Technologie civique

La technologie civique (de l’anglais : civic technology) représente l’ensemble des procédés, outils et technologies qui permettent d’améliorer le fonctionnement démocratique des sociétés et des communautés, en renforçant le rôle joué par les citoyens dans les débats et prises de décision.

Les gouvernements qui tentent de s'approprier cette technologie, peuvent faire du civic washing (prétexte civique) comme on parle de green washing[1].

Définition

La technologie civique est l’usage de la technologie dans le but de renforcer le fonctionnement démocratique des sociétés. Cela englobe toute technologie permettant d’accroître le pouvoir des citoyens sur la vie politique, ou de rendre les instances représentatives plus accessibles, efficientes et efficaces[2].

En 2015, un rapport de la Fondation Knight a classé les différents projets de la technologie civique en deux grandes catégories : ouverture du gouvernement (ouverture des données et transparence, facilitation du processus de vote, cartographie des données publiques, exploitation et utilisation des données publiques, voire cocréation des lois et décisions gouvernementales) et participation citoyenne (développement de réseaux citoyens, engagement de communautés locales, financement participatif, partage des données citoyennes)[3].

Des acteurs du numérique ou de l’économie collaborative, par leur engagement sur des domaines d’ordinaire administrés par les gouvernements (transports ou gestion des catastrophes), ont pu être classés comme faisant partie du secteur des technologies civiques. Néanmoins, leurs actions n’ayant généralement pas de portée directe sur le gouvernement, cette dénomination a pu être utilisée de manière inappropriée dans certains cas[4].

Développement

La modernisation des institutions, longtemps restées à l'écart des évolutions technologiques, est désormais considérée comme étant un marché à fort potentiel[5]. Les technologies civiques représentent 24 % des dépenses institutionnelles dans les technologies de l'information, soit 6,4 milliards de dollars sur un marché global de 25,5 milliards de dollars. Selon une estimation, les investissements dans ce secteur sont amenés à progresser 14 fois plus vite que les investissements dans les technologies traditionnelles[6],[7]. La Knight Foundation avance que le nombre d'acteurs de la technologie civique a augmenté de 23 % entre 2008 et 2013, et qu'ils représentent un investissement total de 431 millions de dollars.

Néanmoins, l'approximation terminologique autour de l'expression technologie civique rend ces statistiques peu précises, des sociétés de l'économie collaborative telles que Waze ou AirBnb étant parfois intégrées dans ces classements[8].

Certains outils revendiquent respecter les principes de gouvernement ouvert.

Acteurs de la technologie civique

La technologie civique comprend de nombreux types d’acteurs, comme des associations, des collectifs, des sociétés, des ONG ou simplement des citoyens. Les institutions gouvernementales jouent également un rôle prépondérant dans le développement des technologies civiques partout dans le monde.

Pour cartographier une partie de ces acteurs et outils, le mouvement Nuit Debout a édité une liste d'outils numériques qui peuvent servir dans le cadre d'un engagement politique des citoyens.

Initiatives gouvernementales

Les initiatives gouvernementales se sont structurées lors de la création du Partenariat pour un gouvernement ouvert[9] en 2011, qui regroupe aujourd'hui 69 pays[10]. Les pays membres s'engagent à impliquer la société civile et les institutions dans le développement et l'implémentation de réformes gouvernementales amenant à plus d'ouverture, de transparence, et de proximité avec les citoyens. Ces initiatives se manifestent notamment par l'ouverture des données publiques (Open data), enjeu dans lequel se sont engagés l'Open Government Partnership et l'Open Knowledge Foundation, qui publie chaque année l'Open Data Index[11], classant les pays en fonction de la disponibilité de leurs données publiques.

En France, les données publiques sont disponibles sur le portail data.gouv.fr[12] par la mission Etalab, placée sous l'autorité du premier ministre.

Initiatives associatives sans but lucratif

France

  • Projet Arcadie : site internet centralisant des informations sur les parlementaires français[13].
  • Regards Citoyens : association promouvant l'ouverture des données publiques et la transparence des institutions démocratiques en réalisant des projets libres.

France

  • Fluicity : plateforme de coconstruction à l'échelle locale[14].
  • GOV : plateforme de consultation citoyenne.

États-Unis

Mouvement et plateformes s'impliquant dans les élections

  • Civic Information API ; cette API de Google permet aux développeurs de créer des applications affichant des « informations civiques » pour leurs utilisateurs. Pour chaque adresse de résidence aux États-Unis, l'utilisateur saura qui la représente pour chaque niveau de gouvernement élu. Lors d'élections prises en charge par l'appli, les bureaux de vote, le lieu du vote anticipé, les données des candidats et d'autres informations officielles sur les élections sont aussi disponibles. Il est aussi possible de saisir une adresse pour trouver le district correspondant (à chaque niveau de gouvernement) et les noms et propriétés des médias sociaux des élus de ces districts[15]. Molly Schweickert, alors responsable du numérique chez Cambridge Analytica (Vice-Présidente « Global Media ») a dit dans un exposé fait mi-mai 2017 à Hambourg, au Salon « d3con », que cette API a aussi été détournée par Cambridge analytica comme source d'information pour établir des modèles ayant permis d'influencer les votes en faveur de Donald Trump[16] ; ces modèles croisaient la base de données « massive » de Cambridge Analytica avec les résultats des nouveaux sondages électoraux américains ; ils ont selon Molly Schweickert joué un double rôle : ils ont aidé l'équipe de campagne à adapter chaque jour ses choix de campagne, y compris le plan de déplacements du candidat Trump ; ils ont aussi permis de cibler les donateurs à même de financer la campagne[17] ;
  • LaPrimaire.org : permet une primaire ouverte, pour désigner un candidat pour l'élection présidentielle de 2017 ;
  • MaVoix : permet une représentation citoyenne et démocratique à l’Assemblée nationale[18].

Fondations

Le développement de la technologie civique a rapidement posé la question du financement des projets, une grande partie d'entre eux étant à but non lucratif. Pour répondre à ce besoin, des fondations spécialisées dans le soutien aux technologies civiques ont alors vu le jour dans de nombreux pays du monde.

Europe

  • E-Governance Academy (Estonie)
  • Fondation pour les générations futures (Belgique)
  • Fondation Hanns-Seidel (Allemagne)

États-Unis

  • Open Society Foundations : réseau mondial de fondations pour la démocratie
  • Govtech Fund [19]
  • National Endowment for Democracy
  • Civic Makers

Royaume-Uni

  • Open Knowledge Foundation

Ailleurs dans le monde

  • Democracy Africa[20]
  • Jasmine Foundation[21] (Tunisie) : développement de la transparence, de la gouvernance participative et de la transition démocratique
  • Data for Tunisia (Tunisie) : Partage et mise à disposition de données (politiques, institutionnelles, économiques, culturelles, écologiques ...) pour les Tunisiens
  • NewDemocracy[22] (Australie)
  • Loomio (Nouvelle-Zélande) : plate-forme de prise de décision collective apparue à l'occasion du mouvement Occupy. Utilisée en France par les gilets citoyens[23],[24], un collectif impliqué dans la convention citoyenne pour le climat.

Instance de régulation

Le rôle des technologies civiques en démocratie est aussi questionné par les instances de régulation. En France la CNIL publie un document en pour analyser "les enjeux de données personnelles et libertés dans les relations entre démocratie, technologie et participation citoyenne"[25]. La CNIL souligne que les technologies civiques ne sont pas neutres et que les outils doivent intégrer dès leur conception la protection de la vie privée et l'inclusion de l'ensemble des citoyens[26].

Controverses

Consultation citoyenne sur les retraites

Comme l'indique sa déclaration rectificative[27] adressée à la HATVP en , Jean-Paul Delevoye a siégé au comité d'administration de Démocratie ouverte et de Parlements & Citoyens. Or ces deux associations ont été fondées par Cyril Lage[28], également cofondateur de la startup Cap Collectif[29]. Le marché de consultation citoyenne sur les retraites[30] est précisément confié à Cap Collectif par Jean-Paul Delevoye, alors au haut-commissaire aux retraites, ce qui interroge non seulement sur la neutralité de la gestion de l'appel d'offre.

Notes et références

  1. Nicolas Martin, « Civic Tech : vers une démocratie numérique ? », sur franceculture.fr, .
  2. Stacy Donohue, « Civic Tech Is Ready For Investment », sur TechCrunch (consulté le )
  3. Rapport de la Knight Fondation
  4. (en-US) « The Sharing Economy is Not Civic Tech - www.globalintegrity.org », sur www.globalintegrity.org (consulté le )
  5. « Why Civic Tech Is The Next Big Thing », sur Forbes (consulté le )
  6. « $6.4 Billion to be Spent on Civic Tech in 2015, Report Says », sur www.govtech.com (consulté le )
  7. « Civic tech in 2015: $6.4 billion to connect citizens to services, and to one another - TechRepublic », sur TechRepublic (consulté le )
  8. (en-US) « Most of the $450 Million "Civic Tech Sector" Has Nothing to Do With the Government », sur Motherboard (consulté le )
  9. Open Government Partnership
  10. « Participating Countries », sur Open Government Partnership (consulté le )
  11. Open Data Index
  12. data.gouv.fr
  13. « Le Projet Arcadie, vigie du Parlement », sur LePoint.fr (consulté le )
  14. « Fluicity - la démocratie en continu », sur flui.city (consulté le ).
  15. (en) « Civic Information API », sur Google Developers (consulté le )
  16. « Cambridge Analytica explains how the Trump campaign worked (voir le moment 25:31) » (consulté le )
  17. (en-GB) Stephanie Kirchgaessner, « Cambridge Analytica used data from Facebook and Politico to help Trump », sur The Guardian, (ISSN 0261-3077, consulté le )
  18. « Le collectif MaVoix veut hacker l'Assemblée Nationale », sur rtl.fr, (consulté le )
  19. (en-US) Nancy Scola, « A $23 million venture fund for the government tech set », The Washington Post, (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
  20. Democracy Africa
  21. Jasmine Foundation
  22. NewDemocracy
  23. « Comment Cyril Dion et Emmanuel Macron ont élaboré l'assemblée citoyenne pour le climat », sur Reporterre, le quotidien de l'écologie (consulté le )
  24. « Collectif des Gilets Citoyens », sur Gilets citoyens, (consulté le )
  25. « Civic tech, données et Demos : une exploration des interactions entre démocratie et technologies | CNIL », sur www.cnil.fr (consulté le )
  26. « « Civic tech » : la CNIL appelle à la vigilance », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  27. Luc Peillon, « Quelles sont les quatorze fonctions occupées par Delevoye qui auraient dû figurer dans sa déclaration ? », sur Libération.fr, (consulté le )
  28. CECILE MARCHAND MENARD, « Sciences Politiques Toulouse - Cyril Lage, le diplômé derrière la plateforme du Grand débat national », sur www.sciencespo-toulouse.fr (consulté le )
  29. « L’équipe – Cap Collectif » (consulté le )
  30. « Consultation citoyenne sur les retraites », sur Consultation citoyenne sur les retraites (consulté le )

Voir aussi

  • Portail des technologies
  • Portail de la politique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.