Tenségrité (architecture)

La tenségrité[1] est, en architecture, la faculté d'une structure à se stabiliser par le jeu des forces de tension et de compression qui s'y répartissent et s'y équilibrent. Les structures établies par la tenségrité sont donc stabilisées, non par la résistance de chacun de leurs constituants mais par la répartition et l'équilibre des contraintes mécaniques dans la totalité de la structure. Ainsi, un système mécanique comportant un ensemble discontinu de composants comprimés au sein d'un continuum de composants tendus peut se trouver dans un état d'équilibre stable. Ce qui signifie, par exemple, qu'en reliant des barres par des câbles, sans relier directement les barres entre elles, on arrive à constituer un système rigide.

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Needle Tower II (Tour d'aiguilles) par Kenneth Snelson (en) au musée Kröller-Müller à Otterlo (Pays-Bas).

Les dômes géodésiques sont des structures réticulées ; ce ne sont pas des systèmes répondant au concept de tenségrité. On peut citer à cet égard les dômes géodésiques de la Biosphère de Montréal (Fuller, 1967) ou de La Géode à Paris (Fainsilber, 1985). La confusion vient du fait que Buckminster Fuller souhaitait réaliser un dôme en utilisant le concept de tenségrité mais les technologies de l'époque et les moyens de calcul ne lui ont pas permis de le faire.

Les recherches sur la tenségrité se tournent aussi vers les sciences naturelles, comme la biologie. Ainsi, les cytosquelettes des cellules animales seraient de telles structures : les microtubules sont au centre d'un réseau de contraintes compressives exercées par des filaments (cf. Tenségrité (biologie)).

Une origine contestée

Vue de la seconde exposition de l'Obmokhou. Bolshaia Dimitrovska, Moscow, 1921. Au premier plan trois sculptures spatiales de Karl Ioganson sur les huit présentées.
Reproduction de la structure de Karl Ioganson dite "de la croix déformée" (1921). Dans la photo précédente à gauche, partiellement coupée.

Il semble bien que l'idée d'une structure tridimensionnelle dont l'équilibre se fait au moyen de forces de compression et de tension soit antérieure à 1949. Ainsi, une œuvre de l'artiste soviétique Karl Ioganson (de) (1890-1929), nommée Construction systématique et datée de 1921, repose sur le même principe[2], avec néanmoins l'absence d'autocontrainte, un des principes de la tenségrité.

Les huit modèles de Karl Ioganson

Tensegrité simple 3, présenté par Karl Ioganson sous le titre de Construction de tiges et de tenseurs, 1921
Kārl Ioganson, Spatial Constructions, 1921.

Avec l'œuvre précédente, le peintre et sculpteur Karl Ioganson présente, en trois versions, à l'exposition de l'Obmokhou à Moscou une croix faite de trois tasseaux, non vissés entre eux et reliés par des tenseurs qui ainsi tiennent en équilibre stable. Il présente quatre carrés entrelacés maintenus en équilibre par des tenseurs dans deux versions. Enfin, il présente un prisme auto-tendu, sous le titre « Construction de tiges et de tenseurs »[3].

Les brevets de 1949

Cependant, les brevets américains ont été obtenus par Richard Buckminster Fuller, qui aurait donné son nom à la tenségrité (tensegrity = tensile integrity, ce qui signifie que le réseau tendu est continu). Richard Buckminster Fuller aurait recréé le concept du dôme géodésique lors de l'été 1949 au Black Mountain College, avec l'appui de certains élèves et professeurs, dont Kenneth Snelson, un artiste qui sera un des premiers à utiliser la tenségrité dans l'architecture. Celui-ci affirmera que Richard Buckminster Fuller lui a volé sa découverte.

En même temps, David Georges Emmerich popularise ce système en France sous le nom de « systèmes autotendants ». Le terme, bien que mieux approprié, ne sera pas conservé.

« Cette curieuse structure, assemblée de trois barres et de sept tirants, était manipulable à l'aide d'un huitième tirant détendu, l'ensemble étant déformable. Cette configuration labile est très proche de la protoforme autotendante à trois barres et neuf tirants de notre invention. »

 David Georges Emmerich[4].

Dans les années 1980, le chercheur montpelliérain René Motro et son équipe au Laboratoire de mécanique et génie civil (LMGC), laboratoire mixte de l'université de Montpellier et du CNRS, ont mené des recherches sur la tenségrité et ont prouvé que l'on pouvait construire grâce à ce principe. Depuis, le LMGC est un centre de recherche important sur la tenségrité et de nombreuses thèses y sont publiées.[réf. nécessaire]

Notes et références

  1. Le terme serait l'invention de Richard Buckminster Fuller en 1949. Le mot provient de la contraction du terme tensile integrity.
  2. Voir photo p. 71 de L'avant garde russe, Andréi Nakov, Éd. Fernand Hazan, 1984, (BNF 43443347).
  3. in Kahn Magomedov, "chap, les constructions spatiales de Karl Ioganson", L'Inkhouk, Naissance du constructivisme, Infolio, Collection Archigraphy, Poche, Paris, 2013, publié à Moscou en 1994, p. 232-238 (ISBN 978-2-88474-715-8)
  4. David Georges Emmerich, Structures Tendues et Autotendantes, In monographie de géométrie constructive, Éd. École d'Architecture Paris-La-Villette, 1988, p. 30-31.

Voir aussi

Bibliographie

  • René Motro et Stefan-J. Medwadowski, Tenségrité, Hermes Science Publications, 2005
  • (en) A. Pugh, An Introduction To Tensegrity, Éd. University of California Press, Berkeley, USA, 1976
  • R. Motro, « Systèmes de Tenségrité : Structures Auto contraintes de Barres et de Câbles », LMGC Montpellier, France, dans Revue du CTICM, no 2, 1991, p. 3-16
  • Jean-Michel Courty et Édouard Kierlik, « La tenségrité et la table impossible », Pour la science, no 522, , p. 88-90

Liens externes

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