Théâtre antique de Neung-sur-Beuvron
Le théâtre antique de Neung-sur-Beuvron est un édifice de spectacles daté de la fin du Ier ou du début du IIe siècle situé sur la commune française de Neung-sur-Beuvron, dans le département de Loir-et-Cher.
Théâtre antique de Neung-sur-Beuvron | |||
Plan schématique du théâtre. | |||
Localisation | |||
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Pays | France | ||
Commune | Neung-sur-Beuvron | ||
Département | Loir-et-Cher | ||
Région | Centre-Val de Loire | ||
Protection | Inscrit MH (1979) | ||
Coordonnées | 47° 30′ 49″ nord, 1° 48′ 48″ est | ||
Altitude | 99 m | ||
Géolocalisation sur la carte : Loir-et-Cher
Géolocalisation sur la carte : France
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Histoire | |||
Époque | Ier au IVe siècle | ||
Au sein d'un sanctuaire rural (théâtre, temple, source) isolé à plus de 2 km de l'agglomération secondaire de Noviodunum, le théâtre est actif jusqu'au IIIe siècle, puis il est brièvement réoccupé au IVe siècle avant d'être définitivement abandonné et de servir de carrière de pierres. Redécouvert en 1974, il est fouillé à partir de 1976 puis inscrit comme monument historique en 1979.
Localisation et environnement archéologique
Une agglomération secondaire antique est reconnue sur la commune de Neung-sur-Beuvron. C'est sans doute le site que Jules César mentionne sous le nom de Noviodunum dans les Commentaires sur la Guerre des Gaules[1]. S'étendant partiellement à l'emplacement du bourg moderne, sa superficie évaluée est de 50 ha. Elle succède à un oppidum construit au confluent du Beuvron et de la Tharonne[2]. À la frontière des civitates des Carnutes et des Bituriges Cubes[3], elle est occupée, sous sa forme antique, du milieu du Ier siècle av. J.-C. jusqu'au IVe siècle[4].
À 2,5 km au sud de l'agglomération[5], un sanctuaire rural est identifié au lieu-dit « les Buttes », encore appelé « la Motte » ou « la Motte de Condras », sur la rive gauche du Néant. Construit sur un substrat géologique composé, sur plusieurs mètres de profondeur, d'alluvions modernes et récentes datées de l'Holocène[6], il regroupe sur un peu moins d'un hectare une source, un sanctuaire (temple ou ensemble de temples) et un théâtre[4]. Cet ensemble, et notamment le sanctuaire, est identifié grâce à la prospection aérienne réalisée par Henri Delétang[7]. Le site est inscrit comme monument historique en 1979[8].
Description
Dimension et organisation générale
Le théâtre se présente sous la forme d'une demi-circonférence parfaite, de 100 m de diamètre. Sa cavea est orientée face à l'est-nord-est, tournée vers le temple situé à environ 200 m[9].
La cavea, en demi-cercle parfait, s'appuie sur un mur haut de 9 m qui en dessine le périmètre, ce qui donne aux gradins une pente estimée à 13°[9]. Elle est entourée d'un autre mur, distant de 2,20 m qui délimite une galerie de circulation périphérique, peut-être voûtée. Trois vomitoires rayonnants divisent la cavea en quatre secteurs ou cunei. Ils ont pour rôle de canaliser le flux des spectateurs[10]. Galerie de circulation et vomitoires sont certainement voûtés en maçonnerie[10].
Devant la cavea et de chaque côté, deux couloirs larges de 5 m donnent accès à la scène[11]. Cette dernière, ou orchestra, occupe un demi-cercle de 33 m de diamètre[12]. Elle est séparée de la cavea par un muret haut de 1 m[12].
Un massif de maçonnerie, construit à cheval sur la scène et débordant vers l'extérieur du théâtre, mesure environ 6 × 7 m mais il est très dégradé. Trop petit pour être une véritable bâtiment de scène, il s'agit plus vraisemblablement d'une sorte de tribune. Il succède à un édicule de taille comparable, en bois, victime d'un incendie[13].
Technique de construction et matériaux utilisés
Les maçonneries du théâtre sont composées de murs parementés en petit appareil enserrant un noyau de blocage. Le petit appareil est composé de moellons de calcaire de Beauce, une roche de formation ludienne dont les gisements les plus proches se trouvent à 50 km de Neung-sur-Beuvron. Le tuffeau blanc du Turonien, qui semble avoir été utilisé pour certains éléments décoratifs, est extrait dans la vallée du Cher[14].
Les briques sont utilisées pour confectionner des chaînages aux angles des murs ; elles entrent aussi dans l'architecture des voûtes. Certaines d'entre elles sont pourvues de mamelons et de creux, certainement destinés à assurer une meilleure adhérence du mortier. Leur origine n'est pas connue[15].
Les différents murs identifiés, excepté ceux qui forment le périmètre du théâtre et délimitent le couloir annulaire de circulation, ne semblent pas avoir une hauteur importante. Il faut donc concevoir un monument composé de socles, de solins ou de murs en maçonnerie formant des caissons remplis de sable et qui supportent un système complexe de charpentes en bois sur lesquelles sont fixés les gradins. Si les superstructures en bois ont disparu, la découverte de pointes en métal lors des fouilles atteste cette hypothèse[12]. Le sable utilisé pour la construction du théâtre, que ce soit pour le remblaiement des caissons (volume estimé de 20 000 m3) ou la confection du mortier, est un sable jaune courant en Sologne et dénommé « sable à lapins »[16]. Il est possible, mais cela reste au stade de l'hypothèse, que les fondations du théâtre soient établies sur une « forêt » de pieux de bois, en raison de l'instabilité et de la forte humidité du sous-sol[17],[18].
Histoire du théâtre et chronologie des découvertes
Le site est occupé avant la construction du théâtre : des potins gaulois, des fragments de céramique et d'amphores et des objets en bois sont retrouvés à la faveur des fouilles[17].
Les monnaies et le mobilier retrouvés sur le site permettent d'envisager une construction dans les dernières années du Ier siècle ou au tout début du IIe siècle[19]. Le théâtre est fréquenté de manière importante pendant le IIe siècle, notamment à partir des années 150[20]. Dès le IIIe siècle, le monument semble être moins utilisé : les détritus retrouvés sont moins nombreux, les monnaies plus rares[21]. Dans la seconde moitié du IVe siècle, des indices d'occupation sont retrouvés dans l'un des vomitoires, obturé à ses extrémités et transformé en abri plus ou moins temporaire[22].
Au moins deux inhumations ont lieu dans le théâtre, à une époque qu'il n'est pas possible de déterminer car, dès le Haut Moyen Âge et jusqu'au XIXe siècle, le monument sert de carrière de pierres et ses murs sont progressivement démontés, bouleversant la stratigraphie du site[23].
C'est en 1833 que la première mention du site archéologique apparaît dans les écrits de Louis de La Saussaye : il signale des « buttes artificielles [qui sont] l'assiette d'un ancien château fort ». En 1865 il est question d'une « tombelle en demi-lune »[24]. Un plan des anomalies de relief, attribuées à des mottes médiévales, est publié en 1891[25]. Des observations semblables sont faites jusqu'au milieu du XXe siècle, mais il n'est jamais envisagé que le sable du tertre dissimule des structures enfouies. Les fragments de céramique et de tegulae qui sont souvent retrouvés sont attribués à des vestiges d'anciennes constructions, antiques ou médiévales, au sommet du monticule[26].
Ce n'est qu'en 1974 et surtout en 1975 que des prélèvements de matériaux à la pelle mécanique mettent au jour des structures maçonnées ensevelies. Une fouille de sauvetage a lieu en 1976-1977 sous la conduite d'Henri Delétang. Au cours des années suivantes, des tranchées de sondage sont creusées en plusieurs endroits de l'emprise supposée du théâtre. Elles permettent de lever un plan des vestiges, d’apprécier la taille et la structure générale du monument et d'en étudier certains éléments architecturaux. En 1979, après la fin des fouilles[27], les tranchées sont rebouchées et l'ensemble des vestiges ré-enfouis[28].
Notes et références
- Delétang 1999, p. 167.
- Delétang 1999, p. 172.
- (en) Franck Sear, Roman Theatres : An Architectural Study, OUP Oxford, , 465 p. (ISBN 978-0-1981-4469-4, lire en ligne), p. 239.
- Delétang 1999, p. 174.
- Delétang 1999, p. 173.
- « Notice géologique 1/50000 - Bracieux » [PDF], sur Infoterre (consulté le ), p. 77.
- Delétang 1999, p. 192.
- Notice no PA00098528, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Delétang 1988, p. 166.
- Delétang 1988, p. 154.
- Delétang 1988, p. 161-165.
- Delétang 1988, p. 171.
- Delétang 1988, p. 165.
- Delétang 1988, p. 166-167 et 174.
- Delétang 1988, p. 167-169.
- Delétang 1988, p. 170.
- Provost 1988, p. 66.
- Yves de Kish, « Circonscriptions du Centre », Gallia, t. 38, no 2, , p. 335 (lire en ligne).
- Delétang 1988, p. 184-185.
- Delétang 1988, p. 185-187.
- Delétang 1988, p. 187.
- Delétang 1988, p. 188-189.
- Delétang 1988, p. 190-192.
- Delétang 1988, p. 144.
- Julien Barré de Saint-Venant, « La vieille Sologne militaire et ses fortifications (suite) », Bulletin de la Société archéologique du Vendômois, t. XXX, , p. 232-234 (lire en ligne).
- Delétang 1988, p. 146-147.
- Provost 1988, p. 65.
- Delétang 1988, p. 148-151.
Pour en savoir plus
Bibliographie
- Henri Delétang, « Le théâtre gallo-romain de Neung-sur-Beuvron (Loir-et-Cher) et son environnement / The romano-gaulish theater at Neung-sur-Beuvron and its surrounding », Revue archéologique du Centre de la France, t. XXVII, no 2, (DOI 10.3406/racf.1988.2559).
- Henri Delétang, « Neung-sur-Beuvron », Revue archéologique du centre de la France, no 17 (supplément) « Agglomérations secondaires antiques en Région Centre. Volume 1 », , p. 167-174 (lire en ligne).
- Michel Provost, Carte archéologique de la Gaule : le Loir-et-Cher - 41, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, , 159 p. (ISBN 2-87754-003-0), p. 64-66.