Wilhelm Kube

Wilhelm Kube, né le à Glogau en province de Silésie et mort le à Minsk en Biélorussie, était un homme politique nazi, député au Reichstag, Gauleiter du Brandebourg, puis Commissaire général pour la Ruthénie Blanche, et à ce titre responsable du Ghetto de Minsk, et de sa liquidation.

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Wilhelm Kube

Naissance
Glogau (Province de Silésie)
Décès , (à 55 ans)
Minsk (Reichskommissariat Ostland)
Origine  Reich allemand
Allégeance NSDAP
Grade SS-Rottenführer
Années de service 19241943
Conflits Seconde Guerre mondiale
Autres fonctions Gauleiter du Brandebourg, Commissaire général pour la Ruthénie Blanche
Wilhelm Kube en à Minsk
Wilhelm Kube en 1934
Wilhelm Kube en 1933

Un nazi de la première heure

Kube suit des études d'histoire, de théologie et d'économie, pendant lesquelles il est très actif dans le Mouvement völkisch. Il adhère très tôt au parti nazi ; en 1924, il est un des rares députés nazis au Reichstag. Il devient vite un dignitaire du parti et est nommé Gauleiter du Brandebourg en 1928 ; il joue également un rôle important dans l'assemblée du Land de Prusse. En 1939, son autorité s'étend sur Danzig et sur le Wartheland. Soupçonné de détournements de fonds, il se voit privé de toutes ses charges.

Son engagement fervent parmi les nazis ne l'empêche pas de rester un chrétien convaincu. Il joue un rôle central dans la création et de le développement du Deutsche Christen, les chrétiens allemands, une organisation nazie au sein des Églises protestantes. Kube affirme lui-même que son but est « de prendre le contrôle des Églises », de « prendre les Églises par la main »[1]. Mais ce protestant sincère est convaincu que le national-socialisme sert les intérêts des Églises protestantes allemandes. Kube s'oppose à la signature d'un concordat entre l'Église évangélique de l'Union prussienne et l'État libre de Prusse parce que le président de ce dernier est un socialiste. Il refuse qu'une communauté chrétienne soit placée sous l'influence d'un gouvernement d'inspiration marxiste[2]. Il est élu l'un des anciens de la paroisse de l'Église Gethsémané de Berlin en 1932. Après l'arrivée d'Hitler au pouvoir, il contribue à la nazification des Églises protestantes[3]. Kube rejoint la Schutzstaffel (SS) en 1934 avec le grade de Rottenführer. En 1940, il est brièvement affecté à Dachau. Après avoir été réhabilité, en , il est nommé commissaire général en Biélorussie.

Kube et les Juifs allemands

À Minsk, à la fin de 1941, l'arrivée de Juifs allemands suscite une correspondance entre Kube et les autorités du Reich. Kube écrit d'abord à Hinrich Lohse à titre personnel. Il indique que 6 000 à 7 000 Juifs allemands sont arrivés et qu'il ne sait pas ce qu'il est advenu des 17 000 autres. Parmi les Juifs allemands, certains ont été décorés de la croix de guerre ou sont des demi-aryens. Kube, antisémite notoire, pense que ces Juifs allemands sont plus qualifiés que les Juifs russes et qu'ils sont cinq fois plus productifs qu'eux. Il constate qu'ils sont aussi beaucoup plus propres, mais qu'ils vont mourir de froid, de faim et d'épidémies[4].

Il poursuit en disant : « Des gens qui viennent de notre milieu culturel sont certainement autre chose que les hordes indigènes bestiales. Doit-on charger du massacre les Lituaniens et les Lettons... Je ne le pourrais pas »[5]. Cette lettre, qui émet une différence entre les Juifs allemands et les Juifs russes, rapprochant les premiers du peuple allemand remet en cause l'idéologie nazie dans un de ses fondements, à savoir l'inégalité des races. En fait, Kube est soucieux de productivité économique. Il lutte pied à pied avec les SS pour garder sa main d'œuvre juive qualifiée avec le soutien de son supérieur Lohse, commissaire de l'Ostland[6]. Le , il est averti que le 11e bataillon de police de réserve s'apprête à massacrer les Juifs de Minsk[7]. Malgré ses efforts pour préserver les Juifs allemands qualifiés qu'il juge indispensables à la production de guerre, la police encercle le ghetto, massacre les Juifs, enterre même les blessés dont certains parviennent à ramper hors de leur tombe, et vandalise les ateliers où ils travaillaient[8]. Kube entre alors dans une colère noire. Il envoie un rapport sévère à son supérieur Lohse avec une copie à Rosenberg. Il trouve répugnant le fait d'enterrer des blessés qui peuvent ensuite sortir de leur tombe et demande qu'on en informe Göring et Hitler. Rosenberg répond que les problèmes économiques ne doivent pas être pris en compte dans la question juive[7]. Kube sait qu'il a perdu la partie. Comme tous les administrateurs civils de Biélorussie, il dresse à partir de la liste des Juifs irremplaçables pour l'industrie, accélère la formation des non-Juifs[9].

Le , Kube soustrait les Juifs allemands à un massacre conduit par le Sturmbannführer Eduard Strauch durant lequel 3400 Juifs du ghetto sont tués[10]. Il participe pourtant au massacre et est personnellement impliqué dans le meurtre d'un groupe d'enfants de l'orphelinat de la rue Shpalerna[11]. Ces enfants sont emmenés rue Ratomskaya et jetés vivants dans un puits profond. Kube arrive et jette des poignées de bonbons aux enfants terrifiés. Puis tous sont tués[12]. En , le Regierungsrat Trampedach écrit à Kube pour lui signifier que la valeur économique d'un Juif est inférieure au danger qu'il représente comme éventuel soutien aux partisans soviétiques. Kube effectue alors une révision de sa liste de travailleurs juifs pour écarter ceux qui ne sont pas absolument nécessaires à l'économie de la région[13].

Son attitude envers les Juifs du Reich lui vaut pourtant une plainte des SS à son encontre, une sévère réprimande d'Heydrich. Kube, soucieux de sa carrière, se soumet sans réserve aux directives de ses supérieurs[14]. Le , il écrit depuis Minsk à Lohse : « ... nous avons liquidé au cours des dix dernières semaines environ 55 000 Juifs en Biélorussie [...] À Minsk, approximativement 10 000 Juifs ont été liquidés les 28 et 29 juillet, dont 6 000 Juifs russes, en majorité des personnes âgées, des femmes et des enfants ; le reste composé de Juifs inaptes au travail. La plus grande partie d’entre eux avait été déportée à Minsk en novembre dernier, par ordre du Führer, de Vienne, Brünn, Brême et Berlin »[15]. Il continue à exprimer son espoir que les Juifs de la Biélorussie soient complètement liquidés dès que la Wehrmacht n'aurait plus eu besoin de leur force de travail.

La controverse Kube-Strauch

Le , Eduard Strauch arrête 70 Juifs travaillant au service de Kube et les exécute. Kube s'emporte alors contre Strauch l'accusant de sadisme et de barbarie, d'avoir un comportement indigne de l'Allemagne de Goethe et de Kant. Il reproche aux SS d'avoir donné au monde, par leurs agissements, une image catastrophique. Il soutient même que les SS de Strauch ont une satisfaction sexuelle à assassiner les Juifs[16]. Les récriminations de Kube ne sont pas motivées par des considérations humanitaires, mais il estime plutôt que ces « actions » des SS et de la police ont été faites sans son approbation et qu’elles ont ainsi affaibli son autorité. Il fait du meurtre de ces Juifs travaillant pour la Wehrmacht une insulte personnelle. Cinq jours plus tard, Strauch envoie un mémorandum à l'Obergruppenführer von dem Bach recommandant que Kube soit relevé de ses fonctions. Strauch décrit le comportement « indigne » de Kube : il a serré la main à un Juif qui avait extrait sa voiture d'un garage en feu ; il a admis aimer la musique de Mendelssohn et d'Offenbach, il affirme qu’« il y avait des artistes parmi les Juifs » ; il a promis la vie sauve à 5 000 juifs allemands expulsés à Minsk[17]. Rosenberg décide d'envoyer à Minsk le Staatssekretär Alfred Meyer pour adresser à Kube un sévère avertissement.

Cette sourde opposition entre Kube et Strauch constitue en réalité une nouvelle manifestation des conflits qui opposent les représentants du Ministère des territoires de l'Est aux représentants locaux de Himmler[18]. En effet, Kube se montre hostile à la politique de répression et d'extermination menée par les unités SS affectées dans son commissariat, notamment la division SS commandée par Oskar Dirlewanger[18].

Attentat

Kube est tué dans un attentat le . Une jeune femme, Yelena Mazanik, une domestique, avait caché une bombe dans une bouillotte placée dans son lit. En représailles, les SS tuent 1000 habitants de Minsk[19]. Mazanik parvient à s'enfuir pour rejoindre les partisans russes. Un mois plus tard, elle est décorée du titre de héros de l'URSS.

Dans un contexte marqué à la fois par la recrudescence des actes de résistance dans la circonscription dont il a la charge, le commissariat général de Ruthénie blanche et par la négation du problème de la résistance dans ce commissariat, son élimination par les partisans soviétiques fait prendre conscience aux dirigeants des organisations et ministères compétents dans le Reichskommissariat Ostland de l'ampleur et de l'efficacité des mouvements de résistance[18].

Voir aussi

Bibliographie

  • Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Tome 1, II et III, Foliohistoire, 2006.
  • Christian Ingrao, Les Chasseurs noirs : La brigade Dirlewanger, Paris, Perrin, , 284 p. (ISBN 978-2-262-03067-4)

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. (en) Richard Steigmann-Gall, The Holy Reich : Nazi Conceptions of Christianity, 1919-1945, New York, Cambridge University Press, , 294 p. (ISBN 978-0-521-82371-5, OCLC 1025071687, lire en ligne), p. 71
  2. Richard Steigmann-Gall 2003, p. 72.
  3. Biographical information from Ernst Klee, Das Personen-lexikon zum Dritten Reich (Fischer Verlag 2005), p. 346
  4. Raul Hilberg, La destruction des juifs d'Europe, 1, Paris, Gallimard, coll. « folio; Histoire », , 712 p. (ISBN 978-2-07-030983-2, OCLC 836350469), p. 636
  5. Raul Hilberg, T.1, p. 637
  6. Raul Hilberg, p. 655
  7. Raul Hilberg, T. 1, p. 681
  8. Raul Hilberg, T. 1, p. 680
  9. Raul Hilberg, T. 1, p. 682²
  10. Helmut Heiber, "Aus den Akten des Gauleiters Kube," Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 4 (1956): 87.
  11. M. Gilbert, "The Holocaust", Fontana/Collins, 1987, p. 297.
  12. Les massacres de 1942, consulté le 24 juin 2008
  13. Raul Hilberg, T. 1, p. 683
  14. Gerald Fleming (trad. Catherine d'Aragon, préf. alfred Grosser, postface Saul Friedlander), Hitler et la solution finale Hitler and the Final Solution »], Paris, Julliard, coll. « Commentaire », , 284 p. (ISBN 978-2-260-00540-7, OCLC 723555851). p. 116 - 119
  15. Rapport de Kube à Lohse du 31 juillet 1942. Traduit d’après le texte original en Allemand, Tribunal Militaire International de Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international : Nuremberg, 24 novembre 1945 - , tome XXXII, Doc. PS-3248, p. 280.
  16. Memorandum complet de Strauch, 20 juillet, 1943, NO-4317. On teeth extractions, see report by prison warden Guenther to Kube, May 31, 1943, R-135
  17. La controverse Kube – Strauch, consulté le 24 juin 2008
  18. Chistrian Ingrao, Les Chasseurs Noirs, p. 39
  19. Reidlinger 1960 p. 157 as quoted in Turonek 1989 p. 118.
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