Torse du Belvédère
Le Torse du Belvédère est un torse fragmentaire en marbre conservé au musée Pio-Clementino (inv. 1192), dans la cour du Belvédère qui lui donne son nom.
Histoire
La provenance du Torse n'est pas connue. Il est mentionné pour la première fois par Cyriaque d'Ancône, qui le voit dans le palais du cardinal Prospero Colonna entre 1432 et 1435[1]. On le retrouve ensuite dans la maison d'un certain « maître Andrea », sans doute le sculpteur Andrea Bregno. Il est acquis dans les années 1530, soit par le pape Clément VII, soit par son successeur, le pape Paul III, et rejoint depuis lors les collections de la cour de l'Octogone du palais du Belvédère[1].
Il exerce une fascination considérable sur les artistes dès le début du XVIe siècle : les artistes viennent nombreux le dessiner sous tous les angles possibles[2]. L'admiration que lui voue Michel-Ange devient un lieu commun dans la littérature de l'époque. Le Torse inspire entre autres certains ignudi de la fresque du plafond de la chapelle Sixtine, le Jour du tombeau de Julien de Médicis à Florence et la Victoire du Palazzo Vecchio[2]. La statue vient d'ailleurs à être connue comme l'« école de Michel-Ange » ; Vigenère se fait l'écho d'une idée commune en le mentionnant comme « l'escolle principalle de Michel l'Ange, où il se façonna tel qu'on l'a vu depuis en ses ouvrages de relief et de plate peinture[3]. » Il semble cependant que l'admiration pour le Torse soit restée confinée aux milieux académiques, et que le grand public ne l'ait pas partagée[4].
Emporté à Paris en 1798 à la suite du traité de Tolentino imposé au pape Pie VI en 1796, il fait retour au Vatican en 1815, sous le pape Pie VII, la France restituant alors presque tout ce qui avait été confisqué de force par le Directoire[1]. Johann Joachim Winckelmann le décrit de manière enthousiaste dans son Histoire de l'Art dans l'Antiquité :
« Bien que cette statue ait été gravement maltraitée et mutilée, bien qu'elle soit privée de tête, de bras et de jambes, elle conserve, aux yeux de ceux qui sont capables de pénétrer les mystères de l'art, une part de l'éclatante beauté qui était autrefois la sienne. Dans cette représentation d'Hercule, l'artiste a donné forme à l'idéal élevé d'un corps supérieur à la nature et au tempérament viril dans la perfection de l'âge, mais comme s'il avait été élevé au stade de la modération divine[5]. »
D'après la forme des lettres de l'inscription, Winckelmann estime que la statue date de la période hellénistique[6], même s'il juge que sur le plan stylistique, il se rapproche de la période classique[7].
Description
Le Torse porte la signature du sculpteur athénien Apollonios, fils de Nestor[8], qu'on ne connaît pas par ailleurs. Haut de 1,59 mètre, il représente le torse et les cuisses d'un homme assis sur une peau de bête, elle-même posée sur un rocher. La dépouille ayant d'abord été identifiée comme celle d'un lion, et compte tenu de la musculature puissante du personnage, le Torse a d'abord été reconnu comme celui d'Héraclès[9].
La peau a ensuite été identifiée comme celle d'une panthère, donnant naissance à une identification du Torse comme le satyre Marsyas. La comparaison avec des pierres gravées a suscité la proposition d'un Philoctète blessé ; celle avec une statuette en bronze de la collection George Ortiz, l'hypothèse d'Ajax fils de Télamon méditant son suicide. L'identification est incertaine car la tête et les membres du personnage ont été perdus. La statue est généralement datée du Ier siècle av. J.-C.
Postérité
En 1808, la guerre d'indépendance espagnole éclate et Francisco de Goya est témoin d'un scène qu'il transpose dans l'estampe Esto es peor de la série des Désastres de la guerre. Il s'inspire du Torse du Belvédère qu'il avait découvert lors de son voyage en Italie et qu'il avait dessiné dans son Cahier italien.
Notes et références
- Haskell et Penny, p. 344.
- Fredrika Jacobs, « (Dis)assembling: Marsyas, Michelangelo, and the Accademia del Disegno » dans The Art Bulletin, vol. 84, no 3 (septembre 2002), p. 442.
- Cité par Leo Steinberg, « Michelangelo's Florentine Pieta: The Missing Leg » dans The Art Bulletin, vol. 50, no 4 (décembre 1968), p. 351.
- Haskell & Penny, p. 345.
- Histoire de l'Art dans l'Antiquité, Pochothèque, p. 527. Traduction de Dominique Tassel.
- Histoire de l'Art dans l'Antiquité, p. 524.
- Histoire de l'Art dans l'Antiquité, p. 528.
- Ἀπολλώνιος // Νέστορος // Ἀθηναῖος // ἐποίει (« œuvre d'Apollonios, fils de Nestor, d'Athènes ») ; Inscriptiones Græcæ, 1234 = Marion Muller-Dufeu, La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques, Paris, éditions de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Beaux-Arts histoire », (ISBN 2-84056-087-9), no 2809.
- Haskell et Penny, p. 346 ; Ridgway, p. 83.
Bibliographie
- Francis Haskell et Nicholas Penny (trad. François Lissarague), Pour l'amour de l'antique. La Statuaire gréco-romaine et le goût européen [« Taste and the Antique. The Lure of Classical Sculpture, 1500–1900 »], Paris, Hachette, coll. « Bibliothèque d'archéologie », 1988 (édition originale 1981) (ISBN 2-01-011642-9), no 168, p. 344-346.
- (en) Brunilde Sismondo Ridgway, Hellenistic Sculpture, vol. III : The Styles of ca. 100-31 B.C., Madison, University of Wisconsin Press, (ISBN 0-299-17710-6), p. 83-84.
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