Bobby Fischer

Robert James Fischer, dit Bobby Fischer, né le à Chicago aux États-Unis et mort le à Reykjavik en Islande, est un joueur d'échecs américain, naturalisé islandais en 2005.

Pour les articles homonymes, voir Fischer.

Bobby Fischer

Bobby Fischer à Leipzig lors de l'olympiade de 1960.

Nom de naissance Robert James Fischer
Naissance
Chicago, Illinois, États-Unis
Mort
Reykjavik, Islande
Nationalité Américaine (1943-2005)
Islandaise
(2005-2008)
Titre Grand maître international (1958)
Oscar des échecs (1970, 1971 et 1972)
Champion du monde 1972 à 1975
Meilleur classement Elo 2 785 (avril 1972)
Meilleur classement mondial 1er

Champion des États-Unis à quatorze ans en janvier 1958, Fischer devint, en 1972, champion du monde en remportant, sur fond de guerre froide, le « match du siècle »[note 1] à Reykjavik face au joueur soviétique Boris Spassky.

Fischer contribua de façon décisive, par ses revendications (parfois excessives) lors des tournois, à l'amélioration de la condition de joueur d'échecs professionnel, tant du point de vue financier que de l'organisation matérielle des tournois. Sa victoire sensationnelle en finale du championnat du monde d'échecs 1972, mettant un coup d'arrêt à la domination russe dans le championnat du monde des échecs depuis 1948 en fit une icône dans son pays, lui apportant la reconnaissance du public américain et la médiatisation à travers le monde, bien qu'après 1990 il fît des déclarations controversées qui ternirent sa réputation.

Après s'être retiré de toutes les compétitions en 1972, Fischer disputa en 1992, à Sveti Stefan et à Belgrade, pendant les guerres de Yougoslavie, un match revanche contre son adversaire de 1972, Boris Spassky, en violation de l'embargo proclamé par le département d'État américain. Menacé de poursuites par son pays, il termina sa vie en exil et multiplia les déclarations antisémites, antichrétiennes et anti-américaines après 1990. Il vécut d'abord en Hongrie (de 1993 à 1999), puis au Japon (de janvier 2000 à mars 2005) et enfin en Islande (de 2005 à 2008).

Années de formation

Famille

La mère de Bobby Fischer, Regina Wender (1913-1997), est une Américaine d'ascendance juive allemande. Née en Suisse[1], elle fut éduquée à Saint-Louis (Missouri). En 1932, à 19 ans, diplômée du college, elle partit à Berlin pour retrouver son frère qui y était stationné en tant que marin de l’US Navy et elle fut recrutée comme secrétaire par le généticien américain Hermann Joseph Muller. En 1933[2], elle fit la connaissance de Hans Gerhardt Leibschner qui avait changé son nom en Fischer pour avoir un nom à consonance moins juive. Gerhardt Fischer, né à Berlin en 1909[1], était un biophysicien allemand et un assistant du professeur Muller. Le professeur encouragea Regina à poursuivre ses études et à le suivre à Léningrad où il avait un poste et à Moscou. En 1933, Regina et Gerhardt quittèrent l'Allemagne nazie et partirent à Moscou où ils se marièrent en octobre de cette année[3] (ou en 1938[1]). Regina Fischer devint étudiante de l'Institut de médecine de Moscou de 1933 à 1938. En 1939, pour fuir l'antisémitisme qui se développait en URSS[3], Regina partit en France avec leur fille Joan née en 1938 puis elle alla aux États-Unis, mais sans son mari qui partit au Chili, son entrée sur le territoire des États-Unis lui étant refusée du fait de sa nationalité allemande[4].

Lorsque Bobby Fischer naquit à Chicago en mars 1943[5], Gerhardt et Regina Fischer étaient séparés depuis 1939. Regina Fischer demanda le divorce en 1945[5], deux ans après la naissance de son fils, alors qu'elle habitait Moscow dans l'Idaho. Elle avait inscrit Gerhardt Fischer comme père de Robert James en dépit du fait qu'il n'avait jamais mis les pieds aux États-Unis. En 2002, une enquête menée par deux journalistes du Philadelphia Inquirer a montré que le père biologique de Fischer serait plutôt le physicien juif hongrois Paul Nemenyi (en) qui avait émigré aux États-Unis la même année que Regina Fischer en 1939. Quand le physicien participait au projet Manhattan en tant qu'ingénieur à Washington, le FBI soupçonna Nemenyi d'être communiste et Regina d'être une espionne russe[6]. En effet, Regina avait étudié à l'Institut de médecine de Moscou[1], où elle avait passé cinq ans avant d'émigrer aux États-Unis après son mariage. Le FBI tint un dossier sur Regina. Elle avait fait la connaissance de Nemenyi au Colorado, en 1942, et, après la naissance de Bobby en mars 1943, le physicien lui envoya chaque mois une somme d'argent. Les versements continuèrent jusqu'à la mort de Nemenyi, en 1952.

Bobby ne vit jamais Gerhardt Fischer puisque ses parents étaient séparés à sa naissance selon le dossier que tenait le FBI[2]. Gerhardt ne pouvait venir aux États-Unis du fait de sa nationalité allemande[7]. Il s'installa au Chili où il se fit appeler Gerardo Fischer. Il n'envoya aucune pension pour aider sa femme et sa fille. En juillet 1958, inquiet pour son fils et sa fille qui étaient à Moscou tandis que la situation internationale était tendue, il écrivit à son ancienne femme lui demandant ce qu'elle comptait faire tandis qu'il n'avait pas de nouvelles[8]. En 1974, Gerardo, sa nouvelle femme et ses enfants furent brièvement emprisonnés en Amérique du Sud, du fait de leurs engagements politiques[9]. Libérés, ils partirent en France et Gerhardt demanda l'aide financière de son ancienne femme. Contacté, Bobby Fischer refusa alors d'aborder le sujet de son père[10]. En 1990, le champion américain vint en Europe et vécut plusieurs mois en Allemagne. Son père résidait à cette époque à Berlin mais Bobby Fischer ne le rencontra pas[11].

Enfance et études

Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, Regina vivait seule avec ses enfants. Elle changea souvent de résidence pour trouver un emploi et exerça plusieurs métiers, dont celui de soudeuse dans les chantiers navals de Portland dans l'Oregon[1]. En 1948, Regina, qui avait trouvé un emploi d'institutrice, et ses deux enfants déménagèrent d'abord dans le sud de Los Angeles, puis à Phoenix[1] et à Mobile dans l'Arizona[12], une ville isolée au milieu du désert. C'est la mère de Bobby qui s'occupait de son éducation et de celle de Joan, son aînée de six ans, ainsi que de sept autres enfants venus des ranchs alentour[12]. Les Fischer s'installèrent un an plus tard, au début de l'année 1949, à Manhattan dans New York puis, à l'automne 1950, à Brooklyn où Regina voulait terminer ses études de médecine à l'université de New York et obtenir un diplôme d'infirmière[13].

Regina Fischer inscrivit son fils à l'école juive de Brooklyn, avant de le retirer quelques semaines plus tard et l'inscrire à plusieurs écoles publiques différentes de Brooklyn. De 1952 à 1956, Fischer étudia à la Woodward Community School, une école de environ 150 élèves où il fut accepté grâce à son QI élevé de 180[14]. Dans cette école, il pouvait pratiquer les échecs et développa un intérêt dans le baseball[15]. Puis, en septembre 1956, il entra à Erasmus Hall High School (en), une école secondaire de Brooklyn avec plus de 5 000 élèves. Parmi les élèves de son institution (Erasmus Hall), figurait Barbra Streisand qui raconterait plus tard qu'elle le trouvait à la fois solitaire, un peu spécial mais très attirant[16],[17].

Débuts aux échecs (1949 à 1954)

Un jour de mars 1949, Joan, pour distraire son petit frère, lui acheta un Monopoly, un jacquet et un jeu d'échecs au bazar du coin[13]. Les deux enfants apprirent seuls les règles à l'aide du feuillet joint au jeu[18]. Ce n'était au début qu'un jeu comme les autres pour Bobby. Néanmoins, la lecture pendant les vacances d'été de 1949 d'un livre contenant des parties d'échecs commentées changea la donne[18]. Regina, sa mère, a raconté que lorsqu'il lisait ce livre, il était inutile d'essayer de lui adresser la parole[18]. Après les vacances, l'échiquier fut remisé pendant un an avant que Bobby Fischer ne réclame à sa mère de lui acheter un nouvel échiquier à l'automne 1950[19].

À l'automne 1950, la famille de Bobby quitta Manhattan pour s'installer à Brooklyn. En novembre, la mère de Bobby écrivit au responsable de la rubrique échecs du Brooklyn Eagle indiquant qu'elle cherchait des adversaires de son âge pour son fils de sept ans et demi[20] et, en janvier 1951, Hermann Helms (en) l'invita dans une lettre à prendre contact avec le secrétaire du club d'échecs de Brooklyn et d'amener Bobby Fischer à la bibliothèque publique de Brooklyn pour affronter Max Pavey (en) (qui avait été champion de l'État de New York) lors d'une séance de partie simultanée disputée le 18 janvier 1951. Bobby Fischer a raconté que sa défaite contre Pavey le motiva beaucoup[20]. Une semaine après, Regina inscrivit son fils au Brooklyn YMCA Chess and Checker Club et au club d'échecs pour adultes de Brooklyn. Il vint tous les vendredis soir au club de Brooklyn, dont il était le seul enfant parmi les membres, et y multiplia les parties[21]. Au début il perdait toutes ses parties.

Le président du club d'échecs de Brooklyn (fondé après la Guerre de sécession), Carmine Nigro, un musicien de profession, fut le premier professeur et entraîneur de Bobby Fischer de 1951 à 1955. Il ne faisait pas payer à la mère de Bobby Fischer les leçons d'accordéon ou d'échecs qu'il donnait à son fils[22]. Fischer disait que Nigro n'était peut-être pas le meilleur joueur du monde mais qu'il était un très bon professeur qui fut un facteur décisif dans ses progrès[23]. En 1966, dans sa chronique de la revue Boy's Life, Fischer écrivit qu'un des plus grands frissons de sa carrière fut de remporter le premier prix du championnat des enfants du YMCA (ou 1952), une médaille qu'il gagna grâce à sa victoire dans la partie qui l'opposait au fils de Carmine Nigro[21].

En juillet 1952, Fischer apparaît dans une photographie publiée par le Brooklyn Public Library News Bulletin. Fischer passait son temps après ses cours à étudier à la bibliothèque publique de la Grand Army Plaza à Brooklyn. À la fin de l'année, il commença à lire toutes les publications des bibliothèques portant sur les échecs[21]. Le week-end, Nigro emmenait Bobby Fischer disputer des parties en plein air au Washington Square Park dans Greenwich Village.

Fischer participa à son premier championnat du club de Brooklyn (pour adultes) avant d'avoir dix ans : en 1953, il finit cinquième du championnat du club[24],[25]. Au début, Fischer ne remportait aucun de ses tournois. Il finit troisième-cinquième ex æquo du championnat annuel du club de Brooklin 1954[26]-1955[27],[28] avant ses douze ans (décembre 1954[21]-février 1955). En juin 1954, Fischer put assister au match USA-URSS qui avait lieu à l'hôtel Roosevelt à Manhattan et voir les meilleurs joueurs soviétiques et américains.

Premiers tournois en dehors de Brooklyn (1955)

Au début 1955, le nom de Fischer apparut dans la revue Chess Review parmi les participants d'un tournoi d'échecs par correspondance. Son classement parmi les joueurs d'échecs par correspondance américains diminua progressivement, ce qui indique qu'il abandonnait le jeu par correspondance[29],[21].

Fin mai 1955, Fischer participa à son premier tournoi organisé par la fédération américaine. Il fut emmené par Carmine Nigro au championnat américain amateur à Lake Mohegan (en) (un hameau situé à cheval sur la ville de Yorktown et celle de Cortlandt, dans l'État de New York). Le championnat amateur, qui avait lieu pendant le week-end du Memorial Day, du 20 au 22 mai, est rapporté par le numéro du 5 juin 1955 de Chess Life et le numéro de juin de Chess Review. Il avait 75 participants et était ouvert à tous les joueurs non classés ou avec un classement inférieur à 2 300 points. Ce fut Carmine Nigro qui paya l'inscription de Fischer au tournoi et sa licence auprès de la fédération américaine. Fischer termina le tournoi au-delà de la trente-deuxième place[28].

En juillet 1955, Fischer partit en train pour Lincoln dans le Nebraska, seulement accompagné de Charles Kalme (1939-2002), pour disputer le championnat junior des États-Unis 1955. Il se classa 11e-21e ex æquo (vingtième au départage sur vingt-cinq participants) avec la moitié des points tandis que Kalme remportait le tournoi. Le championnat réunissait les joueurs de moins de 21 ans et Fischer reçut un prix comme plus jeune participant du tournoi (il était le seul joueur âgé de moins de 13 ans)[30]. À la différence de José Raúl Capablanca et Samuel Reshevsky qui affrontaient les meilleurs joueurs adultes lorsqu'ils avaient huit ans, Fischer ne fut donc pas un enfant prodige (il n'eut aucun résultat important avant ses treize ans). En revanche, ses progrès de tournoi en tournoi à partir de l'année 1956 furent très rapides.

Pendant l'été 1955 (fin juin[26] ou en août[31]), Bobby, n'ayant plus de rivaux dignes de ce nom dans le club de Brooklyn, s'inscrivit alors au club d'échecs de Manhattan qui était ouvert tous les soirs de la semaine[32]. Ill en devint le plus jeune membre[33] (le club n'accordait habituellement pas de carte de membre aux joueurs de moins de 18 ans)[31]. Le club de Manhattan était fréquenté par les meilleurs joueurs du pays et organisait le championnat des États-Unis depuis les années 1930[34].

En octobre 1955, le nom de Bobby Fischer apparut dans un article du New York Times relatant les résultats du tournoi du Washington Square disputé en plein air. Le titre de l'article disait : « Eastman vainqueur à Washington Square, un garçon de douze ans près des premiers ». Fischer avait terminé quinzième (le tournoi avait 66 participants)[35]. Il reçut un prix comme plus jeune joueur du tournoi[35]. En janvier 1956, il marqua 5 points sur 7 lors du championnat open du « grand New York » ((en) Greater New York Open[36]) et termina cinquième ex æquo (Fischer remporta le premier prix des joueurs de la classe B[note 2]).

Bobby Fischer, à La Havane en février 1956.

En 1956, Fischer fut enrôlé dans l'équipe du club d'échecs indépendant « Log Cabin », basé à West Orange. Avec ce club, il participa à une tournée de deux semaines en Floride et à La Havane en février-mars 1956 . Fischer disputa également le tournoi open du club l'année suivante, en février 1957.

Du championnat des États-Unis au championnat du monde (1956 à 1972)

Champion des États-Unis à quatorze ans (1956-1957)

En juin 1956, Bobby Fischer fit la connaissance de son deuxième entraîneur John William (Jack) Collins (le premier avait été Carmine Nigro). Il retrouvait Collins dans son appartement situé pas très loin du collège Erasmus Hall High School où Fischer allait entrer à la fin de l'été de 1956. Pendant les vacances d'été, le week-end du 4 juillet, Bobby devint, à sa deuxième tentative, le plus jeune vainqueur du championnat junior des États-Unis, ce qui constituait son premier réel succès (le tournoi avait lieu à Philadelphie). Puis, du 16 au 28 juillet, il s'essaya au championnat open adulte des États-Unis à Oklahoma City et se classa quatrième, ex æquo avec trois autres joueurs, sans perdre une partie. Au mois d'octobre, il fut invité au plus fort tournoi américain de l'année 1956 : le troisième trophée Rosenwald (Lessing Rosenwald était le sponsor de la fédération américaine). Il termina huitième avec moins de la moitié des points de ce tournoi remporté par Samuel Reshevsky. Sa victoire spectaculaire contre Donald Byrne lors de la huitième ronde fit le tour du monde (elle fut publiée par les revues soviétiques) et attira l'attention des journalistes sur Bobby Fischer. Lors des vacances de Thanksgiving, en novembre 1956, il termina deuxième ex æquo du championnat open des États de l'Est ((en) Eastern states open) à Washington, D.C. sans concéder la moindre défaite[37].

L'année suivante, les 9 et 10 mars 1957, pendant son quatorzième anniversaire, Fischer affronta l'ancien champion du monde Max Euwe dans un match exhibition en deux parties[38] ; Fischer perdit 0,5 à 1,5 (une partie nulle[39] et une défaite). Le 13 juin 1957, à New York, Samuel Reshevsky, le numéro un américain, disputa une partie simultanée à l'aveugle sur dix échiquiers au Club d'échecs de Manhattan. Reshevsky remporta six parties et en perdit quatre, dont une contre Fischer[40],[41].

En juillet, il conserva son titre de champion national junior en ne concédant qu'une partie nulle mais la fédération américaine décida d'envoyer William Lombardy au championnat du monde junior 1957 qui se tiendrait à Toronto[note 3]. En août 1957, Fischer réussit à conquérir le championnat open des États-Unis à Cleveland sans perdre une partie, devançant grâce à un meilleur départage le champion des États-Unis Arthur Bisguier ; puis il finit ses vacances scolaires en devenant le champion de l'État du New Jersey (fin août-début septembre) en ne concédant qu'une seule partie nulle (marquant 6,5 points sur 7)[42].

À la fin de l'année 1957, Fischer fut invité à participer au quatrième trophée Rosenwald organisé du 17 décembre au 8 janvier. Ce tournoi était également le championnat des États-Unis 1957-1958 et aussi le tournoi zonal qualificatif pour le tournoi interzonal, première étape dans la sélection du challenger pour le championnat du monde d'échecs. À quatorze ans, Bobby Fischer remporta le championnat national sans perdre une partie avec huit victoires et cinq nulles[43].

Grand maître à quinze ans (1958)

Fischer (à droite) avec William Lombardy (à gauche) et leur entraîneur Jack Collins.

La fédération américaine avait reçu en juillet 1957 une lettre de la section des échecs d'URSS qui invitait Fischer à visiter l'Union soviétique et qui proposait d'assurer les frais du séjour sur place (mais pas les voyages aller et retour). Pour collecter les fonds nécessaires au voyage à Moscou, Fischer apparut en 1958 dans l'émission de télévision J'ai un secret. En posant des questions, les participants du jeu devaient essayer de découvrir qu'il était le champion d'échecs des États-Unis. Fischer réussit à garder son secret et empocha un chèque. En juin-juillet 1958, accompagné de sa sœur, il séjourna pendant trois semaines dans le meilleur hôtel de Moscou[44] mais il fut très déçu car il voulait rencontrer les champions du monde Mikhaïl Botvinnik et Vassily Smyslov, ce qui n'était pas prévu. Seul le futur champion du monde Tigran Petrossian accepta de l'affronter dans quelques parties en blitz. En tant que champion des États-Unis, Fischer estimait avoir droit à plus de reconnaissance[45].

En janvier 1958, Bobby Fischer était devenu champion des États-Unis (adultes) à l'âge de 14 ans. Grâce à ce titre, il était qualifié pour participer au tournoi interzonal qui constitue l'étape suivante vers le titre de champion du monde. Le tournoi avait lieu à Portorož, en Yougoslavie, en août-septembre 1958 et, dans l'intervalle, Fischer fut invité par la fédération yougoslave à disputer deux matchs contre Matulović et Janošević. Cependant, personne n'était prêt à parier sur la qualification du jeune Fischer (les six premiers du tournoi interzonal étant qualifiés pour le tournoi des candidats). Ce fut donc une surprise lorsqu'il termina cinquième ex æquo de cette compétition[46]. Grâce à ce succès, il se vit conférer le titre de grand maître international (GMI) à la fin de l'année. Il avait quinze ans et demi ; ce record de précocité ne fut battu qu'en 1991 par Judit Polgár[note 4].

Arrêt des études à seize ans (1959)

En septembre 1958, Fischer effectua sa rentrée scolaire à Erasmus Hall, avec quelques jours de retard et l'établissement lui décerna un prix pour sa performance au tournoi interzonal. Un journaliste russe interviewa Fischer après son succès et remarqua qu'il avait une bibliothèque de 80 livres d'échecs dont plus de la moitié en russe. En décembre 1958-janvier 1959, Fischer remporta pour la deuxième fois le championnat des États-Unis[47],[48].

La sœur de Fischer, Joan Fischer (née en 1938), qui avait accompagné Bobby Fischer lors de son voyage en Europe, se maria en 1958 avec un ingénieur, Russell Targ.

En mars 1959, dès qu'il eut seize ans, Fischer quitta l'école secondaire[49]. Plus tard, il déclara que le moment qu'il préférait à l'école était la sonnerie qui indiquait la fin des cours[50]. Dans une interview donnée en août 1961[51], il dit : « On n'apprend rien à l'école. C'est juste une perte de temps. (…) Ils donnent trop de devoirs scolaires. On ne devrait pas avoir de devoirs à faire. Cela n'intéresse personne. Les professeurs sont stupides. Il ne devrait pas y avoir de femmes. Elles ne savent pas enseigner. Et on ne devrait obliger personne à aller à l'école. Si tu ne veux pas y aller, tu n'y vas pas, c'est tout. C'est ridicule. Je ne me souviens de rien que j'ai appris à l'école. (…) J'ai gaspillé deux années et demi à Erasmus High. Je n'ai rien aimé. Tu dois te mêler avec tous ces enfants stupides. Les professeurs sont même plus idiots que les enfants. Ils parlent de haut aux enfants. La moitié d'entre eux sont fous. S'ils m'avaient laissé choisir, je serais parti avant d'avoir eu seize ans[52]. » Cette interview fit beaucoup de tort à l'image de Fischer dans les médias lorsqu'elle parut en janvier 1962[53].

À partir de 1960, les relations entre Bobby et sa mère se dégradèrent. À seize ans, il avait quitté l'école contre l'avis de sa mère qui pensait qu'il consacrait trop de temps aux échecs. Regina Fischer s'était inscrite au Comité pour l'action non violente (CNVA), un mouvement pour la paix. Elle participa à une marche pour la paix de huit mois, prévue en décembre 1960, qui devait aller de San Francisco à Moscou. Elle rencontra un professeur d'anglais et partit s'installer avec lui en Angleterre[54]. Elle ne réapparut dans la vie de son fils qu'en 1972[55] et mourut en 1997[56].

Tournoi des candidats et tournois internationaux disputés en 1959

En avril 1959, libéré de l'école, Fischer partit en Argentine et au Chili pour disputer deux tournois. Il termina troisième ex æquo du tournoi de Mar del Plata et quatrième ex æquo à Santiago du Chili. Ces tournois furent remportés par Miguel Najdorf, Ludek Pachman (ex æquo) et Borislav Ivkov. Aucun joueur soviétique ne participait à ces tournois. Lors du tournoi de Zurich de mai 1959 (tournoi anniversaire du club de Zurich), il battit pour la première fois un joueur soviétique[57], le grand maître Paul Keres, et finit 3e ex æquo avec Keres derrière Mikhaïl Tal et Svetozar Gligorić.

En septembre et octobre, il prit comme secondant Bent Larsen[58] lors du tournoi des candidats au championnat du monde de Bled, Zagreb et Belgrade et termina premier joueur non soviétique à la cinquième place ex æquo avec Gligoric, derrière les quatre joueurs soviétiques Tal, Keres, Petrossian et Smyslov, mais devant Olafsson et Benko. Il marqua[59] :

  • 0 / 4 contre le futur champion du monde Tal ;
  • 1 / 4 contre le futur champion du monde Petrossian (+0 –2 =2) ;
  • 2 / 4 contre Keres (+2 –2 =0), Smyslov (+1 –1 =2) et Gligoric (+1 –1 =2) ;
  • 2,5 / 4 contre Olafsson (+2 –1 =1) ;
  • 3 / 4 contre Benko (+2 –0 =2).

À l'issue du tournoi des candidats et sur les conseils de Pal Benko, Bobby Fischer changea son apparence vestimentaire et, à partir du championnat des États-Unis 1959-1960, il n'apparut plus qu'en costume et cravate dans les tournois[60]. Il portait un soin particulier à ses vêtements. Tous ses costumes et ses chaussures étaient faits sur mesure en Europe ou en Argentine et il jugeait les gens qu'il rencontrait sur la façon dont ils s'habillaient[61].

Avant le championnat des États-Unis de décembre 1959-janvier 1960, Fischer commit son premier éclat. Le tirage au sort des appariements pour les parties du championnat, décidant dans quel ordre les joueurs s'affronteraient et qui jouerait avec pièces blanches lors de chaque ronde, avait lieu avant le début du tournoi. Il avait été effectué en privé alors qu'un règlement de la Fédération internationale des échecs stipulait qu'il devait avoir lieu en public. La fédération américaine reconnut son erreur et promit que les tirages au sort suivants auraient lieu en public mais Fischer refusa de défendre son titre si le tirage au sort n'était pas recommencé en public. La controverse fut relayée par le New York Times. Devant le refus de la fédération américaine, qui menaçait de le remplacer par un autre joueur. Fischer céda et défendit avec succès son titre de champion[61].

Premiers succès hors des États-Unis (1960-1961)

Bobby Fischer à l'olympiade de Leipzig en 1960.

En 1960, après son troisième titre de champion des États-Unis (1959-1960), Fischer remporta ses deux premiers tournois internationaux : Reykjavik (tournoi à trois joueurs) et, ex æquo avec Boris Spassky, le tournoi de Mar del Plata, au printemps[62].

À l'automne 1960, à l'olympiade de Leipzig, Fischer remporta la médaille de bronze individuelle au premier échiquier de l'équipe des États-Unis et la médaille d'argent par équipes. En janvier 1961, il gagna son quatrième titre de champion des États-Unis, toujours sans perdre de partie et avec deux points d'avance sur Lombardy et trois points d'avance sur Reshevsky. Pendant l'été (en juillet-août), il disputa un match contre l'ancien prodige américain Samuel Reshevsky. Initialement prévu en seize parties, le match fut interrompu sur un score d'égalité (+2 –2 =7) à la suite d'un désaccord : la douzième partie avait été avancée à onze heures le dimanche matin par la mécène et organisatrice du match, Jacqueline Piatigorsky. Opposé à cet aménagement, Fischer ne se présenta pas à la rencontre et fut déclaré perdant par forfait. Il refusa de disputer une treizième partie si la douzième n'était pas rejouée. Reshevsky fut déclaré vainqueur du match et Fischer poursuivit la fédération américaine devant le tribunal. L'affaire se termina par un non-lieu mais le scandale fut relayé dans les médias (presse, radio et télévision) et ternit l'image de Fischer[63].

En septembre 1961, Fischer marqua 3,5 points sur 4 contre les quatre joueurs soviétiques qui participaient au tournoi de Bled (Slovénie) : il battit pour la première fois Mikhaïl Tal, Tigran Petrossian et Efim Geller et annula contre Paul Keres. Seul l'ancien champion du monde (1960-1961) Tal le devança au tableau final. À la fin de l'année, Fischer ne participa pas au championnat de 1961-1962 mais resta en Europe pour se préparer au tournoi interzonal qui devait avoir lieu à Stockholm de janvier à mars 1962[64].

Coup d'arrêt à Curaçao (1962)

Mikhaïl Tal (assis à gauche) et Tigran Petrossian (debout à droite) au championnat d'Europe par équipes 1961.

En mars 1962, Fischer remporta le tournoi interzonal de Stockholm avec 17,5 points sur 22 et deux points et demi d'avance sur les Soviétiques Tigran Petrossian, Efim Geller et Viktor Kortchnoï. Fischer était le premier joueur à devancer les Soviétiques dans un tournoi majeur d'échecs depuis 1946[65]. En 1959, il avait déjà été, dès l'âge de 16 ans, candidat au titre mondial. À sa deuxième tentative au tournoi des candidats de mai et juin 1962, il n'eut pas la réussite escomptée. À Curaçao, il commença le tournoi par deux défaites et finit quatrième avec seulement 14 points sur 27. Il marqua[66] :

  • 1,5 / 4 contre le futur champion du monde Petrossian (+0 –1 =3), contre Geller (+1 –2 =1) et contre Kortchnoï (+1 –2 =1) ;
  • 2 / 4 contre Kérès (+1 –1 =2) ;
  • 2,5 / 4 contre Benko (+2 –1 =1) ;
  • 2 / 3 contre l'ancien champion du monde Tal (+1 –0 =2) qui, malade, avait abandonné lors du dernier tour du tournoi ;
  • 3 / 4 contre Filip (+2 –0 =2).

Après le tournoi, il dénonça la collusion entre les trois premiers du tournoi, Tigran Petrossian, Paul Keres et Efim Geller, qui auraient conclu de courtes parties nulles entre eux pour préserver leur énergie contre lui[note 5]. En 1965, la FIDE changea les règles du cycle de qualification en organisant des matches par élimination directe plutôt qu'un tournoi toutes rondes.

Premier retrait des compétitions internationales (1963 à 1965)

En août 1962, après son échec au tournoi des candidats, Fischer publia un article dans Sports Illustrated, où il accusait les Soviétiques de comploter pour conserver le titre de champion du monde et écarter les joueurs des autres nations. En 1963, il décida de ne pas participer à la coupe Piatigorsky qui avait lieu à Los Angeles en été — le tournoi fortement doté fut remporté par Petrossian et Keres. En 1964, il boycotta les compétitions internationales organisées par la Fédération internationale : tournoi interzonal et olympiade d'échecs de 1964. Pour gagner de l'argent, Fischer commença à animer une chronique dans le magazine américain Chess Life en 1963. La même année, il participa à quelques tournois open aux États-Unis qu'il remporta facilement[67]. Cependant le seul tournoi de haut niveau qu'il disputa entre février 1963 et août 1965 fut le championnat des États-Unis 1963-1964 qu'il remporta en marquant 100 % des points (ne concédant aucune partie nulle ni aucune défaite, 11 points marqués sur 11)[68]. Entre février et mai 1964, il effectua une tournée de parties simultanées qu'il faisait payer 250 dollars par séance[69]. De septembre à décembre 1964, Fischer donna des conférences au club d'échecs de Manhattan (Manhattan Chess Club). À la fin de l'année 1964, le championnat des États-Unis 1964-1965 n'eut pas lieu pour des raisons financières[70].

Retour avorté dans le circuit des tournois (1965 à 1968)

La Fédération internationale (FIDE) répondit aux accusations de Fischer en remplaçant le tournoi des candidats par des matchs éliminatoires. En août–septembre 1965, Fischer effectua son retour dans les tournois internationaux, disputant le tournoi mémorial Capablanca de La Havane. Les États-Unis avaient interdit à Fischer de se rendre à Cuba et il joua toutes ses parties par télex depuis New York[71]. Il termina deuxième du tournoi de La Havane remporté par l'ancien champion du monde Vassily Smyslov. Il marqua un point sur trois contre les trois joueurs soviétiques[72] (une victoire contre Smyslov et des défaites contre Geller et Kholmov). En 1966, il termina second, après Spassky, au tournoi de Santa Monica et marqua 1,5 point sur 4 (une défaite et trois parties nulles) contre les joueurs soviétiques finalistes du championnat du monde d'échecs 1966, Boris Spassky et Tigran Petrossian[73].

En 1967, après avoir remporté le championnat des États-Unis pour la huitième fois (du 11 décembre 1966 au ), Fischer revint en Europe et termina premier des tournois de Monaco (mars-avril) et de Skopje (août-septembre). Dans les deux tournois, il concéda encore la défaite contre Efim Geller[74]. En novembre 1967, il se retira du tournoi interzonal de qualification de Sousse en Tunisie, qu'il dominait largement (sept victoires et trois parties nulles après dix parties), parce qu'il refusait d'affronter consécutivement plusieurs joueurs soviétiques sans avoir de jour de repos et parce qu'il demandait à ne pas disputer de parties le samedi, pratiquant le sabbat selon les préceptes de l'Église universelle de Dieu (Radio Church of God, puis Worldwide Church of God) à laquelle il donnait 10 % de ses gains[75].

En 1968, brouillé par les conditions de son exclusion lors du tournoi interzonal de 1967, Fischer ne participa qu'à deux tournois (Netanya en Israël et Vinkovci en Croatie).

Deuxième arrêt des compétitions (1968-1969)

En octobre 1968, Fischer refusa de participer à l'olympiade de Lugano car les conditions de jeu (bruit et éclairage) ne lui convenaient pas. La même année, il quitta New York et déménagea à Los Angeles.

En 1969, l'éditeur Simon et Schuster publia le recueil de parties de Fischer My 60 Memorable Games, mais celui-ci ne disputa aucune compétition[76]. En novembre 1969, Bobby Fischer refusa de participer au championnat américain de 1969. Le championnat, qui était un tournoi zonal, fut remporté par Samuel Reshevsky (huitième titre) devant William Addison et Pal Benko. Les trois premiers étaient qualifiés pour tournoi interzonal de 1970, première étape du cycle des candidats pour le championnat du monde 1972.

La conquête du championnat du monde (1970 à 1972)

Bobby Fischer lors du match URSS - Reste du monde de 1970 à Belgrade.
Feuille de la partie Fischer-Najdorf disputée à l'olympiade de Siegen en 1970.

En mars 1970, Fischer revint à la compétition pour disputer le match URSS - Reste du monde qui avait lieu à Belgrade. Il accepta de jouer au deuxième échiquier[note 6] et battit l'ancien champion du monde Tigran Petrossian : 3-1 (+2 –0 =2). Il enchaîna en remportant le tournoi blitz de Herceg Novi (devant Mikhaïl Tal, Viktor Kortchnoï et Tigran Petrossian), puis le tournoi de Rovinj–Zagreb (tournoi de la paix) et celui de Buenos Aires, devançant à chaque fois largement tous ses adversaires.

À la fin de l'année, Fischer, qui n'avait pas disputé le championnat des États-Unis de 1969 qualificatif pour le championnat du monde, fut repêché grâce au désistement volontaire de dernière minute de son compatriote Pal Benko, pour disputer le tournoi de qualification interzonal de Palma de Majorque qui se tenait du 9 novembre au 12 décembre[77]. Après un très bon départ (5,5 points sur 6 possibles), il subit une petite baisse de régime : deux nulles, puis une défaite contre le Danois Bent Larsen lors de la neuvième ronde, suivies de deux parties nulles. Mais Fischer se ressaisit sur la fin en remportant ses sept dernières parties (dont l'ultime par forfait) pour gagner le tournoi avec 3,5 points d'avance sur ses plus proches poursuivants. Dans ce tournoi, il renouvela sa performance du tournoi de Bled 1961 en marquant 3,5 points sur 4 contre les quatre participants soviétiques de l'interzonal[78] : seul Polougaïevski parvint à annuler sa partie tandis que Smyslov, Geller et Taïmanov perdirent contre Fischer.

Bobby Fischer en 1972.

Par la suite, au cours des matchs éliminatoires pour le Championnat du monde (le « tournoi des candidats »), le champion américain écrasa le Soviétique Mark Taïmanov par le score de 6 à 0 au mois de mai 1971 à Vancouver au Canada, puis écrasa le Danois Bent Larsen sur le même score de 6 à 0, malgré la conviction du maître danois de sa victoire, en juillet 1971, à Denver aux États-Unis. Le dernier match de qualification l'opposa à l'ancien champion du monde Tigran Petrossian, joueur réputé pour sa solidité en défense, à Buenos Aires au mois de septembre 1971[79]. Après un début de match équilibré (une défaite de chaque côté et trois parties nulles), Fischer aligna quatre victoires et vainquit l'ancien champion du monde par 6,5 à 2,5. Avant de perdre la deuxième partie du match contre Petrossian, Fischer avait établi une série de 20 victoires consécutives (dont une par forfait) contre des GMI (sans aucune partie nulle) en parties officielles, un record inégalé à ce niveau.

À l'issue d'un match mémorable en Islande, surnommé le « match du siècle »[note 1], qui tint le public en haleine, autant pour les parties que pour les péripéties hors compétition (menace de Fischer de ne pas participer, son forfait à la deuxième partie, ses exigences sur le placement des caméras ou l'absence de contact avec le public, etc.), il devint champion du monde à l'été 1972, en battant le Russe Boris Spassky, champion du monde sortant qu'il n'avait jamais vaincu auparavant. Ce succès, largement médiatisé, mit temporairement fin à 24 ans d'hégémonie soviétique sur le monde des échecs, et fut un tournant dans la compétition entre les États-Unis et l'URSS en pleine guerre froide.

Avec 2 785 « points Elo » au classement de la Fédération internationale des échecs de juillet 1972[80], Fischer devint le joueur qui avait atteint le classement Elo le plus élevé de l'histoire avant l'arrivée de Garry Kasparov dans les années 1980[81].

Réclusion et exil (1973 à 2008)

Fischer et l'Église universelle de Dieu

Bobby Fischer à Amsterdam en 1972.

En 1972-1973, Bobby Fischer fit don d'un tiers[82] de l'argent gagné à Reykjavik à l'Église universelle de Dieu (Worldwide Church of God)[83]. Bien qu'il ne fût pas un membre de ce mouvement religieux, car il avait refusé d'être baptisé, il vécut dans un appartement loué à un prix modeste par cette communauté. Il refusait de suivre les préceptes et interdits de l'Église universelle qu'il trouvait ridicules. Cependant, il bénéficia de ses largesses : un jet privé, une limousine avec chauffeur, des invitations à des dîners et des billets de concerts. Un ancien champion d'haltérophilie, membre du mouvement, Harry Sneider, lui fit suivre un entraînement en natation, haltérophilie, football et tennis[83]. En août 1973, le gestionnaire financier et conseiller de l'Église universelle de Dieu, Stanley Rader, organisa une conférence de presse où Bobby Fischer était présent. Rader déclara que Fischer annoncerait bientôt son retour sur l'échiquier mais qu'il refuserait toute offre pour disputer un match avec un montant inférieur à un million de dollars. Il affirma qu'ils étaient « en train d'organiser une série de simultanées et de matchs pour l'année prochaine ». Fischer répondit brièvement à une question lui demandant ce qu'il avait fait pendant la dernière année : « J'ai lu des livres, je me suis entretenu et ai regardé quelques parties, ce genre de choses. » Il avait accès à la bibliothèque de l'Église qui contenait des livres sur la religion et la théologie. En 1973, il déménagea à Los Angeles pour fuir les journalistes.

Fischer s'éloigna progressivement de l'Église universelle de Dieu. Son fondateur, Herbert W. Armstrong, avait prédit qu'une Troisième Guerre mondiale détruirait les États-Unis en 1972 et que ses membres trouveraient un refuge dans la ville de Pétra en Jordanie[82]. Il avait annoncé le retour du Messie pour 1972[84] ou 1975[85]. Fischer fit part publiquement de ses critiques envers l'Église universelle, déclarant dans une interview : « La vraie preuve pour moi furent ces (fausses) prophéties… qui me montrent qu'il (Armstrong) est un inqualifiable bonimenteur… Je me suis dit : cela ne semble pas juste, j'ai donné tout mon argent. Tout le monde me disait pendant des années (que 1972 serait une année où l'Église universelle serait un lieu sûr) et maintenant il sous-entend ne l'avoir jamais dit, alors que je me rappelle l'avoir entendu dire des centaines de fois. […] En aucun cas, il ne pourrait être le vrai prophète de Dieu. Ou Dieu est un masochiste et aime être ridiculisé, ou Herbert Armstrong est un faux prophète »[84].

Perte du titre mondial (1973-1975)

En 1973 et 1974, Fischer refusa les nombreuses offres de contrats qui lui étaient faites[86] :

  • enregistrer des disques sur la façon de jouer aux échecs, pour un million de dollars américains[87] ;
  • disputer un match contre Spassky à Las Vegas pour un million de dollars ou au Texas pour 1,5 million de dollar ;
  • écrire un livre sur le championnat du monde pour une « petite fortune » ;
  • réaliser une série de films qui auraient été diffusés dans le monde entier ;
  • réaliser divers spots de publicité (par exemple, une marque de soda lui proposa plus d'un million de dollars[88]).

L'offre la plus intéressante, qui parvint en 1974, provenait du gouvernement zaïrois et proposait cinq millions de dollars américains pour organiser un championnat du monde contre Anatoli Karpov pendant un mois dans ce pays. Bobby Fischer refusa sous prétexte que le match aurait été trop court et que le double du montant proposé avait été dépensé en une seule nuit lors de la venue de Mohamed Ali pour son match contre George Foreman. Parmi toutes les propositions, Fischer n'accepta qu'une seule offre : pour vingt mille dollars, en 1973, il accepta de faire une apparition en tant qu'invité d'honneur au premier tournoi international des Philippines où ses dépenses furent payées ; il résida pendant un mois dans un hôtel près de Manille.

Pendant vingt ans, Fischer ne disputa plus aucune partie officielle (tournoi ou match) après qu'il eut conquis ce titre mondial. En avril 1975, il perdit son titre par forfait pour avoir refusé les conditions du match dont le but était de remettre son titre en jeu contre son adversaire désigné, le jeune Soviétique Anatoli Karpov (contre qui il n'a jamais disputé la moindre partie). Fischer voulait que le titre revînt au premier joueur remportant dix parties, mais la discussion achoppa car Fischer proposait une clause qui stipulait qu'en cas d'égalité à 9 partout, le champion du monde conserverait son titre.

En 1976 et 1977, des négociations furent entreprises par Karpov et la fédération soviétique pour organiser un match contre Fischer indépendamment de la fédération internationale. Les tractations échouèrent car Fischer voulait que le match soit appelé « match pour le championnat du monde professionnel », à quoi s'opposaient les Soviétiques. Sur le point de signer un accord partiel qui reporterait à plus tard la question du nom, Fischer déclara à Florencio Campomanes, le président de la fédération des Philippines (et futur président de la Fédération internationale), qui était présent lors des négociations : « Je ne peux pas le faire en plusieurs fois. C'est tout maintenant ou rien du tout[89]. »

Anatoli Karpov a résumé son impression dans une interview[90] : « Oui, je l’ai rencontré [Bobby Fischer] à trois reprises : au Japon, en Espagne et à Washington. Nos relations étaient très bonnes mais je pense que c’est Florencio Campomanes qui le poussait à jouer le match. En ce qui me concerne, je voyais bien, après nos discussions, que [Fischer] n’avait pas trop envie de jouer. »

Anti-christianisme et antisémitisme

En 1961, Bobby Fischer, à dix-huit ans, avait donné une interview au journaliste Ralph Ginzburg (l'interview avait été faite en août 1961 à New York et publiée en janvier 1962 dans Harper's Magazine). Il dit au journaliste : « J'ai lu un livre de Nietzsche récemment et il dit que la religion est juste là pour émousser les facultés des gens. Je suis d'accord[61]. » Dans la même interview, le journaliste lui demanda s'il était correct de conjecturer que beaucoup des joueurs au plus haut niveau sont juifs[91]. Fischer lui répondit : « Oui, il y a beaucoup trop de juifs dans le jeu d'échecs. Ils semblent avoir enlevé sa classe au jeu. Ils ne s'habillent pas bien, vous savez. C'est ce que je n'aime pas[61]. » À la question suivante (« Vous êtes juif ? »), il répond qu'il est en partie juif (« Part Jewish. My mother is Jewish. »)[61].

En 1973, parmi les nombreux livres que Fischer acheta dans une librairie de Los Angeles figurait Les Protocoles des sages de Sion. Il le lut, puis l'envoya à ses amis. Il écrivit dans une lettre à Pal Benko[92] : « J'ai étudié attentivement Les Protocoles des sages de Sion. Je pense que ceux qui les dénoncent comme un faux, une contrefaçon, un canular, soit se trompent, soit les ignorent ou pourraient bien être des hypocrites. »

Lorsque Fischer remarqua que Stanley Rader et d'autres responsables de l'Église universelle étaient des juifs convertis[83], il devint antichrétien[93] et rejeta l'Ancien et le Nouveau Testaments. Bobby Fischer lut Nature's Eternal Religion, un livre raciste, antichrétien et antisémite publié en 1973 par Ben Klassen, le fondateur de l'Église du créateur (Church of the Creator). Fischer écrivit dans une lettre à Jack Collins[94] : « Le livre montre que le christianisme n'est qu'un canular des juifs et un outil de plus des juifs dans leur conquête du monde. »

Il envoya à Collins un autre livre qu'il avait trouvé : Secret World Governement (1926) du comte Arthur Cherep-Spiridovich (1867-1926). Ce livre offrait la théorie d'une conspiration mondiale menée par les juifs et les accusait d'être des satanistes[93].

Dans une conférence de presse donnée en 1992, Fischer déclara[95] : « Le communisme soviétique est à la base un masque pour le bolchévisme qui est un masque pour le judaïsme. » Niant être un antisémite, il répondait que les arabes étaient des sémites et qu'il n'était pas anti-arabe[95].

Retraite et réclusion (1975 à 1989)

En 1975, après avoir renoncé au titre de champion du monde, Fischer fit une croisière de deux mois autour du monde[96]. Pour ne pas être reconnu, il avait laissé pousser sa barbe ; il cessa par la suite de se couper les cheveux. De retour en Californie, il habita dans un appartement appartenant à des amis de l'Église universelle : Arthur et Claudia Mokarow. Claudia Mokarow lui servait de tampon et d'intermédiaire avec les journalistes qu'il évitait à tout prix. Fischer passait ses journées à lire des livres qui s'entassaient dans son appartement de Pasadena, à faire de l'exercice physique (des randonnées ou de la natation) et à étudier les échecs. Sa mère - qui vivait en Allemagne de l'Est - lui envoyait toutes les publications soviétiques sur les échecs.

À la fin des années 1970, Fischer avait épuisé l'argent reçu pour le match de 1972, il ne vivait plus que des droits d'auteur pour ses livres (environ 6 000 dollars américains par an[97]) et du chèque que la sécurité sociale envoyait chaque mois à l'adresse de sa mère qui vivait alors en dehors des États-Unis. Son loyer devenant trop cher, il changea deux fois de logement.

À partir de 1977, Fischer refusa de payer des impôts[98]. Il était en conflit avec un journaliste, Brad Darrach, auteur de Bobby Fischer vs. the Rest of the World. Darrach avait signé un contrat qui l'autorisait à écrire des articles mais pas un livre. Dans une des conférences de presse de 1992, Fischer déclara[99] :

« J'ai poursuivi une société appelée Time Incorporated. (…) J'ai passé deux ans au tribunal, (dépensé) beaucoup d'argent, beaucoup de mon temps. C'était à la cour fédérale. Puis le juge a dit « Vous n'avez pas d'affaire à juger. » (…) Donc je considère que le gouvernement des États-Unis et Time Incorporated ont engagé une conspiration criminelle pour me voler des centaines de millions de dollars, ce qui est la raison pour laquelle je n'ai pas déclaré mes revenus ni payé mes impôts au gouvernement fédéral et à l'État de Californie depuis 1976... plutôt depuis 1977. »

Craignant que le KGB ou le Mossad ne voulût l'empoisonner, il amenait toujours avec lui une valise contenant divers contre-poisons lorsqu'il mangeait dans un restaurant[100].

En 1982, Fischer publia un pamphlet intitulé I Was Tortured in the Pasadena Jailhouse! (J'ai été torturé dans les geôles de Pasadena !). Dans ce livre, il racontait les deux nuits qu'il avait passées en mai 1981 dans une prison, soupçonné dans un cambriolage de banque et refusant de donner son nom.

Les seules parties de Fischer publiées de 1973 à 1991 furent trois parties disputées en 1977 contre un ordinateur du MIT[101]. Il ne joua aucune partie en public[97].

Depuis 1975 et l'abandon de son titre, sa personnalité bascula dans une paranoïa grandissante, notamment contre les juifs et les États-Unis qu'il accusait de comploter contre lui[102]. Dans un de ses articles, Steve A. Furman a attribué le comportement de Bobby Fischer à une forme d'autisme, le syndrome d'Asperger[103], mais le joueur d'échecs et psychiatre islandais Magnus Skulason, qui connaissait le joueur, n'est pas d'accord avec ce diagnostic[104]. Au cours d'une audience du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le Dr Louis Morissette cita Fischer comme exemple de « schizophrénie paranoïde »[105].

Match revanche contre Spassky (1992)

Boris Spassky en 1989.

Depuis 1972, Boris Spassky restait en contact avec Bobby Fischer. En 1976, Spassky avait épousé une diplomate française et s'était installé à Paris. Dans les années 1980, il jouait au premier échiquier de l'équipe de France lors des compétitions internationales par équipes. En 1988, lors d'un match de la Bundesliga (le championnat d'Allemagne par équipes), il rencontra Petra Sadler. Pensant que Fischer serait intéressé par elle, Spassky donna l'adresse du champion américain à la jeune femme, lui suggérant d'écrire à Fischer et de lui envoyer une photo. À la surprise de Sadler, Fischer lui téléphona et l'invita en Californie. Après un séjour de quelques semaines à Los Angeles, elle retourna en Allemagne. Fischer, qui était appauvri, ne put payer l'avion pour partir avec elle[11].

En 1990, Boris Spassky prit contact avec Fischer et l'informa que Bessel Kok était intéressé par l'organisation d'un match revanche Fischer-Spassky. Ce fut l'homme d'affaires qui paya le voyage et les frais du séjour des deux joueurs à Bruxelles. Le prix offert par Kok pour le match (2,5 millions de dollars américains) ne satisfaisait pas Fischer et les joueurs se séparèrent. Spassky retourna à Paris et Fischer, qui avait reçu de l'argent de Kok, partit en Allemagne où il retrouva Petra Sadler. Pendant un an, il vécut dans des hôtels, changeant continuellement d'emplacement pour éviter les journalistes qui le traquaient. Repéré par un journaliste du magazine Stern, Fischer retourna à Los Angeles.

En juillet 1992, Bobby Fischer, qui avait disparu complètement du monde échiquéen, réapparut pour annoncer un match revanche contre Spassky, 101e joueur mondial à ce moment-là. En 1991, le champion américain avait été contacté par une jeune joueuse hongroise de 17 ans, Zita Rajcsanyi, qui vint le voir à Los Angeles et découvrit son dénuement. De retour en Europe, elle utilisa les relations de son père, diplomate et membre de la FIDE et trouva un organisateur qui pourrait apporter 5 millions de dollars : Janos Kubat. Il avait avec lui le président de la Banque de Yougoslavie, Jedzimir Vasiljevic, un ami de Slobodan Milosevic.

Le match, disputé du au 5 novembre 1992 à Sveti Stefan sur la côte dalmate et à Belgrade, fut qualifié abusivement de « championnat du monde » par les organisateurs et par Fischer, ce dernier prétextant ne jamais avoir perdu son titre de 1972 sur l'échiquier. Ce match se tint en Yougoslavie alors en pleine guerre civile et sous embargo des États-Unis. Fischer remporta de nouveau le duel, 10 victoires à 5 et 15 parties nulles, et empocha 3,35 millions de dollars[106]. Le perdant, Spassky, reçut 1,65 million de dollars. L'opinion des experts sur le match était que le meilleur joueur avait gagné mais que les deux joueurs vivaient toujours « dans l'époque romantique de 1972[107] ». Youri Averbakh écrivit : « Le Fischer d'aujourd'hui n'a clairement pas le niveau du Fischer de 1972. Il est inférieur dans l'exploitation de l'initiative, dans la concentration, la contre-attaque et finalement en technique[108]. » Garry Kasparov déclara[109] : « Dieu est redescendu sur Terre. » Néanmoins la première et la onzième parties du match furent classées respectivement quatrième et troisième meilleures parties par l'Informateur d'échecs, no 56[110].

Si, grâce à sa victoire, Fischer avait gagné plus de trois millions de dollars, il dut payer un lourd tribut : il fut alors poursuivi dans son propre pays pour violation de l'embargo et fraude fiscale ; il lui fut impossible de retourner aux États-Unis car il y risquait une peine de dix ans d'emprisonnement. Après le match, Fischer voulut épouser Zita Rajcsanyi mais elle rompit avec lui.

En Hongrie (1993 à 1999)

Poursuivi par les États-Unis depuis 1992, Fischer séjourna plus ou moins clandestinement dans divers pays, aidé par des sympathisants. Il résida à Budapest de 1993 jusqu'en janvier 2000. Il vivait dans un hôtel où il lisait des publications négationnistes[111] et préparait des livres : un pamphlet sur la manière dont les divers éditeurs l'avaient volé[112] et un livre anti-américain où il exposerait sa haine des juifs[113]. Résidant en Hongrie, il visita l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse (pour renouveler son passeport et voir son banquier), le Japon (pour des raisons commerciales), les Philippines et l'Argentine (pour promouvoir les échecs aléatoires Fischer Random)[114].

Fischer se brouilla avec László Polgár et sa famille (les sœurs Polgar) car ils avaient accepté de donner une partie simultanée à l'ambassade des États-Unis, son propre pays qui le poursuivait[115].

La mère de Fischer, Regina Fischer, mourut en juillet 1997 et sa sœur Joan en 1998, d'un infarctus[56]. Fischer ne put assister aux deux enterrements qui avaient lieu aux États-Unis[56].

Fischer fut remarqué notamment pour des déclarations antisémites très controversées. En janvier 1999, il déclarait à la radio, dans sa première interview depuis le match de 1992 : « Comme l'écrivait Adolf Hitler dans Mein Kampf, les Juifs ne sont pas les victimes, ce sont les agresseurs[116] ! »

Japon et Philippines (2000 à 2003)

En janvier 2000, Fischer quitta Budapest pour le Japon. Il arriva à Tokyo avec un permis de séjour de trois mois, sur l'invitation de la présidente de la fédération japonaise, Miyoko Watai (en). Il l'avait rencontrée pour la première fois lors d'un voyage au Japon en 1973. Âgée de deux ans de moins que lui et championne du Japon féminine dans les années 1970, elle était une admiratrice du champion américain et l'hébergea.

De 2000 à 2003, Fischer effectua quinze allers et retours entre le Japon et les Philippines. Il eut une liaison avec une jeune Philippine d'origine chinoise, Justine Ong, qui changea son nom en Marilyn Young. Quelques mois plus tard, elle lui annonça qu'elle était enceinte et mit le nom de Bobby Fischer comme père sur l'acte de naissance de l'enfant, ce que Fischer accepta même s'il n'était pas certain d'être le père de la fille qu'elle avait appelée Jinky Young[117].

Depuis le Japon, Fischer fit quelques brèves apparitions médiatiques. En , on apprenait qu'il avait été arrêté pendant dix-huit jours pour des accusations de drogue « inventées de toutes pièces ». Le 11 septembre 2001, quelques heures après les attentats de New York et Washington, interrogé par Pablo Mercado, il s'emporta sur les ondes de Radio Bombo aux Philippines[118] :

« C'est une formidable nouvelle, il est temps que ces putains de Juifs se fassent casser la tête. Il est temps d'en finir avec les États-Unis une bonne fois pour toutes. […] Je dis : mort aux États-Unis ! Que les États-Unis aillent se faire foutre ! Que les Juifs aillent se faire foutre ! Les Juifs sont des criminels. […] Ce sont les pires menteurs et salauds ! On récolte ce qu'on a semé. Ils ont enfin ce qu'ils méritent. C'est un jour merveilleux[102]. »

Arrestation au Japon (2004)

En 1997, Fischer avait fait renouveler son passeport jusqu'en 2007. En , du fait de ses nombreux allers et retours entre les Philippines et le Japon, il dut faire ajouter des pages à son passeport. Fischer en fit la demande à l'ambassade des États-Unis à Berne en Suisse car il ne pouvait pas y être arrêté[119]. Six semaines plus tard, en , le ministère de la Justice américain lui envoya une lettre à son hôtel de Berne indiquant qu'une révocation de son passeport était en cours. Fischer ne reçut pas l'avertissement car il était reparti au Japon où il vivait depuis 2000.

Le 13 juillet 2004, alors qu'il tentait de s'envoler pour Manille, Fischer fut arrêté à l'aéroport de Tokyo-Narita[120] parce que son passeport américain avait été annulé à son insu ; il fut placé pendant neuf mois dans le centre de détention pour étrangers d'Ushiku (département d'Ibaraki) au nord-est de Tokyo dans l’attente de son extradition. C'est pendant son séjour en prison qu'il reçut la visite de son garde du corps, Saemi Pàlsson, dont il n’avait pas eu de nouvelles depuis 22 ans[121].

En , Miyoko Watai (en), la présidente de la Fédération japonaise d'échecs (en) avec laquelle il vivait, accepta de l'épouser pour annihiler la procédure d'extradition[122],[123].

Citoyenneté islandaise (2005)

En décembre 2004, Bobby Fischer demanda l'asile politique à l'Islande[124], lieu de la conquête de son titre de champion du monde. Il obtint la citoyenneté islandaise le 22 février 2005[125] et put rejoindre ce pays le [126]. Le Département d'État américain se déclara déçu. Sa femme, Miyoko Watai, qui avait lancé une campagne internationale de soutien, accompagna Fischer en Islande.

Dernières années à Reykjavik (2006 à 2008)

Tombe de Fischer à Laugardælir (Islande).

Par principe, suivant les enseignements de l'Église universelle de Dieu, Fischer refusait de prendre des médicaments. En , lorsque ses problèmes urinaires commencèrent à être douloureux, il refusa de suivre une dialyse pour nettoyer son sang[127].

Il mourut en Islande le [128] à 64 ans[129], des suites de son insuffisance rénale. Il fut remarqué à l'époque qu'il vécut autant d'années qu'un échiquier compte de cases.

À sa mort, l'ancien champion du monde Garry Kasparov déclara que « Fischer peut tout simplement être considéré comme le fondateur des échecs professionnels et sa domination, bien que de très courte durée, a fait de lui le plus grand de tous les temps[102] ».

Héritage et exhumation (2010-2011)

En , plus d'un an après la mort de Fischer, fut procédé à l'exhumation de son corps pour un test d'ADN. Celui-ci montra qu'il n'était pas le père biologique de Jinky Young, la fille qu'il avait reconnue aux Philippines[130].

En , une cour islandaise reconnut la validité du mariage de Fischer et de Miyoko Watai, qui hérita en conséquence de plus de deux millions de dollars aux dépens des neveux de Fischer (les enfants que sa sœur Joan Fischer avait eus avec Russell Tang).

Il est cité dans l'affaire des Panama Papers en avril 2016[131].

Palmarès

Premières parties

La plus ancienne partie de Fischer qui a été transcrite et conservée est une partie amicale contre Dan Meyers disputée vers janvier 1953. On connaît aussi deux parties amicales gagnées par Fischer en 1954 et notées par son adversaire Jacob Altusky[21].

Parmi les parties de Bobby Fischer disputées en tournoi ou match par équipe (parties amicales ou parties d'entraînement exclues) qui ont été publiées, seulement une partie par correspondance, quinze parties « classiques » complètes, ainsi que quelques ouvertures de parties, datent des débuts de Bobby Fischer jusqu'au championnat junior de juillet 1956 :

  • une seule partie (défaite) de Fischer jouée par correspondance, dont le résultat fut annoncé dans le numéro d'août 1955 de Chess Review, a été retrouvée (Bobby Fischer abandonna cette partie contre Anthony Conger au douzième coup dans une position difficile)[21] ;
  • une partie du championnat amateur de mai 1955 (6 rondes) face à Albert B. Humphrey contre lequel Fischer fit nulle dans la sixième ronde (le 22 mai)[25]. Selon Karsten Müller, les comptes-rendus du championnat amateur de 1955 ne donnent aucune mention des résultats de Fischer dans le tournoi[132]. Son score est inconnu de Frank Brady[26] mais il indique que Fischer finit le tournoi avec un score faible (« a minus score », moins de 3 points sur 6[133]. Wade et O'Connell indiquent que Fischer finit au-delà de la 32e place sur 75 participants (on sait également que la partie contre Stanford Greene se ternina par la nulle)[134] ;
  • six parties du championnat junior américain disputé du 15 au 24 juillet 1955 (10 rondes, la table du tournoi est connue)[135] : quatre furent publiées dans le bulletin du tournoi, puis deux apparurent ultérieurement (la dernière partie connue fut publiée en 2016, on connaît aussi les sept premiers coups — l'ouverture — d'une autre partie)[136] ;
  • aucune partie du championnat du Grand New York (Greater New York Open) de janvier 1956 (7 rondes) n'a été conservée mais la table du tournoi a été retrouvée en 2010 avec les noms de tous les adversaires de Fischer ainsi que les résultats des parties[137] (on connaît aussi toutes ces informations pour les championnats juniors de 1955 et 1956 ainsi que pour le championnat amateur de mai 1956) ;
  • deux parties de matchs par équipes lors de la tournée de Fischer avec son club de « Log Cabin », du 18 février au 2 mars 1956 sont publiées dans le livre de John Donaldson (une partie jouée contre le Cubain Juan Florido à La Havane, l'autre disputée contre Albert Jenkins à Clinton en Caroline du Nord)[138] ;
  • aucune partie du Tournoi des réserves A[note 2] du Manhattan Chess Club disputé en avril 1956 (10 rondes) n'a été retrouvée mais Aben Rudy, qui finit premier ex æquo avec Fischer, se souvient des premiers coups de l'ouverture de leurs deux parties qui se terminèrent par la nulle[139] ;
  • trois parties du championnat amateur américain disputé du 25 au 27 mai 1956 (6 rondes) : pendant longtemps seule la défaite face à Edmund Nash lors la cinquième ronde était connue, mais deux autres parties sont apparues et une partie non publiée se trouve dans une collection privée[140] ;
  • trois parties du championnat junior américain disputé du 1er au 7 juillet 1956 (10 rondes)[141].

Le premier tournoi de Fischer dont on a conservé toutes ses parties est le championnat open des États-Unis de 1956 disputé du 17 au 28 juillet 1956 (12 rondes).

Les premières parties de Fischer publiées dans la presse furent :

  • la victoire en 24 coups contre Dale Ruth lors du championnat open des États-Unis de 1956, publiée par Isaac Kashdan dans le numéro du 5 août du Los Angeles Times[142] ;
  • la victoire en 19 coups contre Peter Lapiken lors du championnat open des États-Unis de 1956, parue dans le numéro du 5 août de Chess Life et reprise dans le numéro de septembre de Chess Review[21] ;
  • la victoire en 29 coups contre Carl Grossguth lors du championnat des États-Unis junior de 1956, parue dans le numéro du 20 août 1956 de Chess Life[141].

1953 à janvier 1958 : premières compétitions

Palmarès 1953-janvier 1958
Année Vainqueur Autres tournois
1953 Championnat du club d'échecs de Brooklyn (5e)[21]
1955 (décembre 1954 - février 1955)[143],[note 7]
Championnat du club d'échecs de Brooklyn[27] (3e-5e),[28]
Tournoi par correspondance Chess Review, section 55-P-32 : 1 / 6
(début 1955, tournoi remporté par S. Frankel : 5,5 /6)
Championnat amateur des États-Unis : score négatif (moins de 3 / 6)
(21-22 mai, Lake Mohegan, tournoi à 6 rondes avec 75 joueurs)
(victoire de Clinton L. Parmalee)[note 8]
Tournoi de juin du Washington Square Park (15e ex æquo) : 4,5 / 8[25]
(New York, tournoi à huit rondes et 32 joueurs[note 9])
Tournois des groupes C et B[note 10],[note 2] du
club d'échecs de Manhattan[144] (New York)

(26 novembre) Simultanée[note 11]
au club de Yorktown Heights : 12 / 12
Championnat des États-Unis junior (11e-21e)[note 12] : 5 / 10 (+2 −2 =6)
(juillet, Lincoln (Nebraska), 25 joueurs, victoire de Kalme[145] : 9 / 10)
Tournoi d'automne[note 13] du Washington Square Park (15e)[146]
(New York, seconde manifestation) : 4,5 / 8 (+2 −1 =5)[28],[note 14]
(tournoi de plein air, 66 joueurs[147],[148], victoire de
Charles Eastman devant Joe Livingston et Charles Becker[149])
1956 (février-mars, Floride et La Havane)
Matchs avec l'équipe de West Orange
contre des équipes locales : 5,5 / 6[note 15]
Simultanée à La Havane[36]
(26 février) : 11 / 12 (+10 =2)[note 16]
Simultanée à Jersey City
(29 mars) : 19,5 / 21[21],[36] (+19 -1 =1)[150]

Tournoi des réserves A[note 2] du Manhattan Chess Club[151]
(avril, ex æquo[36] avec Aben Rudy[133]) : 7,5[152] / 10[note 17]

(avril-mai) Tournoi d'équipes métropolitaines
de New York, Ligue A[36],[153] : 4,5 / 5 (+4 =1)
(dans l'équipe des Réserves A de Manhattan[note 2])

Championnat open du Grand New York (5e-7e) : 5 / 7 (+5 −2 =0)
(20-26 janvier, 52 joueurs, victoire de Lombardy et Mengarini[note 18]
(Fischer remporte le 1er prix[154] des joueurs de la classe B[note 2].)







Championnat amateur des États-Unis (11e-23e) : 4 / 6 (+3 −1 =2)
(25-27 mai, Asbury Park, 88 joueurs, victoire de John Hudson
au départage devant Harry Lyman et J. N. Cotter[155],[156])
(Fischer remporte le 1er prix des joueurs de la classe B[note 2],[157])

Championnat des États-Unis junior (Philadelphie)
(1-7 juillet[158]) : 8,5 / 10 (+8 −1 =1)



(septembre) Simultanée à Montréal[159] : 18,5 / 19


(novembre) Simultanée à Long Island : 11,5 / 12

Championnat rapid transit du club de Manhattan
(décembre, tournoi blitz, 10 s par coup) : 10/10[160]

Championnat de blitz junior des États-Unis[146] (2e de la finale) : 4 / 5
(Philadelphie, 4 juillet, victoire de Feuerstein, 3e : Lombardy)
Championnat open des États-Unis (4e-8e) : 8,5 / 12 (+5 =7)
(Oklahoma City, 16-28 juillet, victoire de Bisguier et Sherwin[161])
Championnat open du Canada[162] (8e-12e) : 7 / 10 (+6 −2 =2)
(Montréal, 25-août-2 sept., victoire de Evans et Lombardy[163])
Troisième trophée Rosenwald (8e-9e) : 4,5 / 11 (+2 −4 =5)
(New York, 7-24 octobre, victoire de Reshevsky devant Bisguier[164]

Tournoi open des États de l'Est (2e-5e) : 5,5 / 7 (+4 =3[note 19])
(Washington, D.C., 23-25 novembre, 56 joueurs,
victoire de Berliner devant Feuerstein, Lombardy et Rossolimo[note 20])

1957 Tournoi de consolation du championnat[25]
du Manhattan Chess Club
(mars-avril, ex æquo avec Aben Rudy)[165]
Ligue métropolitaine[166] : 5 / 5
(mai-juin 1957, tournoi par équipes[note 21])
Championnat du Manhattan Chess Club 1956-1957
Quatrième de la demi-finale (section 2)[note 22] : 2,5 / 5 (+2 −2 =1)
(New York, 6 joueurs, victoire de Max Pavey[167])
(décembre 1956- février 1957)
Open de Log Cabin (West Orange)[note 23] (6e-11e) : 4 / 6 (+4 −2 =0)
(22-24 février[168], 61 joueurs, victoire de Wanetick au départage
devant Feuerstein, Santasiere, Green et Fuster)
(New York) Match contre Max Euwe : 0,5–1,5 (+0 −1 =1)
(match exhibition, 9-10 mars 1957[169])
Open Log Cabin rapide 50-50 : 4 / 5 (+3, =2, 31 mars, 50 min)
Open New Western (Milwaukee) (6e-12e) : 6 / 8 (+5 −1 =2)
(4-7 juillet, 122 joueurs, tournoi remporté par D. Byrne et Evans
devant Berliner, Popel et Tautvesis[170])
Championnat des États-Unis junior
(San Francisco, 8-14 juillet 1957[171]) : 8,5 / 9
Championnat de blitz junior américain[172] (San Francisco)
Championnat open des États-Unis : 10 / 12 (+8 =4)
(Cleveland, août, 1er au départage devant Bisguier[173])
(Fischer gagna par forfait lors de la 1re ronde)
Championnat open de l'État du New Jersey : 6,5 / 7
(East Orange, 30 août-2 septembre, 81 joueurs[174])
(New York, août-septembre) Match d'entraînement
contre le Dr Beninson : 3,5 - 1,5[175] (+2 =3)[176]

Match contre Cardoso : 6–2 (+5 −1 =2)
(New York, match exhibition, 6-26 septembre[177])

Open Central-nord (Milwaukee) (6e-16e) : 5 / 7 (+4 −1 =2)
(29 novembre-1er décembre 1957, 93 joueurs[178])
(victoire de Popel et Kalme devant D. Byrne, Sedalczek et Brasker)
Championnat des États-Unis : 10,5 / 13 (+8 =5)
(17 décembre 1957 - 7 janvier 1958[179])

1958 à 1962 : premiers tournois en Europe et en Amérique du Sud

Au printemps 1959, à seize ans, Fischer quitta l'école et se consacra entièrement à sa carrière de joueur d'échecs.

Après sa défaite contre Max Euwe lors d'un match exhibition disputé en 1957, les seules compétitions où Fischer termina avec un score « négatif » (plus de défaites que de victoires) furent le tournoi des candidats de 1959 (12,5 points sur 28 et 0 à 4 contre Mikhaïl Tal) et le tournoi international de Buenos Aires 1960 où il finit treizième-seizième ex æquo parmi les vingt participants avec 8,5 points sur 19.

Palmarès juillet 1958-décembre 1962
Année Vainqueur ou ex æquo Deuxième à treizième
1958 (Belgrade) Matchs de préparation (juillet 1958)
Match contre Janošević[180] (12-13 juillet) : 1–1 (0-0, =2)
Match contre Matulovic[181] : 2,5–1,5 (+2 −1 =1)
(Belgrade, 18-26 juillet)[182],[183]
New York (tournoi blitz) : 13 / 15 (+12 −1 =2)
(ex æquo avec Mednis)
Championnat des États-Unis 1958-1959 : 8,5 / 11 (+6 =5)
Tournoi interzonal (5e-6e) : 12 / 20 (+6 −2 =12)
(Portoroz, victoire de Tal devant Gligoric)
(5 août-10 septembre)
1959 Championnat des États-Unis 1959-1960 : 9 / 11 (+7 =4) Tournoi de Mar del Plata (3e-4e) : 10 / 14 (+8 −2 =4)
(victoire de Najdorf et Pachman devant Ivkov[184])
Santiago du Chili (4e-6e) : 7,5 / 12 (+7 −4 =1)
(victoire de Ivkov et Pachman devant Pilnik[185])
Zurich (3e-4e) : 10,5 / 15 (+8 −2 =5)
(victoire de Tal devant Gligoric et Keres[186])
Tournoi des candidats (Yougoslavie) (5e-6e)
(Bled-Zagreb-Belgrade) : 12,5 / 28 (+8 −11 =9)
(victoire de Tal devant Keres, Petrossian et Smyslov)
1960 Mar del Plata : 13,5 / 15 (+13 −1 =1)
(mars-avril, ex æquo avec Spassky[187])
Buenos Aires (13e-16e) : 8,5 / 19 (+3 −5 =11)
(victoire de Kortchnoï et Reshevsky devant Szabo[188]
Reykjavik : 3,5 / 4 (devant Johannsson et Olafsson[189])
(tournoi à deux tours et trois joueurs)
(Berlin-Ouest[190]) Match Berlin - États-unis,
victoire contre Darga : 1-0
(Londres) Partie exhibition en consultation[note 24]
contre Penrose et Clarke : ½-½ (nulle)[191]
(partie commentée radiodiffusée par la BBC en 1961)
Olympiade de Leipzig (3e) : 13 / 18 (8 / 11 en finale)
(médaille de bronze au premier échiquier, +10 −2 =6)
(médaille d'or remportée par Robatsch devant Tal)
Championnat des États-Unis 1960-1961 : 9 / 11 (+7 =4)
1961 (juillet-août, New York-Los Angeles[192])
Match contre Reshevsky : 5,5–5,5 (+2 −2 =7)
Tournoi de Bled (2e) : 13,5 / 19 (+8 =11)
(septembre-octobre, victoire de Tal)[193]
1962 Tournoi interzonal (Stockholm) : 17,5 / 22 (+13 =9)
(janvier-mars 1962)
(Copenhague, été 1962) Partie exhibition par radio[194]
contre Larsen (1-0)
(Varsovie) Match États-Unis-Pologne
(septembre[195] ou octobre[196] 1962, victoire contre Silwa)
Championnat des États-Unis 1962-1963 : 8 / 11 (+6 −1 =4)
Tournoi des Candidats (4e) : 14 / 27 (+8 −7 =12)
(Curaçao, mai-juin)
(victoire de Petrossian devant Keres et Geller)
Olympiade de Varna (8e) : 11 / 17 (5,5 / 11 en finale)
(médaille d'or remportée par Olafsson)
(16 septembre-9 octobre)

1963 à 1968

Après 1962, Fischer termina premier ou deuxième de toutes les compétitions auxquelles il participa. En 1963, Fischer boycotta la coupe Piatigorsky disputée en juillet à Los Angeles. En 1964, il effectua une tournée de simultanées aux États-Unis et refusa de participer à l'interzonal d'Amsterdam et à l'olympiade de Tel Aviv. En 1968, Fischer refusa de participer à l'olympiade de Lugano et au championnat des États-Unis. En 1969, il publia son recueil de parties et fut absent des compétitions dont le championnat des États-Unis. En octobre 1967, Fischer se retira de l'interzonal de Sousse après seulement dix parties[197] (+7 =3) (tournoi remporté par Larsen).

Palmarès 1963-1968
Année Seul vainqueur Autres compétitions
1963 (4-7 juillet) Western Open[note 25] de Bay City : 7,5 / 8
Open de l'État de New York (Poughkeepsie) : 7 / 7
(30 août-2 septembre)
1963-
1964
Championnat des États-Unis : 11 / 11
1964 États-Unis et Canada : tournée de simultanées :
94 % des points et plus de 2 000 parties
disputées de février à mai 1964[198]
Pas de championnat américain disputé fin 1964
1965
décembre 1965[note 26] :
Championnat des États-Unis : 8,5 / 11 (+8 −2 =1)
La Havane (2e-4e) : 15 / 21 (+12 −3 =6)
(par télex depuis New York[199])
(tournoi remporté par Smyslov devant Geller et Ivkov[200])
1966 décembre 1966 :
Championnat des États-Unis : 9,5 / 11 (+8 =3)
Santa Monica (2e) : 11 / 18 (+7 −3 =8)
(Coupe Piatigorsky, victoire de Spassky[201])
Olympiade de La Havane (2e) : 15 / 17 (+14 −1 =2)
(médaille d'or remportée par Petrossian)
1967 Monaco (mars-avril) : 7 / 9 (6 −1 =2)
(devant Smyslov, Geller, Larsen et Gligoric[202])
Manille (partie simultanée à la pendule[203]) : 7,5 / 8
Skopje (août-septembre) : 14,5 / 18 (+13 −2 =3)
(devant Geller, Matulovic et Kholmov[204])
Sousse (tournoi interzonal) : 8,5 / 10 (+ 7 =3)
(octobre-novembre, Fischer abandonne
le tournoi après 10 rondes)
1968 Netanya (juin-juillet) : 11,5 / 13 (+10 =3)
Vinkovci (septembre) : 11 / 13 (+9 =4)
(devant Hort, Gheorghiu et Ivkov[188])
(New York) Partie contre Saidy : 1-0
(ligue métropolitaine, novembre 1968[note 27])

1970 à 1972 et 1992 : l'ascension vers le championnat du monde

Palmarès 1970-1972 et 1992
Année Seul vainqueur Autres compétitions
1970 (Belgrade) Match URSS - Reste du monde[205]
(29 mars-4 avril)
Match contre Petrossian (2e échiquier) : 3-1 (+2 −0 =2)
Herceg Novi (tournoi de blitz[note 28]) : 19 / 22 (+17 −1 =4)

Rovinj-Zagreb (avril-mai) : 13 / 17 (+10 −1 =6)
(11e tournoi de la paix)
(devant Hort, Gligoric, Smyslov, Kortchnoï et Petrossian[206])

Buenos Aires (juillet-août) : 15 / 17 (+13 =4)
(devant Toukmakov, Panno, Gheorghiu,
Najdorf, Reshevsky, Smyslov et Mecking[207])

(Siegen[208]) Partie exhibition contre Ulf Andersson : 1-0


Tournoi interzonal (octobre-novembre)
(Palma de Majorque[209]) : 18,5 / 23 (+15 −1 =7)
(dont une partie gagnée par forfait)

(septembre 1970)
Olympiade de Siegen (2e) : 10 / 13 (+8 −1 =4)
(médaille d'or remportée par Spassky)
1971 Tournoi des candidats :
(Vancouver) Quart de finale contre Taïmanov (6-0),
(Denver) Demi-finale des candidats contre Larsen (6-0)
(Buenos Aires) Finale contre Petrossian : 6,5–2,5 (+5 −1 =3)
(New York[210]) Tournoi de blitz du Manhattan Chess Club
(remporté devant Soltis et R. Byrne) : 21,5 / 22
1972 Championnat du monde contre Spassky
(Reykjavik) : 12,5-8,5 (+7 −3 =11)
(dont une partie perdue par forfait)
1992 Match d'entraînement contre Gligoric à Sveti Stefan : 7,5-2,5 (+6 −1 =3)[211]
Match revanche contre Spassky à Sveti Stefan et Belgrade : 17,5 - 12,5 (+10 −5 =15)

Championnats des États-Unis (1957 à 1967)

Lorsque Fischer commença sa carrière, il n'y avait pas eu de championnat des États-Unis organisé depuis juin 1954. En 1956, il termina 4e-8e du championnat open des États-Unis, puis 8e-9e (+2 =5 -4) du troisième trophée Rosenwald qui rassemblait les meilleurs joueurs américains mais ne comptait pas encore comme championnat des États-Unis[37]. L'année suivante, il remporta le championnat open des États-Unis 1957 devant le champion des États-Unis en titre, Arthur Bisguier, puis le quatrième trophée Lessing-Rosenwald (1957-1958) organisé à New York, qui compta comme championnat des États-Unis[43].

En 1957, ainsi que lors des éditions suivantes, à chaque fois que Fischer participa au championnat, il gagna le titre avec au moins un point d'avance sur le deuxième (c'est-à-dire avec une différence du nombre de victoires par rapport au nombre de défaites de deux de plus que les autres participants). En 1956, Fischer avait perdu contre le champion des États-Unis de 1954, Arthur Bisguier, à la première ronde du trophée Rosenwald de 1956 ; par la suite il annula leur partie au championnat open de 1957, puis il remporta les treize parties qu'ils disputèrent[212].

Résultats aux championnats des États-Unis (tous gagnés par Fischer)[213]
Année Score et pourcentage Deuxième et troisième Principaux adversaires battus Parties perdues
1957-1958 10,5 / 13 (+8 =5) 81 % 2e : Reshevsky (9,5 / 13) ;
3e : Sherwin
Sherwin, Lombardy,
Mednis, Bisguier
1958-1959 8,5 / 11 (+6 =5) 77 % 2e : Reshevsky (7,5 / 11) ;
3e : Sherwin
Reshevsky, Sherwin,
Bisguier, Mednis
1959-1960 9 / 11 (+7 =4) 82 % 2e : R. Byrne (8 / 11) ;
3e : Reshevsky
Benko, Bisguier, Mednis
1960-1961 9 / 11 (+7 =4) 82 % 2e : Lombardy (7 / 11) ;
3e : Weinstein
Lombardy, Weinstein,
Bisguier, Sherwin
1961-1962 En 1961, Fischer rencontra Reshevsky dans un match terminé par l'égalité.
Fischer ne participa pas au championnat 1961-1962 qui fut remporté par Larry Evans[note 29].
1962-1963 8 / 11 (+6 =4 -1) 73 % 2e : Bisguier (7 / 11) ;
3e : Addison, Evans et Reshevsky
Bisguier, Addison,
Reshevsky, Sherwin
Edmar Mednis[note 30]
1963-1964 11 / 11 (+11 =0) 100 % 2e : Evans (7 / 11) ;
3e : Benko
Evans, Benko, Saidy, Reshevsky,
R. Byrne, Bisguier, Addison, Mednis
Aucun championnat des États-Unis ne fut disputé en 1964-1965.
1965
(décembre)
8,5 / 11 (+8 =1 -2) 77 % 2e-3e : R. Byrne et Reshevsky (7,5 / 11) Benko, Evans, Bisguier Robert Byrne,
Samuel Reshevsky
1966
(décembre)
9,5 / 11 (+8 =3) 86 % 2e : Evans (7,5 / 11) ;
3e : Benko et Sherwin
Benko, Sherwin, Bisguier,
Reshevsky (9e), D. Byrne
Total 74 / 90 61 victoires, 26 nulles et trois défaites

En 1962, lors de la première ronde du championnat de 1962-1963, Bobby Fischer subit sa première défaite en championnat depuis 1957 contre Edmar Mednis. Avant la dernière ronde, Bisguier et Fischer restaient à égalité avec 7 points sur 10 ; cependant les deux joueurs ne s'étaient pas encore rencontrés. En dernière ronde, Bisguier gâcha une position prometteuse, perdant la partie et le titre de champion des États-Unis[214].

En 1963-1964, Bobby Fischer remporta toutes ses parties[215] ; en 1965, il en perdit deux[216].

Après sa huitième victoire en 1966[217], Fischer considéra que le nombre de participants et de rondes au championnat des États-Unis ou l'argent proposé au vainqueur étaient insuffisants et cessa de participer au championnat[218].

Tournois internationaux individuels (1956 à 1970)

La liste ne comprend pas les championnats opens des États-Unis de 1956 et 1957 où Fischer ne rencontra que des joueurs affiliés à la fédération américaine.

Résultats dans les tournois internationaux
Année Lieu(x) Pays Tournoi Classement Score Victoires Nulles Défaites Vainqueur(s)
1956 Montréal Canada Championnat open
du Canada
8e-12e 7 / 10 6 2 2 Evans et
Lombardy
1958 Portorož Yougoslavie Tournoi interzonal 5e-6e 12 / 20 6 12 2 Tal
1959 Mar del Plata Argentine 3e-4e 10 / 14 8 4 2 Najdorf et
Pachman
Santiago Chili 4e-6e 7,5 / 12 7 1 4 Ivkov et
Pachman
Zurich Suisse Tournoi jubilé 3e-4e 10,5 / 15 8 5 2 Tal
Bled, Zagreb,
Belgrade
Yougoslavie Tournoi des candidats 5e-6e 12,5 / 28 8 9 11 Tal
1960 Mar del Plata Argentine Covainqueur 13,5 / 15 13 1 1 Spassky
et Fischer
Buenos Aires Argentine 13e-16e 8,5 / 19 3 11 9 Korcthnoï et
Reshevsky
Reykjavik Islande Tournoi à 3 joueurs Vainqueur 3,5 / 4 3 1 0 Fischer
1961 Bled Yougoslavie Deuxième 13,5 / 19 8 11 0 Tal
1962 Stockholm Suède Tournoi interzonal Vainqueur 17,5 / 22 13 9 0 Fischer
Curaçao Pays-Bas (Antilles) Tournoi des candidats 4e 14 / 27 8 12 7 Petrossian
1965 La Havane Cuba Mémorial Capablanca 2e-4e 15 / 21 12 6 3 Smyslov
1966 Santa Monica États-Unis Coupe Piatigorsky Deuxième 11 / 18 7 8 3 Spassky
1967 Monte-Carlo Monaco Vainqueur 7 / 9 6 2 1 Fischer
Skopje Yougoslavie Vainqueur 14,5 / 18 13 3 2 Fischer
Sousse Tunisie Tournoi interzonal Se retire
du tournoi
8,5 / 10 7 3 0 Larsen
1968 Netanya Israël Vainqueur 11,5 / 13 10 3 0 Fischer
Vinkovci Yougoslavie 11 / 13 9 4 0
1970 Herceg Novi Yougoslavie Tournoi de blitz 19 / 22 17 4 1
Rovinj-Zagreb Yougoslavie Tournoi de la paix 13 / 17 10 6 1
Buenos Aires Argentine 15 / 17 13 4 0
Palma Espagne Tournoi interzonal 18,5 / 23 15 7 1

Olympiades d'échecs

Fischer face à Mikhaïl Tal lors de l'olympiade de 1960.

Aux olympiades, Fischer a gagné deux médailles d'argent (en 1966 et 1970) et une médaille de bronze (en 1960) individuelles et deux médailles d'argent par équipes (en 1960 et 1966).

Ses affrontements contre le premier échiquier de l'équipe d'URSS étaient à chaque fois l'attraction des olympiades :

  • en 1960, il affrontait le nouveau champion du monde Mikhaïl Tal ; la partie fut une nulle très disputée ;
  • en 1962, contre le Soviétique Mikhaïl Botvinnik, il gagne un pion dès l'ouverture (défense Grünfeld), mais la victoire lui échappe au cours de l'ajournement[note 31]. Cette partie est la seule que Fischer joua jamais contre Botvinnik. Les analyses de Fischer occupent 14 pages dans son ouvrage Mes 60 meilleures parties. Une armée d'analystes soviétiques s'est escrimée à prouver que Botvinnik tenait la nulle dans toutes les variantes d'une position très complexe (finale Tours et pions).
  • en 1966, le champion du monde Tigran Petrossian se défila et laissa jouer Boris Spassky à sa place. La partie se termina par la nulle ;
  • en 1970, Fischer rencontrait à nouveau Boris Spassky qui était devenu champion du monde en 1969 ; Fischer utilisa une nouvelle fois la défense Grünfeld avec les Noirs et il perdit la partie.
Résultats aux olympiades d'échecs[219]
Année Lieu Classement
individuel
Score Classement
de l'équipe
des États-Unis
Notes Parties perdues
1960 Leipzig médaille
de bronze
13 / 18
(+10 −2 =6)
Deuxième Médaille d'or remportée par Robatsch
devant Tal. Reshevsky était absent.
C. Muñoz (Équateur)
S. Gligoric (Yougoslavie)
1962 Varna huitième 11 / 17
(+8 −3 =6)
Quatrième Médaille d'or remportée par Olafsson
devant Penrose.
Reshevsky et Lombardy étaient absents.
Fischer marqua 5,5 sur 6 lors des préliminaires
mais ne marqua que 5,5 sur 11 en finale.
V. Ciocâltea (Roumanie)
J. Donner (Pays-Bas)
S. Gligoric (Yougoslavie)
En 1964, Fischer boycotta l'olympiade de Tel-Aviv. Sans Fischer, les États-Unis terminèrent sixième.
1966 La Havane médaille
d'argent
15 / 17
(+14 −1 =2)
Deuxième Médaille d'or remportée par Petrossian
Reshevsky et Lombardy étaient absents.
Fischer et Spassky firent match nul.
F. Gheorghiu (Roumanie)
En 1968, Fischer boycotta l'olympiade de Lugano. Sans Fischer, les États-Unis terminèrent quatrième.
1970 Siegen médaille
d'argent
10 / 13
(+8 −1 =4)
Quatrième Médaille d'or remportée par Spassky.
Reshevsky, Evans, Benko, Lombardy
et Mednis complétaient l'équipe américaine.
B. Spassky (URSS)

Matchs

Résultats des matchs
Année Adversaire Lieu(x) Match Gains Nulles Défaites Résultat Marque
1957Max EuweNew YorkMatch exhibition en deux parties011Match perdu0,5–1,5
Dan Jacobo BeninsonNew YorkMatch d'entraînement230[176]Victoire3,5–1,5[220]
Rodolfo CardosoNew York521Victoire6–2
1958Dragoljub JanoševićBelgradeMatch d'entraînement020Égalité1–1
1958Milan MatulovićBelgrade211Victoire2,5–1,5
1961Samuel ReshevskyNew York et
Los Angeles
Match en 16 parties272Match arrêté5,5–5,5
1970Tigran PetrossianBelgradeMatch URSS - Reste du monde220Victoire3–1
1971Mark TaïmanovVancouverQuart de finale des candidats6006–0
Bent LarsenDenverDemi-finale des candidats6006–0
Tigran PetrosianBuenos AiresFinale des candidats5316,5–2,5
1972Boris SpasskyReykjavikChampionnat du monde7113[note 32]12,5–8,5
1992Svetozar GligorićSveti StefanMatch d'entraînement6317,5–2,5
Boris SpasskySveti Stefan
et Belgrade
Match revanche non officiel1015510–5

Compétitions blitz et rapides

Bobby Fischer interviewé à Belgrade en 1970.

Le 17 juillet 1955, Fischer finit troisième du tournoi préliminaire, groupe B, du Championnat rapid transit junior des États-Unis avec 3 points sur 5 (+3 −2) à Lincoln[146], tournoi de blitz (moins de 10s par coup) remporté par Robert Cross[221] devant Ronald Gross[222]. En juillet 1956, il finit à la deuxième place du championnat rapid transit junior avec 4 points sur 5 (victoire de Feuerstein). L'année suivante, il remporta le titre de champion junior rapid transit en juillet 1957.

En 1956 et 1957, Fischer disputa les tournois rapides 50-50 de Log Cabin à West Orange (chaque joueur disposait de 50 minutes pour disputer la partie). Si son résultat en 1956 est inconnu (cinq rondes)[223], on sait que le 31 mars 1957, il marqua 4 points sur 5 (+3 =2, , classement inconnu)[224],[146].

Fin 1956, 1958 et 1971 il gagna le championnat rapid transit (blitz) du club d'échecs de Manhattan.

Résultats contre les meilleurs joueurs des années 1950 et 1960

Le score global de Fischer dans les parties à cadence normale (les parties en blitz ne sont pas comptées) contre les meilleurs joueurs soviétiques et occidentaux fut le suivant[225] (les joueurs sont classés selon le nombre de parties disputées contre Fischer) :

  • 31 / 45 (+17 –11 =28) contre Boris Spassky, y compris la partie perdue par forfait en 1972
(+0 –3 =2 avant le match de 1972)
(+7 –3 =11 lors du match de 1972)
(+10 –5 =15 lors du match de 1992)
  • 15,5 / 27 (+8 –4 =15) contre Tigran Petrossian (dont quatre victoires consécutives en 1971)
(+3 –3 =12 avant le match de 1971)
(+5 –1 =3 lors du match de 1971)
(+2 –2 =7 lors du match de 1961)
  • 11,5 / 18 (+8 –3 =7) contre Pal Benko
  • 9 / 16 (+6 –4 =6) contre Svetozar Gligorić avant 1990
    (dont cinq victoires consécutives de 1966 à 1970)
(+1 –4 =6 avant 1966)
(+6 –1 =3 dans un match d'entraînement en 1992)
(+4 –2 =1 avant le match de 1971)
(6-0 lors du match de 1971)
(+5 –1 =2 lors du match de 1957)
(+2 –1 =1 lors d'un match en 1958[note 33])
(deux nulles lors d'un match d'entrainement en 1958 et une défaite en 1967)

Ainsi, Mikhaïl Tal et Efim Geller furent les adversaires les plus difficiles pour Fischer. Boris Spassky était aussi un adversaire qu'il respectait : avant le match de 1972, Spassky avait un score de trois victoires, deux parties nulles et aucune défaite contre lui.

Un retour aux échecs sur Internet ? (2001)

Le , le joueur britannique Nigel Short, numéro 1 anglais, annonçait dans l'édition dominicale du Daily Telegraph avoir joué, depuis un an, de nombreuses parties sur la plate-forme de parties d'échecs en ligne de l'Internet Chess Club (ICC) contre un mystérieux joueur, utilisant le pseudonyme de Fischer et les avoir très majoritairement perdues. Nigel Short faisait part de sa « certitude, à 99 % », après analyse des parties, que son adversaire était bel et bien Bobby Fischer, estimant que le joueur d'échecs avait montré à cette occasion qu'il était probablement « plus fort en parties rapides que Garry Kasparov »[226]. Plusieurs analystes se sont alors penchés sur les parties de Fischer sur l'ICC, et leurs conclusions sont divisées. Si certains estiment qu'il aurait pu effectivement s'agir de Bobby Fischer, d'autres rejettent catégoriquement l'hypothèse, arguant que certains coups ne semblent pas du tout correspondre au style de jeu du joueur américain. Le niveau de jeu élevé de « Fischer » pourrait provenir de l'assistance d'un ordinateur[226].

Interrogé en janvier 2002 par la radio, Bobby Fischer a infirmé publiquement l'hypothèse qu'il aurait joué aux échecs sur internet[227],[note 34].

Fischer rappelait dans ses interviews qu'il ne jouait plus que des parties en échecs aléatoires Fischer (Fischer Random Chess) : « The Old chess is dead. » (les vieux échecs sont morts)

Style échiquéen

Quelques avis éclairés

Bobby Fischer définissait son style comme « éclectique »[228], alors qu'il est souvent qualifié de joueur au style classique[229] par opposition à Emanuel Lasker, Aaron Nimzowitsch ou Mikhaïl Tal.

Fischer est renommé pour son sens aigu d'analyse des variantes, comme l'atteste son texte (quasiment dépourvu de toute appréciation verbale) dans son livre Mes 60 meilleures parties. Selon Carlos Almarza-Mato[230], cette force tactique était l'arme principale de Fischer. Mais Anthony Saidy a écrit[231] qu'« une partie de Fischer est une construction logique où les moments tactiques découlent naturellement d'une stratégie exacte ». Saidy a ajouté[232] que Fischer « traitait rationnellement le milieu de jeu, un peu dans le style de Capablanca jeune, et ses attaques étincelantes étaient celles d'un Alekhine ». Selon Carlos Almarza-Mato[233], le style de Fischer est « dynamique » avant tout. Selon John Nunn, le maître-mot caractérisant le style de Fischer est le pragmatisme : chercher la meilleure chance de succès avant tout, quel que soit le type de position auquel cela mène[234].

Exemples de fins de parties

Cet article utilise la notation algébrique pour décrire des coups du jeu d'échecs.

abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
Position avant 19. Tf6!! (Fischer - Pal Benko, New York, 1963)

Le diagramme de gauche montre un exemple des « coups de tonnerre dans un ciel serein » dont Fischer était coutumier : dans cette partie contre Pal Benko du Championnat des États-Unis de 1963, à New York, il joua :
19. Tf6!! (pour bloquer le pion f7 des Noirs ; si 19...Fxf6, le mat est inévitable après 20. e5). La partie se poursuivit par : 19...Rg8 20. e5 h6 21. Ce2 1-0.

abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
Fischer-Taïmanov, Vancouver, 1971

Dans la partie Fischer - Mark Taïmanov (diagramme de droite) lors du match des Candidats au Championnat du Monde à Vancouver en 1971, durant la 2e partie :

Dans cette position très simplifiée, Fischer continua à jouer pour le gain, et l'obtint. Taïmanov, qui semblait croire la partie nulle déjà acquise, joua 81...Re4?, à quoi Ficher répliqua par 82. Fc8! (si 82...Cf3, alors 83. Fb7+ et si 82...Cd3, alors 83...Ff5+, et les Noirs ne peuvent plus empêcher que le pion blanc parvienne en h5).

Il suivit : 82...Rf4 83. h4 Cf3 84. h5 Cg5 85. Ff5 Cf3 86. h6 Cg5 87. Rg6 Cf3 88. h7 Ce5+ 89. Rf6 1-0. Fischer était toujours prêt à jouer des heures et des heures de plus pour arriver au gain plutôt qu'à la partie nulle[235].

Quelques parties remarquables

Cet article utilise la notation algébrique pour décrire des coups du jeu d'échecs.

Donald Byrne - Fischer, New York 1956

Lors de cette partie disputée à New York en octobre 1956 lors du trophée Rosenwald, le plus fort tournoi disputé aux États-Unis cette année-là, Fischer, âgé de seulement treize ans (et déjà champion des États-Unis junior), bat avec les Noirs l'américain Donald Byrne, à l'époque non titré mais classé quatrième plus fort joueur des États-Unis au début du tournoi. La partie, conduite dans un style d'attaque spectaculaire[236] reçut l'un des deux prix de beauté décernés à l'issue du tournoi.

Un lutteur acharné avec les Noirs

Les parties suivantes montrent la prédilection de Fischer, avec les Noirs, pour la défense est-indienne et la défense Grünfeld[237], soit deux ouvertures tendues où les Noirs jouent pour la contre-attaque.

Ces deux lignes de jeu impliquent un important travail préparatoire, ce en quoi Fischer excellait : il jouait peu d'ouvertures, mais il les connaissait à fond[238]. Il en va de même pour sa défense de prédilection face à 1. e4 : la « variante du pion empoisonné » de la sicilienne Najdorf[239]. Cette ligne de jeu entraîne une lutte à couteaux tirés, où la moindre inexactitude peut être synonyme de défaite[240].

René Letelier - Fischer, Leipzig 1960

Dans la partie suivante, Fischer, après avoir donné la qualité, sacrifie sa dame pour obtenir une attaque de mat forcée.

René Letelier - Bobby Fischer
Olympiade d'échecs de 1960, Leipzig Défense est-indienne[241] :
1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 0-0!? 5. e5?! Ce8 6. f4 d6 7. Fe3 c5! 8. dxc5 Cc6 9. cxd6? exd6 10. Ce4?! Ff5! 11. Cg3?! Fe6 12. Cf3 Dc7 13. Db1 dxe5 14. f5 e4! 15. fxe6 exf3 16. gxf3 f5! 17. f4 Cf6 18. Fe2 Tfe8 19. Rf2 Txe6 20. Te1 Tae8 21. Ff3? Txe3! 22. Txe3 Txe3 23. Rxe3 Df4+! 24. abandon 0-1 (24. Rxf4 est impossible car le roi blanc est mat après Fh6, et Fischer avait analysé la suite : 24. Rf2 Cg4+ 25. Rg2 Ce3+ 26. Rf2 Cd4 27. Dh1 Cg4+ 28. Rf1 Cf3 qui gagne).

Cette partie est révélatrice de la personnalité de Fischer : il jouait toujours « pour gagner », quitte à venir « chercher l'adversaire sur son propre terrain » ; il avait d'ailleurs en horreur les nulles de salon[242].

Georgi Tringov - Fischer, La Havane 1965

Dans la partie suivante, Fischer, avec les Noirs, après avoir subi une violente attaque de la part de Tringov[243] contre sa variante fétiche du pion empoisonné de la Sicilienne Najdorf, trouve à l'ultime moment sur l'échiquier la défense adéquate (18... Cc6!!) et renverse la partie, menaçant de mater son adversaire.

Georgi Tringov - Bobby Fischer
Mémorial Capablanca, La Havane, 1965, Sicilienne Najdorf, variante du pion empoisonné[244] :
1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6 6. Fg5 e6 7. f4 Db6 8. Dd2 Dxb2 9. Tb1 Da3 10. e5 dxe5 11. fxe5 Cfd7 12. Fc4 Fb4 13. Tb3 Da5 14. 0-0 0-0 15. Cxe6 fxe6 16. Fxe6+ Rh8 17. Txf8+ Fxf8 18. Df4 Cc6!! 19. Df7 Dc5+ 20. Rh1 Cf6!! 21. Fxc8 Cxe5! 22. De6 Ceg4! 0-1.

Viktor Kortchnoï - Fischer, Herceg Novi 1970

Dans cette partie, Kortchnoï, un spécialiste de la défense est-indienne avec les Blancs, perd la partie contre Fischer dans le tournoi de Herceg Novi, joué immédiatement après le match URSS - Reste du monde[note 35].

Viktor Kortchnoï - Bobby Fischer
Tournoi blitz de Herceg Novi, 1970, Défense est-indienne[245] :
1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. Fe2 0-0 6. Cf3 e5 7. O-O Cc6 8. d5 Ce7 9. Cd2 c5 10. a3 Ce8 11. b4 b6 12. Tb1 f5 (les Noirs sont prêts pour lancer l'attaque côté roi.) 13. f3 f4 14. a4 g5 15. a5 Tf6! 16. bxc5? bxc5 17. Cb3 Tg6 18. Fd2 Cf6 (ou ...h5!) 19. Rh1 g4 (ou 19...h5) 20. fxg4 (forcé à cause de la menace 20...g3 et si 21. h3 Fxh3, etc.) ...Cxg4 21. Tf3? (21. Ff3!) Th6 22. h3 Cg6 23. Rg1 Cf6 24. Fe1 Ch8!! 25. Td3 Cf7 26. Ff3 Cg5 27. De2 Tg6 28. Rf1 (si 28. Rh2 ; 28. ...Dd7 qui menace 29. ...Cxh3, etc.) Cxh3 29. gxh3 Fxh3+ 30. Rf2 Cg4+ 31. Fxg4 Fxg4 32. abandon. 0-1

Il n'y a rien à faire contre la menace double 31...Fxe2 et 32...Dh4+.

Contributions principales aux échecs

Théorie des ouvertures

Fischer était réputé pour la profondeur de ses analyses des débuts de partie, et il a contribué de manière significative à l'avancement de la théorie des ouvertures[246].

Ouvertures côté Blancs

Avec les Blancs, Fischer ouvrait presque toujours par 1. e4 : « Je n'ai jamais ouvert mon jeu par le pion « d » — par principe[247]. » Dans les commentaires d'une de ses parties, il jugeait : « 1.e4. Le meilleur par expérience[248],[note 36]. » Cependant, pour surprendre ses adversaires, il expérimenta 1. c4 contre Lev Polougaïevski en 1970 et lors du championnat du monde d'échecs de 1972 contre Boris Spassky. Il joua également 1. b3 en 1970 lors du tournoi de Buenos Aires (contre Toukmakov) et lors du tournoi interzonal de Palma de Majorque (contre Filip et contre Mecking)[249].

Fischer était un expert reconnu de la partie espagnole[250], aussi bien sous sa forme classique, qu'avec l'échange du fou b5 contre le cavalier c6[251]. Lors de l'olympiade d'échecs de 1966 à La Havane, il remporta trois parties contre Portisch, Gligoric (en 25 coups) et contre Jiménez avec la variante d'échange de la partie espagnole.

Face à la défense sicilienne (avec les Blancs), Fischer développa la théorie sur la ligne de jeu débutant par 1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6 (ou 5...e6) 6. Fc4[252],[253]. Dans sa prédilection pour le développement de son fou f1 en c4[254], il n'a pas véritablement eu d'héritier au plus haut niveau, comme l'attestent les bases de données de parties[note 37]. Il a été encore moins suivi dans son usage (occasionnel) de l'attaque est-indienne[255].

Cependant, Fischer, lorsque les Noirs s'étaient engagés sur ...e6, jouait plutôt par principe 3. Cc3 contre la défense française, allant jusqu'à affirmer qu'il doutait de la correction de la Winawer (3...Fb4)[238].

En 1961, sous l'effet d'une défaite (avec les Noirs) contre Spassky l'année précédente, Fischer affirma dans l'article « A Bust to the King's Gambit » de la revue American Chess Quarterly, que ses analyses réfutaient le gambit du roi[256]. Fischer recommandait face au gambit du cavalier la ligne 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Cf3 d6[257], qui est maintenant dénommée défense Fischer du gambit du roi[258],[259],[260]. Cependant, Fischer joua plus tard le gambit du roi dans trois parties officielles qu'il gagna toutes (en préférant à 3. Cf3, le gambit du fou : 3. Fc4)[261].

Ouvertures côté Noirs

Bobby Fischer était un maître, côté Noirs, de la variante Najdorf et de la Défense est-indienne[262]. Il fit usage avec succès de la Défense Grünfeld lors de la partie du siècle et contre le champion du monde de l'époque, Mikhaïl Botvinnik, en 1962, lors de leur unique confrontation (score : 1/2 - 1/2). Lors de cette dernière, il réfuta sur l'échiquier, en introduisant une nouveauté théorique, le travail d'analyse préparatoire du champion soviétique[263],[264].

Fischer prouva la correction de la variante du pion empoisonné de la sicilienne Najdorf (1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6 6. Fg5 e6 7. f4 Db6)[252]. Sur dix parties officielles avec les Noirs où il eut recours à la variante du pion empoisonné, Fischer en remporta cinq, annula quatre et perdit une, la onzième de son match de 1972 contre Spassky. À la suite de l'usage qu'il en fit, la variante acquit une aura de respectabilité et fut employée par de nombreux joueurs de l'élite mondiale[265].

Fins de partie

Bobby Fischer avait une précision d'horlogerie dans le domaine des fins de partie[266]. Jeremy Silman le classa parmi les cinq meilleurs joueurs de tous les temps dans ce domaine, avec Emanuel Lasker, Akiba Rubinstein, José Raúl Capablanca et Vasily Smyslov. Silman a utilisé l'expression « maître des finales de fous »[267].

La finale tour, fou et pions contre tour, cavalier et pions a parfois été baptisée du nom de « finale de Fischer » ((en) Fischer Endgame) du fait de trois victoires instructives de Fischer (avec le fou) sur Mark Taïmanov en 1970 et 1971[268],[269]. L'une des parties eut lieu lors de l'Interzonal de 1970 et les deux autres se déroulèrent lors du quart de finale de match des candidats.

La cadence Fischer

En 1989, Bobby Fischer avait déposé un brevet pour une pendule d'échecs qui ajoute un certain temps supplémentaire pour chaque coup joué afin d'éviter le zeitnot (manque de temps en fin de partie). La « cadence Fischer » a été depuis adoptée par la Fédération internationale des échecs et est très souvent pratiquée en tournoi.

Les échecs aléatoires Fischer

En 1992, Bobby Fischer vint en à Belgrade pour préparer pour son second match contre Boris Spassky. Il demanda à Svetozar Gligoric de lui fournir toutes les parties disputées depuis 1972 dans les variantes d'ouverture qu'il pratiquait. Le joueur yougoslave les lui présenta sur son ordinateur et Fischer fut surpris de la quantité de parties qu'il devait étudier. Le champion américain réalisa alors l'effort qu'il devait fournir pour mettre à jour ses connaissances dans la théorie des ouvertures d'échecs[270].

En 1996, il créa une variante du jeu d'échecs : les échecs aléatoires Fischer où la position initiale des pièces est tirée au sort (en respectant certaines règles). Ce qui annulait l'apprentissage des variantes d'ouvertures dans les règles classiques. Il a refusé depuis de jouer une partie qui ne se déroulerait pas selon ses règles.

Place dans l'histoire et la culture

Dans le panthéon échiquéen

Bobby Fischer en juillet 1971.

Garry Kasparov a un jour qualifié Bobby Fischer comme suit : « perhaps the most mythologically shrouded figure in chess »[2], ce que l'on peut traduire par « probablement la personnalité du monde des échecs la plus mythifiée ».

Il y a débat sur le fait de savoir si, comme Kasparov l'a déclaré, « Fischer peut tout simplement être considéré comme (…) le plus grand joueur d'échecs de tous les temps[102] ». Le grand rival de Fischer, Mikhaïl Tal, l'encensa comme « le plus grand génie descendu des cieux des échecs »[271].

Kasparov écrivit que Fischer « devint le catalyseur d'une avalanche de nouvelles idées, un révolutionnaire dont la révolution est toujours en marche »[272]. Cependant, Leonard Barden est d'avis que « La plupart des experts le placent en seconde ou troisième position, après Garry Kasparov mais probablement avant Anatoli Karpov »[273].

Sur le plan des ouvertures, Kasparov  qui jouait aussi la défense est-indienne et la défense Grünfeld  est à l'origine de beaucoup plus d'innovations que Fischer, et Kasparov laisse aussi un héritage plus important pour le monde des échecs[274], d'autant plus que Fischer s'est retiré très tôt.

Selon Anthony Saidy[275], le monde des échecs attendait monts et merveilles de Fischer, et a été frustré par sa retraite prématurée.

Cinéma

  • 1993 : À la recherche de Bobby Fischer (Searching for Bobby Fischer) de Steven Zaillian. Ce film emploie le nom de Fischer dans son titre, alors qu'il a en fait pour sujet la vie de Joshua Waitzkin[276]. Le titre fait référence à la recherche d'un successeur pour Bobby Fischer, après le retrait de la compétition de ce dernier. Dans le livre dont est inspiré le film, le narrateur est à la recherche de Fischer pendant un court moment, et imagine ce qu'il lui dirait s'il le rencontrait. Dans un manuscrit resté inédit de 1997, Fischer s'est plaint de cette exploitation de son nom[277].
  • 2015 : Le Prodige (Pawn Sacrifice) d'Edward Zwick, avec Tobey Maguire dans le rôle de Bobby Fisher.

Séries télévisées

  • Dans la série New York, section criminelle, l'épisode « Échec et mat » (Gone) est basé sur Bobby Fischer.
  • Dans la série Hé Arnold !, un épisode comporte un personnage nommé « Robbie Fisher », doué pour le jeu de dames chinoises.
  • Dans la série Arli$ (épisode « End Game »), Arliss et Stanley tentent de persuader un ancien champion d'échecs vivant dans la solitude, dénommé « Bobby Salmon », d'effectuer son retour[278].
  • Dans la série Endgame, le héros principal rejoue seul la Partie du siècle entre Fischer et Donald Byrne. Lorsqu'il modifie un coup de Byrne, il en arrive à la conclusion que même si celui-ci avait changé de tactique il aurait perdu, d'où son admiration pour Fischer.
  • Dans la série Mike Tyson Mysteries (saison 1, épisode 2, « Le Jugement Dernier Ultime »), le corps de Bobby Fischer est gardé dans du formol par la société IBM, et son cerveau a été implanté dans le superordinateur Deep Blue. Cela fait référence à la prétendue « intervention humaine » au cours du match revanche Deep Blue / Kasparov.

Littérature

Musique

  • La comédie musicale Chess relate l'histoire de deux champions d'échecs, désignés seulement comme « L'Américain » et « Le Russe ». Elle est librement inspirée du Championnat du monde de 1972 entre Fischer et Spassky[279]. Dans des versions ultérieures du spectacle, « L'Américain » est dénommé « Freddie Trumper » et « Le Russe » est « Anatoly Sergieveski »[280].
  • Lors du Match de championnat du monde de 1972 entre Fischer et Spassky, le compositeur soviétique Vladimir Vysotsky écrivit un cycle ironique En l'Honneur de la couronne des échecs composé de deux chansons. La première est au sujet de la préparation pour le match contre Fischer d'un travailleur soviétique de base ; la seconde chanson est au sujet du jeu. De nombreuses expressions issues de ces chansons sont devenues des phrases fétiches dans la culture russe[281].
  • La chanson Cue Fanfare de Prefab Sprout, de l'album Swoon, comporte les paroles : « When Bobby Fischer's plane touches the ground/He'll take those Russian boys and play them out of town/Playing for blood as grandmasters should. »
  • Le groupe de metal progressif OSI a enregistré la chanson OSIdea 9, laquelle met en avant des extraits de l'interview aux propos décousus de Bobby Fischer par une station de radio après son arrestation au Japon. Dans cette interview, Fischer affirme que le gouvernement des États-Unis le torturera et le tuera dès qu'il sera extradé là-bas.
  • La chanson A Rook House For Bobby du groupe Post-rock I Like Trains est au sujet de la fuite de Fischer par rapport au système judiciaire des États-Unis.
  • Le groupe de rock expérimental Zëro lui a consacré une chanson, Bobby Fischer, sur son second album, Diesel Dead Machine.

Jeu vidéo

  • On peut entendre son nom dans le jeu vidéo The Last of Us quand on interagit avec un échiquier dans la ville de Bill.

Publications

Livres de Fischer traduits en français
  • (en) My 60 Memorable Games, Simon & Schuster, New York, 1969 ; Faber and Faber, Londres, 1969 (notation descriptive) ;
    • réédition, Batsford, 2008 (notation algébrique).
  • Mes 60 meilleures parties, (trad. Parviz Abolgassemi) Stock, 1972 ; Garnier, 1982 (ISBN 978-2-7370-0121-5) ; édition corrigée, Editéchecs, 1995 (ISBN 2-9508587-0-8)
    Parties jouées entre 1957 et 1967. Préface de Chantal Chaudé de Silans.
  • (en) Bobby Fischer Teaches Chess avec Donn Mosenfelder et Stuart Margulies, Bantam Books, mai 1966, (ISBN 0-553-26315-3).
  • Bobby Fischer vous apprend les échecs, Fernand Nathan, 1972.
Livres en anglais
  • (en) Bobby Fischer's Games of Chess, Simon & Schuster, New York, 1959. (ISBN 0-923891-46-3).
    Une collection de 34 parties légèrement annotées : la partie Donald Byrne-Fischer de 1956, les 13 parties du championnat des États-Unis 1957-1958 et les 20 parties du tournoi interzonal de 1958.
  • (en) I Was Tortured in the Pasadena Jailhouse!, 1982, pamphlet.
Articles parus en anglais
  • (en) « A Bust to the King's Gambit », American Chess Quarterly, vol. 1, no 1, , p. 3–9.
  • (en) « The Russians Have Fixed World Ches », Sports Illustrated, .
  • (en) « The Ten Greatest Masters in History », Chessworld, vol. 1, no 1, janvier–février 1964, p. 56–61.
  • (en) Checkmate, rubrique parue de 1966 à 1969 dans Boys' Life.

Notes et références

Notes

  1. L'expression « match du siècle » servit également à désigner le championnat du monde d'échecs 1960 entre Mikhaïl Botvinnik et Mikhaïl Tal, ainsi qu'en 1970, le match URSS–Reste du monde à Belgrade.
  2. Les joueurs du club d'échecs de Manhattan étaient répartis en quatre groupes : A (les meilleurs joueurs), les réserves A, le groupe B et le groupe C.
  3. Lombardy remporta le championnat du monde junior sur le score parfait de 11 points sur 11.
  4. Le record actuel étant détenu par le Russe Sergueï Kariakine qui devient GMI en 2002 à l'âge de 12 ans et 7 mois, voir l'article Jeune prodige des échecs.
  5. Cet arrangement fut avoué en 2005 par Youri Averbakh dans une interview au magazine néerlandais Schaaknieuws. Voir (en) Tim Krabbé, « The legend of the Curaçao conspiracy », Open Chess Diary, (lire en ligne) : « The Soviet Union does not exist anymore, the sins can be admitted. “Of course it was rigged,” Yuri Averbakh has recently said (in an interview with Jules Welling in the Dutch magazine Schaaknieuws). According to Averbakh, who was in Curaçao as a member of the Soviet delegation, it had been decided that Keres, being an Estonian, should not win, and neither should the Jewish Ukrainian Geller. It had to be the Armenian Petrossian. Why an Estonian and a Jewish Ukrainian (and the Jewish Russian Viktor Kortchnoï!) were not suitable and an Armenian was, Averbakh sadly fails to say, or Welling did not ask. »
  6. Le premier échiquier était tenu par Bent Larsen qui avait remporté tous les tournois auxquels il avait participé l'année précédente.
  7. Dans Brady 1993, p. 24, il est écrit qu'il s'agit du championnat annuel du club de 1954, avant que Fischer n'eut son douzième anniversaire.
  8. Fischer sortit du championnat amateur des États-Unis avec un classement provisoire de la Fédération américaine de 1 826 points.
  9. Selon Bill Wall, Fischer termina quinzième ex æquo avec le même score (4,5 points sur 8) de deux tournois du Washington Park disputés en juin 1955 (avec 32 joueurs) et en octobre 1955 (66 joueurs).
  10. De juin 1955, date l'inscription de Fischer au club d'échecs de Manhattan et sa participation à des tournois du groupe C du club.
  11. Simultanée mentionnée dans un article du numéro du 20 décembre 1955 de Chess Life intitulé Chess Life in New York et dans un article du New York Times du 11 décembre 1955, cf. photo, sur le site echecs.photo.be.
  12. Du 15 au 24 juillet 1955, Fischer participa au championnat junior des États-Unis et sortit 20e au départage sur les 25 joueurs du tournoi et avec un classement de la fédération américaine de 1 625 points. Le premier classement de Fischer publié par la fédération américaine début 1956 (pour l'année 1955) fut la moyenne des deux classements provisoires après les championnats amateur et junior américains, soit 1 726 points.
  13. Octobre 1955, date de l'article du New York Times.
  14. Le journaliste du New York Times écrit que Fischer marqua deux victoires, une défaite et cinq nulles lors du tournoi du Washington Square Park d'octobre 1955.
  15. Fischer disputa des matchs inter-clubs, avec son équipe du club Log Cabin, contre les équipes de Miami et de St. Petersburg en Floride, et du club Capablanca de La Havane. Fischer termina la tournée avec une marque de 5,5 points sur 6 sur l'ensemble des trois matchs interclubs, selon la revue Chess Life (Brady 2011, p. 49).
  16. Les simultanées étaient organisées par le club Log Cabin qui avait recruté Fischer. Lors de la tournée de trois semaines au printemps 1956, en Floride et à Cuba.
  17. Tournoi toutes rondes (« onze rondes tous contre tous ») d'après Wade et O'Connell, 1974 (t. 1), p. 93. L'édition anglaise donne le score de Fischer : 7,5 et le nom du co-vainqueur : Aben Rudy. John Donaldson dit qu'il s'agissait d'un tournoi à deux tours entre six joueurs (dix rondes au total).
  18. Championnat de New York et de sa banlieue disputé du 20 au 22 janvier 1956 avec 52 joueurs.
  19. Seulement six parties de Fischer jouées dans ce tournoi ont été conservées : quatre victoires et deux nulles.
  20. Berliner : 6 / 7 vainqueur devant Fischer, Feuerstein, Lombardy et Rossolimo selon Wade et O'Connell, 1974 (t. 1), p. 106. Tournoi joué le week-end de Thanksgiving (novembre 1956).
  21. Tournoi disputé en mai 1957 selon Karsten Müller, Bobby Fischer, the career and complete games, 2009, p. 65
  22. Fischer fut exempté des tours préliminaires du championnat selon Bill Wall
  23. Championnat du club Log Cabin de West Orange.
  24. Partie en consultation Fischer et Barden contre Penrose et Clarke, disputée après le match contre Darga à Berlin, et diffusée dans l'émission de radio de la BBC Le Trésor des échecs chaque dimanche de janvier à mai 1961. La partie fut adjugée nulle par Max Euwe.
  25. Open des États de l'Ouest.
  26. En 1964-1965, aucun championnat des États-Unis ne fut organisé.
  27. En novembre 1968, Fischer disputa une partie contre Anthony Saidy qui fut élue deuxième meilleure partie dans le numéro 7 de l’Informateur d'échecs publié le premier semestre de 1969.
  28. Tournoi de Blitz, officieusement qualifié de Championnat du monde de Blitz.
  29. Benko et Bisguier se qualifièrent pour l'interzonal qui devait commencer le 27 janvier 1962.
  30. Première défaite dans un championnat des É.-U., lors de la 1re ronde.
  31. Botvinnik fut assisté d'une armée de secondants pour sa nuit d'analyse. Ainsi, c'est Efim Geller qui découvrit le coup salvateur 47. Txh7!!, qui avait échappé à Fischer. ((en) Partie commentée sur ChessGames.com)
  32. Fischer perdit la deuxième partie par forfait.
  33. Les coups joués dans trois parties du match exhibition de 1958 contre Matulovic – deux victoires de Fischer et une nulle – n'ont pas été retrouvés.
  34. « Question : There has been news that you might have been playing on the Internet. Is that true?
    Bobby Fischer : Not true. That's a lot of BS. [...]
    Question : Nigel Short said that he met someone on the Net that might have been you.
    Bobby Fischer : He can say whatever he wants. »
  35. Le match URSS - Reste du monde fut considéré comme un championnat du monde de blitz, malgré l'absence de Boris Spassky.
  36. « best by test »
  37. En revanche, l'usage qu'il fit de l'attaque anglaise lors du match revanche de 1992 contre Boris Spassky contribua à populariser cette dernière.

Références

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  243. Dans son livre Le Guide des échecs : Traité complet (voir biblio.), l'auteur Nicolas Giffard parle d'une « attaque violente élaborée en laboratoire » par les soviétiques pour contrer spécifiquement Fischer dans cette défense.
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  272. The Chessman, Time, 26 janvier 2008
  273. (en) Leonard Barden, « Bobby Fischer », The Guardian, (lire en ligne, consulté le )
  274. On peut notamment citer ses trois séries de livres sur les échecs : My Great Predecessors (2003–2006), Garry Kasparov on Modern Chess (2007–2010) et Garry Kasparov on Garry Kasparov (2011).
  275. Conclusion de la section consacrée à Fischer dans Saidy 1989. Le livre de Saidy se clôt avec l'évocation de Garry Kasparov.
  276. (en) Roger Ebert, « Searching for Bobby Fischer review », Chicago Sun-Times, (lire en ligne, consulté le )
  277. DeLucia et DeLucia 2009, p. 252
  278. Épisode End Game de la série Arli$. Visionner l'épisode en ligne
  279. William Hartston, Chess: The Making of the Musical, Pavilion Books, 1986, p. 10, (ISBN 1-85145-006-8).
  280. (en) Harold C. Schonberg, « Theater; Does Anyone Make a Bad Move In 'Chess'? », The New York Times, (lire en ligne, consulté le )
  281. (ru) Chess Problems (à propos des chansons d'échecs de Vladimir Vysotsky)

Annexes

Articles sur Fischer

  • (en) William Nack, « The Kid », Newsweek,
  • (en) Ralph Ginzburg, « Portrait of a Genius As a Young Chess Master », Harper's Magazine,
  • (en) Brad Darrach, « Bobby Fischer is a ferocious winner », Life,
  • (en) William Nack, « Bobby Fischer », Sports Illustrated,

Livres sur Fischer

  • Elie Agur, Bobby Fischer. Une étude de son approche des échecs, Grasset, coll. « Europe Échecs », (ISBN 978-2-246-48741-8)
  • Fernando Arrabal, Fischer : le roi maudit, Éditions du Rocher, (ISBN 978-2-268-01418-0)
  • Fernando Arrabal, Sur Fischer, initiation aux échecs, Éditions du Rocher,
    Outre une rapide initiation aux échecs, le livre contient toutes les parties du championnat du monde de 1972 ainsi que les résultats des olympiades d'échecs, des tournois interzonaux et des tournois des candidats jusqu'en 1972.
  • Gedeon Barcza, Laszlo Alfody et Jeno Kapu (trad. Alphonse Grunenwald), Les Champions du Monde du jeu d'échecs, tome 2 : de Botvinnik à Fischer, Grasset et Fasquelle, (ISBN 978-2-246-33421-7)
    Le chapitre sur Fischer a été écrit par Barcza.
  • (en) Arthur Bisguier et Andrew Soltis, American Chess Masters from Morphy to Fischer, Macmillan, (ISBN 0-02-511050-0)
  • Frank Brady, Bobby Fischer, Payot, coll. « Échecs », (ISBN 978-2-228-88638-3)
    Biographie jusqu'en 1972. Traduction de (en) Bobby Fischer, Profile of a Prodigy, Dover Publications, 1990 (ISBN 978-0-486-25925-3), qui ne reprend pas les exemples de parties de Fischer présents dans l'édition anglaise.
  • Frank Brady (trad. de l'anglais), Fin de partie, Paris/37-Monts, Aux Forges de Vulcain, coll. « Essais », , 476 p. (ISBN 978-2-37305-027-1)
    Biographie. Traduction de (en) Endgame, Crown, 2011.
  • (en) Franck Brady, Endgame, Crown,
  • (en) Franck Brady, Profile of a prodigy, Dover,
  • (en) Robert E. Burger, The Chess of Bobby Fischer, McGraw-Hill,
  • (en) David DeLucia et Alessandra DeLucia, Bobby Fischer Uncensored,
  • (en) John Donaldson, Bobby Fischer and his World, Los Angeles, Siles Press,
  • (en) Max Euwe, Bobby Fischer and his Predecessors, Bell & Sons,
  • Nicolas Giffard, Le Guide des échecs : Traité complet, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1591 p. (ISBN 978-2-221-05913-5)
  • Nicolas Giffard, Le Nouveau Guide des échecs : Traité complet, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1701 p. (ISBN 978-2-221-11013-3)
  • (en) Svetozar Gligorić, Fischer vs. Spassky : The Chess Match of the Century, Simon and Schuster, , 127 p. (ISBN 978-0-671-21397-8)
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  • Borislav Ivkov, Le Championnat du monde de Bobby Fischer, Éditions du Rocher, (ISBN 978-2-268-03017-3)
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    Toutes les défaites de Fischer entre 1958 et 1972, analysées et commentées par Mednis.
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    Cent parties de Fischer commentées par Soltis
  • (en) Renzo Verwer, Bobby Fischer for beginners, New in Chess,
  • Robert G. Wade et Kevin J. O'Connell, Les Parties d'échecs de Bobby Fischer, t. 1, Payot, , 1re éd. (ISBN 978-2-228-88669-7)
  • Robert G. Wade et Kevin J. O'Connell, Les Parties d'échecs de Bobby Fischer, t. 2, Payot, , 1re éd. (ISBN 978-2-228-88669-7)
  • Robert G. Wade et Kevin J. O'Connell, Les Parties d'échecs de Bobby Fischer, Payot, , 2e éd. (ISBN 978-2-228-88669-7)

Livres sur la technique des ouvertures et des finales

  • (en) Jakov Estrine et I. B. Glaskov, Play the King's Gambit, vol. 1, Pergamon Press,
  • (en) Kiril Georgiev et Atanas Kolev, The Sharpest Sicilian : A Black Repertoire with 1.e4 c5 2. Nf3 d6, Sofia, Bulgarie, Simolini 94,
  • (en) Steve Giddins, How to build your chess opening repertoire, Gambit Publications Ltd, , 144 p. (ISBN 978-1-901983-89-0)
  • (en) Viktor Kortchnoï et Vladimir Zak, The King's Gambit, Chess Digest,
  • (en) Steve Mayer, Bishop versus Knight : The Verdict, Batsford, , 223 p. (ISBN 1-879479-73-7)
  • (en) Karsten Müller et Frank Lamprecht, Fundamental Chess Endings, Gambit Publications, (ISBN 1-901983-53-6)
  • (en) Jeremy Silman, Silman's Complete Endgame Course : From Beginner to Master, Siles Press, , 530 p. (ISBN 978-1-890085-10-0 et 1-890085-10-3)

Documentaire

  • (en) Bobby Fischer Against the World (en) de Liz Garbus, HBO Documentary Films, 2011, 94 minutes. VF effectuée par Arte sous le titre 64 cases pour un génie : Bobby Fischer.

Film

Liens externes

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