Ahmed Sékou Touré

Ahmed Sékou Touré, né le à Faranah en Guinée et mort le à Cleveland aux États-Unis, est le premier président de la République de Guinée, en poste à partir de l'indépendance obtenue de la France en 1958 jusqu'en 1984.

Pour les articles homonymes, voir Sékou Touré et Touré.

Ahmed Sékou Touré

Ahmed Sékou Touré en 1962.
Fonctions
Président de la République de Guinée

(25 ans, 5 mois et 24 jours)
Réélection 1982
Premier ministre Louis Beavogui
Prédécesseur Fonction créée
Successeur Louis Beavogui (intérim)
Lansana Conté (de facto)
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Faranah, Afrique-Occidentale française (AOF)
Date de décès
Lieu de décès Cleveland (États-Unis)
Nature du décès Infarctus du myocarde
Sépulture Camayenne
Nationalité Guinéenne
Parti politique Parti démocratique de Guinée (Rassemblement démocratique africain)
Conjoint Andrée Touré
Religion Islam
Résidence Palais Sékhoutouréya

Présidents de la République de Guinée

Biographie

Origine et enfance

Sékou Touré est membre de l'aristocratie de l’ethnie mandingue et a pour grand-mère maternelle Bagbè Ramata Touré, une des filles de l'Almamy Samory Touré (1830-1900). Ce dernier avait résisté à la colonisation française en Afrique de l’Ouest, jusqu'à sa capture en 1898. Il est le fils d'Alpha, boucher malinké et Aminata Fadiga. Il fréquente des écoles coraniques et des établissements français. Il étudie au lycée technique Georges-Poiret de Conakry, d'où il est renvoyé à l'âge de 15 ans pour avoir mené une protestation contre la nourriture servie à l'école[1].

Durant sa jeunesse et après être devenu président de la République, Sékou Touré étudie les travaux des philosophes communistes, en particulier ceux de Karl Marx et de Lénine.

Avant l’indépendance

Avant l'indépendance, Sékou Touré travaille pour les services postaux (PTT)[1] mais il est bloqué dans son ascension professionnelle et ne peut accéder aux postes de responsabilité auxquels il aspire. Il reste donc simple responsable des postes, mais s'investit dans le syndicalisme en devenant un des meneurs de la jeune génération guinéenne. En 1945, il devient le secrétaire général du syndicat des postiers, le premier syndicat fondé en Guinée (les syndicats étaient interdits dans les colonies françaises jusqu'en 1944), puis contribue à organiser l'Union des syndicats confédérés de Guinée (USCG), affilié à la CGT, dont il est élu secrétaire général. Il participe en 1947 à la fondation du Parti démocratique guinéen, antenne locale du Rassemblement démocratique africain (RDA), parti agissant pour la décolonisation de l'Afrique.

Il est l'un des dirigeants du RDA, travaillant étroitement avec son futur rival, Félix Houphouët-Boigny, qui devint en 1960 le président de la Côte d'Ivoire. Il accepte en dépit de ses réticences la décision de Houphouët-Boigny de rompre avec les communistes et d'abandonner la lutte pour l'indépendance immédiate afin de se rapprocher du gouvernement français[2].

Il échoue à conquérir un siège à l'Assemblée nationale française lors des élections législatives de 1951 et 1954 (ce dernier scrutin, de l'aveu du ministre de la France d’outre-mer Robert Buron, a été « honteusement truqué pour provoquer l’élimination de Sékou Touré »)[2]. Il est élu député lors de sa troisième participation en 1956, ainsi que maire de Conakry en 1955, sous la bannière du RDA, positions qu'il utilise pour lancer des critiques pointues du régime colonial[1]. Il siège cependant au sein du groupe parlementaire du RDA-UDSR et appartient ainsi de facto à la majorité gouvernementale[2]. Il se lie d’amitié avec François Mitterrand, l'un des principaux dirigeants de l'UDSR. En 1957, il organise l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire, une centrale syndicale commune pour l'Afrique-Occidentale française.

La métropole française est en pleine discussion sur la décolonisation qui s'annonce et, lors de la visite du 25 août 1958 effectuée par le général de Gaulle à Conakry pour défendre le maintien de la Guinée dans la Communauté française, Sekou Touré défend une « entité multinationale composée d’États libres et égaux » et déclare qu'il votera « oui » au référendum seulement si le texte est amendé afin de reconnaître aux peuples le « droit à l'indépendance ». Cet incident lui vaut une solide rancune de De Gaulle qui, mal informé de la situation en Guinée, ne s'attendait pas à être reçu avec un discours aussi offensif[2]. En 1958, plus d'un million de Guinéens votent « Non » (seuls 57 000 ont voté « Oui ») au référendum parrainé par le gouvernement français sur l'union avec la France et choisissent l'indépendance totale, qu'ils obtiennent le , avec Sékou Touré à la tête du pays. La Guinée est la seule des colonies africaines de la France à voter pour l'indépendance immédiate tandis que le reste de l'Afrique francophone choisit l'indépendance deux ans plus tard, en 1960. Le président De Gaulle réagit en ordonnant aux fonctionnaires et techniciens français de quitter immédiatement la Guinée, ce qui suscite un certain nombre de difficultés pour le jeune État guinéen. Les colons français emportent avec eux tout leur matériel de valeur, rapatrient les archives souveraines françaises et, surtout, les liens économiques sont rompus[3],[4]. Malgré les difficultés, Sékou Touré affirme « préférer la liberté dans la pauvreté que la richesse dans la servitude »[5].

Premier président de la République de Guinée

Planification et répression politique

Le début de la présidence de Sékou Touré est marqué par une politique marxiste, avec la nationalisation des entreprises étrangères et une économie fortement planifiée. Sékou Touré remporte le Prix Lénine pour la paix en 1961. La France mène alors une guerre économique contre son ancienne colonie (les services secrets français vont notamment répandre de faux francs guinéens pour déstabiliser la Guinée monétairement)[6]. Ses premières actions pour rejeter les Français puis pour s'approprier la richesse et les terres agricoles des propriétaires traditionnels, irritent de nombreux acteurs puissants, mais l'échec de son gouvernement à fournir des capacités économiques ou des droits démocratiques, encore plus.

Alors qu'il est encore admiré dans beaucoup de pays en Afrique et dans le mouvement panafricain, de nombreux Guinéens, des militants de gauche et de droite en Europe deviennent très critiques envers le régime de Sékou Touré en particulier quant à son échec à instituer une véritable démocratie.

Dans les années 1960, il est le premier chef d'État africain à se rendre en visite officielle en Chine, qui apporte des aides financières à la Guinée[1].

En visite en Yougoslavie en 1961.

Au fil du temps, la paranoïa croissante de Sékou Touré conduit à l'arrestation de nombreux opposants politiques présumés[7],[8]. Selon Amnesty International, quelque 50 000 personnes auraient été assassinées sous le régime de Touré, de 1958 à 1984. Le Camp Boiro reste le symbole de cette répression violente où, selon une estimation, 5 000 personnes sont exécutées parfois après des tortures dénoncées alors par Amnesty International[9]. À travers la police secrète et les exécutions dans les camps de détention, Sékou Touré fait régner sur le pays un régime de terreur, contraignant des milliers de Guinéens à fuir la répression. Des dizaines de milliers de dissidents guinéens cherchent à fuir le pays[10].

« Ne faites pas ce que j'ai fait. J'ai tué tous les cadres de la Guinée et tous mes amis. »

 Confidences de Sékou Touré faite à Balla Keïta, ancien ministre ivoirien et relatée par Maïmouna Bâ Maréga, auteure des Mémoires d'une rescapée de la dictature de Sékou Touré - Nouvelles éditions ivoiriennes-CEDA, 2018, Abidjan, [11]

Dans livre de Kaba 41 Dans la Guinée de Sékou Touré, cela a bien eu lieu[12] est écrit : « Une liste de 12000 cadres avait été dressée depuis 1959 et tous ces gens fichés ont disparu entre fin octobre 1971 et fin août 1972 ».

Le débarquement des militaires portugais le 22 novembre 1970 entraîne une répression sans précédent touchant l'ensemble de la société guinéenne. Selon Amnesty International, ce sont plus de 50 000 Guinéens qui sont tués. Selon André Lewin, ancien ambassadeur de France en Guinée, les services secrets de l'Allemagne de l'Est ont préparé un faux document accusant les Allemands de l'Ouest d'être impliqués dans le débarquement[13].

Rupture avec la France et défense du panafricanisme

De 1965 à 1975, il rompt toutes ses relations avec la France, ancienne puissance coloniale. Les frictions entre la France et la Guinée sont fréquentes. Aux tentatives de renversement du président guinéen, dont il accuse les autorités françaises, la Côte-d'Ivoire ou le Sénégal d'être l'auteur[14], Sékou Touré répond par une répression contre l'opposition. Craignant une intervention militaire de l'ancien colonisateur, le chef d'État se rapproche du camp socialiste, bénéficiant d'aides chinoises et soviétiques. Sékou Touré estime que l'Afrique a perdu beaucoup pendant la colonisation et qu'elle devrait riposter en coupant les liens avec les anciens pays coloniaux. C’est seulement en 1978 que le président de la République française, Valéry Giscard d'Estaing, effectue une visite officielle, en signe de réconciliation. Tout au long de son différend avec la France, la Guinée maintient de bonnes relations avec plusieurs pays socialistes. Cependant, l'attitude de Sékou Touré envers la France n'est généralement pas bien accueillie, et certains pays africains rompent les relations diplomatiques avec la Guinée. Malgré cela, Sékou Touré gagne le soutien de nombreux groupes et dirigeants anticolonialistes et panafricains.

Maurice Robert, chef du secteur Afrique au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) de 1958 à 1968, explique que : « Nous devions déstabiliser Sékou Touré, le rendre vulnérable, impopulaire et faciliter la prise du pouvoir par l'opposition. Une opération de cette envergure comporte plusieurs phases : le recueil et l'analyse des renseignements, l'élaboration d’un plan d'action à partir de ces renseignements, l'étude et la mise en place des moyens logistiques, l'adoption de mesures pour la réalisation du plan. Avec l'aide d’exilés guinéens réfugiés au Sénégal, nous avons aussi organisé des maquis d'opposition dans le Fouta-Djalon. L'encadrement était assuré par des experts français en opérations clandestines. Nous avons armé et entraîné ces opposants guinéens pour qu'ils développent un climat d'insécurité en Guinée et, si possible, qu'ils renversent Sékou Touré. Parmi ces actions de déstabilisation, je peux citer l'opération Persil, par exemple, qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie[15]. »

Kwame Nkrumah. Il était l'un des dirigeants proches de Touré, mais sa relation avec Touré après son renversement s'est détériorée.

Ses principaux alliés dans la région sont les présidents du Ghana Kwame Nkrumah et du Mali Modibo Keïta. Après que Nkrumah est renversé par un coup d'État en 1966, Sékou Touré lui offre refuge en Guinée et lui propose d'être coprésident de la République, ce qu'il refuse. En tant que figure du mouvement panafricaniste, il s'en prend toujours aux anciennes puissances coloniales, et se lie d'amitié avec des militants afro-américains comme Malcolm X et Stokely Carmichael, à qui il offre l'asile. Sékou Touré, avec Nkrumah, contribue à la formation du Parti révolutionnaire du peuple africain (All-African People's Revolutionary Party) et aide les guérilleros du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) dans leur lutte contre le colonialisme portugais en Guinée portugaise.

Cependant, Sékou Touré a parfois été accusé d’être responsable de la mort d'Amílcar Cabral en 1973. Les Portugais lancent une attaque sur Conakry en 1970 (Opération Mar Verde, ou Operation Green Sea) pour sauver des prisonniers de guerre portugais, renverser le régime de Sékou Touré et détruire les bases du PAIGC.

Il apporte un soutien financier à l'ANC de Nelson Mandela lors de la tournée africaine de celui-ci en 1962[16]. Nelson Mandela arrive à Conakry[17] le 12 avril 1962 et, dans ses mémoires Un long chemin vers la liberté[18], il écrit avoir été déçu par le président Sékou Touré qui le recevra avec Oliver Tambo. À la suite de sa demande de soutien au mouvement de libération Umkhonto we Sizwe, Sékou Touré leur fait un discours et leur donne ses livres et des francs guinéens qui n'avaient aucune valeur hors du pays. À sa sortie de prison, Mandela visitera tous les pays qui l'avaient soutenu mais ne viendra pas en Guinée.

Relations avec la France

L'indépendance de la Guinée démarre sur un conflit de séparation avec la France. En 1958, Sékou Touré refuse de poursuivre un pacte post-colonialiste avec la France, un non-alignement qui froissera le général de Gaulle jusqu'à la fin de son mandat. Le , après des visites triomphales à Madagascar, au Congo et en Côte d'Ivoire, le général de Gaulle est froidement reçu par Sékou Touré qui déclare dans son discours : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». À quoi de Gaulle rétorque : « l’indépendance est à la disposition de la Guinée [...] la métropole en tirera, bien sûr, des conséquences »[19],[20].

Après le vote de la Guinée pour son indépendance, si certains hauts fonctionnaires français plaident en faveur de négociations avec le nouvel État, de Gaulle, encore échaudé par l'affront reçu à Conakry, refuse toute conciliation. L’administrateur colonial Paul Masson se souviendra lors de l'écriture de ses mémoires avoir été vertement accueilli par le général : « Mais laissez-le donc, Sékou Touré, bouffer ses bananes et ses cacahuètes[2]. » Le jour même du vote, un commando de parachutistes est déployé pour récupérer les billets émis par la Banque de France, plusieurs milliards de francs CFA. Les financements à destination de la Guinée sont immédiatement annulés et les fonctionnaires français rapatriés. L'objectif du gouvernement français, tel que mentionné dans des télégrammes diplomatiques secrets est de « placer la Guinée en situation de demanderesse » et de « se servir de cette arme très réelle pour amener autant que possible la Guinée à la résipiscence[2]. » Le haut commissaire colonial Pierre Messmer fait intercepter à Abidjan quatre mille tonnes de riz destinées à réapprovisionner les stocks guinéens, quasiment vides. La France tente également, mais sans succès, de retarder l'admission de la Guinée aux Nations Unies[2].

Les liens diplomatiques sont complètement rompus en 1965. Pendant cette période de froid, les diplomates français passent par les organes diplomatiques italiens pour communiquer avec leurs homologues guinéens. Les années 1970 et l'arrivée de Georges Pompidou sont synonymes d'apaisement entre les deux pays, le nouveau président ne souhaitant s'ingérer dans les affaires guinéennes. Le mandat de Valéry Giscard d'Estaing signe la reprise des relations diplomatiques, avec en la nomination d'André Lewin en tant que premier ambassadeur français à Conakry. Giscard d'Estaing se rend en visite officielle à Conakry en , et en , Sékou Touré se rend à son tour à Paris pour y rencontrer le président François Mitterrand[21].

Selon Pierre Messmer dans le tome II de ses mémoires (1998), durant l'année 1959-1960, les services français menés par Jacques Foccart ont organisé une tentative de renversement du gouvernement Touré en collaboration avec le Sénégal et la Côte d'Ivoire, tentative déjouée par Sékou Touré. En 1983, après 25 ans de conflits, Sékou Touré invite Jacques Foccart à le rencontrer à Conakry, les deux hommes s'expliquent sur le passé, et se mettent d'accord pour poursuivre leur relation devenue cordiale[21].

Adoption du libéralisme économique

Ahmed Sékou Touré en 1982.

Les relations avec les États-Unis fluctuent au cours du règne de Sékou Touré. Celui-ci est impressionné par l'approche de l'administration Eisenhower en Afrique, et il affirme que John Fitzgerald Kennedy est son « seul ami véritable dans le monde extérieur ». Il est impressionné par l'intérêt que porte Kennedy au développement de l'Afrique et son engagement pour les droits civils aux États-Unis. Sékou Touré blâme les ingérences soviétiques lors des troubles survenus en 1962 et se tourne donc vers les États-Unis. Ses relations avec les États-Unis se détériorent après la mort de Kennedy, quand une délégation guinéenne est emprisonnée au Ghana, après le renversement de Nkrumah. Sékou Touré condamne Washington. Il craint que la CIA ne complote contre son propre régime. Une fois le rapprochement de la Guinée avec la France entamé dans les années 1970, ses soutiens marxistes commencent à s'opposer à la tendance croissante de son gouvernement à la libéralisation capitaliste. En 1977, les protestations contre la politique économique de Touré, qui réprimait le commerce non autorisé, ont déclenché des émeutes au cours desquelles trois gouverneurs régionaux ont été tués. Touré a répondu en assouplissant les restrictions sur le commerce, en offrant l'amnistie aux exilés (dont des milliers sont revenus) et en libérant des centaines de prisonniers politiques. Les relations avec le bloc soviétique se sont refroidies alors que Touré cherchait à augmenter l'aide occidentale et les investissements privés pour l'économie en difficulté de la Guinée[22]. En 1978, il renonce officiellement au marxisme et rétablit le commerce avec l'Occident.

Des élections à liste unique ont eu lieu en 1980 pour élire les représentants de l’Assemblée nationale. Sékou Touré est réélu sans opposition à un quatrième mandat de sept ans comme président le . Une nouvelle constitution est aussi adoptée. L’été suivant, Sékou Touré se rend aux États-Unis dans le cadre d'une inversion de sa politique économique, en quête d'investissements occidentaux pour développer les immenses ressources minérales de la Guinée, admettant que sa politique marxiste avait échoué[1]. En 1983, il annonce une certaine libéralisation économique dont la commercialisation des produits par les commerçants privés.

Développement culturel

Afin de ranimer l'identité guinéenne, Sékou Touré mise sur la promotion de la culture nationale : « Notre musique doit s'élever d'un monde qui l'a corrompue au travers de la domination coloniale et affirmer les pleins droits du peuple ». Les orchestres privés sont dissous et les musiciens deviennent des fonctionnaires. Le label Syliphone, régie d'état créée en 1967, produit 150 références jusqu'à sa disparition en 1983[19].

Mort et fin du régime

Le , après de nombreux déplacements pour l'organisation du 20e sommet de l'organisation de l'unité africaine, il conclut le congrès des syndicats du CEDEAO en déclarant « Je resterai syndicaliste jusqu’à ma mort ». Quelques heures plus tard, il est pris de forts malaises. Des médecins marocains affrétés par le roi Hassan II diagnostiquent de sérieux problèmes cardiaques. Le , des cardiologues américains diagnostiquent un anévrisme de l'aorte. L'Arabie saoudite dépêche aussitôt un avion médicalisé pour l'emmener à Cleveland[23] aux États-Unis.

À l'époque de Sékou Touré, aucun avion, autres que ceux des lignes régulières, ne pouvait atterrir à Conakry sans l'autorisation personnelle du président. Lorsque l'avion saoudien arrive à Conakry, la tour de contrôle, selon la procédure, contacte le président pour obtenir son autorisation ; ne pouvant joindre Sékou Touré dont l'état critique était tenu secret, les contrôleurs refusent le droit d'atterrissage à l'appareil, qui met le cap sur Dakar. Ce n'est que le lendemain, lorsque le Premier ministre, Louis Beavoguí (médecin de profession), s'enquiert de l'avion médicalisé, que l'appareil revient à Conakry et que Sékou Touré est finalement évacué aux États-Unis malgré sa réticence à l’idée de quitter son pays[24].

Sékou Touré meurt le à 15h23 à Cleveland (Ohio), aux États-Unis, lors d'une opération de chirurgie cardiaque. Sa dépouille est rapatriée le et exposée pendant 2 jours au palais présidentiel. Il est inhumé le au mausolée de Camayenne[23].

Le Premier ministre Louis Lansana Beavogui devient président par intérim, en attendant des élections qui devaient avoir lieu dans les quarante-cinq jours. Cependant à cause de la mort de Touré, le , les Forces armées s'impatientent et prennent le pouvoir en dénonçant les dernières années du régime comme une dictature « sanglante et impitoyable ». La Constitution est suspendue, l'Assemblée nationale est dissoute ainsi que le Parti unique. Les proches de Sékou Touré et des officiels sont emprisonnés à Kindia[24]. Le meneur du coup d'État, le colonel Lansana Conté, assume la présidence le , à la tête du Comité militaire de redressement national (CMRN). Environ 1 000 prisonniers politiques sont libérés du sinistre camp Boiro[23].

Profanation de la tombe de Sékou Touré

Le , sa tombe est profanée par un inconnu. Selon un militant du Parti démocratique de Guinée qui s'est rendu sur les lieux, l'individu a mis le feu au drapeau tricolore qui se trouvait sur la tombe. Puis il a commencé à verser du liquide dans la sépulture de l'ancien président. Le lendemain, sa veuve déplore l'acte de profanation. Elle précise que le mausolée appartient à son clan mais qu'il est abandonné sans sécurité ; elle envisage d'embaucher du personnel de sécurité dédié[25],[26],[27],[28].

Hommages

Prix et récompenses

Culture

Une chanson populaire célébrant la généalogie de Sékou Touré, chantée par le griot Jeli-Kaba, le compare à un cheval de jeune marchand en référence à la fougue et à l'endurance des chevaux des dioula, les marchands malinkés[30].

Vie privée

Il s'est marié avec Andrée Touré et est le père de deux enfants, Aminata et Mohamed (d)[31].

Galerie

Notes et références

  1. (en) Eric Pace, « Ahmed Sékou Touré, a radical hero », sur Nytimes.com,
  2. L'Empire qui ne veut pas mourir: Une histoire de la Françafrique, Seuil, , p. 142-143 et 245-255
  3. LM 1984, Le Monde.
  4. de Gaulle 2000, p. 926-928.
  5. « Archives d'Afrique - 1. Portrait de Kwamé Nkrumah (3/4) », RFI, (lire en ligne, consulté le )
  6. Maurice Robert, Ministre de l'Afrique, entretien avec André Renault, Seuil,
  7. Kader Diop, « Guinée. Visite au camp Boiro : de la " cabine technique " à la " diète noire "... », Le Monde, (lire en ligne)
  8. André Lewin, « Mort de Diallo Telli », Jeune Afrique, (lire en ligne)
  9. « Camp Boiro : un ministre reconnait la responsabilité de l’État », Radio France internationale, (lire en ligne)
  10. (en) « 'Mass graves' found in Guinea », BBC News, (lire en ligne)
  11. Tierno Monénembo, « Livre - Camp Boiro : l'Auschwitz des Guinéens », sur Le Point Afrique (consulté le )
  12. Kaba Camara, Dans la Guinée de Sékou Touré, ca a bien eu lieu, Paris, L'Harmattan, (ISBN 2-7384-5963-3, lire en ligne), p. 63
  13. André Lewin, « La Guinée et les deux Allemagnes », sur Cairn.info, (consulté le )
  14. D. 1974, Le Monde.
  15. « Opération 'Persil' », Manière de Voir, (lire en ligne, consulté le )
  16. Amzat Boukari-Yabara, Une histoire du panafricanisme, La Découverte, , p. 310
  17. https://www.nelsonmandela.org/on-this-day/entry/nelson-mandela-arrives-in-guinea-conakry-then-french-guinea-on-his-clandest
  18. Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, Le Livre de Poche, , 766 p. (ISBN 2253140635), p. 263
  19. « Guinée : le génie mandingue aux ordres de Sékou Touré (1958-84) », sur Franceculture.fr,
  20. « Discours historique du Président Ahmed Sékou Touré », sur Lexpressguinee.com
  21. André Lewin, « Jacques Foccart et Ahmed Sékou Touré », sur Revues.org,
  22. « westafrik », sur web.archive.org, (consulté le )
  23. André Lewin, « Mort du président guinéen Sékou Touré », sur Jeuneafrique.com,
  24. « Mort du président guinéen Sékou Touré – JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
  25. « Guinée : la tombe de Sékou Touré profanée à Conakry… », sur Africaguinee.com - Site officiel d'informations sur la Guinée et l'Afrique, (consulté le )
  26. « Urgent : La tombe du feu Ahmed Sekou Touré profanée par un inconnu », sur kalenews, (consulté le )
  27. « Conakry : la tombe de Feu Ahmed Sékou Touré profanée », sur Guineeactuelle.com, (consulté le )
  28. « Profanation de la tombe de Sékou Touré: Qu'en dit Hadja Andrée Touré ? », sur Africaguinee.com - Site officiel d'informations sur la Guinée et l'Afrique, (consulté le )
  29. « L'aéroport de Conakry (re)baptisé Aéroport international Ahmed Sékou Touré », sur Mediaguinee.org, (consulté le )
  30. Sory Camara, Gens de la parole : essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké, Paris/Conakry, ACCT, , 375 p. (ISBN 2-86537-354-1 et 9782865373543, OCLC 28185747, lire en ligne), p. 279.
  31. Aicha Sada Sylla, « Indiscrétion: Hadja André Touré parle de son époux feu Président Ahmed Sékou Touré », sur Lesamazones.info

Voir aussi

Bibliographie

Par date de parution.

  • « Un activiste : M. Sékou Touré », Le Monde, (lire en ligne).
  • « Création à Accra d'une Union des États africains », Le Monde, (lire en ligne).
  • Philippe Herreman, « La plupart des chefs d'États africains écartent une formule d'union trop rigide », Le Monde, (lire en ligne)
  • Ph. D., « France-Guinée : seize ans de rapports chaotiques », Le Monde, (lire en ligne).
  • « Vingt-cinq années de relations franco-guinéennes », Le Monde, (lire en ligne).
  • Laurent Zecchini, « Oui, nous sommes libres ! Et après ? », Le Monde, (lire en ligne).
  • Ibrahima Baba Kaké, Sékou Touré : Le Héros et le Tyran, Groupe Jeune Afrique, , 254 p..
  • Charles de Gaulle, Mémoires, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », , 1 505 pages, p. 926-928.
  • Charles E. Sorry, Sékou Touré : l'Ange exterminateur : un passé à dépasser, Éditions L'Harmattan, , 159 p..
  • « La Guinée va devoir tourner la page de 24 ans de règne sans partage », Le Monde, (lire en ligne).
  • Odile Goerg (dir.), Céline Pauthier (dir.) et Abdoulaye Diallo (dir.), Le « non » de la Guinée (1958). Entre mythe, relecture historique et résonances contemporaines, Éditions L’Harmattan, , 208 p..
  • André Lewin, Ahmed Sékou Touré (1922-1984) Président de la Guinée, Éditions L’Harmattan, .
  • Alfa Oumar Rafiou Barry, La Guinée au fil de ses présidents, Éditions L'Harmattan, 2020, 318 p. (ISBN 978-2-343-18509-5)

Liens externes

Articles connexes

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