faire du bruit dans Landerneau

Français

Étymologie

Selon l’explication communément admise, cette expression serait tirée d’une comédie d’Alexandre Duval, Les Héritiers, ou le Naufrage, dont la première représentation eut lieu en 1796, et dans laquelle le héros, miraculeusement sauvé d’un naufrage, s’en revient dans son château, situé non loin de la petite ville de Landerneau, au moment où l’on s’apprête à partager son héritage. En le voyant paraître, son domestique s’écrie : « Oh ! le bon tour ! Je ne dirai rien, mais cela fera du bruit dans Landerneau. » [1] Le succès de la pièce, qui resta plus de 30 ans au répertoire de la Comédie-Française, fit que le nom de Landerneau se grava dans les mémoires. [2] Une autre explication étymologique, plus ancienne, provient d’une tradition orale selon laquelle les habitants de la région de Landerneau auraient eu pour coutume de faire un charivari sous les fenêtres des veuves qui convolaient en secondes noces. [3] Enfin, selon une anecdote elle aussi populaire, le bruit en question aurait été celui du canon du bagne de Brest, situé à une vingtaine de kilomètres de Landerneau, que l’on faisait tonner lors de l’évasion d’un forçat. L’expression a pris au fil du temps des formes diverses : on parle par exemple du « Landerneau politique » ou du « Landerneau littéraire », voire du « Landerneau parisien », pour évoquer, souvent avec une pincée d’ironie, certains milieux où tout ce qui est nouveau se voit accorder une importance démesurée et suscite des commentaires sans fin.

Locution-phrase

faire du bruit dans Landerneau \fɛʁ dy bʁɥi dɑ̃ lɑ̃.dɛʁ.no\ (se conjugue → voir la conjugaison de faire)

  1. (France) Faire beaucoup parler.
    • Dans tous les cas, l’auteur des Crevettes est aujourd’hui un peintre qui s’impose et il faut compter avec lui. Quel succès que ces Crevettes ! Elles ont fait du bruit dans tous les Landerneau du Salon.  (Jules-Antoine Castagnary, Salons, t. 2, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1892, p. 305)
    • Il fallait absolument qu’il trouvât à faire parler de lui. Une communication importante à l’Académie de médecine était urgente ou bien quelque guérison miraculeuse qui fît grand bruit dans Landerneau.  (Armand Silvestre, Fantaisies galantes, Librairie illustrée, 1894, p. 116)
    • Les Français de Mayotte ont dû recourir au gouverneur pour obtenir la mise en liberté de leur compatriote; ils ont adressé à leur délégué un mémoire très complet de cette affaire, destiné à un certain bruit dans le Landerneau colonial.  (Louis Brunet, La France à Madagascar : 1815-1895, Hachette, 1895, p. 262)
    • Mais Colombe, pas plus que Bianca, ne l’arrachait tout à fait à ses amours de passage. Témoin cette histoire d’une bottine rose qui a fait quelque bruit dans Landerneau.  (Arsène Houssaye, Les Parisiennes : Mademoiselle Phryné, C. Lévy, 1895, p. 140)
    • Voici ce livre, peu commun, et qui fit jadis un certain bruit dans le Landerneau littéraire.  (Paul Eudel, Envois d’auteurs, L. Sery, Issoudun, 1898, p. 81)
    • N’avez-vous pas en main ce fameux document où l’on raconte en termes fleuris ma véridique histoire ? Donnez-le vite à Mme Honnoré pour qu’elle en fasse lecture devant toutes ces dames ! Parbleu ! il y aura du bruit dans Landerneau, et ça rompra peut-être un peu la monotonie de l’existence !  (Edmond About, Madelon, Hachette, 1907, p. 138)
    • Mais enfin il ne faut tout de même pas nous la faire à l’oseille, il est bien certain que les charmantes opinions de monsieur mon neveu peuvent faire assez de bruit dans Landerneau.  (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, t. 7, Le Côté de Guermantes, 2e partie, 1920, Gallimard, 1946, p. 75)
    • Il suffit par exemple de prendre le journal d’informations d’Arte (Arte info) : les événements ne sont pas jugés à l’aune d’un petit point de vue français, de ce qu’on pense que s’imaginent les Français, c’est-à-dire les choses qui font du bruit dans le landernau parisien ou provincial.  (Béatrice Vallaeys, « Jean-Pierre Vernant a signé l’appel contre l’intégration au holding. Une indépendance précieuse. » dans Libération, 19 janvier 2000)

Références

  • [1] Charles Monselet, De Montmartre à Séville, A. Faure, 1865, p. 69 ; Roger Alexandre, Le Musée de la conversation : répertoire de citations françaises, dictons modernes, curiosités littéraires, historiques et anecdotiques, E. Bouillon, Paris, 1897, p. 60. La réplique du domestique est tirée de la 23e et dernière scène, mais le nom de Landerneau, associé au scandale et au qu’en-dira-t-on, revient plusieurs fois dans la pièce. À cause de certaines légendes à son propos, la ville de Landerneau avait déjà acquis à l’époque un certain renom comique, cela en dépit de la réelle importance qu’elle avait eue dans des temps plus anciens.
  • [2] Georges Decaux (dir.), Musée universel, Paris, 2e semestre, 1873, p. 358.
  • [3] Edmond Johanet (dir.), Le Courrier de Vaugelas, Paris, 7e année, n° 9, 1er octobre 1876, p. 66 ; Émile Bessire, En Bretagne : de Berne à Belle-Isle, C. Eggimann, Genève, 1894, p. 123-124 ; Hippolyte Sarton, Cinq jours en Basse-Bretagne, Impr. de Cerf, Versailles, 1899, p. 2. Voir aussi : « Landerneau », dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872-1877 → consulter cet ouvrage.
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