Toujours l'orage

Toujours l’orage est une pièce de théâtre d’Enzo Cormann, parue en 1997 aux éditions de Minuit.

Résumé

L’action se situe à l’époque contemporaine, dans une ancienne ferme isolée. Nathan Goldring, metteur en scène de 40 ans, vient trouver Théo Steiner, 76 ans, ancien acteur célèbre, qui a disparu brutalement de la scène, au sommet de sa gloire, à Vienne, en 1971. Goldring veut le persuader de jouer, sous sa direction, le rôle du roi Lear.

« Au début Steiner y oppose un refus absolu ; peu à peu, au cours d’un affrontement entre les deux hommes, nous apprenons que Steiner a déjà joué dans Le Roi Lear : il avait pris le rôle d’Edgar dans une mise en scène à Terezín en 1944, et parce que son jeu avait été apprécié par l’un des « Untersturmführer », il échappa au convoi vers Auschwitz où tous les autres membres de sa famille périrent dans les chambres à gaz[1] ».

À la fin de la pièce, le vieil acteur réussit à avouer son sentiment de culpabilité, tandis que Goldring entend cette souffrance et accepte sa décision de ne plus jouer. Peut-être même restera-t-il quelque temps auprès de Steiner, loin de l’agitation de Berlin.

Analyse

La pièce est divisée en 13 séquences, qui portent toutes comme titre des citations empruntées au Roi Lear ou à Macbeth de Shakespeare[2]. Malgré cette construction particulière, David Bradby affirme qu’Enzo Cormann revient avec Toujours l’orage à une structure plus classique, «plus apte à la « perspective historicisante[3] ». Il s’agit en effet, selon lui, de « revisiter le territoire douloureux et familier des ghettos juifs sous les nazis, dans une perspective qui ne laisse guère d’espoir [...][1] ». Il analyse ainsi le dénouement et le sens de la pièce : « À la fin de ce duel verbal, le jeune metteur en scène finit par s’identifier au vieux comédien. […] Sur le plan humain il a reconnu un frère ; et la décision de ne plus retourner au théâtre semble indiquer une reconnaissance des limites de l’art devant les pires souffrances humaines: la pièce se finit sur une note de désespoir lucide[1] ».

Pour Jean-Paul Pilorget, Toujours l’orage « illustre de façon saisissante la question de la transmission du traumatisme de la Shoah à la génération d’après[4] ». Théo Steiner revit, douloureusement, les actions qui l’ont conduit à être un survivant, alors que Goldring accède à une identité et à une mémoire oubliées, enfouies : il se reconnait enfin Juif[5].

La pièce tisse de nombreux liens avec Le Roi Lear de Shakespeare ; comme Lear, Steiner est en proie à une terrible crise intérieure, que Jean-Paul Pilorget commente ainsi : « Si Steiner refuse de jouer Lear sur les planches de la Neue Bühne Senftenberg, c’est qu’il est devenu lui-même Lear en semant autour de lui la violence et la folie. La tragédie de l’être qu’il exprime si douloureusement ne peut se dire qu’en termes shakespeariens :

« Steiner. Qui peut me dire qui je suis ?
Goldring. L’ombre de Lear[6],[7]  »

.

Par la référence constante au théâtre, Toujours l’orage met en abyme la représentation et son rôle, qui est d’ouvrir un espace de pensée, de connaissance, ce qu’Enzo Cormann appelle « l’examen théâtral » : « L’examen théâtral est une forme d’enquête, mais non pas solitaire, introspective : non pas une intro-spection, mais, en, quelque sorte, une extra-spection. Un effort de savoir (ou de re-savoir) collectif […][8] ».

Représentation

Elle a été représentée pour la première fois au théâtre de la Tempête, à Paris, en , dans une mise en scène d’Henri Bornstein[9].

Distribution

  • Michel Baumann : Théo Steiner
  • Bruno Abraham-Kremer : Nathan Goldring, et la participation d’Anne Cameron.

À l'étranger

  • Traductions : allemand, espagnol, japonais, chinois, italien, tchèque
  • Une centaine de représentations en Espagne dans la traduction de Fernando Gomez Grande, mise en scène par Helena Pimenta (Ur Teatro 2001-2002 - Querta Pared, Madrid, et Mercat de la flors, Barcelone, notamment).
  • Santiago de Chili : Tito Noguera et le Teatro Caminoi (2003-2004).
  • Buenos Aires (2005), Espagne (2014)...

Notes et références

  1. Bradby, p. 625.
  2. Cormann, p. 91.
  3. Bradby, p. 624.
  4. Pilorget, p. 219.
  5. Cormann, p. 59.
  6. Cormann, p. 44.
  7. Pilorget, p. 226.
  8. Enzo Cormann, À quoi sert le théâtre, Besançon, Les Solitaires intempestifs, , p. 87.
  9. « Toujours l'orage », sur le site du théâtre La Tempête (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • David Bradby, Le Théâtre de 1968 à 2000, Paris, Honoré Champion,
  • Enzo Cormann, Toujours l'orage, Paris, Minuit,
  • Jean-Paul Pilorget, « Un théâtre pavé d'horreur et de folie.Toujours l'orage de Enzo Cormann  », dans Témoignages de l'après-Auschwitz dans la littérature juive française d'aujourd'hui : enfants de survivants et enfants-survivants, Amsterdam, Rodopi,


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