Édit de Milan

L’édit de Milan ou édit de Constantin, promulgué par les empereurs Constantin Ier et Licinius en , est souvent présenté comme un édit de tolérance par lequel chacun peut « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel » ; il accorde la liberté de culte à toutes les religions et permet aux chrétiens de ne plus devoir vénérer l’empereur comme un dieu. Il instaure la Paix de l'Église. C'est la conséquence de la bataille du pont Milvius.

Plaque commémorative dans l'église San Giorgio al Palazzo, près du palais impérial romain de Milan où fut promulgué l’édit.

Ce qui est couramment appelé « édit de Milan » est en fait une lettre circulaire attribuée à Constantin, publiée par Licinius à Nicomédie par un rescrit du (mandatum d'instructions destinées aux hauts fonctionnaires des provinces, dont Lactance et Eusèbe de Césarée ont conservé le texte avec quelques différences entre eux), puis placardée dans tout l’Empire romain, reprenant l'essentiel du décret d’application de l’édit de Sardique promulgué par Galère en 311[1], tout en insistant de manière formelle sur la liberté qu'ont désormais les chrétiens de libérer leur culte. Pour ainsi dire, l'édit de Sardique, de 311, leur reconnaissait la liberté de culte de facto, l'édit de Milan, deux ans plus tard, la leur reconnaissait désormais de droit. La liberté de croyance y est affirmée pour tous, dans le respect de la Divinité, et la disponibilité des moyens matériels pour l'exercer.

Incidence sur les différents cultes

Médaille allemande frappée pour un pèlerinage à Metz en 1913, rappelant le 16e centenaire de l'édit de Milan.
Revers de cette médaille portant le chrisme.

Depuis la fin du XXe siècle l’ampleur de la christianisation de l’Empire à cette époque est remise en question, entre autres par Alan Cameron et Robin Lane Fox aux États-Unis, ainsi que par Pierre Chuvin et Claude Lepelley en France. Robin Lane Fox pense que le paganisme est toujours très bien implanté au début du IVe siècle et que le christianisme est encore un phénomène très minoritaire. Selon lui, en 312, les chrétiens ne représentent que 4 à 5 % de la population totale de l’Empire[2]. Le débat est d’autant plus délicat que, derrière les chiffres, se cache un important enjeu idéologique.

Certains points semblent néanmoins établis. L’inégalité de la christianisation, selon les régions, et le retard de la Gaule en particulier sont admis par tous. À un degré moindre, la situation est la même en Espagne et en Italie, mais avec en plus de fortes différences régionales. On pense qu’en 312, à Rome, la ville la plus christianisée d’Italie, peut-être un peu moins de 10 % des habitants sont chrétiens. L’étude des papyrus égyptiens permet d’évaluer à 20 % le pourcentage de chrétiens à la même période en Égypte[3]. En Asie Mineure, une proportion d’1/3 de chrétiens est envisageable, 10 à 20 % en Afrique. En 312, les chrétiens ne représentent donc, à cette période, qu’une minorité dans l’Empire[4]. Si ces estimations sont correctes, on ne peut alors bien comprendre le choix de Constantin, qui ne fut pas un « converti » enthousiaste. À noter tout de même que c’est surtout l’élite intellectuelle et administrative de l’empire qui se convertit en premier, entraînant en quelque sorte l’adhésion du politique, puis des dépendants (clients, domestiques, esclaves).

Les cultes anciens

Durant l’apogée de l’empire, la religion polythéiste est très étendue en son sein. Cette religion est très pratique dans le sens où, à chaque conquête, de nouveaux cultes s’ajoutent à ceux déjà existant  celui de Teutatès (Gaules), celui d’Isis (Égypte), etc. , lesquels sont généralement des cultes à mystères réservés aux initiés. Ce système religieux protège les empereurs et leur assure l’autorité, en les plaçant au-dessus des dieux du polythéisme. Ils instaurent un culte à l’empereur, tels les pharaons, dieux vivants d’Égypte.

Les cultes émergents

Au Ier siècle les croyances changent, la population cherche un salut spirituel, tout ceci est véhiculé par les voies du commerce, étendues dans tout l’empire. Les armées adorent le dieu Mithra (ce qui ne pose pas de problème aux empereurs). Mais une nouvelle religion monothéiste apparaît en Orient à côté du judaïsme et du zoroastrisme : le christianisme avec sa venue du « sauveur » qui dérange l’empereur et s’installe dans l’Empire romain et dans l’Empire perse dès le premier siècle. De plus dès l’origine, le christianisme séparait la religion de la politique. Le dieu unique, que ses fidèles placent au-dessus de toute autorité (même impériale), perturbe l’ordre établi et menace le pouvoir impérial, l’amenant à réagir par des persécutions. Cette religion se veut universelle, tout le monde peut se faire baptiser, de plus il y a un désintéressement des richesses qui attire tous les horizons. Les persécutions font connaître ce mouvement religieux, les martyrs (sainte Blandine et saint Pothin à Lugdunum en Gaule) font grandir la mystique autour de cette religion qui devient de plus en plus présente dans l’empire surtout vers le début du IIIe siècle où les persécutions atteignent des sommets (sous Dioclétien et Maximien Hercule). Constantin fait barrière au carnage avec son édit de Milan et acquiert l’appui chrétien pour son règne (surtout l’Orient, l’Afrique, l’Égypte, les Gaules), peu après sa proclamation d’empereur il renomme Constantinople l’ancienne Byzance grecque qui devient la capitale chrétienne de l’empire. Le règne de Constantin dura 31 ans de 306 à 337 apr. J.-C.

Célébration des 1700 ans de l’édit

L’anniversaire des 1700 ans de l’édit de Milan a été célébré par l’Église catholique romaine et par l’Église orthodoxe, en à Niš (Serbie), ville de naissance de Constantin Ier et Milan (Italie). L’Église catholique a souligné ce moment historique par plusieurs messes dans la ville de Milan. Quant à l’Église orthodoxe serbe elle a organisé une grande fête populaire dans la ville de Niš en y bâtissant une cathédrale dédiée à Constantin et Helena[5]. Une messe a été dite dans la nouvelle cathédrale en présence des patriarches de Moscou, d’Athènes, de Jérusalem, d’Égypte, d’Arménie, de Serbie, devant plus de 15 000 fidèles[6]. Le soir venu, un rassemblement de 5 000 fidèles a réalisé, à l’aide de flambeaux, une croix vivante[7].

Le christianisme

À l’époque de l’édit de Milan, les chrétiens constituent en Orient de petites communautés, plus ou moins indépendantes les unes des autres, surtout situées dans les cités. Chaque cité a son évêque, désigné par le peuple chrétien (en fait par le clergé et les notables), son clergé majeur (prêtres, diacres, sous-diacres) et mineur (lecteur, portiers, fossoyeurs), ses femmes consacrées (diaconesses). En Égypte, le christianisme a déjà profondément pénétré dans les villages.

Pour les communautés chrétiennes de Dacie, cet édit a une moindre importance, cette région vivant de façon très libre le christianisme depuis la retraite romaine de 256.

Notes et références

  1. Maurice Sachot, Quand le christianisme a changé le monde : La subversion chrétienne du monde antique, Paris, Odile Jacob, , 396 p. (ISBN 978-2-7381-1878-3, présentation en ligne).
  2. Robin Lane Fox, Païens et chrétiens : La religion et la vie religieuse dans l’Empire romain de la mort de Commode au Concile de Nicée, Presses universitaires du Mirail, 1997.
  3. Roger S. Bagnall, Egypt in Late Antiquity, Princeton, Princeton University Press, 1993.
  4. Yves Modéran, La conversion de Constantin et la christianisation de l’Empire romain, conférence pour la Régionale de l’APHG en juin 2001.
  5. « Serbie : la chrétienté orthodoxe célèbre en grandes pompes les 1700 ans de l’Edit de Milan », sur Le Courrier des Balkans (consulté le ).
  6. http://www.orthodoxie.com/actualites/celebration-panorthodoxe-a-nis-pour-le-1700e-anniversaire-de-ledit-de-milan/.
  7. (sr) V. Torović, « Više od 5.000 Nišlija napravilo „živi krst“ », Blic (quotidien), (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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