées à leur genre mais qu’on ne peut pas les y réduire. Cela signifierait qu'on ne les considère pas comme «  des personnes à part entière ». Cette période est cependant marquée par un paradoxe : la LOFC milite pour que les femmes puissent faire leur propre choix mais tout en les raccrochant en permanence à leurs rôles de mères et d’épouses, en raison « de prédispositions naturelles ».  En effet, pour la LOFC « le choix de l’état du mariage aura même des conséquences très spécifiques pour la femme puisque sa nature la destine à mettre des enfants au monde, à leur donner la vie d’abord, les soins et l’affection ensuite. »[12],[2].

En résumé, dans la fin des années 1960, la LOFC opte pour une vision différentialiste de la femme. C’est-à-dire que « dans la famille, la femme [occupe une place] distincte de celle de l’homme, place déterminée par son rôle propre dans la procréation, mais aussi par des facteurs d’ordre psychologique, sociologique et culturel »[13].

La ligue ouvrière féminine chrétienne change de nom pour devenir « Vie féminine » en 1969.

Vie féminine

La LOFC a changé de nom en 1969 pour s'intituler "Vie féminine". Cette association travaille en vue de l'émancipation individuelle et collective des femmes. Ce projet se base sur 5 valeurs.

Une option féministe

Cette option féministe vise la lutte contre les inégalités entre femmes et hommes qui persistent et se recomposent dans les sphères publiques comme dans la sphère privée.

Cette inégalité se traduit de nos jours par la place des femmes qui « reste conditionnée par les rôles et fonctions qui leur sont traditionnellement dévolus et par des stéréotypes qui les discriminent ». Aujourd’hui encore, les femmes subissent des inégalités sociales, économiques, politiques et culturelles.

Avec les femmes du milieu populaire

Cette association est ouverte à toutes les femmes qui souhaitent lutter contre les inégalités culturelles, sociales, économiques, qu’elles les vivent elles-mêmes ou qu’elles soutiennent le projet. Mais plus particulièrement encore aux femmes issues des milieux populaires.

Une éducation permanente féministe

L'idée qu' émet la vie féminine c’est que pour atteindre l'égalité, il faut avant tout  repenser fondamentalement les « rapports entre les hommes et les femmes, et l’ensemble de l’organisation de notre société : le politique, l’économique, les rapports sociaux et culturels ».

Construire ensemble notre identité et nos actions

La vie féminine se bat également pour l'égalité entre conviction et appartenances religieuses différentes ainsi que sur la nécessité absolue de parole et l'expérience des femmes.

Un engagement démocratique

La vie féminine espère rassembler un grand nombre de femmes et faire pression avec elles pour influencer les politiques qui régissent leur vie, dans l'esprit d'une dynamique de réseau.

Notes et références

  1. CRISP, « Information, défense et représentation des consommateurs en Belgique », courrier hebdomadaire du CRISP,
  2. Juliette Masquelier, « Ni vraiment dissidentes, ni complètement obéissantes : promotion des femmes, essentialisme et constructivisme dans deux organisations d'Action catholique », Nouvelles questions féministes,
  3. CRISP, « GROUPES ET ACTIONS POUR LA DÉFENSE ET LA REPRÉSENTATION DES CONSOMMATEURS », courrier hebdomadaire du CRISP,
  4. CRISP, « Les associations féminines en Belgique », courrier hebdomadaire du CRISP,
  5. Juliette Masquelier, « NI VRAIMENT DISSIDENTES, NI COMPLÈTEMENT OBÉISSANTES : PROMOTION DES FEMMES, ESSENTIALISME ET CONSTRUCTIVISME DANS DEUX ORGANISATIONS D’ACTION CATHOLIQUE (BELGIQUE, 1960-1990) », CAIRN, (lire en ligne)
  6. CRISP, « GROUPES ET ACTIONS POUR LA DÉFENSE ET LA REPRÉSENTATION DES CONSOMMATEURS », courrier hebdomadaire du CRISP,
  7. CRISP, « information, défense et représentation des consommateurs en Belgique », courrier hebdomadaire du CRISP,
  8. Amélie Roucloux, Anne-Lise Delvaux et Marie-Thérèse Coenen, 100 ans de mobilisation féminine, Carshop, 352 p.
  9. F. Baetens, « Promotion de la femme », vie féminine,
  10. Plein soleil et journée d'étude de l'ACRF, « X », ACFR,
  11. LOFC, « essai de définition de la condition féminine », archives vie féminine nationale,
  12. LOFC, « contribution des LOFC pour l'élaboration du statut social de la femme, appel à action », vie féminine nationale,
  13. LOFC, « Amicale sur le "manifeste" », archives vie féminine nationale, 1966-1967

Bibliographie

  • Juliette Masquelier, Ni vraiment dissidentes, ni complètement obéissantes : promotion des femmes, essentialisme et constructivisme dans deux organisations d'Action catholique, Nouvelles questions féministes, Antipodes, 2019.
  • Amélie Roucloux, Anne-Lise Delvaux et Marie-Thérèse Coenen, 100 ans de mobilisation féminine, Carshop.
  • F. Baetens, "Promotion de la femme", Vie féminine, novembre 1952.
  • LOFC, 2e présentation, "Essai de définition de la condition féminine", 17 mars 1966, Archives Vie féminine Nationale (D36)
  • LOFC, brochure Contribution des LOFC pour l'élaboration du statut social de la femme, appel à action, 1966, Archives Vie féminine Nationale (D 36)
  • LOFC, Amicale sur le "manifeste, 1966-1967, Archives Vie féminine Nationale
  • Vie Féminine, avec les femmes pour leurs droits
  • CRISP, Groupes et actions pour la défense et la représentation des consommateurs, courrier hebdomadaire du CRISP, 1959.
  • CRISP, Les associations féminines en Belgique, courrier hebdomadaire du CRISP, 1973.
  • CRISP, Information, défense et représentation des consommateurs en Belgique, courrier hebdomadaire du CRISP, 1959.
  • Plein Soleil, décembre 1973 et journée d'étude de l'ACRF, 1973.

Lien externe

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