Thymectomie

La thymectomie est l'ablation chirurgicale du thymus, pour traiter le plus souvent un thymome ou une myasthénie. Elle relève du domaine de la chirurgie thoracique.

Histoire

Les première thymectomies ont été réalisées par le chirurgien allemand Ernst Ferdinand Sauerbruch (1875 - 1951) en 1911 par une voie d'abord transcervicale[1]. En 1939, Alfred Blalock et son équipe ont publié la première rémission de myasthénie après une thymectomie réalisée par sternotomie[2].

Voies d'abord utilisées

Deux voies d'abord principales sont utilisées : la sternotomie thymectomie trans-sternale ») et la vidéothoracoscopie (« thymectomie vidéo-assistée », qui peut être pratiquée assistée par un robot[3]). D'autres abords mini-invasifs sont également décrits[4], notamment par voie cervicale[5],[6] ou , en particulier chez l'enfant, la médiastinoscopie[7]. Le terme « mini-invasif » désigne l'ensemble des techniques ne comportant pas de sternotomie ni d'écartement des côtes[4].

Le choix de la voie d'abord se fait selon les caractéristiques du thymome. Il n'existe pas d'étude randomisée comparant les deux techniques ; seules des comparaisons a posteriori sont disponibles en 2016[8]. La voie trans-sternale est longtemps restée la voie d'abord de référence ; encore aujourd'hui, on reconnaît l'excellente qualité de l'exposition de la loge thymique qu'elle permet, afin de réaliser un évidement complet de celle-ci[9]. Toutefois, le développement des techniques moins invasives a permis de diminuer les complications et la lourdeur de l'intervention tout en conservant une qualité de résection similaire[8],[10]. Les voies vidéo-assistées sont recommandées pour les thymomes de petite taille et de stade précoce[10], et permettent alors de diminuer la durée de séjour hospitalier, la douleur post-opératoire et d'avoir un meilleur résultat esthétique[8]. Il faut cependant noter que les patients bénéficiant d'une chirurgie vidéo-assistée sont sélectionnés justement pour le caractère moins avancé du thymome[11]. Le moindre taux de complications post-opératoires peut donc être simplement dû au fait qu'il s'agit de tumeurs techniquement plus facile à retirer, sans bénéfice propre à la technique[8].

Voies d'abord utilisées

Sur le plan technique, chaque voie d'abord présente des avantages et des inconvénients. La voie trans-sternale est réalisée par une sternotomie médiane, la cicatrice parcourant toute la hauteur du sternum. On s'expose ainsi au risque d'infection du sternum, et toute la cavité pleurale n'est pas facilement accessible[9]. En revanche, il est facile d'étendre l'incision au cou, en cas d'une tumeur cervicothoracique, et de réaliser une exérèse devant emporter les organes adjacents : pneumonectomie ou lobectomie pulmonaire et geste sur les gros vaisseaux du médiastin ne sont possibles de manière optimale que par cette voie d'abord[9]. Par ailleurs, il est possible d'explorer les deux cavités pleurales, tout au moins dans leurs régions médiales. En cas d'envahissement local des organes voisins, il est en effet recommandé de réaliser une résection monobloc de la tumeur et des organes envahis[9].

La voie vidéothoracoscopique et la voie robotique sont très similaires[3], la chirurgie assistée par robot étant un prolongement technologique de la chirurgie vidéo où l'opérateur gagne simplement des degrés de liberté au niveau de la manipulation des instruments, qui se fait à partir d'une console située dans la salle d'intervention. Plutôt qu'à travers le sternum, le thymus est abordé par l'une des cavités pleurales. Un abord vidéothoracoscopique nécessite donc une ventilation unipulmonaire afin de dégager un espace de travail suffisant[3], et l'insufflation à faible pression de CO2 peut faciliter tant l'exposition que la dissection des structures[12].

Quelle que soit la voie d'abord retenue, en fin d'intervention d'une thymectomie radicale, la loge thymique doit être vide de toute graisse résiduelle[9].

Chirurgie des thymomes

Indications

Le traitement premier des thymomes est la résection chirurgicale complète.

Bien qu'il soit clair que le traitement chirurgical doive tendre à la résection la plus complète possible, l'intérêt d'une chirurgie de réduction de volume tumoral (« debulking ») fait débat[13]. Certains auteurs estiment qu'une résection incomplète suivie d'un traitement adjuvant à base de radio et de chimiothérapie permet une meilleure survie qu'un traitement purement médical. Toutefois, dans la plupart des études, le gain de survie est faible, et seules deux études ont montré un gain appréciable[14],[15]. Il est possible que le bénéfice retiré d'un debulking suivi d'un traitement adjuvant ne soit palpable qu'à moyen terme et disparaisse à long terme. Les études plus récentes, en revanche, ne concluent pas à un gain de survie significatif après debulking[16],[13],[17], préconisant un traitement par radiochimiothérapie seule à la place.

Afin de s'affranchir des biais méthodologiques liés au faible nombre de patients de ces études, une méta-analyse portant sur 13 études, pour un total de 314 patients, a été réalisée en 2015[18]. Les auteurs concluaient qu'un debulking pouvait améliorer le pronostic, mais avec des réserves liées à la méthodologie des études utilisées, au faible nombre de patients et une grande hétérogénéité des traitements adjuvants réalisés. Une autre réserve concerne l'envahissement des gros vaisseaux et la présence de métastases pleurales, qui ne semblent pas bénéficier d'un debulking.

Étendue de la résection

Il existe actuellement un débat sur la possibilité de réaliser une simple thymomectomie (ablation du nodule thymique) plutôt qu'une thymectomie radicale (évidemment complet de la loge thymique) pour les thymomes de petite taille sans critères d'agressivité à l'imagerie. Chez les patients ne présentant pas de myasthénie, et dont le thymome est de petite taille, une thymomectomie seule semble acceptable, avec une survie à 5 ans identique. En revanche, on manque de données à long terme[19].

Dans certains cas, il convient de réaliser en plus un curage ganglionnaire[20]. Les tumeurs localement avancées, ainsi que les carcinomes thymiques, sont sources d'envahissement ganglionnaire, et l'intervention doit donc alors comporter un curage au moins paratrachéal droit et du médiastin antérieur[21]. C'est un geste qui peut être difficile par un abord vidéochirurgical, mais non par sternotomie, qui est la voie d'abord recommandée pour ce type de tumeurs plus agressives. L'intérêt du curage est principalement dans l'obtention d'un stade le plus fiable possible, permettant de guider le traitement post-opératoire[22].

Place de la thymectomie dans le traitement de la myasthénie

L’intérêt clinique de la thymectomie en l’absence de thymome est encore discuté. Elle est cependant recommandée en cas de découverte d'une hyperplasie thymique avec présence d'anticorps anti-récepteurs à l'acétylcholine chez les patients de moins de 40 ans. Une étude randomisée de 2016 retrouve une amélioration clinique des symptômes de la myasthénie après thymectomie, même en absence d'hyperplasie thymique[23].

Gestion périopératoire d'une myasthénie associée

Il n'existe pas de consensus international sur la gestion péri-opératoire de la myasthénie chez les patients opérés d'un thymome[24]. Cependant, une littérature médicale abondante existe sur le sujet, permettant à diverses sociétés savantes d'établir des recommandations[24],[25].

Des facteurs de risque de crise myasthénique en post-opératoire ont été identifiés[26], et comprennent la présence d'anticorps anti-récepteurs de l'acétylcholine, les histologies de type B1, B2 ou B3, et le caractère incomplet de la résection. Chez les patients présentant une myasthénie en pré-opératoire, une rechute de la myasthénie est possible jusqu'à deux ans après l'intervention[27] ; chez ces patients, une insuffisance respiratoire pré-opératoire est un facteur de risque de récidive de la myasthénie[27]. Cependant, le stress chirurgical seul est un facteur de risque de crise myasthénique[28].

Les médicaments anticholinestérasiques (pyridostigmine en particulier) sont souvent administrés en traitement de fond avant la chirurgie[24]. En revanche, en raison de leurs effets indésirables à type de vomissements et de troubles du rythme cardiaque, ils sont arrêtés le matin de la chirurgie[29]. La reprise, en général après le deuxième jour post-opératoire, doit être guidée par les symptômes et se faire de manière progressive[24].

Les corticoïdes oraux (notamment la prednisolone) font eux aussi souvent partie du traitement de fond des patients myasthéniques[24]. En raison de la majoration du risque de complications post-opératoires lié à la corticothérapie (difficultés de cicatrisation en premier lieu), en cas de myasthénie modérée, il est possible d'arrêter le traitement plusieurs semaines avant l'intervention[24]. Si le traitement anticholinestérasique est alors insuffisant à contrôler les symptômes, d'autres types de traitements peuvent être transitoirement réalisés, comme la plasmaphérèse[30], qui peut également être réalisée de principe indépendamment des symptômes[25]. Pour les patients qui ont reçu des corticoïdes à long terme avant la chirurgie, le traitement doit être repris précocement[30]. En cas de crise aiguë myasthénique en post-opératoire, il est possible de réaliser, avec précautions, de courtes corticothérapies intraveineuses à forte dose[31].

Dans le cas de myasthénies sévères, plusieurs séances de plasmaphérèse (3 à 5 en général) peuvent être réalisées avant l'intervention[25]. L'efficacité est observée en environ une semaine, et dure de 1 à 3 mois[24].

En absence de crise myasthénique sévère en post-opératoire, il n'est pas recommandé de traitement par immunoglobulines[24],[25].

Références

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