Toumo

Le toumo ou tummo chaleur, feu intérieur » en tibétain ; Wylie : gtum-mo ; sanskrit : caṇḍālī) est une pratique tantrique enseignée par le yogi Naropa qui permet de repousser les limites de résistance au froid[1]. C'est le yoga de la chaleur intérieure.

Pour la ville de la Côte d'Ivoire, voir Toumo (Boundiali).

Le toumo utilise des techniques de yoga tibétain de respiration, visualisation de syllabes, et récitation de mantra[1].

Témoignages

Erik Sablé résume l'enseignement de Takpo Tashi Namgyal (fin XVIe s.) :

« La pratique de toumo, qui consiste à créer et développer une chaleur interne à l'intérieur du corps, est la technique la plus connue des Six yogas de Nāropa... La pratique, qui comprend cinq étapes successives, commence par une prière à son guru. Il faut adopter la posture en sept points du bouddha Vairocana, c'est-à-dire les jambes croisées dans la posture du lotus, les deux mains placées l'une sur l'autre sous le nombril, la colonne vertébrale aussi droite qu'une flèche, le menton reposant sur la poitrine, la langue pressée sur le palais, les yeux dirigés devant soi. Puis le yogi doit visualiser que son corps est devenu son yidam, c'est-à-dire sa divinité de prédilection... Une fois que cet exercice est maîtrisé et que le corps du yidam est devenu une pure vacuité lumineuse, le yogi s'exerce à lui donner différentes tailles, petit comme un pois ou bien vaste comme l'univers, mais toujours vide à l'intérieur... Une fois que les trois canaux d'énergie seront vus avec clarté et précision le yogi visualisera les quatre chakra, de la tête, de la gorge, du cœur et du ventre... Maintenant, il s'agit de fermer la narine gauche et de souffler longuement l'air par la narine droite. Puis, après l'inhalation, rejeter l'air rapidement... Une fois le souffle maîtrisé, le yogi visualisera dans le centre situé entre les deux sourcils une petite sphère blanche, lumineuse, de la taille d'un pois,, appelée ti.glé... La grande béatitude est le fruit de cette union entre les énergies du haut et celles du bas, mâles et femelles, symbolisées par les ti.glé blancs et rouges... La pratique de toumo est le fondement du tantrisme, et c'est son feu qui brûle l'ignorance et le désir[2]. »

Alexandra David-Néel a rendu célèbres ces pratiques qu'elle décrit ainsi :

« Par une nuit d'hiver où la lune brille, ceux qui se croient capables de subir victorieusement l'épreuve, se rendent, avec leur maître, sur le bord d'un cours d'eau non gelé (…) Les candidats au titre de Repa, complètement nus s'assoient sur le sol, les jambes croisées. Des draps sont plongés dans l'eau glacée, ils y gèlent et en ressortent raides. Chacun des disciples en enroule un autour de lui et doit le dégeler et le sécher sur son corps. Dès que le linge est sec, on le replonge dans l'eau et le candidat s'en enveloppe de nouveau. L'opération se poursuit, jusqu'au lever du jour. Alors celui qui a séché le plus grand nombre de draps est proclamé le premier du concours[3].. »

Études scientifiques

Plusieurs études ont été réalisées et ont démontré l'augmentation de la température du corps grâce à la pratique de tummo :

  • En 1982, à Dharamsala en Inde, Herbert Benson et ses collègues observent une augmentation de la température des doigts de mains ou de pieds de moines bouddhistes lors de la pratique du tummo, allant jusqu'à 8,3 °C pour l'orteil d'un des trois moines étudiés[4]. Bien que l'augmentation est impressionnante, la température absolue des extrémités reste dans les limtes normales (augmentation de 22°C à 33°C) et l'augmentation n'est pas supérieure à ce qui a été mesuré dans des conditions sans méditation[5]. Les auteurs émettent l'hypothèse d'une dilatation des vaisseaux sanguins pour expliquer l'augmentation de la température de leurs extrémités corporelles vers une valeur plus proche de la température du corps mesurée dans l'anus qui, elle, est restée stable et normal pour les trois sujets.[4].
  • En 1988, Herbert Benson et ses collègues montrent sur trois sujets que certaines pratiques méditatives permettent d'accroitre ou de décroitre significativement le métabolisme[6].
  • En 2002, un article de presse la Harvard Gazette mentionne une expérience réalisée en Normandie qui aurait montré qu'un moine bouddhiste pratiquant le toumo produit suffisamment de chaleur pour sécher, dans une chambre froide, un linge froid et humide posé sur ses épaules[7]. Cependant, cette étude en Normandie n'a pas été publiée dans une revue scientifique évaluée par les paires et ces interprétations sont critiqués par des scientifiques[5]. En effet, ces derniers rappellent que ce phénomène ne peut consituer en lui-même une preuve de l'élévation de la température corporelle, étant donné qu'il se crée naturellement dû à la différence de température entre le linge humide chauffé par le corps humain et l'air froid extérieur, même si la personne maintient une température de corps normal.
  • En 2013, une étude par Maria Kozhevnikov et des confrères analyse l'augmentation de la température du corps en fonction du type de pratique (respiration ou visualisation). Les auteurs montrent une élévation de la température chez certains sujets en plus des extrémités corporelles, température qui peut être qualifiée de fièvre légère ou modérée (jusqu'à 38.3°C)[8].

Bibliographie

  • Alexandra David-Néel (préf. A. d'Arsonval), Mystiques et magiciens du Thibet, Paris, Plon, coll. « Pocket » (no 1921), (1re éd. 1929), 306 p. (ISBN 978-2-266-02673-4)
  • Hartmut O. Rotermund, Pèlerinage aux neuf sommets : carnet de route d'un religieux itinérant dans le Japon du 19e siècle, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, , 481 p. (ISBN 978-2-222-02925-0, OCLC 2222029252)
  • Gleb Mouzroukov, La pratique de base des six enseignements de Naropa : le yoga de l'éveil de la chaleur interne, Paris, Ed. Médicis, , 200 p. (ISBN 978-2-85327-455-5, OCLC 859743094)
  • Lama Thoubten Yéshé (trad. de l'anglais), La béatitude du feu intérieur : la pratique essentielle des Six yogas de Naropa, Marzens, Vajra Yogini Editions, , 299 p. (ISBN 978-2-911582-67-7)

Références

  1. Pierre Riffard, Nouveau dictionnaire de l'ésotérisme, Payot, (ISBN 978-2-228-90274-8)
  2. Erik Sablé, Takpo Tashi Namgyal. Les six yogas de Naropa, Dervy, 2011, p. 27-65.
  3. Alexandra David-Néel, Mystiques et Magiciens du Tibet (1929), Plon, p. 228/29.
  4. (en) Herbert Benson; John W. Lehmann; M. S. Malhotra; Ralph F. Goldman; Jeffrey Hopkins; Mark D. Epstein, « Body temperature changes during the practice of g Tum-mo yoga », Nature, Nature Publishing Group, vol. 295, no 5846, , p. 234 (DOI doi:10.1038/295234a0, lire en ligne)
  5. (en) Maria Kozhevnikov, James Elliott, Jennifer Shephard et Klaus Gramann, « Neurocognitive and Somatic Components of Temperature Increases during g-Tummo Meditation: Legend and Reality », PLOS ONE, vol. 8, no 3, , e58244 (ISSN 1932-6203, PMID 23555572, PMCID PMC3612090, DOI 10.1371/journal.pone.0058244, lire en ligne, consulté le )
  6. Herbert Benson, M. S. Malhotra, Ralph F. Goldman et Gregg D. Jacobs, « Three Case Reports of the Metabolic and Electroencephalographic Changes during Advanced Buddhist Meditation Techniques », Behavioral Medicine, vol. 16, no 2, , p. 90–95 (ISSN 0896-4289, PMID 2194593, DOI 10.1080/08964289.1990.9934596, lire en ligne, consulté le )
  7. (en-US) William J. Cromie Gazette Staff, « Meditation changes temperatures », sur Harvard Gazette, (consulté le )
  8. (en) Maria Kozhevnikov; James Elliott; Jennifer Shephard; Klaus Gramann, « Neurocognitive and Somatic Components of Temperature Increases during g-Tummo Meditation: Legend and Reality », PLOS ONE, Public Library of Science, vol. 8, no 3, , 20, e58244 (ISSN 1932-6203, DOI 10.1371/journal.pone.0058244, lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

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