Verbe hébreu

Le verbe hébreu se construit sur une « racine », généralement trilitère[1], qui, complétée par un morphème discontinu vocalique, forme un « thème verbal » à partir duquel se construit un « verbe conjugué » apte à fonctionner lorsqu'il s'intègre dans une phrase[2].

Du thème verbal au verbe conjugué

La structure morphologique du thème verbal est étudiée dans l'article Morphologie de l'hébreu. La construction, à partir d'un thème verbal donné, d'un verbe conjugué est l'objet du présent article plus spécialisé qu'intègre la catégorie Grammaire hébraïque.

Thème verbal

Les notions relatives au thème verbal, qui sont expliquées de manière plus détaillée dans l'article en épigraphe, sont celles de racine, de radical, de thème et de paradigme thématique.


  • Un morphème consonantique lexical, formé par une séquence discontinue de consonnes, est conçu comme racine[3] (שֹׁרֶשׁ) de chacun des mots du lexique hébreu.
  • Morphologiquement, à l'état des racines[4] (שרשים) que l'hébreu qualifie de chelemim[5] (שלמים) correspond la notion morphologique de racine. Il arrive que, par la présence de consonnes gutturales[6], la racine s'altère et présente une forme dérivée que l'hébreu nomme guizra (גִּזְרָה), littéralement forme séparée. À la guizra (גִּזְרָה) correspond la notion morphologique de radical[7].
  • Un morphème vocalique thématique est une séquence discontinue de voyelles qui, entrelacée au chorech (שֹׁרֶשׁ), racine ou radical, forme avec lui un thème.
  • Un paradigme thématique est l'ensemble des formes différentes que peut prendre le morphème vocalique pour constituer des thèmes différents sur un même chorech (שֹׁרֶשׁ) (c'est-à-dire sur une même racine).

Prototype verbal

La notion de prototype verbal peut être présentée de trois manières: schématique, traditionnelle, et morphologique.

Présentation schématique

Chaque racine trilitère pourrait être figurée par le prototype XXX dans lequel chaque X représenterait n'importe quelle consonne de l'alphabet hébreu[8].

En partant de cette racine théorique, la formule X:X:X serait le prototype de toute formule consonantique d'un thème radical[9] dans lequel les double-points signaleraient les points de chute des voyelles et euphonèmes[10] constituant les morphèmes vocaliques thématiques.

Quant aux prototypes des formules consonantiques composées à l'aide de préfixes modaux, ils seraient :

  • N:X:X:X pour le thème préfixé par un N modal,
  • H:X:X:X pour les thèmes préfixés par un H modal, et
  • H:T:X:X:X pour le thème précédé du préfixe modal double HT.

L'inclusion des morphèmes vocaliques thématiques propres à chaque paradigme ( binyan) fournirait alors sept prototypes thématiques :

  • XaXaX, XiXèX, XouXaX, NiX:XaX, HiX:XiX, HuX:XaX, et HiT:XaXèX.

Et pour expliquer les formes verbales conjuguées à partir de ces thèmes, il faudrait qualifier chaque X de la racine comme étant la consonne initiale, ou médiane, ou terminale du radical.

Présentation traditionnelle

La grammaire traditionnelle procède à peu près de cette manière, mais elle remplace les X mentionnés ci-dessus par les consonnes d'une racine réelle extraite du mot פֹעַל poʿal (se traduisant en français par : une œuvre, une action, un fait et ... un verbe). Sur cette racine trilitère, פעל p.ʿ.l, se forment sept thèmes énoncés traditionnellement dans l'ordre suivant : פָּעַל paʿal, נִפְעַל nifʿal, פִּעֵל piʿèl, פֻּעַל pouʿal, הִתְפַּעֵל hitpaʿèl, הִפְעִיל hifʿil, הֻפְעַל houfʿal.

Ces formes, qui mettent en évidence les morphèmes consonantiques et vocaliques constitutifs de ces thèmes, sont celles que prennent chaque thème conjugué à la troisième personne du masculin singulier du passé-perfectif. Elles servent d'étiquette aux paradigmes binyanim qui les intègrent, et qui par elles sont cités dans les grammaires et dictionnaires.

L'usage de ce prototype permet aussi de signaler facilement la consonne initiale d'une racine par pèh, la consonne médiane par ʿayin, et la consonne finale par lamed. Ainsi, pour la racine ktb (signifiant écrire) la grammaire dit que p est k, est t, et l est b, pour montrer que les consonnes k, t, b, occupent respectivement les places initiale, médiane, et finale du prototype radical.

Présentation morphologique

D'un point de vue morphologique, on distinguera deux catégories parmi ces prototypes :

  • un ensemble de trois thèmes radicaux d'abord (qui utilisent les consonnes du radical à l'exclusion de tout préfixe) : פָּעַל paʿal, פִּעֵל piʿèl, פֻּעַל pouʿal,
  • un ensemble de quatre thèmes composés ensuite, dont trois thèmes préfixés par une consonne unique (soit N, soit H) : נִפְעַל nifʿal, הִפְעִיל hifʿil, הֻפְעַל houfʿal, et un thème préfixé par deux consonnes successives H et T : הִתְפַּעֵל hitpaʿel.

Formes conjuguées du verbe

Ancien ou moderne, l'hébreu ne connaît à proprement parler que trois conjugaisons :

L'hébreu utilise aussi des formes non conjuguées du verbe, correspondant à ce que la grammaire française appelle formes nominales du verbe, à savoir :

Conjugaison perfective ou passée

  • La conjugaison du binəyān בִּנְיָן pāʿal פָּעַל d'un verbe sous l'aspect perfectif se caractérise par l'utilisation d'un thème verbal perfectif auquel s'ajoute un suffixe spécifique à chaque personne du singulier et du pluriel. Ainsi le verbe construit sur la racine KTV (écrire) a-t-il pour thème verbal perfectif la forme kâtav auquel peuvent s'ajouter un des suffixes personnels suivants : -tî, -tâ, -t, -âh, -nou, -tèm, -tèn, -ou, ce qui donne la conjugaison reprise dans le tableau suivant :
en hébreu transcription traduction approximative
כָּתַבְתִּי kâtavtî j'avais écrit
כָּתַבְתָּ kâtavtâ tu (masculin) avais écrit
כָּתַבְתְּ kâtavt tu (féminin) avais écrit
כָּתַב kâtav il avait écrit
כָּתְבָה kâtevâh elle avait écrit
כָּתַבְנוּ kâtavnou nous avons
כְּתַבְתֶּם ketavtèm vous (masculin) avez écrit
כְּתַבְתֶּן ketavtèn vous (féminin) avez écrit
כָּתְבוּ kâtevou ils (ou elles) ont écrit
  • Remarques : Le thème kâtav se maintient devant tout suffixe commençant par une consonne, mais la dernière voyelle du thème s'élide (kâtv) devant un suffixe commençant par une voyelle. Dans l'exemple choisi l'initiale תֶּ du suffixe est redoublée à l'aide d'un daguesh.
  • Traduction plus précise de כָּתַבְתִּי kâtavtî : en hébreu ancien j'ai à présent terminé d'écrire, en hébreu moderne j'ai écrit, j'écrivais, j'écrivis.

Conjugaison impérative

L'impératif n'est pas à proprement parler un mode comme en français, mais une variante de la conjugaison du verbe au perfectif/futur. Il se forme en retirant le préfixe tav des formes du perfectif/futur mais en gardant les suffixes propres à cette conjugaison.

L'impératif n'utilise que trois formes de la seconde personne, à savoir le féminin singulier, le masculin singulier, et le pluriel ambivalent.

L'impératif ne sert jamais à exprimer des ordres négatifs, lesquels sont formés en hébreu à partir de formes du perfectif/futur.

  • Exemples :

Formes nominales du verbe

Le thème verbal peut présenter, outre les formes conjuguées, les formes nominales du verbe que sont l'infinitif, le participe présent actif, le participe présent passif.

Infinitif

Le morphème préfixé datif (et directionnel) l- ajouté au thème verbal permet de former un infinitif. Des règles grammaticales complexes déterminent la vocalisation de ce préfixe en le-, la-, li-. Cette construction rappelle l'usage anglais de la préposition to pour signaler un infinitif (to think, penser).

  • Exemples : lhaʿamin croire, laʿazor aider, likhtov écrire.

Participe présent actif

Le participe présent actif présente quatre formes, construites à l'aide de morphèmes suffixés qui signalent les traits grammaticaux de genre et de nombre. Les suffixes -et et -ot indiquent le féminin singulier et le féminin pluriel. L'absence de suffixe et le suffixe -im indiquent le masculin singulier et le masculin pluriel.

catégorie modale racine participes
פָּעַל paʿal k.t.v écrire kotev kotevet kotvim kotvot
נִפְעַל nifʿal k.n.s entrer nikhnas nikhneset nikhnasim nikhnasot
פִּעֵל piʿèl d.b.r parler medaber medaberet medabrim medabrot
פֻּעַל pouʿal
הִתְפַּעֵל hitpaʿèl y.sh.b s'établir mityashev mityashevet mityashvim mityashvot
הִפְעִיל hifʿil H.l.f changer maHlif maHlifa maHlifim maHlifot
הֻפְעַל houfʿal

Être

היה

Sur la racine verbale trilitère היה (HYH) se conjuguent trois modèles structurels (בּֽנְיָנֽים byniânim) à savoir :

  • un paradigme פָּעַל (pāʿal) de voix active (הָיָה hāyāh qui peut se traduire en français par les verbes : être, exister, habiter, venir à passer),
  • un paradigme נִפְעַל (nip̄əʿal, nifʿal) de voix passive (נִהְיָה nihəyāh qui se traduirait par : devenir, se transformer en, être transformé en),
  • et un paradigme פִּעֵל (piʿēl) qui, sans déposer sa modalité généralement intentionnelle, intensive ou répétitive, exprime en outre ici une nuance causative (היִיָּה hīyāh signifiant produire ou faire exister), cette dernière forme est désuète en hébreu moderne mais courante en hébreu de la mishna.

Comme pour tous les verbes vus précédemment, la flexion de היה (HYH) présente des formes verbales conjuguées à l'indicatif (perfectif et imperfectif) et à l'impératif, mais aussi des formes nominales du verbe, soit :

  • deux infinitifs :
    • un infinitif absolu (מָקוֹר מֻחְלָט māqōr mūḥlāṭ littéralement de source déterminée) הָיֹה hāyoh
    • un infinitif construit (שֵׁם הַפֹעַל šēm hapoʿal, littéralement nom d'action) לִהְיוֹת lihəyōṯ
  • un participe actif
  • et un gérondif


Conjugaison sur le modèle pâ'al de gizrah L est H:

Avoir (inexistant)

Comment traduire le verbe avoir (inexistant en hébreu) à l'aide du verbe être.[Quoi ?]

Notes et références

  1. Construite à l'aide de « trois consonnes » non vocalisées.
  2. Cet article provient d'une scission de l'article Grammaire hébraïque et fait suite à l'article Morphologie de l'hébreu qu'il convient de lire avant d'aborder celui-ci.
  3. orthographe massorétique : שֹׁרֶשׁ, translittération phonétique : [šoreš], transcription francophone : chorech, traduction littérale : racine.
  4. orthographe massorétique : שָׁרָשִׁים, translittération phonétique : [šorāšīm], transcription francophone : chorachim, traduction littérale : racines.
  5. orthographe massorétique : שְׁלֵמִים, translittération phonétique : [šəlēmīm], transcription francophone : chelemim, traduction littérale : entiers, complets, c'est-à-dire inaltérés.
  6. et dans quelques autres cas spécifiques que la grammaire de l'hébreu détaille.
  7. voir Shmuel Bolozky, 501 Hebrew Verbs fully conjugated, Introduction page V (voir bibliographie).
  8. le grammairien allemand Roberto Strauss, dans Hebräisch Wort für Wort, aux éditions Reise Know-How Verlag Peter Rump GmbH, à Bielefeld, présente de cette manière le schéma de la structure des paradigmes verbaux.
  9. composé uniquement de consonnes radicales.
  10. tel e muet par exemple, voir Prononciation de l'hébreu pour recevoir une notion plus claire des euphonèmes en hébreu.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • Paul Joüon, Grammaire de l'hébreu biblique, 624 pages, Pontificio Istituto Biblico, 1996, (ISBN 8876534989).
  • Shmuel Bolozky, 501 Hebrew Verbs, fully conjugated in all the tenses in a new easy-to-learn format alphabetically arranged by root, 910 pages, Barron's Educational Series, New York, 1996.
  • Brigitte Donnet-Guez, Grammaire de l'hébreu, 243 pages, éditions Verapax, Montreuil, 1993 réédité en 2004, (ISBN 2950809502).
  • Agnès Tichit, Le verbe en hébreu biblique. Conjugaisons, exercices et corrigés, Langues et cultures anciennes, Éditions Safran, Bruxelles, 2004, (ISBN 2-9600469-6-X).
  • Eli KORCHIA La conjugaison en hébreu, Éditions Ophrys, Paris, 2014 (ISBN 978-2-7080-1411-4) (BNF 43823648)
  • Portail de la culture juive et du judaïsme
  • Portail des langues
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.