Charles II d'Anjou

Charles II d'Anjou[1], dit le Boiteux, né vers 1254, mort le à Naples, est le fils de Charles Ier d'Anjou et de Béatrice de Provence. Il est titré dès sa naissance prince de Salerne, puis, après la mort de ses parents, roi de Naples (ou Sicile péninsulaire), comte de Provence, d'Anjou et du Maine de 1285 à 1309.

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Charles II d'Anjou

Enluminure représentant Charles II d'Anjou
Titre
Roi de Naples

(24 ans, 3 mois et 29 jours)
Prédécesseur Charles Ier
Successeur Robert Ier
Comte de Provence et de Forcalquier

(24 ans, 3 mois et 29 jours)
Prédécesseur Charles Ier
Successeur Robert Ier
Comte d'Anjou et du Maine
Prédécesseur Charles Ier d'Anjou
Successeur Marguerite d'Anjou
Biographie
Titre complet Prince de Salerne
Dynastie Troisième Maison d'Anjou
Date de naissance Vers 1254
Date de décès
Lieu de décès Naples
Père Charles Ier d'Anjou
Mère Béatrice de Provence
Conjoint Marie de Hongrie

Liste des rois de Sicile

Biographie

Prince de Salerne

À la mort de sa mère, Charles devient comte de Provence et fait alors entreprendre des fouilles sous l'église de Saint-Maximin, qui permettent la découverte du tombeau de Marie-Madeleine en 1279[2], à la suite de quoi il décide d'ériger la ville en cité royale et fait construire une basilique en l'honneur de la patronne de Provence, qui demeure aujourd'hui un exceptionnel ensemble architectural gothique en Provence. Le , il obtient du pape Boniface VIII une bulle pontificale, qui confie au jeune ordre des dominicains la charge des lieux saints : la basilique de Saint-Maximin et la grotte de la Sainte-Baume avec le sanctuaire pour l'accueil des pèlerins[3].

En 1257, Charles Ier d'Anjou a acquis de la Maison des Baux les droits au trône du royaume d'Arles et quand en 1280 l'empereur Rodolphe Ier de Habsbourg pense reconstituer ledit royaume, il est contraint de traiter avec lui. Un accord est trouvé entre les deux souverains à la suite duquel le royaume sera attribué à Charles, prince de Salerne, qui, à son tour, devra le céder à son fils Charles Martel lors de ses noces avec Clémence, fille de Rodolphe. Mais cela n'aura pas lieu en raison des Vêpres siciliennes, en 1282.

Après les Vêpres siciliennes, Charles rejoint son père à Naples et assume la régence pendant que ce dernier se rend en Provence pour armer une flotte grâce aux fonds fournis initialement par le pape Martin IV pour lui permettre d'assumer la régence du royaume de Naples. La flotte ainsi constituée aurait dû rejoindre les bateaux qui l'attendaient dans le port de Naples, avant de s'unir à Ustica avec le reste de la force navale, composée de 30 galères, et avec l'armée italo-angevine en provenance de Brindisi. Mais le , Roger de Lauria, commandant de la flotte aragonaise se présente dans le port de Naples et le jeune prince, désobéissant à l'ordre de son père de ne pas bouger avant son retour de Provence, sort du port avec ses bateaux pour combattre Lauria. Il est battu et fait prisonnier au cours d'un engagement, en compagnie de nombreux autres nobles napolitains. Il restera captif à Barcelone pendant quatre ans. Lorsque Charles Ier arrive à Gaète et apprend la défaite, il maudit son fils mais doit renoncer à l'invasion de la Sicile. Après avoir inutilement assiégé Reggio, il se dirige vers les Pouilles, où il meurt le , à Foggia, après avoir nommé comme régent son neveu Robert II d'Artois, flanqué du cardinal Gérard de Crémone par la volonté du pape Martin IV. Les deux régents tiendront solidement les rênes du gouvernement et réprimeront sévèrement toute tentative de rébellion.

À la mort de Martin IV le , Giacomo Savelli lui succède, sous le nom d'Honorius IV et reprend la croisade contre Pierre III d'Aragon, qu'il considère comme usurpant le trône de Sicile. La tentative d'invasion de l'Aragon se solde par un désastre : la flotte franco-napolitaine est réduite à l'impuissance par Lauria, tandis que l'armée, qui avait assiégé Gérone, est frappée par la peste et doit se retirer. Le roi Philippe III de France meurt le à Perpignan, en pleine retraite. Pierre III, quant à lui, meurt peu de temps après, le , laissant son royaume en partage à ses deux fils : Alphonse reçoit l'Aragon, la Catalogne, Valence et Majorque, tandis que Jacques devient roi de Sicile. Bien qu'alliés, les frères ont des intérêts divergents.

Captivité, guerre et réconciliation avec Alphonse III

À la mort de son père, Charles est toujours en captivité, malgré l'intervention de nombreuses délégations en faveur de sa libération (France, Angleterre, Papauté...). Après l'échec d'un premier accord signé à Oléron en 1287, Charles est remis en liberté le grâce au traité de Canfranc, et à la condition de laisser en Aragon trois de ses fils en otage (Louis, Robert et Raymond-Bérenger[4]). Il se fait couronner roi de Naples le en la cathédrale de Rieti par le pape Nicolas IV. Malgré les pressions belliqueuses de ce dernier et du comte Robert II d'Artois, il conclut une trêve avec l'Aragon en 1289.

En , à Tarascon, Alphonse III parvient à un accord de paix avec Charles II, le pape et la France, par lequel il renonce aux droits de son frère Jacques au trône de Sicile. En échange, Charles de Valois renonce à ses droits sur le royaume d'Aragon, obtenant en échange les comtés d'Anjou et du Maine, ainsi que la main de Marguerite, fille aînée de Charles II, ce dernier devant retrouver le contrôle de la Sicile, désormais "lâchée" par le royaume d'Aragon.

Mais Alphonse III meurt à l'improviste, le , sans enfants et son frère Jacques lui succède à la tête du royaume d'Aragon, conservant la Sicile.

Charles II suit la politique de son père dans les Balkans en s'opposant aux empereurs de Byzance, de concert avec son cousin Charles de Valois, frère cadet du roi Philippe IV le Bel.

Le traité d'Anagni

Le , Charles II finit par signer un traité de paix avec Jacques II d'Aragon, connu sous le nom de Traité d'Anagni, sur la proposition du pape Célestin V et conclu par le pape Boniface VIII. Celui-ci prévoit que Charles II récupère la Sicile et que ses trois fils, toujours aux mains de Jacques II depuis 7 ans, soient remis en liberté. En échange, le pape suspend l'excommunication de ce dernier, qui doit par ailleurs recevoir le royaume de Sardaigne et Corse, créé ex novo et tout à conquérir, l'île étant déjà gouvernée par des entités étatiques autonomes. Le traité prévoit en outre l'union de Jacques II avec Blanche, la deuxième fille de Charles II, tandis que Frédéric, gouverneur de la Sicile, aurait été indemnisé par son mariage avec l'héritière de l'empire byzantin, Catherine de Courtenay. Frédéric, fâché que le testament d'Alphonse III n'ait pas été respecté par Jacques II, refuse et se range aux côtés des Siciliens qui, se sentant trahis par le nouveau roi d'Aragon, déclarent la déchéance de Jacques et élisent Frédéric comme roi. Le , le Parlement sicilien réuni à Palerme proclame Frédéric III roi de Sicile et reconfirme son choix le au château d'Ursino de Catane. le couronnement officiel a lieu le dans la cathédrale de Palerme.

Le , conformément au traité d'Anagni, Blanche d'Anjou et de Naples épouse Jacques, roi d'Aragon, à Vilabertran (Haut-Emprudan), dans le nord de la Catalogne. Ce dernier n'accepte pas sa destitution et se retrouve ainsi aux côtés des Angevins contre son propre frère Frédéric et les Siciliens.

La guerre contre Frédéric III pour la Sicile

La guerre contre la Sicile reprend à partir de 1296. Frédéric III prend l'initiative contre les Angevins et non seulement il conserve la Sicile, mais il parvient en outre à porter la guerre en Calabre et autour de Naples. Boniface VIII, début 1297, convoque à Rome Charles II et Jacques pour les encourager à reconquérir la Sicile, conformément au traité d'Anagni. Sur ordre de Jacques II, tant Giovanni da Procida que Ruggero di Lauria, devenu amiral de la flotte alliée anti-sicilienne et enfin la reine mère Constance de Sicile, durent abandonner la Sicile et le roi Frédéric pour rejoindre Jacques à Rome. En , à Capo d'Orlando, avec la flotte aragonaise flanquée de celle de Naples, Jacques bat Frédéric, qui ne parvient à se sauver qu'avec 17 galères. Toutefois, dès l'année suivante, Jacques doit revenir en Aragon face à la résistance opposée par Frédéric.

La guerre se déroule maintenant en Sicile, où les fils de Charles II, Robert et Philippe Ier de Tarente, ont conquis Catane et assiégé Messine. Mais Frédéric a remporté une victoire importante à Falconara, près de Trapani, faisant prisonnier Philippe. Il résiste à Messine et en Calabre. Charles II préfèrerait la paix mais le pape, après l'avoir accusé de lâcheté, appelle à la rescousse en 1300 les Templiers, les Hospitaliers et les Génois, qui se joignent aux combats à contrecœur. Mais à l'exception d'une nouvelle victoire brillante de Lauria sur la flotte sicilienne le , la situation ne progresse pas.

A la mi-août, Charles II lance une croisade contre l'établissement musulman de Lucera, riche et fort peuplé. Les motivations de cette attaque sont au nombre de deux : satisfaire la requête de Boniface VIII, désireux d'éliminer la dernière place-forte islamique du territoire, en l'année du premier Jubilée et régler les dettes contractées envers les banquiers florentins grâce aux richesses de la ville. Lucera, après un long siège conduit par Giovanni Pipino de Barletta, est détruite entre le 15 et le  : les murs et les mosquées sont abattus, la ville est rasée et de très nombreux musulmans, hommes, femmes et enfants, sont massacrés, tandis que 10 000 survivants sont enchaînés et vendus au marché des esclaves ou contraints à se convertir au christianisme. La victoire sur les Sarrasins entraînera le changement du nom de la ville, que Charles rebaptisera "Civitas Sanctae Mariae". En très peu de temps, le bourg est repeuplé de chrétiens venus de tout le royaume.

Enfin, Boniface VIII se tourne vers le roi de France Philippe IV le Bel, qui envoie une armée commandée par son frère, Charles de Valois. Arrivé en Sicile en , ce dernier la traverse en brûlant et pillant tout sur son passage, jusqu'à son arrivée à Sciacca, où, très affaibli par la malaria et par peur d'une attaque décisive de Frédéric, il en accepte les offres de paix.

La guerre des Vêpres Siciliennes se termine par le traité de paix de Caltabellotta, signé le , probablement au château de Pizzo. Modifié par le pape le , ce texte prévoit que Frédéric III se maintienne au pouvoir en Sicile avec le titre de roi de Trinacrie jusqu'à sa mort, après laquelle l'île reviendra aux Anjou. Frédéric doit par ailleurs épouser Éléonore, la troisième fille de Charles II. En échange, les Aragonais récupèrent la Corse ou la Sardaigne, ou d'autres territoires, ou une forte somme d'argent. Charles II prend le titre de roi de Sicile (Rex Siciliae, ducatus Apuliae et principatus Capuae), tout en renonçant temporairement à l'île mais en conservant la Campanie, la Calabre, les Pouilles et la Basilicate, en obtenant la reconnaissance de facto du royaume de Naples.

Les dernières années

En 1303, Charles II appuie l'élection de Niccolò Boccasini sous le nom de Benoît XI. Celui-ci, lorsqu'il était légat en Hongrie, avait appuyé l'élection au trône de Hongrie de Charobert, le petit-fils de Charles II. L'année suivante, Charles II lance l'investiture du Mastrogiurato, une célébration au cours de laquelle, après de nombreuses fêtes et l'agitation de drapeaux, le gouvernement de la ville était confié à un simple maire. Joachim Murat abolit cette fête en 1806 mais elle sera reprise par la ville de Lanciano dans les Abruzzes, près de Chieti, en 1981.

En 1306, Charles entre en conflit avec Philippe de Savoie, le troisième mari d'Isabelle de Villehardouin, princesse d'Achaïe, à laquelle il a cédé le titre en 1289. En 1307, il déclare le couple déchu du titre, qu'il réattribue à son fils Philippe, auquel en 1301, il avait déjà cédé le titre de roi d'Albanie.

En 1309, Charles propose de nouveau la reconstitution du royaume d'Arles, dont son père, Charles Ier, avait racheté les droits à Raymond des Baux, prince d'Orange. Ce projet n'aboutira pas.

Il aurait été à l'origine du nom d'un de ses palais, le Palais de Quisisana[5].

Il meurt à Naples le , laissant le trône à son fils Robert, dit le Sage. Son fils aîné, Charles Martel, a disputé le trône de Hongrie à André III jusqu'à sa mort de la peste en 1295.


Titres

Mariage et descendance

Il épouse en 1270 Marie de Hongrie (v. 1257-1323), fille d'Étienne V[6], roi de Hongrie et d'Élisabeth, fille de Sheihan, khan des Coumans. Ils ont eu quinze enfants :

Généalogie

Source partielle

Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Charles II d'Anjou » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, (lire sur Wikisource)

Notes et références

  1. Sa généalogie sur le site Medieval Lands
  2. Etienne Michel Faillon, Monuments inédits sur l'apostolat de Sainte Marie-Madeleine en Provence : et sur les autres apotres de cette contrée, Saint Lazare, Saint Maximin, Sainte Marthe, les saintes Maries Jacobé et Salomé. v. 1, Jacques-Paul Migne, (ISBN 978-1-272-79155-1, lire en ligne), Tome Premier - Histoire du Culte de Sainte Marie-Madeleine. Article quatrième: Charles, Prince de Salerne, retire le corps de Sainte Madeleine de la crypte où il avait été enfoui depuis l'année 710.
  3. « Histoire de la Grotte », sur Sainte Baume, (consulté le ).
  4. François Giraud, La croix d'Anjou au cœur de la Provence, Le Manuscrit, (ISBN 978-2-304-00786-2), p. 100
  5. L'emplacement du palais a été choisi pour son climat favorable et pour le panorama qu'il offre sur la Baie de Naples. C'est pour ces raisons que la résidence a été appelée Domus de Loco Sano (maison de lieu sain), qui sera par la suite transformé en Quisisana. D'autres historiens soutiennent que le nom dériverait en fait d'une phrase prononcée par le roi Charles II d'Anjou, Qui si sana (ici, on se soigne), après avoir guéri d'une maladie grave dans sa demeure de Castellammare.
  6. Généalogie d'Étienne V (ISTVÁN) sur le site Medieval Lands
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