Taxis de la Marne

Les taxis de la Marne sont les taxis parisiens réquisitionnés par l'armée française lors de la première bataille de la Marne, les 6 et , pour transporter les hommes d'une brigade d'infanterie envoyés en renfort de Paris sur le champ de bataille.

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Un taxi de la Marne, modèle Renault Type AG 9 CV, 1910.
Un modèle de 1913.

Préambule

Aux premiers jours de , les troupes allemandes parviennent au nord-est de Paris, notamment dans le département de Seine-et-Marne. Les Allemands ont bivouaqué le 3 au Plessis-Belleville et des détachements de uhlans allemands sont signalés à quelques dizaines de kilomètres de Paris seulement.

L'état-major français doit trouver une solution rapide pour envoyer des troupes, afin de réaliser un mouvement tournant pour contenir et détruire les avant-gardes des troupes allemandes. Il commence par réquisitionner les trains, mais les réseaux ferroviaires autour de Paris sont désorganisés[1]. Des taxis-autos ont déjà fin août participé au ravitaillement du camp retranché de Paris sous l'initiative de l'Intendant Général Burguet. Le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, dispose depuis d'une réserve permanente de 150 taxis-autos disponibles nuit et jour, cette réserve pouvant être triplée en 12 heures[2].

Si l'histoire retient le modèle Renault AG-1, c'est qu'il représentait 85 % des taxis en circulation, dont la totalité du parc de la Compagnie Française des Automobiles de Place (également appelée Autoplace, puis G7). D'autres modèles de taxis ont néanmoins été réquisitionnés tels que De Dion Bouton, Brasier, Unic...

Déroulement

Les 6 et , sur ordre du gouverneur militaire de Paris, le général Gallieni et le chef d'état-major, le général Clergerie, environ 1 100 taxis parisiens mais aussi quelques cars pouvant transporter 20 à 30 soldats sont réquisitionnés pour servir de moyen de transport aux fantassins de la 14e brigade (103e et 104e RI) de la 7e division d'infanterie commandée par le général Edgard de Trentinian. Les véhicules sont en majorité des Renault AG1 Landaulet roulant à une vitesse moyenne de 25 km/h[3]. La capitale dispose alors de 10 000 taxis, mais 7 000 chauffeurs sont mobilisés pour la guerre. Gallieni en a besoin de 1 200 pour transporter 6 000 soldats, chaque taxi pouvant embarquer jusqu'à cinq hommes avec leur paquetage[4].

Rassemblés aux Invalides, les 600 premiers véhicules partent au cours de la nuit en deux groupes (le premier, de 350 véhicules, part à 22 h et un autre de 250 à 23 h), direction Tremblay-lès-Gonesse (aujourd'hui Tremblay-en-France) puis Le Mesnil-Amelot. Dans la journée du 7, pour des questions de logistique, ce convoi redescend sur Sevran-Livry, et un second convoi de 700 véhicules quitte les Invalides pour rejoindre Gagny[2].

Les taxis sont rassemblés à Gagny et Livry-Gargan pour charger les troupes et organiser les convois. Les deux convois partent dans la nuit du 7 au 8 et sont à pied d'œuvre le 8 au matin aux portes de Nanteuil-le-Haudouin et de Silly-le-Long. Après avoir déposé les soldats, les chauffeurs de taxi rentrent à Paris, et les compagnies sont payées d'après les indications portées au compteur, comme pour n'importe quelle autre course[2].

Le dernier chauffeur des taxis de la Marne encore vivant, Kléber Berrier[5], meurt en 1985. Né le à Beaurepaire-sur-Sambre, il était, en 1914, chauffeur de taxi à la Compagnie Générale des Voitures (G3), boulevard de la Chapelle à Paris. Pendant onze jours, sa compagnie a été réquisitionnée pour transporter des soldats et ramener les blessés.

Caractéristiques techniques

Ce taxi Renault, surnommé la G7, du fait de son immatriculation, se démarre à la manivelle. Grâce à son petit et modeste moteur de 8CV et sa boite à trois vitesses, il atteint les 8km/h en 1er et 35km/h en 3eme. Son réservoir d’essence fait 35 litres[6].

A l’intérieur est disposé, le taximètre, où le client peut lire le prix de sa course et le nombre de pannes subies par le taxi. Sa carrosserie de type « landaulet » permet l’ouverture et la fermeture de la capote. Le véhicule comprend une banquette et deux strapontins, deux fenêtres sur les côtés et deux vers l’avant, grillagées. L’éclairage extérieur est assuré par deux lanternes sur le devant du véhicule[6].

Particularité : la colonne de direction se situe à droite[6].

La portée de l'événement

Cette opération permit d'acheminer rapidement environ entre 3 000 et 5 000 hommes, selon les sources. En aucun cas, elle a renversé le cours de la première bataille de la Marne, contrairement à une idée reçue[7]. En effet, le nombre de soldats transportés (une seule brigade) paraît dérisoire par rapport aux effectifs mobilisés pour la bataille, la très grande majorité des troupes étant transportée en train[3]. Les troupes transportées (104e et 103e RI) étaient des troupes « épuisées » ayant essuyé de lourdes pertes et avec une forte proportion de réservistes. C'est d'ailleurs précisément pour cette raison qu'elles bénéficieront des taxis. Elles occuperont ensuite des positions défensives en seconde ligne, sans jamais subir d'assaut direct. Sur le plan militaire, la contribution des taxis est quasiment nulle[8],[9].

En revanche, cette manœuvre inédite dans son ampleur eut une réelle portée psychologique sur la population, l'épopée devenant rapidement un symbole d'unité et de solidarité nationale. Lors de ces deux jours d'opérations, la distance parcourue varie entre 120 et 200 kilomètres, la somme au compteur pouvant atteindre 130 francs de l'époque, donc les chauffeurs touchèrent réglementairement 27 % du montant. L'opération coûta 70 102 francs au Trésor public[10]. On peut considérer cette opération comme une des premières applications du concept « d'unité motorisée », qui prévaudra avec succès durant la Seconde Guerre mondiale.

De tous ces taxis mythiques, certains furent achetés par des associations d'anciens combattants américains (dont le no 4449E2 parti en , acheté par la société 40 hommes 8 chevaux de l'Oregon, pour être installé dans son musée de la guerre), et deux « Renault G7 » ont été offerts en 1922 au musée de l'Armée (situé dans l'Hôtel des Invalides à Paris) et en 2011 au musée de la Grande Guerre (situé à Meaux) ; un autre (Renault AG 1) est conservé au musée des automobiles de Reims[11]. Ces véhicules sont aujourd'hui très rares : un accord industriel entre Renault et la Compagnie française des automobiles de place stipulait que les taxis déclassés ne pouvaient être vendus avec leur carrosserie, le châssis étant le plus souvent remonté avec une carrosserie de camionnette. Quelques collectionneurs particuliers participent aux commémorations du 11-Novembre, aux reconstitutions historiques (bataille de Villeroy), ou encore aux inaugurations.

Notes et références

  1. Maurice Ezran, Histoire du pétrole, Editions L'Harmattan, , p. 87 .
  2. Le taxi de la Marne .
  3. Des taxis parisiens aux taxis de la Marne .
  4. Rémy Porte, Les secrets de la grande guerre, la librairie Vuibert, , p. 79 .
  5. Vidéo Ina - Les Taxis de la Marne .
  6. Musée de l'Armée, « Le taxi de la Marne » (consulté le )
  7. Nicolas Offenstadt, « Pour en finir avec dix idées reçus », Le Monde, cahier Le Journal du centenaire, , p. 2.
  8. Jean-Claude Delhez, « Taxis de la Marne : la légende se dégonfle », Science et Vie - Guerres et Histoire, no 14, , p. 66-69. .
  9. Cordélia Bonal, « Non, les taxis de la Marne n'ont pas sauvé Paris », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le )
  10. Thomazo 2010, p. 92.
  11. « Le Musée Automobile Reims Champagne a été fondé en 1985 par Philippe CHARBONNEAUX, découvrez tous les véhicules d'exception que cette collection abrite. », sur Musée Automobile Reims Champagne (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Renaud Thomazo, Les Grandes falsifications de l'histoire de France, Paris, Larousse, , 95 p. (ISBN 978-2-03-585635-7).

Articles connexes

Liens externes

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