Ville-éponge
Une ville-éponge ou ville perméable (Sponge City ou haimian chengshi)[1] est un concept d'urbanisme et d'hydrologie urbaine qui désigne la capacité d'une ville à absorber et stocker de l'eau dans le sol et les zones humides afin de réguler les inondations urbaines et réguler les périodes de sécheresse[2]. Le concept s'inscrit donc dans les stratégies de résilience urbaine et est souvent associé à celui d'architecture bioclimatique et de biomimétisme.[3]
Histoire
Apparition du concept
Le concept de ville-éponge apparaît dans les années 2000 dans des publications scientifiques chinoises. Le concept est alors fond autour de plusieurs objectifs : atténuer les inondations urbaines, la pénurie de ressources en eau et l'effet d'îlot de chaleur urbain, améliorer l'environnement écologique et la biodiversité en absorbant et en captant l'eau de pluie . Les politiques de la ville éponge sont un ensemble de solutions fondées sur la nature qui utilisent l'environnement pour capter, stocker et nettoyer l'eau ; le concept a été inspiré par le savoir-faire hérité de l'adaptation aux défis climatiques, en particulier en période de mousson.
Une ville-éponge comme type de ville nouvelle ?
La Chine a repris l'idée des villes éponges, en s'appuyant sur l'échec de l'infrastructure conventionnelle des systèmes de contrôle des inondations et de gestion des eaux pluviales [4]. C'est l'inondation de Pékin du 21 juillet 2012 (79 morts) qui a poussé les autorités chinoises à réhabiliter le concept de ville-éponge et à en faire une politique nationale. Ainsi, le pays prévoit que 80 % de ses villes urbaines récoltent et réutilisent 70 % de l'eau de pluie.
L'inertie institutionnelle
Les principaux obstacles à la mise en œuvre de la ville éponge fondée sur la nature sont la mentalité de statu quo de l'ingénierie des infrastructures, du jardinage ornemental et de l'urbanisme conventionnel, ainsi que les systèmes de codes qui ont été établis pour défendre ces pratiques d'urbanisme obsolètes.
Contexte
L'hygiénisme
La Théorie des miasmes a largement justifié l'artificialisation des sols par l'hygiénisme[5]. Saturnino de Brito auteur de Urbanismo (1944), décrit par exemple la répartition idéale des tracés sanitaires des villes, et la dissociation entre eaux grises et habitants, telle que l'on peut le retrouver dans les grandes Transformations de Paris sous le Second Empire.[6]
Une urbanisation massive et généralisée
L'urbanisation massive a créé un grand nombre de bâtiments, limitant simultanément les espaces verts, le drainage et la capacité de collecte des eaux de pluie des villes. Par conséquent, l'évacuation des pluies ne peut pas répondre aux exigences des villes modernes, ce qui pose aux villes de nombreux problèmes concernant l'écologie de l'eau et les milieux aquatiques (First flush)[7].
De l'imperméabilisation croissante des villes
L'urbanisation et l'étalement urbain a modifié les processus d'écoulement de l'eau. De ce fait, le débit de surface augmente de 10% à 60%, tandis que l'infiltration est drastiquement réduite, voire nulle. Ainsi, les inondations urbaines sont plus fréquentes et probables. Les impacts sont aussi plus importants du fait de la présence de réseaux souterrains plus vulnérables qu'auparavant (réseaux de métro).
Les villes-éponges comme politiques publiques
En Chine
Le Parti communiste chinois (PCC) et le Conseil d'État soutiennent le concept comme politique d'urbanisme en 2014[8]. En 2015 et 2016, des projets pilotes de villes-éponges ont été organisés avec le soutien des politiques nationales. Seize villes, dont Zhenjiang, Jiaxing et Xiamen, ont été sélectionnées comme premier lot de villes pilotes, et 14 autres villes, dont Shenzhen, Shanghai, Tianjin, Chongqing, Wuhan et Pékin, comme deuxième lot de villes pilotes, pour mener à bien la construction de villes-éponges de manière ordonnée[9]. En outre, le ministère central des Finances a introduit un modèle de partenariat public-privé (PPP) pour accroître le soutien à la politique financière[10].
En France
Le concept des « cours Oasis » proposé par la Ville de Paris pour permettre la création d'ilot de fraicheur dans les cours de récréation des élèves de certaines écoles publiques s'inspire donc indirectement de ce concept. En effet, l'infiltration des eaux permise par la désartificialisation et la renaturation des cours d'écoles permet l'évapotranspiration des plantes et donc une régulation thermique. D'autres communes comme Crépy-en-Valois et Pont-à-Mousson s'inspirent de ce concept pour leur aménagement[11]. A Lyon, un grand projet intitulé « Ville perméable en 2030 » vise aussi à désimperméabiliser près de 400ha d'ici 2026 aussi bien dans des espaces publiques (établissements scolaires) que privés.[12]
En Allemagne
Particulièrement artificialisée et étalée, Berlin est sujette aussi aux inondations urbaines. La municipalité réfléchit donc à transposer le modèle dans la capitale[13].
Concept
Objectifs
La philosophie des villes-éponges est de distribuer, de ralentir l'eau lorsqu'elle s'éloigne de sa source, de nettoyer l'eau naturellement et de s'adapter à l'eau de pluie lorsque celle-ci s'accumule. Cela contraste fortement avec la solution conventionnelle de l'infrastructure, qui consiste à centraliser et à accumuler l'eau à l'aide de grands réservoirs, à accélérer l'écoulement par des canalisations et des drains canalisés, et à lutter contre l'eau à la fin par des murs anti-inondation et des barrages plus hauts et plus solides[14].
Le concept s'appuie sur l'infiltration naturelle et la purification naturelle. Ces principes proviennent du savoir-faire développé par la Chine pendant des milliers d'années, lorsque l'eau devait être utilisée telle qu'elle au lieu d'être régulée. Les effets d'infiltration, l'effet de purification de la végétation et des zones humides sur la qualité de l'eau et la combinaison de moyens naturels et artificiels permettent à la ville d'absorber et de restituer les eaux de pluie. Les espaces verts urbains et les masses d'eau urbaines - les zones humides artificielles, les jardins pluviaux, les toits verts, les espaces verts en retrait, les fossés d'herbe et les parcs écologiques - sont les « corps d'éponge » centraux[15].
Les écobénéfices
Le développement de tels systèmes comporte trois axes principaux : la protection de l'écosystème urbain d'origine, la restauration écologique et le développement à faible impact. La protection se concentre sur les zones écologiquement sensibles d'origine de la ville, telles que les rivières, les lacs et les fossés. La végétation naturelle, le sol et les micro-organismes sont utilisés pour traiter progressivement le milieu aquatique et restaurer l'écosystème urbain endommagé. Les mesures de restauration comprennent l'identification des parcelles écologiques, la construction de corridors écologiques, le renforcement des connexions entre les parcelles, la formation d'un réseau et la délimitation des lignes bleues et vertes pour restaurer l'environnement écologique aquatique. Enfin, des mesures obligatoires s'appliquent aux routes urbaines, aux espaces verts urbains, aux systèmes d'eau urbains, aux zones résidentielles et aux bâtiments spécifiques pour protéger les parcelles écologiques, maintenir leur capacité de stockage, renforcer le contrôle à la source et former des éponges écologiques à différentes échelles.
Avantages
- Améliore la qualité de l'eau.
- L'eau de pluie est captée et peut être réutilisée.
- Réduit les risques d'inondation[16].
- Réduit les problèmes ferroviaires.
- Réduit l'intensité des îlots de chaleur urbains.
Voir également
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Sponge city » (voir la liste des auteurs).
- « Expérimenter l’(extra)ordinaire : retour sur la ville nouvelle en Chine continentale », Les Cahiers d'Outre-Mer,
- « La “Ville Éponge”, un modèle de résilience », sur Demain La Ville - Bouygues Immobilier, (consulté le )
- « Ville éponge : une solution pour tirer parti des inondations ? », sur Envies de ville, (consulté le )
- (en-US) copx, « Sponge city construction program », sur Water Scarcity to Spongy City, (consulté le )
- « « Dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la théorie des miasmes s’impose à toute l’Europe » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Jean-Luc Bertrand-Krajewski, II. Gestion des eaux pluviales urbaines, Hermann, (ISBN 978-2-7056-9414-2, lire en ligne)
- « Les « villes-éponges », entre mythe et réalités », sur Leonard, prospective et innovation par VINCI, (consulté le )
- « Inondations. En Chine, une “ville-éponge” perfectible », sur Courrier international, (consulté le )
- Carine Henriot, « Expérimenter l’(extra)ordinaire : retour sur la ville nouvelle en Chine continentale », Les Cahiers d'Outre-Mer, vol. 282, no 2, , p. 115–152 (ISSN 0373-5834, lire en ligne, consulté le )
- (en) X. Tu et T. Tian, « Six questions towards a sponge city. Report on power of public policy : Sponge city and the trend of landscape architecture », Landscape Architecture Frontiers/Views and Criticisms,
- Stéphanie Frank et Clotilde de Gastines, « De la ville-entonnoir à la ville-éponge », sur lemoniteur.fr, (consulté le )
- Sasha Bouquet, « La Métropole de Lyon présente son grand projet de "Ville perméable" », sur Lyon Capitale, (consulté le )
- (en-GB) « Sponge City: Berlin plans for a hotter climate », Deutsche Welle, (consulté le ).
- Erica Gies, « Bienvenue dans les villes éponges », Pour la science (consulté le ).
- (en) Maeve Campbell, « What are sponge cities and could they solve the water crisis in China? », sur Euronews, (consulté le ).
- « Smart City : zoom sur la ville éponge et ses paradoxes », sur Médicis Immobilier Neuf (consulté le )
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