Banque centrale

La Banque centrale d'un pays est une institution chargée par l'État de décider d'appliquer la politique monétaire. Elle joue trois rôles ou une partie des trois rôles suivants :

  • assurer l'émission de la monnaie fiduciaire (ou monnaie banque centrale) et contribuer ainsi à fixer les taux d'intérêt ;
  • superviser le fonctionnement des marchés financiers, assurer le respect des réglementations du risque (ratio de solvabilité) des institutions financières (en particulier des banques de dépôts) ;
  • jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise systémique.
  • assurer la stabilité monétaire en évitant d'intervenir dans les politiques de croissance économique et d'emploi.
  • Intervenir au niveau de la politique de l'emploi en baissant les taux directeurs et par là les taux d'intérêt des banques commerciales pour permettre une croissance économique plus élevée et baisser ainsi le chômage ou, au contraire, augmente les taux afin de baisser la croissance et l'emploi en octroyant moins de crédits à l'économie.

Les banques centrales n'ont pas de rôles strictement identiques ou la même organisation dans tous les pays ; elles peuvent notamment partager leurs pouvoirs avec d'autres institutions.

Cette institution peut être indépendante du pouvoir politique, totalement comme l'est la Banque centrale européenne (BCE), ou partiellement, comme la Réserve fédérale des États-Unis (la Fed) où coexistent un Conseil Fédéral des gouverneurs (The Federal Board of Governors) et un réseau de banques à capitaux privés, les douze banques fédérales.

Les objectifs de politique monétaire des banques centrales sont fixés par leurs statuts. Ces statuts varient, et fixent des objectifs qui peuvent inclure, en plus de la stabilité des prix, d'autres objectifs, comme la réduction du chômage. La Banque centrale européenne a ainsi pour « objectif principal […] de maintenir la stabilité des prix »[1]. Tandis que la Réserve fédérale des États-Unis a trois objectifs : « un taux d'emploi maximum, des prix stables et des taux d'intérêt à long terme peu élevés ». Ainsi la Fed doit prioritairement, par ses statuts, chercher à influencer le chômage dans le sens de la baisse notamment tout en maintenant des prix stables, tandis que la Banque centrale européenne a pour objectif fondamental la seule stabilité des prix.

Les banques centrales peuvent chercher à atteindre l'objectif de relative stabilité des prix au moyen de plusieurs instruments, qui leur permettent de faire varier la masse monétaire en circulation dans le pays et le coût des crédits accordés aux particuliers et entreprises. Le principal instrument est la fixation des taux directeurs. Ces taux déterminent le coût pour les banques commerciales à se refinancer auprès de la banque centrale.

Rôle et fonctionnement de la politique monétaire

Définition de la politique monétaire

La définition première de la politique monétaire est «l’ensemble des moyens mis en œuvre par un ou des États ou une autorité monétaire pour agir sur l’activité économique par la régulation de sa monnaie »

Dans les pays de l’Eurosystème, l’adoption de l’euro a conduit à mettre en place une politique monétaire commune qui se caractérise par:

Rôle et objectif principal: le maintien de la stabilité des prix, une autorité monétaire unique: la Banque Centrale Européenne, une politique de taux d'intérêt, un refinancement des banques par les banques centrales, un système de règlement interbancaire (Target 2).

Pour atteindre ses objectifs, l'Eurosystème dispose d'une série d'instruments de politique monétaire: il effectue des opérations d'open market, offre des facilités permanentes et impose aux établissements de crédit la constitution de réserves obligatoires rémunérées sur des comptes ouverts sur les livres des banques centrales nationales.


Actions des banques centrales

Les banques centrales mettent en œuvre la politique monétaire au moyen de différents éléments, comme :

Lorsque ces politiques n'atteignent pas leurs objectifs, les banques centrales disposent d'outils non-conventionnels, tels que le quantitative easing et le système à deux paliers.

Incidences d'une banque centrale sur l'économie

Le taux d'intérêt du marché de refinancement au jour le jour des banques commerciales est dirigé par la banque centrale. D'où son nom de taux directeur.

Lorsque le taux d'intérêt baisse, les agents économiques empruntent davantage pour acheter, ce qui provoque une hausse de la demande et donc une tendance à la hausse des prix. Inversement, lorsque le taux d'intérêt monte, les agents économiques empruntent moins, donc achètent moins, et il existe une tendance à la baisse des prix.

La modification du taux directeur est le principal moyen d'une banque centrale pour agir sur l'économie. Le schéma classique représentant la loi de l'offre et de la demande enseigne que, à offre égale, lorsque la demande augmente, les prix montent, et lorsque la demande baisse, les prix baissent. Mais offre et demande dépendent aussi de facteurs purement monétaire. C'est ce qu'a démontré Irving Fisher avec sa théorie quantitative de la monnaie. En effet , certes d'une manière un peu simpliste, Fisher décrit l'influence de la masse monétaire sur l'économie d'après sa célèbre équation MV=PT.

M est ici la masse monétaire donc l'ensemble des moyens de paiement disponibles.

V est la vitesse de circulation de la monnaie c'est-à-dire le nombre de fois où un même moyen de paiement va changer de main en un temps donné (un même billet de cinq euros me servira à acheter une baguette de pain mais sera rendu au client suivant contre un billet de 10 euros par ma boulangère. Ce client pourra ensuite payer son café au Bar juste à côté avec mon billet de cinq euros qui sera ensuite rendu à une autre personne... et ainsi de suite).

P est l'indice général des prix à savoir pour faire simple le coût du panier de la ménagère.

T représente le volume des transactions c'est-à-dire le volume physique de biens et services échangés.

D'une manière logique on peut comprendre que V et T sont fixes à court terme (je ne vais pas me mettre à courir soudainement pour dépenser le billet que l'on vient de me remettre, et au niveau des transactions cela induit une augmentation de la production des entreprises ou des importations, ce qui ne se fait pas de manière immédiate). Les seules variables restent donc M et P. Comme nous sommes dans le cadre d'une égalité, fatalement toute augmentation de M entrainera une augmentation de P. Soit l'équation :

↗MV=↗PT

Donc si on augmente la quantité de moyen de paiement (planche à billet), on augmente dans le même temps les prix et donc on génère de l'inflation

C'est sur ce schéma simple que se fonde l'action de la Banque Centrale.

Bien sûr cela reste simpliste, et la Banque Centrale ne se base pas que sur cette simple équation, car on ne tient pas compte de l'inflation importée (par exemple une augmentation du prix du transport ou de certaines matières premières), ou des anticipations des agents (confiance en l'avenir et donc hausse de la consommation ou au contraire défiance et donc épargne).

La banque centrale utilise cette observation macro-économique afin que la monnaie conserve une valeur stable, un pouvoir d'achat stable. Ce pouvoir d'achat est évalué par un indice des prix. Ainsi, lorsque les prix montent ou risquent de monter, la banque centrale augmente le taux d'intérêt. Cela tend à réduire le volume du crédit, donc la demande de produits et services, ce qui ralentit cette hausse des prix. Inversement, lorsque les prix ont tendance à baisser, la banque centrale baisse le taux d'intérêt, ce qui augmente la demande, ce qui tend à une hausse des prix.

Crédibilité

L'inflation est déterminée concrètement par le comportement des agents (choix des prix de vente par les entreprises, comportement d'achat et d'épargne des ménages, marchés financiers, etc.). Ces agents déterminent leur comportement en fonction de leurs anticipations d'inflation future. Dès lors, il est essentiel pour la banque centrale que ces agents croient en sa capacité à atteindre ses objectifs d'inflation pour que ceux-ci se réalisent.

La crédibilité d'une banque centrale met des années, parfois des décennies, avant d'être obtenue. Elle est basée sur la confiance des agents économiques que la banque centrale saura faire face aux chocs économiques avec une politique monétaire appropriée.

Indépendance

L'indépendance des banques centrales a fait l'objet de nombre d'études à partir des années 1960. La plupart concluaient alors à une relation négative entre l'indépendance de la banque centrale et le taux d'inflation. Un mouvement d'indépendance des autorités monétaires a eu lieu dès les années 1970[5].

Principales banques centrales dans le monde

Zone franc :

La Banque des règlements internationaux (BRI), située à Bâle est souvent présentée pour « la banque centrale des banques centrales », au motif que seules des banques centrales en sont les actionnaires, mais elle n'en partage pas leurs fonctions.

Critiques et concurrence monétaire

Le système monétaire qui s'oppose au monopole de la banque centrale est le système de concurrence des monnaies.

L'école autrichienne critique l'action des banques centrales, qui sont selon elle responsables des crises financières à répétition. Milton Friedman attribue par exemple la spirale déflationniste des années 1930 à l'échec de la Réserve fédérale américaine à fournir assez de liquidités lors d'une phase de contraction[6]. Il déclare notamment à ce sujet que « un des grands problèmes économiques de notre temps qu’il reste à résoudre est celui de la suppression de la Réserve fédérale »[7].

Paru en 1976 aux États-Unis[8], l'ouvrage de Friedrich Hayek Pour une vraie concurrence des monnaies est un appel au libre arbitre monétaire prônant l'abolition du monopole de la banque centrale. Publié en France en 2015 par les librairies PUF[9], ce livre est à cette dernière date d'actualité selon la BCE[10],[11], puisqu'il s'agirait de la base théorique du Bitcoin (et de la technologie blockchain) où des milliers de monnaies privées sont en concurrence[12].

Publications scientifiques

Les banques centrales emploient un grand nombre de chercheurs pour étudier les politiques économiques, évaluer décisions monétaires, régulation monétaire, accès au crédit... Dans une étude publiée en 2020, Brian Fabo, Martina Jančoková, Elisabeth Kempf et Lubos Pastor font observer que lorsque les chercheurs des banques centrales ont évalué les politiques d'assouplissement quantitatif, l'une des réponses clés des banques à la crise financière de 2008-2009, ils ont trouvé un impact plus important de ces politiques que les économistes indépendants du monde universitaire. Des conflits d'intérêts pourraient expliquer les conclusions « plus roses » des chercheurs des banques centrales. En effet, la direction de la banque influence à la fois le processus de recherche et décide qui sera promu. L'étude indique que quand une banque centrale évalue ses propres politiques, cela peut conduire à des résultats de recherche trop optimistes, qui à leur tour peuvent façonner la perception du public de l'efficacité de la politique de la banque centrale. Les chercheurs ne concluent cependant pas que les études de la banque centrale sont entachées de biais. Selon eux, les banques centrales peuvent être incitées à considérer leurs propres politiques d'un regard peu critique, mais veulent également préserver leur crédibilité[13],[14].

Notes et références

  1. Protocole sur les statuts du système européen [PDF] de banques centrales et de la Banque centrale européenne.
  2. J.-F. Bocquillon et M. Mariage, Économie générale : première G, Paris, Bordas, , 212 p. (ISBN 2-04-018961-0), p. 110
  3. J.-F. Bocquillon et M, Mariage, ..., p.111
  4. le Budget général de l'État est un document qui enregistre, d'une part, les recettes du Trésor public, formées essentiellement, par les impôts et, d'autre part, les dépenses qui correspondent, en gros, au traitement des fonctionnaires publics. A la fin de l'année financière qui peut correspondre à l'année civile, le Budget peut être excédentaire (les recettes excèdent les dépenses) ou déficitaire dans le cas inverse, mais très rarement à solde nul.
  5. Yoann Brun, Lou Dumez, Matthias Knol et Fabrice Tricou, Monnaie et financement de l'économie, dl 2019 (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408, lire en ligne)
  6. Monetary History of the United States 1867-1960
  7. "One unsolved economic problem of the day is how to get rid of the Federal Reserve." - « Interview with Milton Friedman », The Region, Réserve fédérale de Minneapolis, (consulté le ).
  8. (en-GB) F. A. Hayek, Denationalisation of Money, (présentation en ligne).
  9. « Pour une vraie concurrence des monnaies », sur puf.com (consulté le ).
  10. (en) « BCE virtual currency schemes », sur https://www.ecb.europa.eu, .
  11. (en) Jon Matonis, « ECB: "Roots Of Bitcoin Can Be Found In The Austrian School Of Economics" », Forbes, (lire en ligne, consulté le ).
  12. (en-US) « Digital Currencies Are Bringing to Reality Hayek's Free Market Money - CryptoCoinsNews », CryptoCoinsNews, (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) Michael Rapoport, Are central-bank economists overstating QE’s effectiveness?, review.chicagobooth.edu,
  14. (en) Elisabeth Kempf, Lubos Pastor, Fifty shades of QE: Central bankers versus academics, voxeu.org,

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-François Boudet, Brèves réflexions sur l’indépendance des banques centrales, Revue Générale du Droit (RGD), , https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2020/04/21/breves-reflexions-sur-lindependance-des-banques-centrales/  
  • Maurice Muk, L’inflation selon la population
  • Edwin Le Héron et Philippe Moutot, Les Banques centrales doivent-elles être indépendantes ?, Prométhée, coll. Pour ou contre ?, Bordeaux, 2008 (ISBN 978-2916623023)
  • Collectif, Gouverner une banque centrale : du XVIIe siècle à nos jours, Albin Michel, 2010

Liens externes

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