Canon à neige
Un canon à neige ou enneigeur est un dispositif permettant de fabriquer de la neige mécaniquement à partir d'eau et d'air, le tout à basses températures (0 °C et moins). Le principe est de projeter un mélange d'air comprimé et d'eau par temps suffisamment froid.
Pour les articles homonymes, voir Canon et Piste de ski artificielle.
Un nivoculteur ou snowmaker est un employé qui assure la conduite et la surveillance de ces systèmes.
La neige ainsi produite est appelée neige de culture ou neige artificielle[1], bien que cette dernière appellation puisse provoquer une confusion avec la fausse neige décorative.
Histoire
- Vers 1940, en Californie, en utilisant des ventilateurs pour arroser les vergers afin de les protéger du gel, on constate fortuitement — c'est un cas de sérendipité — l'apparition de neige.
- Début des années 1950, premiers essais d'enneigement dans une station au nord de New York.
- En 1963, la Suisse est le premier pays d’Europe à acquérir des canons à neige. Ils sont installés au Chalet-à-Gobet, sur les hauts de Lausanne.
- Plus tard dans la saison hivernale, la station de Château-d’Oex devient le deuxième endroit d’Europe avec des canons à neige.
- Au milieu des années 1960, le CAF Autun (M. Jandreaux) importe les premiers canons à neige en France à la station du Haut-Folin (massif du Morvan)
Usages
Domaines skiables
Utilisé pour assurer un enneigement suffisant des pistes, ce procédé est actuellement en fort développement en début de saison, de manière à assurer la période de ski, et l'ouverture de la station à date fixe. Certains rares sites de ski d'été sur glacier en sont également équipés. De manière plus globale, ces systèmes d'enneigement sont positionnés sur les pistes principales et donc les axes principaux des domaine skiables.
En France en 2009, 20 % des pistes sont équipées de canons à neige, tandis qu'en Autriche ou en Italie 40 % des pistes en sont équipées. En 2015, dans les Alpes françaises, le taux d’équipement des pistes de ski en production de neige est estimé à 32%[2]
Dans un contexte de réchauffement climatique global, l'enneigement artificiel permet d'augmenter le nombre de jours de pratique du ski et de permettre le retour vers les stations skis aux pieds quand la neige manque sur les pentes les plus basses ou sur les liaisons vers les zones plus longtemps enneigées du domaine.
Jeux olympiques d'hiver
C'est en 1980 que, pour la première fois, la neige artificielle a été utilisée en appoint des Jeux olympiques d'hiver – en l'occurrence à Lake Placid, aux États-Unis. Depuis, les villes hôtes en sont de plus en plus dépendantes, en raison du réchauffement climatique. Selon Bloomberg, 80 % de la neige utilisée à Sotchi, en Russie, en 2014, était artificielle, et 90 % quatre ans plus tard à Pyeongchang, en Corée du Sud. À l'occasion des Jeux olympiques d'hiver de 2022, disputés à Pékin en Chine, 100 % de la neige sera artificielle[3].
Dimension économique
Les coûts économiques associés à l’équipement en production de neige sont extrêmement variables en fonction des études et des pays. En Autriche, le coût dans un équipement en production de neige est estimé entre 25 000 et 100 000€ par hectare de piste équipé[4]. En Suisse, il a été montré que l’investissement dans la production de neige n’a plus d’influence sur la profitabilité des exploitants à partir de 30 km de pistes équipées.[5] En France, l'investissement dans la production de neige représente le second poste d'investissement des opérateurs de domaines skiables après l'investissement dans les nouvelles remontées mécaniques.[6] L’investissement en production de neige permet d’augmenter le nombre de journées skieurs pour les domaines skiables situés à une altitude supérieure à 1770 mètres. Cependant passé 6,5 millions d’euros d’investissement, le nombre de journées skieurs n’augmente pas davantage[7]. On estime que le coût d'équipement est d'en moyenne 118 000€ par hectare de piste de ski[8]. Les coûts de production varient fortement eu aussi en fonction de la topographie, de l’altitude de la station. On estime qu'en moyenne un mètre cube de neige a un coût de 2,5€ l'unité[9]. Ce coût inclut l’amortissement des investissements et les charges personnel mais n’inclut pas les travaux de damage.
Types d'enneigeurs
Il existe principalement trois types de technique d'enneigement mécanique :
- les canons ventilateurs ou monofluides ;
- les canons perches air et eau ou bifluides ;
- les canons tous-temps, produisant de la neige à partir de particules de glace obtenues par congélation d'eau par n'importe quelle température externe avec l'aide de machines frigorifiques.
Les canons air et eau utilisent des compresseurs centralisés qui fournissent l'air comprimé nécessaire à la nucléation et/ou à l'atomisation de l'eau. Les canons ventilateur produisent eux-mêmes leur air comprimé grâce à un petit compresseur embarqué qui ne sert qu'à la nucléation. Dans les deux cas, un réseau d'eau sous pression est nécessaire, sa pression sera fonction du dénivelé de l'installation d'enneigement. Pour obtenir la cristallisation (ou nucléation), on mélange de l'eau avec de l'air comprimé, à l'intérieur de « canons » de petit gabarit.
La tête des enneigeurs air et eau est généralement placée en hauteur (de 2,5 à 10 mètres) afin d'assurer un temps de chute suffisant (balistique) pour permettre aux gouttelettes d'eau de changer d'état. Le canon ventilateur assure la balistique nécessaire à la génération de neige par le biais du flux d'air froid produit par son gros ventilateur.
L'ajout dans l'eau d'une bactérie, Pseudomonas syringae (souche 31 R), naturellement présente dans certaines eaux et sur certains végétaux, mais dont d'autres souches peuvent être très phytopathogènes, peut aider à la nucléation de la neige. Cette bactérie, commune, a la propriété de faire geler l'eau à plus de 0 °C, ce qui suppose-t-on lui permet d'agresser et pénétrer les végétaux qu'elle infecte. En France, ce procédé n'est pas utilisé, à la suite de l'engagement pris par l'ensemble des domaines skiables de renoncer à tout type d'adjuvant dans la neige de culture.
Paramètres de fonctionnement
Divers paramètres ont des influences sur la fabrication mécanique de neige :
- la température sèche (celle dont nous parlons usuellement) ;
- le taux d'hygrométrie ;
- la pression atmosphérique ;
- la température de l'eau
- l'éventuelle couverture nuageuse ;
- les conditions de vent
La corrélation entre température sèche et taux d'hygrométrie donne la température humide qui est celle qui importe quand on veut fabriquer de la neige (voir diagramme de l'air humide).
Il est encore possible de produire de la neige à partir de −2 °C humide (−2 °C sec et 100 % d'hygrométrie) avec les canons à neige les plus modernes, mais le rendement globale de l'installation reste, à ces valeurs extrêmes, a des valeurs très faibles. Les meilleurs résultats sont toujours obtenus avec une hygrométrie inférieure à 50 % et une température extérieure aux environs de moins dix degré. En effet, en cas de saturation hygrométrique les gouttelettes n'arrivent pas à se cristalliser complètement et tendent à geler en éclaboussant le sol. La production d'une neige mouillée forme de la glace. Au contraire, lorsque le taux d'hygrométrie est très bas (de l'ordre de 30 à 40 % par exemple), il est possible de fabriquer de la neige à plus de 0 °C (mais 1 à 2 °C au maximum). En effet, l'eau, en s'évaporant, se refroidit, selon les tables psychrométriques.
La température de l'eau est très importante: plus elle est froide, plus la cristallisation est rapide, et il est quasiment impossible de faire fonctionner un enneigeur de manière satisfaisante (c'est-à-dire avec un rendement acceptable) avec une eau de température supérieure à 4 °C. En effet, la variation des caractéristiques de la molécule d'eau n'est pas linéaire en fonction de la température, et nécessite une énergie trop grande au-delà de cette température[réf. nécessaire]. L'utilisation de coupe-pressions et le frottement de l'eau dans les conduites tend à réchauffer l'eau, ce qui rend sa cristallisation plus difficile et donc la neige ainsi produite plus humide. La pression tend à augmenter le débit en neige des enneigeurs.
Un ciel couvert peut empêcher la neige de se former, car l'air va en être légèrement réchauffé, car il n'y a plus de refroidissement de l'air.
Si le vent est orienté vers la sortie de l'enneigeur, il va se déposer de la neige qui va geler sur la bouche de l'enneigeur, ce qui va finir par le boucher et l'abîmer.
Un mètre cube d'eau permet de produire entre 2 et 2,2 mètres cubes de neige de qualité moyenne.
Problèmes écologiques
Outre le bruit pour les riverains et la faune, l'enneigement artificiel par les canons à neige est source de nuisances pour l'environnement.
Même si l'eau prélevée est restituée au milieu à la fonte des neiges, le prélèvement d'eau en période hivernale, lors de l'étiage des cours d'eau de montagne, alors que les précipitations se font sous forme de neige, doit être évité. Il faut donc soit acheminer l'eau, soit l'avoir préalablement stockée sur place (bassins artificiels, aujourd'hui à l'origine de 60 % des prélèvements de neige de culture). Les aménagements de stockage nécessaires transforment le paysage et l'écosystème : création de retenues, de petits barrages, etc. et l'acheminement peut être coûteux en énergie.
En revanche, il n'y a pas de pollution dès lors qu'on n'utilise aucun adjuvant. En France, depuis plusieurs années, l'ensemble des stations ont renoncé à employer des adjuvants. Néanmoins, la neige fabriquée par les canons à neige, 50 fois plus dure et 4 fois plus dense que la neige naturelle, a tendance à imperméabiliser les sols qu'elle recouvre et facilite le ravinement et l'érosion. Plus lente à disparaître, elle diffère aussi la saisonnalité de la fonte, qui survient désormais plus tard pour les pistes de ski qui en sont équipées.
En France, selon l'organisation Mountain Wilderness, dix millions de mètres cubes d'eau ont été utilisés lors de la saison 1999/2000 pour fabriquer de la neige artificielle, douze millions lors de la saison 2003/2004 et treize millions pour la saison 2004/2005. Cette eau a été fournie à 55 % par les réserves collinaires, à 30 % par les cours d'eau et à 15 % par le réseau d'eau potable.
Législation
Convention alpine
Le protocole « Tourisme » de la Convention alpine, ratifié par sept États alpins, dont la France, dispose que « les législations nationales peuvent autoriser la fabrication de neige pendant les périodes de froid propres à chaque site, notamment pour sécuriser des zones exposées, si les conditions hydrologiques, climatiques et écologiques propres au site concerné le permettent »[10]. Cet article ne contient pas d'obligation ferme pour les États, mais fixe une ligne de conduite pour l'avenir.
Législation française
En France, les compresseurs d'air utilisés pour la fabrication de neige de culture relèvent de la législation sur les installations classées[11] dès que leur puissance dépasse 50 kW. Concernant tout projet d’installation de canon à neige dont la puissance est comprise entre 50 et 500 kW, il suffit de faire une simple déclaration auprès de la Préfecture. Au-delà de cette puissance, il faut suivre une procédure d’autorisation[12], qui comporte, en plus des documents habituels à fournir par l’exploitant, une enquête publique permettant la participation de la population et une consultation des conseils municipaux et services de l'État concernés[13]. L’autorisation est rendue par arrêté préfectoral. Lorsque plusieurs installations se trouvent sur le même site, une demande commune doit être présentée[14].
Quand le compresseur d’air est « embarqué », c’est-à-dire qu’il se trouve directement sur l'enneigeur, sa puissance est plutôt faible, généralement inférieure à 50 kW[15]. Néanmoins, en cas d’installations centralisées (« usine à neige »), le seuil des 500 kW est très souvent atteint[16].
Voir aussi
Bibliographie
- Études (au niveau national) de réutilisation des eaux usées des stations d’épuration de montagne pour la production de neige de culture, par Palazot Sébastien, MS Gestion de l’eau. ENGREF-AgroParisTech
- L’eau dans les stations de ski : une ressource sous pression, mars 2019, Commissariat général au développement durable
Liens internes
Liens externes
Notes et références
- Céline Deluzarche, « Comment... Se fabrique la neige artificielle ? », sur L'Internaute, (consulté le )
- Spandre, P., François, H., Morin, S. et George-Marcelpoil, E., « Dynamique de la neige de culture dans les Alpes Françaises », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, (DOI https://doi.org/10.4000/rga.2840, lire en ligne )
- Aude Le Gentil, « La neige sera 100% artificielle aux Jeux olympiques d'hiver de Pékin, une première au lourd coût écologique », sur lejdd.fr, (consulté le ).
- (en) Abegg, B., Agrawala, S., Crick, F. et Montfalcon, A., Climate change in the European Alps : Adapting winter tourism and natural hazards management. Climate Change in the European Alps: Adapting Winter Tourism and Natural Hazards Management, OCDE, (lire en ligne)
- (en) Camille Gonseth, Adapting ski area operations to a warmer climate in the Swiss Alps through snowmaking investments and efficiency improvements, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, (lire en ligne)
- (en) Berard-Chenu, L., Cognard, J., François, H., Morin, S. et Emmanuelle George, « Do changes in snow conditions have an impact on snowmaking investments in French Alps ski resorts? », International Journal of Biometeorology, (DOI https://doi.org/10.1007/s00484-020-01933-w , lire en ligne)
- (en) Martin Falk et Laurent Vanat, « Gains from investments in snowmaking facilities. », Ecological Economics, (DOI https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2016.08.003., lire en ligne )
- (en) Berard-Chenu, L., François, H., George, E. et Morin, S., « Past changes in natural and managed snow reliability of French Alps ski resorts from 1961 to 2019 », The Cryosphere, (DOI https://doi.org/10.5194/tc-16-863-2022, lire en ligne )
- Domaines Skiables de France, « La neige de culture, c'est quoi ? », sur https://www.domaines-skiables.fr/publications/guides-pratiques/,
- « Protocole « Tourisme », article 14§2 », sur alpconv.org
- « Loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement »
- « Article R511-9 du code de l'environnement - rubrique 2920 de la nomenclature »
- « Article R512-6 du code de l'environnement »
- « Article R512-13 du code de l'environnement »
- « Canon à neige : eau secours ! », sur mountainwilderness.fr
- « Voir le rapport : Neige de culture - État des lieux et impacts environnementaux, p.77 »,
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