Virginie (Rome antique)
Virginie, en latin Verginia ou Virginia, est une héroïne de la période archaïque de la République romaine, dont l'histoire est rapportée en détail par Tite-Live et Denys d'Halicarnasse, tandis que Diodore de Sicile et Appius Claudius citent son histoire sans la nommer.
Naissance | |
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Décès | Lieu inconnu |
Nom dans la langue maternelle |
Virginia |
Époque |
République romaine archaïque (d) |
Père | |
Mère |
Numitoria (d) |
Gens |
Appellation
Verginius, Verginia renvoient à la gens Verginia, c'est-à-dire à la famille patricienne des Verginii, à laquelle on rattache Lucius Verginius, tribun de la plèbe, le père de Virginie, bien qu'en principe il soit impossible à cette époque à un patricien d'occuper une telle fonction[1]. Virginie n'est en tous cas, à l'origine, pas un prénom, mais un cognomen (un nom de famille), réservé alors en principe aux patriciens. On peut penser que la forme Verg- renvoie à cette famille historique, tandis que la forme Virg- renvoie à la virginité de Virginie.
Histoire
L'histoire se déroule durant l'épisode des Décemvirs : la rédaction du code des lois de la toute nouvelle république romaine a été confiée aux décemvirs, dix magistrats romains investis des pleins pouvoirs[2]. La tyrannie et la corruption règnent.
Virginie est une jeune fille d'une grande beauté, plébéienne dans le récit de Tite-Live, et fiancée à un certain Icilius, ancien tribun. Appius Claudius, l'un des décemvirs, s'éprend d'elle et veut s'emparer de sa personne. Il sollicite un complice, son client Marcus Claudius : celui-ci la réclame comme sa propriété, prétendant qu'elle est la fille d'une de ses esclaves. La foule s'émeut, on va au procès. Virginius, qui est alors à l'armée, où il occupe le rang de centurion, n'est pas présent au forum pour empêcher qu'Appius Claudius ne rende sa décision de justice : en l'absence de Virginius, il remet Virginie à son affidé Marcus Claudius. Cependant Icilius, le fiancé, survient, conteste la décision et obtient que la décision soit suspendue jusqu'au lendemain.
Virginius est averti et, malgré les manigances d'Appius, il rentre à Rome et se présente le lendemain au forum avec sa fille. Le décemvir renouvelle alors sa sentence au milieu d'une foule hostile : pour Virginie, ce sera l'esclavage. Un renfort armé encercle le forum pour exécuter la sentence. La foule s'écarte, la cause semble définitivement perdue.
Virginius demande alors à s'entretenir seul avec la nourrice et sa fille, pour tirer au clair ce qu'il en est de sa naissance. Appius acquiesce. Virginius tire Virginie à l'écart, saisit un couteau à l'étal d'un boucher, le lui plonge dans le cœur pour lui rendre sa liberté et maudit Appius[3].
Selon les historiens antiques, cet événement souleva le peuple contre le pouvoir absolu des décemvirs et fit abolir le décemvirat en -449[4].
Dans les versions modernes de l'histoire[5], Virginius ne commet pas l'infanticide : au dernier moment, Virginie lui prend le couteau des mains et se suicide.
Postérité
- Boccace cite l'épisode de Virginie dans son De mulieribus claris (1374).
- Le sujet de la mort de Virginie a été porté au théâtre par Le Clerc (La Virginie romaine, tragédie, 1645), Campistron (Virginie, tragédie, 1683), la Beaumelle, Chabanon (1769), La Harpe (Virginie, 1786), Leblanc du Guillet (1786), Guiraud (Virginie, tragédie, 1827), Latour Saint-Ybars (Virginie, 1845), etc. Alfieri (Virginie, tragédie) et Lessing (dans Emilia Galotti) ont aussi traité ce sujet.
- On cite également parfois La Virginie de Mairet (1628), mais la scène de cette tragi-comédie qui finit bien est à Byzance et les personnages sont grecs, sans rapport avec l'histoire romaine de Virginie[6].
- Le compositeur italien Saverio Mercadante composa un opéra, crée en 1866, d'après Tite-Live et Alfieri.
- La Mort de Virginie est un sujet classique de la peinture d'histoire. On peut citer, outre les panneaux sur bois de Botticelli et de Filippo Lippi, les toiles de Giacinto Gimignani (1644), Gabriel François Doyen (1758), Francesco de Mura (1760), Guillaume Guillon Lethière (1828).
- Virginie est une des 1 038 femmes représentées dans l'œuvre contemporaine de Judy Chicago, The Dinner Party, aujourd'hui exposée au Brooklyn Museum. Cette œuvre se présente sous la forme d'une table triangulaire de 39 convives (13 par côté). Chaque convive étant une femme, figure historique ou mythique. Les noms des 999 autres femmes figurent sur le socle de l'œuvre. Le nom de Verginia figure sur le socle, elle y est associée à Sophie, sixième convive de l'aile I de la table[7].
Bibliographie
- Jeanine Cels-Saint-Hilaire , « Virginie, la clientèle et la liberté plébéienne : le sens d'un procès », Revue des Études Anciennes, (consulté le ), p. 27-37.
- Robert Jacob, « La question romaine du sacer. Ambivalence du sacré ou construction symbolique de la sortie du droit », Revue historique, 2006/3 (n° 639), p. 523-588 (notamment p. 533).
Notes et références
- Cette question du statut de Virginie, patricienne ou plébéienne, est discutée dans l'appendice IV du livre III de l'Histoire romaine de Tite-Live, éd. Jean et Gaston Baillet, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p. 134. On sollicite en effet parfois le texte de Diodore de Sicile pour faire de Virginie une patricienne.
- Tite-Live, Histoire romaine, § XXXII, 6.
- On suit ici le récit de Tite-Live, III, 48, 5.
- Tite-Live, Histoire romaine, livre III, 44-48 ; Denys d'Halicarnasse, livre XI ; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre XII, 9.
- Voir par exemple le récit de Camille dans la dernière scène de la Virginie de Campistron : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/CAMPISTRON_VIRGINIE.xml#A5.S57
- « La Virginie de Mairet sur Gallica, Paris, Pierre Rocolet, 1635 », sur https://gallica.bnf.fr (consulté le )
- Musée de Brooklyn - Verginia
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