Villa Vivios
La villa de Vivios est une villa gallo-romaine située dans la commune française de Lespignan, dans le département de l’Hérault. Au point de vue étymologique, le nom dériverait soit du latin bivium pour bifurcation, soit de Viviers qui désignait, au XVIIIe siècle, un chemin du voisinage et pourrait orienter aussi vers une hypothèse fonctionnelle. En fait, remontant dans le passé[1], il se rattacherait à celui d'un gentilicium du Biterrois[1].
Site Romain de Vivios Villa Vivios | |
La mosaïque. | |
Localisation | |
---|---|
Pays | France |
Département | Hérault |
Commune | Lespignan |
Protection | Classé MH (1971) |
Coordonnées | 43° 15′ 24″ nord, 3° 10′ 19″ est |
Altitude | 14 m |
Histoire | |
Époque | Gallo-romain, Haut-Empire, Bas-Empire |
Ce site antique englobait un complexe thermal dont la grande piscine et les canalisations sont les composants les plus spectaculaires. Une mosaïque peu élaborée et en mauvais état de conservation (Fig. ci-contre) est visible non loin de l'entrée.
Les fouilles "officielles" d'antan ont été dirigées par J. Giry et B. Pauillac lors de plusieurs campagnes, entre 1969 et 1982, puis de 1986 à 1989. Le très abondant mobilier qu'elles ont permis de mettre au jour dans les dépotoirs, surtout celui de la grande piscine, sont conservés, non à Lespignan, mais dans les deux musées de Nissan (où certaines pièces ont disparu !) et d’Ensérune.
Opérations actuelles
Malgré son état désastreux de conservation, aggravé par des fouilleurs clandestins, par un envahissement végétal massif et par des interdits officiels infondés privilégiant son abandon pur et simple plutôt que la recherche, le site fait l'objet, depuis 2018, d'une tentative d'étude pluridisciplinaire. Sans fouilles, elle a pour objectif une valorisation dans le cadre de l’Itinéraire de Découverte d’Archéo-histoire et Nature (IDANH), projet porté par le Parc culturel du Biterrois avec le soutien des 2 communes concernées (Lespignan et Vendres, notamment pour la villa temple de Vénus) et de la communauté de communes "La Domitienne". Les recherches sont notamment suivies par Monique Clavel-Lévêque, André Lopez et Georges Tirologos.
L’objectif est de rassembler les données indispensables et de préciser les éléments scientifiques exigés pour construire des hypothèses de restitution et proposer une valorisation fiable, y compris en 3D. Les recherches portent sur :
♦ l'étude de l'environnement géologie et botanique
♦ l'identification de la provenance des matériaux antiques et leurs liens avec les carrières proches: «La Cambrasse- Cambresse aux Escaliers», la source de Valère et «Gouldeau»;
♦ l'alimentation en eau, soit depuis le "ravin" presque adjacent, soit à la source de Valère décrite avec « plusieurs bassins bétonnés liés à un aqueduc », si toutefois un système de norias, non attesté jusqu’ici, avait desservi cette dernière;
♦ le système de vidange des eaux usées, impliquant un ensemble remarquable des canalisations, certaines encore inédites;
♦ la topographie, l’agencement et la fonction des quelque 12 pièces mises au jour, notamment les salles à piliers, espace architectural beaucoup plus étendu que supposé initialement;
♦ le fonctionnement du complexe thermal, où les canalisations sont les composants les plus spectaculaires. Le balnéaire, bien identifié, est simple et dépourvu d’abside et comportant, non loin de l'entrée provisoire, une mosaïque bicolore, ornée de croisettes (Fig. ), plus guère visible aujourd’hui.
♦ la fonction du site et le type de la villa qui bien que comportant un complexe thermal développé, n'était probablement pas une villa somptueuse comme en témoigne la pauvreté de la mosaïque vestigiale, où subsistent encore des croisettes, beaucoup moins élégante que celle de La Vernède sur la commune de Nissan-lez-Enserune[2] également détruite aujourd'hui en quasi-totalité. Les importants dépotoirs ont livré un matériel de grande qualité, confirmant les premières découvertes aléatoires, et constituent autant d’indices du luxe des installations encore enfouies. Des pans importants de la partie résidentielle échappent toujours.
Les plans disponibles jusqu'ici sont très partiels, de J. Giry à l'assemblage complexe de D. Ugolini et Ch. Olive et au dernier en date, à murs innominés, de A. Bouet. Ils s'avèrent d'emblée incomplets car tout le tiers sud-est du site, pourtant riche en structures diverses (murs, canalisations, piliers…) lisibles sur les vues aériennes (Fig.1) y fait totalement défaut. En 2019, de nouveaux plans d'ensemble plus rationnels et soulignant la zone manquante, ont dû être dressés par M.Clavel-Lévêque et A.Lopez (Fig.1....).
Actuellement, une mise au point innovante et dynamique est en cours de publication (Monique Clavel-Lévêque et André Lopez-Moncet (2021)[1].
Données historiques modernes
Malgré leur caractère fantaisiste et confus, elles ont le mérite d'avoir, les premières, attiré l'attention sur le site, son intérêt archéologique, et compilé les informations orales, convoquant la mémoire savante et les acquis vernaculaires du temps, sur l'abondance et la diversité du mobilier recueilli et déjà dispersé.
L’abbé Th. Durand[1], commente ainsi à l’extrême fin du XIXe siècle ce savoir collectif, riche de certains indicateurs utiles :
L’un des«six chemins ruraux principaux»de Lespignan,celui du sud, est« le chemin de Vivios, ainsi dénommé parce qu'il parcourt dans sa longueur un terrain où était, il y a bien des siècles, d'après la tradition orale, une ville nommée Vivios.
D'après les découvertes faites en divers endroits, ci-dessus désignés, cette ville était longue de 300 mètres et large de 150, commençant à la plaine et se dirigeant vers Lespignan. Lorsque les Romains eurent coupé le pont Septimus qui continuait le chemin Farrat, appelée par eux Via Domitia, afin d’empêcher les Maures de s'emparer de Narbonne, ils établirent à Vivios, lieu alors occupé par une peuplade de pêcheurs, un fort sur cet endroit.
On en a trouvé les ruines dans la propriété de M. Eugène Miramont, entr’autres : l'emplacement de la maison probablement occupée par le gouverneur, dont les pavés en mosaïque et en marbre blanc sale, furent maladroitement détruits par les ouvriers chargés de défoncer la terre qui les renfermait. On y voit, aussi, l'endroit où les romains prenaient les bains domestiques, consistant en trois ou quatre baignoires élégantes et un bassin ovale de 4 à 5 mètres de long sur 3 de large, destiné, sans doute, au peuple ou aux soldats.
De ce point, d'après M. Bonnal, percepteur, les Romains s'embarquaient pour aller débarquer au lit, nommé actuellement Rivier, métairie appartenant aux héritiers de M. Angles, où le fort existe encore et où l'on voit des salles souterraines d'immense grandeur et de cet endroit ils communiquaient, sans danger, avec Narbonne, par la Clape .
Dans le terrain de Vivios, on a trouvé et en partie conservé des ruines, des fondements de maison, des restes d'aqueducs en pierre, de larges tuiles avec rebord de deux centimètres, des conduits en plomb, des chapiteaux en pierre, de style grec, des citernes, des souterrains, des pavés carrés, des mosaïques, des débris de marbre de diverses couleurs, principalement blanc, mortiers en pierre noire, très dure, servant, peut-être, à broyer le blé avec un pilon, une tête de lion en marbre blanc, avec gueule béante et garnie d'un tuyau en plomb dont on voit la place, enfin, un grand nombre de médailles bien conservées et de toute nature, en particulier à l'effigie de Dioclétien et de quelques autres empereurs romains »
L’abbé Th. Durand ajoute, à propos d’autres sites : « dans le terrain de toutes ces métairies ou campagnes on a trouvé des mosaïques, des restes d’aqueduc, des tuiles à rebord, des jarres, des fragments de sculpture, des poteries, des cercueils de pierre en plus grand nombre que dans le terrain de Vivios »[2].
La distance que l’auteur conserve vis-à-vis de la tradition et de ses sources, précisément citées, comme les comparaisons avec les vestiges qui nous sont parvenus, de Vivios même comme des sites lespignanais voisins, conduit à prendre en considération ses informations. Leur précision, sur le balnéaire qu’il décrit, interroge notamment sur l’état du complexe thermal aujourd’hui conservé surin situ, et il en va de même pourla présence de restes d’aqueduc en pierre ou de plusieurs mosaïques, que corroborerait l’abondance de tesselles aux couleurs variées. Confirmation si besoin en était de l’étroitesse de la fenêtre archéologique existante.
Quant à l’abbé Giry, il indique: «le site antique d'une extrême richesse m'a poussé à acheter un terrain, qui a livré en plan les aménagements d'une luxueuse villa ou plutôt d'un vicus, s'étendant sur près de quatre hectares, au bord Est d'un cardo, qui se poursuit sur plusieurs kilomètres et qui desservait un port sur la mer intérieure du lacus rubresus. Le produit de la fouille est conservé au dépôt de l’Église à Nissan. On sera particulièrement intéressé par des objets de provenance égyptienne, comme un vase-canope en albâtre et la main d'une statue en diorite. Le site est lié à un aménagement portuaire formé d'une digue, qui devait diriger les eaux de l'Aude vers les quais. (p.173).
Le cardo Nord-Sud qui dessert le port et la villa a fait l'objet d'un aménagement très savant, par l'exhaussement de la voie de circulation par des piles dressées en certains point»[3].
Son court commentaire, qui ressource avec le vicus l’idée d’agglomération, insiste, outre les objets remarquables, sur les liens, toujours en débat, de Vivios avec les rives de l’étang, même si l’antiquité de la digue a été depuis nettement exclue par Olivier Ginouvès et Hervé Pomarèdes, derniers archéologues intervenus sur le terrain, pour qui la structure en grand appareil «correspond…à un mur de soutènement récent (XIXe-XXe s.)»[4].
Si J. Giry n’a pas hésité à acquérir le terrain sur lequel il est longuement intervenu, avant de le faire classer monument historique en 1971 et de le donner à l'État, il n’a pu éviter, exploitation partielle consommée, d’abandonner les fouilles, notamment au sud-est[5], véritable «terra incognita ».
Description sommaire du site
Toute la partie sud-est du site archéologique (1/9e environ de la superficie totale) étant encore recouverte de terre, de végétation herbacée et officiellement inexplorée depuis le début du siècle (Plans 1 et 2), seules les constructions identifiables dans tout le reste de l'étendue vont être décrites.
Les pièces
Ne sont présentées ici que celles qui peuvent être encore reconnues sur place malgré le délabrement et l'oblitération végétale. Une dénomination plus simple que celles d'Ugolini et Olive (2013) (peut être empruntées à Giry?) et de Bouet (2003), devrait guider le parcours du visiteur, jusqu'ici déconcerté par l'apparent bouleversement des lieux. Elle leur est attribuée par Clavel-Lévêque et Lopez, les deux autres étant citées pour mémoire entre parenthèses.
Parmi la douzaine identifiées, les pièces présentées ici, sans distinction chronologique précise, sont seulement celles qui sont encore reconnaissables sur place par leurs situation, bas de murs et structures incluses, l’aspect des sols et l’emplacement des canalisations. Jusqu’alors désignées comme signalé ci-dessus et faute de mieux, suivant une nomenclature redondante proposée par Ugolini et Olive (2013) à la suite de Giry, et plus récemment par Bouet ( 2003), elles font ici l’objet d’une numérotation plus simple précédée de la lettre «L»(de «locus», lieu, endroit, place sans connotation particulière, dans ce cas précis, au sens d’un lieu de fouilles archéologiques qui permet de définir les zones ayant été occupées par des humains )(Plan 1).
L1 ( ex 1 ou P.I-70,1), où l'on accède dès l'entrée par un vieux portillon métallique, se situe immédiatement à droite de la grande piscine, structure majeure la plus spectaculaire, infra). Cette pièce est délimitée par les murs « C », appuyé contre la piscine, « E » à l’ouest et peut être « F », incurvé, au sud ( ?). Le mur nord pourrait être enfoui sous le chemin d'accès.
L2 (ex PI - 69,5) se situe contre la piscine (partie sud-ouest) dont la sépare le grand mur « A » et est délimitée à l'ouest par le mur « B, à l'est par le mur « C », l'ouvrant largement sur la pièce suivante, et enfin, au sud, par le mur « G ». Rectangulaire, elle mesurerait 4,60 × 3,56 mètres, le sol étant en béton de chaux.
L3 (ex PII - 69 ,10), adjacente à l'est et située, elle aussi contre la piscine (partie sud-est), formée par les murs « A », « C », « D » et « H », est traversée en oblique par la canalisation annexe D1 (voir infra), perçant les murs « A » et « H ». Le sol est en béton,comme dans la précédente et au même niveau. Cette pièce contenait un four dit β ou 9 appuyé contre le mur « H », et était chauffée par hypocauste. Carrée et plus vaste que la précédente, elle mesurerait 5,35 mètres de côté.
L4 (ex P.VII – 69, 8), un peu plus vaste que la précédente, attenante, au nord, à L2 et s’ouvrant, à l’est, vers la petite « piscine » (voir infra), se distingue de toutes les autres par la présence d'un reste de mosaïque in situ. Réalisation modeste, cette œuvre, qui semble peu compatible avec un
cadre somptueux mais plutôt avec une pièce d’accueil de clientèle rurale, présente un décor de croisettes, chacune formée par une tesselle bleutée entourée de quatre blanches (Fig.2) et bordée par une rangée externe d'abacules également blanches, toutes incrustées dans un béton de tuileau. Aujourd'hui la mosaïque est de plus en plus réduite, malgré une ancienne tentative de protection sous toiture, dont il ne subsiste que la charpente en bois, les débris de ses tuiles se mêlant ironiquement sur le sol jonché d'aiguilles de pin à des fragments d'imbrices et de tegulae antiques. Par sa pauvreté originelle, elle ne peut d’ailleurs pas rivaliser avec celle de la Vernède (Clavel-Lévêque & Lopez,2016)
L5 (ex P. XIII- 69,23), immédiatement au sud de la précédente, est comprise entre le mur «G» et la petite « piscine » (voir infra). Traversée par la partie oblique de la canalisation D2 (voir infra) issue de cette même «piscine», elle présente au sol en partie effondré, deux assises encore reconnaissables prouvant qu'elle était chauffée par hypocauste (Fig.).
L6 (ex P.IX- 69,12), à l'est de la précédente et de la petite «piscine» (voir infra), est séparée de cette dernière par le mur « I ». Elle est excavée en fosse revêtue d'argile qui contenait une grande quantité de cendres non mêlées à d'autres matériaux. Ces cendres, la présence d'une cheminée encastrée dans son mur nord et la proximité du four dans la C3 permettent d’identifier la chambre de chauffe desservant le caldarium.
L 7 (ex P.VIII-70,14), entre le mur « N » l'isolant de L6 contiguë à l'ouest et un mur « Q » parallèle au grand mur « P » de la salle à piliers (voir infra), présentait une autre cheminée encastrée et a pu être une annexe de la chambre de chauffe.
On peut déjà signaler ici la curieuse canalisation courbe (voir infra : C5) traversant l'ensemble des deux pièces précédentes.
L8 (ex P.VI- 69, 16), située à l'est de L3 , est limitée au sud par le grand collecteur nord-oriental (voir infra), avec les murs « P » et « K », à l'ouest par le mur «E », au nord par le prolongement du mur « A» et, à l'est, s'ouvre largement sur le chemin oblique de l'étang.
L9 (ex PIV-69,18) est située entre le dit collecteur au nord, la chambre de chauffe à l’ouest et l’angle nord occidental de la grande salle à piliers (voir infra : L10) dont la sépare un mur « L » d’aspect composite, chevauchant un vaste dépotoir à coquillages.
Les piscines,
Elles correspondent à deux des bassins visibles à ce jour, loin des indications numériques et formelles précises données par l’abbé Durand.
Structure la plus spectaculaire et repérable d’emblée, la grande piscine dite « A » (Ugolini & Olive) ou « 3 » (Bouet) (Fig.) peut être qualifiée aussi de froide car elle faisait partie d’un frigidarium incomplètement documenté (Clavel-Lévêque). Située à gauche en entrant sur le site, contre la pièce C1 (Plan), elle mesure environ 6m,50 de long, 4m,50 de large et non 12 m x 7 m comme l'ont indiqué Ugolini et Olive. Sa profondeur est d'environ 1m,20 à l'ouest, peut être un peu plus importante à l'est vers lequel le fond de l'édifice serait donc légèrement déclive.
Cette grande piscine "A" est pourvue d'une banquette saillante, courant distinctement sur les 3 côtés nord, oriental et occidental, arge en moyenne de 40 cm, haute d'autant,paraissant disparaitre au sud, en fait surmontée là par une paroi de briques cuites carrées superposées que renforcent quelques tegulae dans sa partie supérieure, suite à des remaniements structuraux. Pour y descendre, la piscine est pourvue de deux escaliersd’angles comportant quatre marches à l'est et trois à l'ouest, chacune large de 1m,20 et haute de 20 cm. La hauteur totale de chaque escalier avoisine les 80 cm.
Les parois auraient été revêtues d’un enduit peint rouge et bleu vert (communication Rech, Lespignan) qui semble partiellement conservé sur la face nord.Un tuyau en plomb (d= 10 cm) (Fig. ), pouvant assurer l'évacuation, initialement observé par A. Ribes (Lespignan) et aujourd’hui dissimulé, s’ouvre au bas des marches de l'un des escaliers.
Alors que les autres parois sont uniformes, celle du côté sud n'a pas une structure homogène, suite à des remaniements avec une partie toute supérieure en pierres, haute de 50 cm, échancrée près de l'angle sud-est (Fig.) par un déversoir concave tronconique,large de 20 à 30 cm ; partie moyenne en briquettes carrées superposées horizontalement, sur 70 cm ; partie toute inférieurce en pierre, sur....cm, pouvant correspondre à la banquette....
Un dépotoir avait été installé dans la dite piscine en la comblant: il a livré un riche mobilier 16 exploité par Giry.
La petite piscine « B » (Ugolini & Olive) ou «22 » (Bouet) (Fig.), presque méconnaissable aujourd'hui (2019), peut être appelée chaude car montée sur hypocauste, elle se rattachait au complexe du caldarium (Clavel-Lévêque).
Plus « baignoire » que piscine vraie par ses dimensions réduites (Longueur: 5 m; largeur: 2m,70), elle se situe au sud de la précédente et aurait été alimentée en eau par son trop-plein, via la canalisation oblique traversant la pièce L3 interposée . Quant à sa vidange, elle aurait été assurée par la conduite transversale courbe sus-mentionnée (voir infra) ralliant le collecteur nord-oriental.
Une troisième structure rectangulaire (no 34 des précédents auteurs) ayant pu contenir de l'eau se situe à l'extrême sud-ouest du site archéologique (voir plan d'ensemble). Profonde d'environ 0,45 cm et à sol bétonné (?), elle est interprétée comme un bassin ou une citerne.
Grande salle à piliers
Baptisée ici L 10, cette structure (ex «P I-71» d’Ugolini et Olive ou «19» de Bouet) est délimitée par les murs
«P» à l’ouest, « A » à l’est et « L » -sus mentionné - au nord. Ce dernier isolerait L9 de deux petites « pièces »,
correspondant à l’angle nord ouest de L10, et figurées par Ugolini et Olive en tant que « P IX -70 » et « P.V-69 ». D’ aspect composite et comme « suspendu » il chevauche un vaste dépotoir à coquillages (voir infra) se situant ainsi à la fois sur L9 et sur L 10
De loin la plus vaste des enceintes puisque originellement évaluée à 9,30 × 11,60 mètres , L10 et caractérisée par six piles (?) déterminant un plan basilical à trois nefs dans l’axe Nord/Sud, doit être aujourd’hui nettement surévaluée. Les bases des piliers, approximativement carrées, ont des dimensions variées (0,80 à 140 cm), faites de pierres liées au mortier et implantées sur la roche, soit directement ("f" et "g") comme dans la partie méridionale où le substrat affleure, soit sur des fondations en forme de tronc de pyramide renversé, de 1,70 mètre de haut ("e" et "c") comme dans la partie septentrionale afin de rattraper le dénivelé du terrain naturel déjà comblé par le dépotoir.
En fait, d’après les reconstitutions en 3D de Georges Tirologos, il semblerait que les «piliers», dont aucun fût
(superstructure minérale?) n’a été retrouvé jusque ici, auraient pu être de grands poteaux en bois reposant sur les bases maçonnées d’autant plus que «le trou d’implantation» d’une structure ligneuse est signalé par Ugolini et Olive entre le pilier «c» et la «salle PV-69». Une pierre fortement calcinée («h») se trouve entre les quatre piles nord, presque en position centrale.
Le sol n'est pas bétonné et la roche, composée de calcaire lacustre de Nissan qu’entourent des limons jaunes, affleure sur une partie de son étendue ce qui a fait conclure par Giry que la salle était en dehors du chauffage général de l’édifice.
De fait, contrairement aux tracés d’Ugolini et Olive ( ) repris par Bouet, il ne semble exister aucun mur méridional, ce dernier demeurant d’ailleurs innominé dans leurs deux plans, car la salle se prolonge directement vers le sud où sont visibles d'autres « piliers », non signalés avant les observations récentes (2018), après désherbage, de Lopez puis Clavel-Lévêque. En revanche, l’extension de salle est délimitée à l’ouest par une succession de petits blocs espacés s’alignant vers le sud sur le mur P
Ces piliers (Plan 5: P) sont au nombre de quatre, s'alignent sur les précédents et en ont, en gros, les mêmes formes et maçonnerie.
On peut leur rattacher deux autres structures inédites (Vue aérienne et Plan 2: S), quadrangulaires et massives, au contact du grand collecteur sud-oriental qu'elles flanquent près de ses extrémités.
Les canalisations
Elles constituent un ensemble remarquable (Plan Fig. 5, en bleu), unique en son genre tant il parait disproportionné, par leur nombre, leurs tailles, la disposition et les matériaux divers utilisés. Elles se répartissent en canalisations principales, collecteurs ou égouts, les plus évidents, désignés par C (de «cloaca» = « égout »)et canalisations accessoires ou affluents, D (de «ductus » = «conduite»), peu visibles aujourd'hui car dissimulées dans la pelouse à Brachypodes et autres herbacées de la garrigue.
- Canalisations principales
Il y en a quatre qui sont autant d'exutoires à l'ouest (1), à l'est (2) et au sud (1)(Plan 1).
C1, unique collecteur occidental et ancienne canalisation ε d' Ugolini et Olive) est situé en position transversale dans la partie ouest du site (Fig. 2, O) et parait se couder à angle droit au centre de ce dernier où lui fait suite, par une succession de dalles (Fig.) et en position axiale, le collecteur ou grand égout méridional (voir infra C 4)). Bâti en grand appareil, il n’a pas conservé de couverture et est délabré dans toute sa partie orientale .
C2, le collecteur nord-oriental (17 pour Bouet) s'étend transversalement entre les pièces L8 et L9 (18), à l'est de la chambre de chauffe L 6 et au nord de la salle à piliers. Il est entouré par les murs P, K et J, plus ou moins démantelés et dont les blocs, parfois énormes (dont un, fort beau, en calcaire coquillier), ont basculé et tendent à le masquer. Son origine reçoit la canalisation sinueuse drainant la petite piscine « B ».; plan 2, E ?
C3, le collecteur sud-oriental (Fig ) se situe à la limite méridionale de la salle à piliers in extenso , comme lui inédite (Fig.1 : flèches ; plan 1 : "C3" ; plan 2 : « E »). Bien que nettement perceptible dans les vues aériennes de Google Earth (Fig. 2, flèches) et celles obtenues depuis un drone (Fig. 3, « E » et « B »), il ne figurait jusqu'ici dans aucun plan ni aucune publication connue et a été, en quelque sorte, révélé et dégagé par A.Lopez dans ses prospections de surface. Cette grande canalisation (Fig. 6), elle aussi
transversale et comme branchée à angle droit sur l'égout méridional C4, a une terminaison très particulière et complexe (Fig. 8 ) avec deux blocs saillants, l'un encore en place, comme "suspendu" sur muret,
le second ayant été transporté et basculé par les "fouilleurs" hors du site, à l'ouest du talus de déblais (Fig. ),
Bien que nettement perceptible dans les vues aériennes de Google Earth (Fig., flèches) et celles obtenues depuis un drone (Fig. 4, E et B), il n’apparaissait jusqu'ici dans aucun plan ni publication connue et a été, en quelque sorte, dégagé et ainsi authentifié par A. Lopez dans ses prospections de surface. Elle aussi transversale et comme, C1, branchée à angle droit sur l'égout méridional (voir infra) , cette grande canalisation est construite en petit appareil sur ses faces latérales, recouverte de grandes dalles sur une partie de son étendue et a une terminaison complexe très particulière (Fig.).
C4, le collecteur méridional, court plein sud, en situation médiane et quasi-axiale, depuis le centre approximatif de la zone archéologique où il est rejoint par C1, à l'ouest, ensuite par C3, à l'est (Plans 1 et 2). Entre leurs jonctions, il se réduit d’abord à un long alignement de dalles encastrées dans le solen zone d’écoulement un peu pentue et est ensuite complété en égout par des parois latérales et une couverture de blocs quadrangulaires massifs. La terminaison apparente va buter contre le talus sud clôturé où un exutoire est probablement enfoui de nos jours. A ces quatre collecteurs principaux, on peut adjoindre, non pour sa longueur mais son aspect original singulier, une cinquième canalisation C5 (ex 14 de Bouet),déjà signalée (Fig. ),plus difficile à retrouver que les précédentes. construite aussi avec des dalles de couverture épaisses mais bien plus courte et se singularisant par sa forme doublement incurvée, un peu en S. Sensée provenir de la piscine "B", elle est liée à L6 et L7 au niveau de la chambre de chauffe, et aboutit à l'origine du collecteur nord-oriental C2.
- Canalisations annexes
La plupart d'entre elles aboutissent plus ou moins directement au collecteur occidental C1. Leur complexité, encore accrue par l'utilisation de lettres grecques pour les dénommer (Giry, Ugolini et Olive) est manifeste dans les plans.
Un premier caniveau, D1(ex « 10 » de Bouet)(Plan1) débute à la grande piscine dans son angle sud-est et y échancre le mur A (Fig…) en s'y présentant comme un déversoir. Il traverse ensuite en oblique la moitié occidentale de L3 et franchit le mur H pour atteindre la piscine B. Selon Ugolini et Olive « sa fonction devait être d'écréter le trop-plein de la piscine A pour diriger cette eau vers la piscine B ». Elle aurait été édifiée avec un radier en tegulae après la construction de la pièce elle-même.
Une deuxième canalisation, D2 (ex « ζ » -519)(Plan est issue dans L5 de la piscine B près de son angle sud-ouest. D'abord oblique, elle se coude ensuite brusquement et se dirige plein sud vers C1 où elle débouche près du grand mur J. (Fig.)
Un troisième caniveau, D 3 (ex « γ 59 », non nommé par Bouet), d'origine imprécise, aurait couru parallèlement à D 2, émettant sur sa gauche une quatrième canalisation, D 4, (ex « β 56 ») dans une « pièce » imprécise (PIII-73 d’Ugolini et Olive), et rejoint ensuite C 1, tout près de D1, immédiatement à l’ouest de cette dernière (Plan 1). D4 aurait traversé en oblique la « pièce PIII-73», conflué à sa limite et celle de « PI-73» avec un cinquième caniveau orienté Nord-Sud, D 5 (ex α 56 ou 24), et courut ensuite vers l'ouest (25 de Bouet), à proximité de l'emplacement du dolium. En fait, ces petits affluents,indiqués ici pour mémoire, ne sont plus visibles aujourd'hui que sur les plans et seuls, trois déversoirs peuvent être décelés dans C 1 : l'un, à son origine occidentale qui parait "borgne" et bétonnée, correspondant peut être à D4 ; les deux autres, très rapprochés, terminaisons vraisemblables de D3 et D2, cette dernière mal conservée (fig. )
Murs isolés
Deux alignements de blocs massifs (Plan 2 :M), paraissant correspondre à des murs isolés, se situent en marge de la zone inexplorée et ont une orientation nord-sud. L'un semble prolonger celui de la salle à piliers "classique" à partir de la terminaison du grand collecteur sud-oriental et fait donc partie de la salle considérée dans sa globalité. L'autre est parallèle au grand collecteur méridional. L'un de ses cinq blocs présente une excavation cruciforme......
Dépotoirs
Un dépotoir est, en archéologie, une accumulation de déchets ou détritus domestiques situé près d’une résidence ou dans un ancien lieu d’habitation, réutilisant souvent un silo, une fosse de stockage ou même un bassin. Sur certains sites, tels que la villa gallo-romaine de Vivios, ce sont les dépotoirs identifiés par Giry, dont la grande piscine froide, qui ont fourni l’essentiel du mobilier recueilli, y compris des conchyliorestes (vestiges de coquillages) (Fig.). Si l'on excepte quelques zones terro-cendreuses pouvant orienter leur repérage, ils sont aujourd'hui devenus méconnaissables à la suite des fouilles intempestives du passé.
Le plus important d'entre eux, mis au jour dès le début des fouilles, comblait la grande piscine A, dite froide, « il a livré énormément de mobilier dont le plus récent est de la fin de l'Antiquité » (Ugolini & Olive, 2013).
Un deuxième dépotoir, lui sur sol naturel et d'environ 20 m2, se situait au centre-ouest, près des vestiges d'un dolium, de l'origine du grand collecteur occidental et de la confluence des canalisations annexes, soit au niveau de trois pièces dites PI, PII et PIII-73, quasi-démantelées, « Il contenait de nombreux restes de coquillages (indéterminés) et un très riche mobilier du Haut Empire » (Ugolini & Olive).
Un troisième dépotoir important, à l'est cette fois, s'étendait dans l'angle nord-ouest de la grande salle à piliers, sur l'emplacement des deux pièces PIX-70 et PV-69. Il s'insinuait sous les murs « T » et « L », qui lui seraient donc postérieurs, et se retrouve dans la pièce L9, au contact du grand collecteur nord-oriental C2. Formé d'argile et de dépôts cendreux avec des dalles incluses, il contenait encore de très nombreux conchyliorestes (A.Lopez, 2019) : essentiellement des Peignes (Flexopecten glaber)(Fig. ), des Huîtres creuses (Ostrea edulis) en quantité moindre , quelques Moules (Mytilus galloprovincialis), de rares Coques (Cerastodesma edule) et même le gastéropode Cerithium vulgatum tous non signalés par les prédécesseurs et constituant la « tétrade » locale de Mollusques (Lopez,2020)
J. Giry signale deux autres dépotoirs à mobilier abondant : l'un dans le sol de la pièce voisine L8, située au delà du grand collecteur et le rattache à la fin de l'Antiquité, l'autre dans deux pièces également proches, de part et d'autre de la canalisation courbe, soit L7 et « PIII-69 ou 15 », contre la chambre de chauffe.
Enfin, pour A. Lopez, un sixième, riche en coquillages, siègerait extra-muros, dans les déblais à la terminaison du grand collecteur oriental C3.
Fonctions de la Villa
Pour reprendre une expression vague de A. Bouet, il y aurait eu "des activités de transformation" encore à élucider.
Selon une hypothèse de Monique Clavel-Lévêque, le site aurait pu par être un centre de gestion des carrières voisines, leur ensemble s’intégrant dans deux centuries cadastrales.
De plus à la suite d'une visite récente de Stéphane Mauné, spécialiste des granaria la (ou les) salle(s) à piliers, dont il a confirmé l’étendue, pouvaient fort bien correspondre à des lieux de stockage de grains et (ou) des hangars à bois pour alimenter la chambre de chauffe.
Enfin, d'après les observations récentes d’André Lopez lors d' inventaires naturalistes sur les garrigues collinéennes de Vendres-Lespignan, certaines de ces activités pouvaient être orientées vers la préparation de coquillages, notamment de l' Huître plate européenne (Ostrea edulis : Ostreidae) (Fig.10) et surtout, du Pecten glabre (Flexopecten glaber (L.) : Pectinidae)(Fig.11).De loin le plus fréquent, abondant dans trois dépotoirs surtout celui de la salle à piliers (angle nord-ouest), ce Mollusque bivalve a été retrouvé à l'emplacement
d'autres villas gallo-romaines situées sur la commune de Vendres (garrigues et terrasse alluviale de l' Orb) et, plus au nord,jusque dans le Saint-Chinianais (col.Marcou) où il fit l'objet d'un transport commercial pour sa consommation.
Il devait abonder dans la partie orientale du fameux Lacus rubresus narbonnais s'étendant au bas du site de Vivios, correspondant au Palus Hélicé d’Avienus (Ora maritima), jalonné par un autre marqueur biologique, Ephedra distachya (Lopez,2019[3]) et devenue l'actuel étang de Vendres-Lespignan. Recherchant les fonds sableux et détritiques vaseux, ce "Pétoncle" est en effet connu comme pouvant pénétrer dans les lagunes côtières, loin à l'intérieur des terres. Il devait être récolté à la main ou avec une sorte de drague. Ses coquilles épaves sont d'ailleurs toujours présentes en abondance dans les vases de l'étang de Vendres retirées de canaux par curage, avec celles de l' Huître plate, des Coques et du Cérithe
Datations présumées
L'occupation et les activités du site auraient débuté dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. et se seraient ensuite poursuivies sans discontinuer jusqu'aux IVe – Ve siècles, voire VIe siècle soit depuis la période augustéenne jusqu'à la fin de l'Antique cité. En témoignent les innombrables éléments du mobilier et surtout les pièces de monnaie dont aucune ne figure dans la "Carte archéologique de la Gaule (Biterrois)"(Ugolini & Olive).
Pièces de monnaie
Nombreuses et variées, pour la plupart en bronze, celles qui ont été recueillies par Giry et entreposées au "musée de Nissan ?" sont citées en vrac avec le mobilier, dans la "Carte archéologique" sus-mentionnée et se rattachent aux règnes d' Auguste, Claude, Nerva, Domitien, Trajan, Hadrien, Marc-Aurèle, Commode, Aurélien, Constance, Tétricus, Maximien Hercule, Constantin, Galère, Gallien…
D'autres, les plus remarquables, certaines représentées ici , font partie de la collection personnelle qu'a réunie Christian Rech, un chercheur lespignanais.
Carrières
L'origine des matériaux utilisés pour la construction de la villa, où des marques de carriers sont connues (Ugolini & Olive, p.248), fait aujourd'hui l'objet de nouvelles recherches qui touchent aux rapports que la villa de Vivios a pu entretenir avec l’industrie de la pierre et les conditions d’exploitation de chantiers littoraux.
Quatre gisements de calcaires miocènes que cernent des limons jaunes à galets en sont les candidats les plus plausibles conformément aux données réunies au tournant des années1980/90, confirmant que plusieurs blocs provenaient de carrières proches, celle de La Cambrasse précisément (Pomarèdes & Ginouvès).
Carrière de Vivios
La carrière la plus proche de Vivios est une petite zone d’extraction que M. Clavel-Lévêque (2018) a identifiée, en tant que telle, à proximité immédiate du site archéologique dont ne la sépare qu’un grand fossé recevant le collecteur nord-oriental en amont. Elle est ménagée dans l’épaisseur du chemin qui descend côté est, vers l’étang de la Matte, parallèlement au «ravin» cadastral (Fig.12). De faible étendue, assez uniforme et sans redents, son front de taille, long d’environ …m et haut en moyenne de …cm, met à jour du calcaire lacustre de Nissan, tel qu’il affleure au sol dans le site même, et se retrouve, au-delà du talweg, dans tout le Puech de l’œuvre.
Carrière de la Cambrasse
Encore appelée «Cambrasso» ou "cambresse" ("grande chambre»), elle est, cette fois, éloignée de Vivios
d’environ 700 m au sud-est (et non à l’ouest), au lieu-dit « Les Escaliers » (17 m), toponyme révélateur des travaux qui ont entamé, dès la période romaine, (expertise deBessac le , in H. Pomarèdes, O. Ginouvès, Id., p. 13 ) basses terrasses échelonnées au-dessus de l’étang de Vendres et tout près, mais en retrait, de la petite route conduisant au « pont des Pâtres » (Fig.13).
Conformée en "défilé" irrégulier, elle présente au nord-ouest, un versant abrupt à conglomérat se composant de galets, souvent de grande taille, retrouvés dans le sol de la garrigue sus-jacente et par un ciment gréseux friable (Fig.). Son exploitation (Ugolini & Olive) dans les sites parait improbable.
Au sud-est, s’étale un magnifique front de taille vertical, haut en moyenne de 3-4 m et scandé par une succession de … décrochements. Deux roches bien différentes s’y superposent
et se rattacheraient, d’après la carte géologique aux calcaires de une assise inférieure, coquillière à grain moyen, compacte, paraissant de loin presque homogène, et une assise supérieure littéralement « truffée » de coquilles de Bivalves (Ostreidae, Pectens…), souvent
volumineuses, hétérogènes, (Fig.14) formant une remarquable lumachelle.
En outre, l'assise inférieure conserve intacts d'innombrables sillons parallèles, plus ou moins disposés en "chevrons" (Fig.15) et correspondant aux marques laissées sur le front de taille par les outils (escoudes) des
carriers, vraisemblablement dans l'Antiquité. Ces marques sont d'ailleurs retrouvées dans le voisinage sur des blocs abandonnés en cours de transport .
Carrière de Valère
Pouvant être appelée aussi "Gouldeau A", elle se situe à une quarantaine de mètres de la source aménagée homonyme, très près du rivage ancien, en contrebas d'un bosquet de pins d' Alep isolé.
Elle présente 2 terrasses localisant 2 fronts de taille (1,5/2m de haut) où on observe les mêmes caractéristiques qu’à La Cambrasse, tant pour la qualité des matériaux que pour les modes de travail. Des traces d'outils de carrier y sont visibles.
En outre, on peut préciser la chronologie de ce secteur, actif dans la durée.
L’un des fronts de taille recoupant un petit bâtiment du haut Empire, l’exploitation s’est donc prolongée au moins jusqu’au IIIe s., peut être jusqu’à la période tardo-antique, voire alto-médiévale.
Des blocs qui en ont été détachés et abandonnés ensuite sont visibles en sous-bois de la pinède proche (Fig. ).
Carrières de Gouldeau
Au lieu dit « Gouldeau », à l’ouest de Valère tout proche, et au sud-est de l’autoroute A9 dont il domine l’imposant remblai, se situe l’ensemble des carrières homonymes. Une basse colline s’y incline en pente douce vers un chemin bordant l’étang de la Matte (Lespignan). Précédé par des sables marins du Miocène, son calcaire (Aquitanien-carriersien), rattaché à celui dit de Brégines sur la carte géologique (BRGM : Béziers), affleure largement dans une garrigue dégradée et réduite à des pelouses de Brachypodes.
Fronts de taille
Ses zones d’exploitation y sont très nombreuses, dispersées sur une vaste étendue de la colline et montrent des fronts de taille de
longueur variable mais de profondeur généralement réduite. Exposant des bancs calcaires homogènes et sans gros coquillages, rappelant donc la couche inférieure de la Cambrasse et celle de Valère, ils présentent une grande diversité d’aspect: en marches d’escalier, terrasses superposées.
Arbitrairement, les ensembles de fronts de taille ont été énumérés du sud au nord, soit A à D, le premier correspondant à la carrière de Valère, comme sus-mentionné.
Ornières
Elles sont visibles dans les zones d'extraction et surtout dans un chemin pentu allant rejoindre le bord d'étang. Un embarcadère aurait pu être aménagé en ce lieu.
- Lespignan, Gouldeau, carrières : ornière 3
- Lespignan, Gouldeau, carrières : ornières 6
- Lespignan, Gouldeau, carrières : ornières 5
- Lespignan, Gouldeau, carrières : ornières 2
- Lespignan, Gouldeau, carrières : ornières 4
- Lespignan, Gouldeau, carrières : ornière 1
Puits
Deux puits, non mentionnés dans la « Carte archéologique » (Ugolini et Olive), sont enfin présents à Gouldeau. L’un se situe au nord, près de l’A9. Déjà connu à Lespignan et d’origine imprécise, il a fait l’objet d’une réutilisation moderne car la présence d'une grille ferme son ouverture supérieure en laissant toutefois émerger un figuier qui s’y est enraciné. L’autre, repéré par A. Lopez (2018), est plus curieux et d’une possible origine antique. Situé au sud-est, il présente l’aspect extérieur d’un «igloo» avec son contour grossièrement hémisphérique et est, lui aussi, sommé d’un figuier(Fig.16). L’ouverture supérieure, masquée par cet arbre, n’est pas accessible. En revanche, des orifices latéraux bas situés permettent d’en discerner l’intérieur avec un éclairage. Les blocs à l’aplomb de l’un d’eux ont été creusés en gouttière verticale qui aurait pu permettre le passage d’une corde (?) (Fig.17). Par un second tout proche, on y aperçoit une dalle, probablement de couverture, tombée sur le fond, fenêtrée et montrant des traces d'outils de carrier.
Cabanes
Sur la zone de Gouldeau, une aire de dispersion de céramiques, bien identifiées, où amphores et vaisselle sont nombreuses, permet de localiser des bâtiments proches – habitat, fixe ou temporaire ? – que le réseau des chemins parait relier directement à Vivios .L’intensité de l’exploitation, qui a dû employer un nombre important de travailleurs, se lit notamment dans les quelques structures de bâtiment, habitat et/ou édifice de travail, mis au jour dans deux des aires d’extraction, avec un matériel archéologique significatif.
Sur la zone de la source Valère entre les premiers fronts de taille orientaux de la carrière homonyme et lors d’un parcours progressif en direction de Vivios à travers les collines et leurs pelouses de garrigue « écorchée », on peut encore observer, d'ouest en est, une série de quatre concentrations de blocs initialement accompagnés de mobilier. Selon Pomarèdes et Ginouvez (1991) puis Giry (1994), il s’agirait des traces de 4 espaces construits, tous en pierres sèches, couverts de tuiles (tegulae). En gros contemporains, ils auraient fonctionné durant le haut Empire (Ier et IInd siècles) donc pendant au moins 2 siècles et étaient vraisemblablement liés à l’exploitation des carrières.
« Vivios-Valère 2 » était un bâtiment dressé sur monticule, à pièce unique de 70m2 (14x5 m), formé de gros blocs aujourd’hui en désordre, et vraisemblablement destiné au travail (très nombreuses amphores, faible quantité de vaisselle de table et de cuisine). Il aurait été utilisé
« Vivios-Valère 3 », deuxième bâtiment de plus grandes dimensions, mesurait environ 125 m2 (14 x 9 m) et était établi sur un socle calcaro-gréseux. Une partie des blocs de ses murs conserve encore son alignement côtés nord, en deux parties, et ouest. Le mobilier observé là se composait de tegulae, dolia et sigillées claires B anciennes. Il s’agirait donc encore d’une permanente ».
Vient enfin un ensemble bâti plus bas en aval des 2 constructions précédentes et opérationnel en même temps. Il devait être beaucoup plus imposant (environ 20x15m soit 300m2), ceinturé par un mur ou un fossé-drain, et flanqué au sud-ouest d’une possible construction annexe, d’environ 112m2(14x8m). Les amphores dominaient nettement parmi le lot des céramiques.
Datation
Elle est controversée. Pour Bessac (1990), il s’agirait de vestiges modernes aussi bien en ce qui concerne l’habitat que les traces d’extraction, l’outil invoqué étant une « escoude à tranchant étroit », modèle récent. Par ailleurs, encore pour le même auteur et surtout d’après Pomarèdes et Ginouvez (1991), « il y aurait tout de même des indices d’une occupation et peut être d’une activité d’extraction antique basée sur les deux premiers siècles de notre ère » (in Ugolini et Olive).
Pour être simples et mesurées, l’ampleur et l’implantation de ces infrastructures ne signalent pas moins l’importance économique de ce secteur d’activités. Le domaine de Vivios est idéalement placé pour en assurer la gestion et mettre en oeuvre la cohérence d’une logistique servie par des bâtiments d’exploitation et/ou de service, situés au plus près à la fois des sites d’extraction et du rivage. On peut en effet localiser, non aux Rompudes comme le pensait Giry, mais plutôt au bas de la Cambrasse et/ou du chemin de Valère 35 des points d’expédition de ces matériaux lourds, selon une articulation bien connue pour ces carrières au bord de l’eau.
L’alimentation en eau
Elle reste un problème complexe pour le site de Vivios où l’eau, on l’a vu, coule à flot
La source Valère
La seule ancienne source connue de nos jours dans les environs est celle de Valère, éventuellement utilisée par la villa et les diverses installations du domaine. Situé dans un petit "cirque" rocheux qu'occupent des Sureaux, Figuiers et Oliviers, ce point d'eau semble aujourd'hui définitivement tari bien qu'une certaine humidité traduite par la végétation, s'y manifeste encore. Giry (1998 et in Ugolini & Olive, 2013, p.253) a signalé qu'elle "a été aménagée à l'époque romaine" et que l'"on conserve plusieurs bassins bétonnés liés à un aqueduc", structures à priori non identifiables aujourd'hui. Seuls, "des blocs d'architecture", dont un en équilibre à l'aplomb du site (Fig.) et montrant des traces d'outil de carrier peuvent être encore observés. Une étrange particularité est la présence d' Acanthes, plus d'installation moderne que reliques improbables de l'Antiquité romaine qui en fit un usage ornemental (Pline l' Ancien).
Outre le Ravin, dont le site semble bien proche, l’approvisionnement des habitants pourrait aussi avoir été assuré par un ou des aqueducs, signalés par l’abbé Durand et indiqués par les éléments réemployés par l’étrange Trône, au nord de Vivios.
Le «Trône»
Un curieux « monument » dont la signification exacte n'est pas encore élucidée est visible au niveau de la première des deux bifurcations conduisant au site. Située en bord de route, au flanc du talus gauche qu’elle contribue à renforcer, elle présente l'étrange aspect d'un "siège" désigné, faute de mieux, sous le nom de "trône" . Il est édifié en blocs de calcaire coquillier, renfermant des fossiles de Bivalves, de Chlamys tournali (Pectinidae) et pour la plupart creusés d'une gouttière, particulièrement visible sur les deux "accoudoirs", signant bien leur réemploi et, sans conteste, parties d’un aqueduc dont le tracé ne devait guère être très éloigné. Ces blocs presque "cyclopéens", se situant à quelqus 200m de la villa de Vivios, site gallo-romain le plus proche actuellement connu, il n’est pas exclu de voir dans le «trône» l’indice qu’a pu exister un mode d’approvisionnement en eau de la villa depuis les pentes orientales du Puech de l’œuvre, où, cependant, aucune source n’est actuellement connue. Le "trône" aurait été aménagé après récupération à une époque et dans un but inconnus, solidement "ancré" dans le talus et y résistant aux intempéries.
Comparaisons
Villa de Fount-de-Rome (Fleury)
La Villa de Vivios est très différente de celle dite "Fount de Rome", située de l'autre côté de l'Aude, au pied du massif de la Clape et sur la commune de Fleury.
A l'abandon et envahi par des plantes de Garrigue, ce site ne présente pas l'extraordinaire réseau de canalisations qui est la principale caractéristique de Vivios.
En revanche, les murs sont bien conservés dans leur ensemble et offrent une particularité remarquable non signalée par les fouilleurs des années 60 (?). Le granulat des mortiers liant ou recouvrant leurs blocs de construction est littéralement "truffé" de conchyliorestes, coquilles fragmentées ou plus souvent entières de Coques (Cardium) et de Palourdes (Tapes), qu'ils aient été recueillis sur les plages avec le sable de mortier ou d'origine alimentaire. Contrairement à Vivios, Pectens et Huitres semblent absents, à moins qu'ils ne se trouvent dans des dépotoirs, non signalés jusqu'ici. Le contexte malacologique parait donc très différent, plus orienté vers la mer que vers la lagune du Palus Helicé (Clavel-Lévêque & Lopez).
Villa de la Vernède (Nissan-lez-Ensérune)
Par ailleurs, la pauvre mosaïque de Vivios ne peut rivaliser avec celle de la Vernède, autre villa romaine située dans le domaine du même nom, aux confins de l'Hérault, sur Nissan-lez-Ensérune, aujourd'hui très endommagée elle aussi. Ses motifs géométriques sont présentés dans la carte archéologique de la Gaule (34/5) où la description d'ensemble est toutefois incomplète. Ugolini et Olive (2013, p.381) n'y citent en effet qu'un Amour poursuivant un animal (en fait un chien bien reconnaissable et tenu en laisse!) et font abstraction des autres figures d'un dessin soigné: vigne avec de beaux raisins, acanthes, biche (Clavel-Lévêque & Lopez).
Présentation commentée in situ
Dans le cadre de l’Itinéraire de Découverte d’Archéo-histoire et Nature (IDAN),annoncé plus haut et couvrant aussi le secteur de Vendres, a été prévu un ensemble de panneaux descriptifs, deux d'entre eux, ébauchés ci-contre, devant, dans le futur,commenter le site dans la mesure où il aura été rendu "présentable".
Notes et références
- Clavel-Lévêque, M.et A. Lopez, « La Fabrique de la villa Vivios-Vibianum (Lespignan, Hérault) », in "La double Vie du Patrimoine".Parc Culturel du Biterrois, sous presse, 17 pp.,
- Clavel-Lévêque,M. et A.Lopez, « À propos des mosaïques romaines du Chateau de la Vernède (Nissan : ouest de l' Hérault) et leurs représentations figurées. », Bull.Soc.Et.Sci.nat.Béziers. N.S., TXXVIII, 69, 2015-2016, p.34-39.,
- A. Lopez, « L'Uvette ou Raisin de Mer (Ephedra distachya : Ephedracées), un marqueur biologique témoin d'anciens rivages dans le Sud-biterrois. », Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2019, p.11-31.,
Voir aussi
Biographies
- Bouet, A. - Les thermes privés et publics en Gaule Narbonnaise, 2 vol., EFR, Rome, Vol.II, Catalogue, 2003, p. 141-142.
- Clavel-Lévêque, M.et A. Lopez, 2016 - À propos des mosaïques romaines du château de la Vernède (Nissan : ouest de l'Hérault) et leurs représentations figurées. Bull. Soc.Et.Sci.nat Béziers, N.S., T.XXVIII-69e volume, années 2015-2016, , p. 34-49.
- Durand, Th., abbé, Lespignan. Étude historique et archéologique Imprimerie générale J.Sapte, Béziers, 1895, 74 pp.
- Ferdière, A.,2015 - “Essai de typologie des greniers ruraux de Gaule du Nord », RACF, 54, 2015, https//journals.openedition.org/racf/2294 Stephan Martin (ed.), Rural granaries in Northern Gaul (Sixth Century BCE-Fourth Century CE), Boston-Leyden, Brill, 2019.
- Fouillet,N. et G. Morillon avec la collaboration de M. Poux, 2017 - « Les greniers maçonnés ruraux antiques à plancher surélevé dans les provinces des Gaules et des Germanies », in F. Trément, "Produire Transformer et stocker dans les campagnes des Gaules romaines. Problèmes d’interprétation fonctionnelle et économique des bâtiments d’exploitation et des structures de production agro-pastorale, Bordeaux, Aquitania, 2017, p. 389-406
- Lopez, A.,2019 - L'Uvette ou Raisin de Mer (Ephedra distachya : Ephedracées), un marqueur biologique témoin d'anciens rivages dans le Sud-biterrois. Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2019, p.11-31.
- Lopez,A., 2020 - Le Pecten glabre et autres coquillages marins très appréciés dans le Biterrois durant l'antiquité. Leur origine probable. Bull. de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, p.45-71.
- Pomarèdes, H et O. Ginouves, 1991 - Etude d’impact archéologique et sondages. Lespignan : Vivios/ Les Rompudes/ Les Sèches, 1991, p. 19. D. Ugolini et C. Olive, Carte archéologique de la Gaule, Le Biterrois, 34/5, Lespignan, 2013, p. 243- 253 et Nissan-lez-Ensérune, p. 381-382.
- Clavel-Lévêque, M.et A. Lopez, 2021 - La Fabrique de la villa Vivios-Vibianum (Lespignan, Hérault) in "La double Vie du Patrimoine".Parc Culturel du Biterrois, sous presse.
Liens externes
- Ressource relative à la géographie :
- Ressource relative à l'architecture :
- http://faune-flore-anguedocienne.alwaysdata.net/garrigue/Page_speciale_Garrigue_Vendres_Lespignan.html
- Dernière version complète et commentée https://www.archentoflor.com/Villa_gallo-romaine_de_Vivios-Vibianum.html
- Portail de la Rome antique
- Portail des monuments historiques français
- Portail de l’Hérault