Tatihou

Tatihou est une île côtière française au nord-est du Cotentin située dans la rade de Saint-Vaast-la-Hougue, commune à laquelle elle est administrativement rattachée[1] dans le département de la Manche, en région Normandie.

Tatihou

L'île Tatihou vue depuis le continent.
Géographie
Pays France
Localisation Manche (océan Atlantique)
Coordonnées 49° 35′ 20″ N, 1° 14′ 36″ O
Superficie 0,29 km2
Point culminant Fort Vauban (12 -hors construction- m)
Géologie Île continentale
Administration
Région Normandie
Département Manche
Commune Saint-Vaast-la-Hougue
Démographie
Population Aucun habitant
Autres informations
Découverte Préhistoire
Fuseau horaire UTC+1
Géolocalisation sur la carte : France
Tatihou
Géolocalisation sur la carte : Manche
Tatihou
Îles en France

Description

D'une superficie de 29 hectares, elle est accessible à pied à certaines marées basses. L'île appartient au Conservatoire du littoral et n'est pas habitée de manière permanente.

Son patrimoine se compose :

  • du fort Vauban [2] construit en 1694, après la bataille de la Hougue dont la Tour Vauban[3] (XVIIIe siècle), inscrite avec son homologue sur le site de la Hougue au patrimoine mondial par l'Unesco depuis 2008. À l'intérieur des fortifications (XIXe siècle) se trouvent aussi une chapelle (fin du XVIIIe siècle), un magasin à poudre (XIXe siècle) et une caserne devenue un restaurant ;
  • de l'ancien lazaret, construit en 1720, pour éviter la propagation de la peste, qui abrite le musée maritime, un jardin botanique, un atelier de charpente navale et des bâtiments d'hébergement ;
  • d'une réserve ornithologique[4], implantée dans la plaine derrière la tour Vauban et dans le fort de l'Ilet, corps de garde crénelé n° 1 modèle 1846. La réserve est gérée par le Groupe ornithologique normand[5] ;
  • d'une maison des douaniers (1805), au-dessus de l'embarcadère.

Toponymie

Dans certains toponymes régionaux, l'élément -hou est issu du vieil anglais hōh « escarpement rocheux, rivage abrupt » (comme dans le Hou et les Hautot, Hotot, Hottot de Normandie), comme c'est le cas pour le Cap Lihou à Granville, et les îlots anglo-normands de Jethou, Brecqhou ou les Écréhous. D'autres noms en -hou peuvent s'expliquer par le vieux norrois hólmr « îlot, prairie au bord de l'eau » comme Tribehou, Quettehou ou Néhou[6]. François de Beaurepaire préfère la première solution par le vieil anglais hōh[7] et René Lepelley la seconde par le norrois hólm(r)[8]. Le premier élément Tati- s'explique par le nom de personne vieux norrois (et vieux danois) Tati (variante Tatti)[9],[10]. On rencontre cet anthroponyme dans Mesniltat (Seine-Maritime, pays de Caux, Baons-le-Comte, Mesnil Tate 1224 [concerne peut-être le Mesnil Tade, à Saint-Michel-de-la-Chapelle ou Saint-Michel-du-Haizel, com. de Saint-Romain-de-Colbosc]; Le Mesnil (Tate) 1393; Le Mesnil Tata 1397-98; Le Mesnil Tate 1411). L'association avec l'appellatif mesnil renforce l'hypothèse d’une utilisation de Tati (variante Tatti) en Normandie, car mesnil apparaît généralement en composé avec un nom de personne.

Histoire

L'île Tatihou a fait l'objet de nombreuses fouilles archéologiques, au large dans un premier temps en contexte sous-marin (fouille de M. L'Hour) puis sur terre à l'occasion de fouilles préventives puis d'un programme de recherche conduit par Cyril Marcigny puis Vincent Carpentier.

Protohistoire

Après des occupations multiples du Néolithique, l'île, alors rattachée à la côte, est densément occupée au cours de l'âge du bronze. Un réseau parcellaire et plusieurs habitats s'implantent ainsi sur l'île Tatihou entre 1500 et 1250 avant notre ère[11]. Après cette date, les lieux semblent désertés jusqu'à la fin de l'âge du fer où un nouvel établissement agricole s'installe.

Le petit établissement de la fin de l'âge du bronze, mis en évidence en 1996 à l'occasion de fouilles pour la création d'un jardin maritime, se présentait sous la forme d'un habitat circulaire et de greniers à quatre ou six poteaux porteurs. Ont également été découvert des fours, des débris de céramiques et des milliers de silex taillés[12].

Histoire moderne

La bataille de la Hougue voit s'affronter en 1692 au large de Barfleur la flotte française menée par le vice-amiral de Tourville et la flotte anglo-hollandaise. Au terme d'une rude bataille, onze vaisseaux français ne purent regagner Saint-Malo et seront échoués puis brûlés près de l'île Tatihou et de la Hougue. Dès cette époque, la présence d'une chapelle est mentionnée dans les archives[13], qui aurait servi de réservoir à vivres pour les garnisons militaires présentes sur l'île jusqu'à la Révolution.

Chapelle de l'île.
Tour de Benjamin de Combes, XVIIe siècle (monument historique et patrimoine mondial de l'Unesco).

À partir de 1694, la tour de Tatihou, sur l'île éponyme et sa jumelle la tour de la Hougue (sur la terre ferme) sont construites par un collaborateur de Vauban, Benjamin de Combes, afin de défendre la baie de Saint-Vaast contre les agresseurs. Les fortifications se poursuivront jusqu'au XIXe siècle. Ces tours sont inscrites, avec onze autres sites fortifiés par Vauban, au patrimoine mondial de l'humanité le [14].

En 1708, avec une troupe de 900 hommes de guerre levée à ses frais, Adrien Morel de Courcy empêche durant 22 jours les Anglais de débarquer à la Hougue, depuis l'île de Tatihou, et les forcent à se retirer[15].

En 1721, la peste de Marseille incite le roi à créer un lazaret pour protéger le nord-ouest du royaume. L'île Tatihou est alors choisie pour effectuer les quarantaines des équipages et des marchandises venant de la mer du Nord ou de la Méditerranée. En 1822, c'est la fièvre jaune d'Espagne qui succède à la peste, et on ajoute au lazaret un hôpital[16]. Cet ensemble sanitaire fonctionne jusque dans les années 1860. Dès 1888, les bâtiments devenus inutiles servirent à l'implantation d'un muséum d'histoire naturelle[16]. Jusqu'en 1923, le Muséum national d'histoire naturelle, dont le siège est à Paris, tiendra sur l'île sa toute première station maritime[17]. Les chercheurs y travaillent sur l'élevage du turbot en milieu artificiel, sur le plancton et sur les algues. Le laboratoire sera transféré à Saint-Servan en 1924[18] puis à Dinard en 1935[19] (l'actuelle station de biologie marine de Dinard y est encore).

Début du XXe siècle

La maison des douaniers.

Durant la Première Guerre mondiale, le fort était un camp de prisonniers de guerre allemands et austro-hongrois. De 1926 à 1940, l'île abrita dans ses locaux un aérium. De à , l'île accueillit des femmes et des enfants réfugiés de la guerre civile espagnole.

Après la Seconde Guerre mondiale

De 1948 à 1984, l'île Tatihou accueille un centre de rééducation pour adolescents en difficulté. Ces jeunes gens, placés sur l'île par décision de justice, y recevaient une formation professionnelle : horticulture, mécanique, ou métiers du bâtiment. Contrairement à une légende répandue, ce n'est pas ce centre éducatif qui inspira à Jacques Prévert le poème La Chasse à l'enfant dans son recueil de poésies Paroles, mais le centre pénitentiaire de Belle-Ile.

Le Centre possédait un bateau pour accéder à l'île à marée haute. On accédait au Centre à marée basse par une marche de km à travers les parcs à huîtres. Les jeunes gens qui fuguaient étaient facilement repris car le Centre sonnait le tocsin et les habitants de Saint-Vaast savaient qu'un pensionnaire s'était échappé. Le personnel éducatif et les jeunes pensionnaires habitaient intra-muros, c'est-à-dire dans l'ancien lazaret.

Pendant l'été, le centre de Tatihou accueillait une colonie sanitaire pour jeunes gens diabétiques. De 1982 à 1984, le Centre hébergea des enfants recueillis en mer de Chine méridionale (les boat-people), pour une formation à la langue française.

Après la fermeture du Centre en 1984, les locaux ont été dégradés, ses archives dispersées, du fait de l'abandon des bâtiments durant plusieurs années.

Au tournant du siècle

Abandonnée à son sort à partir de 1984, l'île de Tatihou est affectée au Conservatoire du littoral en 1989. Ce dernier signe une convention de gestion avec le conseil général de la Manche : les travaux de réhabilitation et de restauration peuvent alors commencer. Dès 1992, pour le tricentenaire de la bataille de la Hougue, le musée maritime ouvre ses portes, dans une partie de l'ancien lazaret et présente les vestiges provenant de cette bataille.

De 1990 à 2012, il y a une réhabilitation du site et du musée maritime.

Faune et flore

Le fort de l'îlet abrite la réserve ornithologique.

Trois hectares aux limites du fort ont été établis en réserve ornithologique en 1990. Elle fait aussi office de zone d'hivernage ou de simple étape de migration pour les oiseaux non marins. On peut y observer plus de 150 espèces différentes comme les goélands argentés, bruns et marins, les tadornes de Belon, les huîtriers pie, les pigeons colombins ou encore l'aigrette garzette, l'eider de Steller, le canard siffleur, le goéland leucophée, le bruant des neiges ou la bécasse des bois.

Ces espèces et d'autres, marines, ainsi que leurs habitats sous-marins ont justifié une proposition de classement dans le réseau Natura 2000 en mer[20].

Un jardin botanique ainsi qu'un jardin maritime[21] regroupent plusieurs centaines d'espèces du littoral.

Culture

Le musée maritime de l'Île Tatihou fut créé en 1992 pour accueillir le mobilier archéologique provenant des épaves de la bataille de la Hougue (1692). Il conserve également des collections relatives aux activités de pêche et de construction navale sur le littoral normand. Il présente chaque année plusieurs expositions temporaires sur ces thèmes.

Un festival de musique, les Traversées Tatihou, est organisé depuis 1995 aux alentours du 15 août. On rejoint l'île Tatihou à marée basse ; les heures des représentations sont choisies en fonction du rythme des marées et les dates de ce festival des musiques du large sont évidemment fixées en fonction de l'amplitude des marées.

L'île Tatihou accueille également plusieurs fois par an des stages de musique.

Accès

On accède à l'île en véhicule amphibie mais le nombre de visiteurs est limité à 500 par jour. Il est également possible, à marée basse, de s'y rendre à pied en passant à travers les parcs à huîtres, à condition que le coefficient de marée soit supérieur à 70.

Notes et références

  1. Cadastre.gouv.fr
  2. Patrimoine culturel de Bretagne (fort, tour d'observation
  3. Les fortifications Vauban
  4. réserve ornithologique de Tatihou
  5. Groupe ornithologique normand
  6. François de Beaurepaire, Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, éditions Picard 1986.
  7. Ibid.
  8. In L'héritage maritime des Vikings en Europe de l'Ouest, Presses Universitaires de Caen, 2002.
  9. René Lepelley, op. cit.
  10. Site de Nordic Names (anglais) : origine de l'anthroponyme "Tati / Tatti"
  11. Cyril Marcigny et Emmanuel Ghesquière, 2003 – L’île Tatihou à l’âge du Bronze (Manche), Habitats et occupation du sol, Documents d’Archéologie Française (DAF), no 96, 192 p.
  12. Edmond Thin, Le Val de Saire : Trésors d'un jardin du Cotentin sur la mer, Éditions OREP, , 165 p. (ISBN 978-2-915762-82-2), p. 11.
  13. « Découvrez la chapelle de Tatihou - 11. La chapelle », sur www.manche.fr (consulté le ).
  14. « Les fortifications Vauban inscrites au patrimoine mondial », Le Nouvel Observateur, 7 juillet 2008.
  15. Le château de Flottemanville - L'histoire de ses propriétaires : Édition salon du livre 17/18 novembre 2012 Valognes, Réal. Joseph Montreuil - Bibliothèque de Caen, , 31 p., p. 8.
  16. Maurice Lecœur (photogr. Christine Duteurtre), Val de Saire, Isoète, , 173 p. (ISBN 978-2-9139-2076-7), p. 157.
  17. « Découverte de l'île de Tatihou », MNHN.
  18. « L'étonnante histoire du petit aquarium de Dinard (1930-1997) », info Saint-Brieuc, 11 juillet 2012.
  19. Thomas Wayland Vaughan et alii, International Aspects of Oceanography: Oceanographic Data and Provisions for Oceanographic Research, National Academy of Sciences, Washington, D. C., 1997 (p. 118).
  20. Natura 2000 en mer sur la façade maritime Manche mer du Nord Vers un réseau cohérent pour mi 2008.
  21. Paysages fabriqués, une interview d’Hélène Izembart, paysagiste, Atelier Traverses (Paris)

Voir aussi


Bibliographie

  • Sagas de Tatihou, histoire d'une île normande, éditions OREP, 2012.
  • Tathou 1954, île pour enfants rebelles, Pierre Lebrun, Yvelinédition, (ISBN 978-2-84668-398-2)

Articles connexes

Liens externes

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