Walter Ulbricht

Walter Ulbricht, né le à Leipzig et mort le à Groß Dölln au nord de Berlin, est un homme d'État allemand.

Walter Ulbricht

Walter Ulbricht en 1960.
Fonctions
Président honorifique du Parti socialiste unifié d'Allemagne

(2 ans, 2 mois et 29 jours)
1er président du Conseil d'État de la RDA

(12 ans, 10 mois et 20 jours)
Premier ministre Otto Grotewohl
Willi Stoph
Prédécesseur Wilhelm Pieck
(Président de la République)
Successeur Willi Stoph
Premier secrétaire du comité central du Parti socialiste unifié d'Allemagne

(17 ans, 9 mois et 21 jours)
Prédécesseur Lui-même (secrétaire général)
Successeur Erich Honecker
Président du Conseil national de défense Est-allemand (de)

(11 ans, 2 mois et 23 jours)
Prédécesseur Nouvelle fonction
Successeur Erich Honecker
Secrétaire général du comité central du Parti socialiste unifié d'Allemagne

(3 ans et 18 jours)
Prédécesseur Nouvelle fonction
Successeur Lui-même (premier secrétaire)
Biographie
Nom de naissance Walter Ernst Paul Ulbricht
Date de naissance
Lieu de naissance Leipzig (Royaume de Saxe)
Date de décès
Lieu de décès Groß Dölln (République démocratique allemande)
Nationalité Est-allemande
Parti politique SED
Conjoint Martha Schmellinsky (1892–1976)[1]
Rosa Michel (1901-1990)[2]
Lotte Kühn
Profession Menuisier

Chefs d'État de la République démocratique allemande

Ne doit pas être confondu avec Walter Ulbrich.

Membre du Parti communiste d'Allemagne (KPD) puis du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), il est l'un des principaux dirigeants de la République démocratique allemande (RDA), exerçant les fonctions de secrétaire général du SED et de président du Conseil d'État.

Biographie

Origines et formation

Walter Ernst Paul Ulbricht[3] est le premier enfant du tailleur Ernst August Ulbricht et de son épouse Pauline Ida Rothe. Les deux parents militent au sein du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD)[4]. Après ses études à l'école primaire (Volksschule), il apprend le métier de menuisier.

Débuts

Dès 1908, Walter Ulbricht rejoint l'organisation d'éducation des jeunes travailleurs Alt-Leipzig et en 1912, il adhère au SPD.

Pendant la Première Guerre mondiale, il est envoyé comme soldat sur les fronts de l'Est et de l'Ouest[3]. En 1917, il adhère au Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne (USPD), dissidence du SPD pacifiste et favorable à la République des conseils. Ayant quitté illégalement l'armée au printemps 1918, il est arrêté en Saxe comme déserteur et condamné à deux mois de prison[5]. En , il devient membre du Conseil de soldats de son corps d'armée[3].

Sous la République de Weimar

En , il participe à la création du Parti communiste d'Allemagne (KPD) à Leipzig et devient officiellement membre du KPD en . Son ascension au sein du parti est rapide : nommé responsable du KPD en Thuringe en 1921, il intègre le comité central du parti deux ans plus tard[6].

De 1926 à 1929, il siège au Landtag (de) de Saxe et de 1928 à 1933, il est également député de Westphalie au Reichstag[5].

Pendant le nazisme

Après l'arrivée au pouvoir des nazis en , il poursuit ses activités au sein du KPD à Berlin dans la clandestinité. Recherché, il émigre à Paris puis à Prague, qu'il quitte en 1938 pour Moscou, où il obtient la nationalité soviétique[7].

À partir de 1941, il participe pour Radio Moscou à une émission en langue allemande. Lors de la bataille de Stalingrad, avec Herbert Wehner, il exhorte les soldats allemands à l'aide d'un mégaphone à capituler et à passer dans le camp soviétique. En 1943, il est cofondateur du Nationalkomitee Freies Deutschland (Comité national pour une Allemagne libre ou NKFD) en URSS, un mouvement d'action contre le fascisme. Il participe à l'élaboration du programme à mettre en place après la guerre.

Dirigeant de la RDA

À l'occasion du soixante-dixième anniversaire de Wilhelm Pieck le .
Mao, Staline et Ulbricht en 1949.
Buste de Walter Ulbricht, Ruthild Hahne (1963).

Le , Ulbricht retourne en Allemagne à la tête du « Groupe Ulbricht ». Il engage une dénazification ferme des institutions publiques. Il ferme cependant les yeux sur les violences sexuelles massives de l'Armée rouge et, à ce titre, refuse aux victimes le droit d'avorter[8]. Il organise par la suite la reconstruction du KPD dans la zone d'occupation soviétique et sa fusion avec le SPD pour former le SED en 1946[4].

Rapidement, une concurrence voit le jour entre les cadres de retour de Moscou, dont Ulbricht, et ceux libérés des camps de concentration nazis. Les premiers prennent le dessus dans le parti, délégitimant plusieurs responsables communistes déportés en les accusant de collaboration comme kapos[9].

Après la fondation de la RDA, le , il devient représentant du président au conseil ministériel sous la présidence de l'ancien social-démocrate Otto Grotewohl. Ulbricht détient en fait la totalité du pouvoir. En 1950, il est nommé « secrétaire général du comité central du SED », un titre rebaptisé « premier secrétaire » du comité central du SED en 1953.

Après la mort de Staline, sa position vacille. Son image de stalinien pur et dur le dessert. Mais ce sont paradoxalement les manifestations du 17 juin 1953 en RDA qui lui sauvent la mise in extremis et renforcent sa position, après qu'il déclare un « nouveau cours » et relâche la politique de socialisation.

Il prend ses distances avec le stalinisme et le culte de la personnalité à partir de 1956 à la suite du XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique car il y voit un danger pour sa position. Des critiques au sein du parti, comme Karl Schirdewan, Ernst Wollweber, Fritz Selbmann, Fred Oelßner, et Gerhard Ziller (entre autres) sont dès 1958 considérés comme des sécessionnistes et emprisonnés.

En 1960, après la mort de Wilhelm Pieck, il devient président du conseil national de défense et président du nouveau conseil d'État ; il est ainsi l'unique chef de la RDA. À cause de sa longévité en tant que chef du parti et chef de l'État, il a décisivement marqué la RDA pendant plus d'une vingtaine d'années.

Il est notamment à l'origine de la « doctrine Ulbricht », qui exige qu'un État socialiste refuse toute relation diplomatique avec la RFA tant qu'elle ne reconnaît pas la RDA[10]. En parallèle, il multiplie les propositions de réunification avec l'Allemagne de l'Ouest, sur la base d’une Confédération entre les deux États[11].

En 1953, il épouse Charlotte Kühn.

Mur de Berlin

Durant le printemps 1961, alors que la fuite des citoyens est-allemands s'amplifie, des rumeurs font état de l'intention de la RDA de verrouiller également la frontière berlinoise. Le , lors d'une conférence de presse à Berlin-Est, Ulbricht répond à la journaliste ouest-allemande Annamarie Doherr, correspondante à Berlin pour le Frankfurter Rundschau[12] :

« Annamaria Doher : Est-ce que la création d'une cité libre veut dire, à votre avis, que la frontière de l'État sera édifiée à la porte de Brandebourg ?
Walter Ulbricht : Si je comprends bien votre question, il y a des gens en Allemagne de l'Ouest qui souhaitent que nous mobilisions les ouvriers du bâtiment de la capitale de la RDA pour ériger un mur, c'est cela ? Je n'ai pas connaissance d'un tel projet ; car les maçons de la capitale sont principalement occupés à construire des logements et y consacrent toute leur force de travail. Personne n'a l'intention de construire un mur[13] »

Le , ayant obtenu l'aval de Khrouchtchev, Ulbricht lance l'ordre de construction du mur de Berlin.

En , il fait intervenir les troupes de la RDA en Tchécoslovaquie avec celles du pacte de Varsovie, ce qui aboutit à l'écrasement du printemps de Prague.

Politique économique

Ulbricht tente de donner à l'économie une plus grande efficacité avec le « Nouveau système économique de planification et de direction » (Neues Ökonomisches System der Planung und Leitung), plus tard Nouveau système économique (NSE), mis en place dès 1963 avec son conseiller en économie, Wolfgang Berger. un plan complet est fixé, mais les entreprises doivent avoir de grandes marges de manœuvre. Il ne s'agit pas uniquement de favoriser la responsabilité, mais aussi de permettre aux questions concrètes d'être résolues là où il faut.

Un de ses principaux chevaux de bataille est la direction de l'économie et de la politique, entre autres grâce à la cybernétique, à des éléments de psychologie et de sociologie, mais avant tout sur la base des sciences naturelles et de la technique.

Le NSE rencontra cependant des résistances plus importantes au sein du parti à partir de 1965. Le leader de cette opposition qui jouissait du soutien de Léonid Brejnev était Erich Honecker, qui pouvait d'ailleurs compter sur les voix de nombreux membres du parti. Le NSE envisageait aussi le lien entre l'économie et la science ce qui signifiait en pratique, que de plus en plus de spécialistes prenaient les décisions. Beaucoup de membres du SED étaient donc, en raison de leur perte d'influence dans l'économie, contre le NSE. Théoriquement, le socialisme n'était pas pour Ulbricht une courte période de transition vers le communisme mais bel et bien une « formation socio-économique relativement indépendante dans l'époque historique de transition vers le communisme à l'échelle mondiale », ce qu'on retrouve dans le terme de « communauté socialiste des Hommes » ; ce terme disparaît rapidement après sa mort. Après des dissensions en 1970 avec des membres de la direction du parti dans le domaine de la politique économique (notamment la crise du logement[14]) et des affaires étrangères (notamment vis-à-vis des négociations diplomatiques avec l'Ouest), Ulbricht trouve sa position au sein du parti affaiblie.

Réforme du SED

À partir de 1963, Ulbricht engage une réorganisation du SED, sur le modèle khrouchtchevien, désormais structuré selon un « principe de production »[15]. Les directions de districts chapeautent désormais les cellules d'entreprise regroupées par secteur économique (bois, chimie, métal...). L'échelon inférieur, la direction d'arrondissement, ne prend plus en charge que les cellules des petites entreprises, coopératives ou fermes d'État. Aux deux niveaux, district et arrondissement, est adjoint un « bureau » constitué de personnalités nommées, essentiellement des « experts économiques » qui se sont illustrés dans la gestion d'entreprise socialiste. Il s'agit par-là de confier plus de pouvoir à des experts sans ancienneté partisane, au détriment des cadres politiques. Suscitant l'hostilité de la bureaucratie du parti face à ce « contre-pouvoir technocratique »[16], la réforme est combattue par Honecker, qui en obtient l'abandon progressif[17].

Glaciation culturelle

Sous sa direction, les conférences de Bitterfeld (1963-1964) définissent une "culture socialiste" marquée par le réalisme, consistant à exiger des artistes qu'ils illustrent les orientations idéologiques du parti unique. De nombreux artistes déviants, hétérodoxes, sont ainsi mis à l'index ou exclus du parti.

Mise à l'écart

En 1971, il est contraint de se démettre de presque toutes ses fonctions « pour des raisons de santé » et, comme convenu entre la direction du SED et Brejnev, il est remplacé en tant que Premier secrétaire du comité central du SED par Erich Honecker. L'une des raisons de cette « démission » est son échec économique. L’écart se creuse au profit de la RFA et l'État est-allemand est confronté de la part de sa base à « une demande criante en biens de consommation et de logements »[18]. Ulbricht ne conserve que le poste sans réel pouvoir de Président du Conseil d'État jusqu'à sa mort. En outre, il reçoit la toute nouvelle charge honorifique de Président du SED.

Il meurt pendant le 10e Festival mondial de la jeunesse et des étudiants le à Templin dans le pavillon d'hôtes du gouvernement de la RDA de l'hôtel Döllnsee, ancien pavillon des invités de Carinhall. Dès 1972, son nom est écarté de l'historiographie de la RDA.

Il reçoit des funérailles nationales le . Après un hommage prononcé par Erich Honecker, le cercueil est emmené au crématorium de Berlin-Baumschulenweg sur un affût avec une escorte d'honneur de la Police nationale et en présence de soldats et de travailleurs positionnés le long de la chaussée. Le , l'urne est enterrée au centre du Mémorial des socialistes (Gedenkstätte der Sozialisten) du cimetière central de Berlin-Friedrichsfelde.

Dans le milieu des années 1980, le SED commence à réhabiliter la figure historique de Walter Ulbricht.

Citations connues

  • « Cela doit avoir l'air démocratique, mais nous devons tout contrôler » (1945, d'après Wolfgang Leonhard, un des membres du Groupe Ulbricht) ;
  • « Staline n'est pas un classique du marxisme » (1956)
  • « Je suis d'avis, camarades, qu'on devrait en finir avec la monotonie du Yeah Yeah Yeah. […] Devons-nous vraiment copier toutes les saletés qui nous viennent de l'Ouest ? » (1965, au 11e congrès du Comité Central du SED, contre la musique rock de l'Ouest)
  • « On a pu dire dans le monde que le « miracle allemand » qui a eu lieu dans notre république n'était pas un « miracle économique », mais avant tout un grand tournant pour l'Homme. Mais nous sommes encore loin de la fin du chemin qui mène à la communauté socialiste des Hommes. » (1969)

Sur Ulbricht

  • « Que le destin empêche cet homme d'arriver un jour à la tête du parti. Il suffit de le regarder dans les yeux pour savoir à quel point il est sournois et indigne. » (Clara Zetkin) [réf. nécessaire]

Dans la fiction

Notes et références

  1. Ulbricht et elle étaient liés entre 1915 et 1933 et mariés entre 1920 et 1949.
  2. Née Marie Wacziarg, elle est sa compagne. En France, elle adhère au Parti communiste.
  3. (de) « Ulbricht, Walter Ernst Paul (Biographische Angaben aus dem Handbuch Wer war wer in der DDR?) », sur bundesstiftung-aufarbeitung.de, Ch. Links Verlag, .
  4. (de) Andreas Michaelis, « Walter Ulbricht 1893-1973 », sur dhm.de, Lebendiges Museum Online, .
  5. (de) « Ulbricht, Walter Ernst Paul (Biographische Angaben aus dem Handbuch der Deutschen Kommunisten) », sur bundesstiftung-aufarbeitung.de, Karl Dietz Verlag, .
  6. Catherine Epstein, The Last Revolutionaries. German Communists and Their Century, Harvard University Press, 2003, pages 20-22
  7. André Fontaine, Histoire de la Guerre froide : 1950 - 1971, p. 80, Points Histoire, Le Seuil, 1983
  8. Sonia Combe, « RDA - Des commémorations pour surmonter le passé nazi », in Alain Brossat (éd.), À l'Est, la mémoire retrouvée. La Découverte, 1990, pp. 269-294.
  9. Sonia Combe, Une vie contre une autre. Échange de victime et modalités de survie dans le camp de Buchenwald, Paris, Fayard, 2014.
  10. Yèche, Hélène, « « Échos du discours anti-européiste de la RDA en France (1959-1973) » », Les cahiers Irice, vol. 4, n°2, , p. 69-82
  11. Rovan, Joseph, Histoire de la social-démocratie allemande, Paris, Le Seuil, , p. 364
  12. (de) Chronik der Mauer
  13. « Niemand hat die Absicht, eine Mauer zu errichten! » propos cités par Frederick Taylor, Le Mur de Berlin : 1961-1989, p. 204, JC Lattès, 2009
  14. Jay Rowell, « La domination en vertu du savoir ? La construction et les usages des statistiques du logement en RDA », Revue française de science politique, vol. vol. 55, no. 5-6, 2005, pp. 865-887.
  15. Michel Christian, « « Aux frontières de la dictature : l'implantation du SED dans les entreprises est-allemandes pendant les années soixante » », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. no49-2, no. 2, , p. 145-175
  16. (de) Peter Christian Ludz, Parteielite im Wandel, Vs Verlag für Sozialwissenschaften,
  17. (de) Monika Kaiser, Machtwechsel von Ulbricht zu Honecker, Akademie Verlag,
  18. Michel Dupuy, Les scientifiques et le politique : l'exemple de la question de la pollution atmosphérique en RDA (1949-1989), Natures Sciences Sociétés, 2004/3 (Vol. 12), pages 327 à 336

Sources

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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