Inca Roca
Inca Roca était le sixième souverain inca du royaume de Cuzco. Son existence est semi-légendaire, comme celle des sept premiers rois incas. Il est le premier souverain inca à porter le titre de Sapa Inca, et à incorporer le terme (et le concept) d'Inca à son nom de règne.
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Biographie
Il est donc le premier souverain inca au sens plénier[1], car il avait pris le contrôle de la Confédération Cuzquénienne (le jeune empire inca naissant étant au début une confédération des tribus habitant le territoire du Cuzco).
L'ambition d'un jeune chef : coup d'état et fondation d'une nouvelle dynastie
En effet, à la mort de son père Capac Yupanqui, « le rapport des forces entre alliés s'était suffisamment modifié en faveur des Incas pour que [...], à la tête de ses guerriers, le nouveau sinchi [ou chef de guerre de la Confédération] renversât par la violence les autorités de Hanan dont il cumula les fonctions[1] ». Auparavant c'était Hanan, le haut Cuzco, qui détenait les fonctions politiques et religieuses aux mains des tribus alliées des incas, et avait la préséance sur Hurin, la moitié du bas Cuzco qui exerçait la fonction militaire sous la direction du sinchi Inca, mais en exécution des décisions du Hanan Cuzco. Après la prise de pouvoir par Inca Roca, la statue du premier Inca mythique Manco Capac « fut transportée solennellement dans la moitié du haut. Le culte du Soleil lié à celui de l'ancêtre tribal fut imposé à tous les alliés[1]. »
Le chef de guerre
Par la suite, Inca Roca dirige des expéditions militaires dans la vallée de Cuzco, celle du Río Urubamba, qui deviendra la Vallée sacrée des Incas. Celles-ci aboutissent à l'incorporation dans le jeune royaume inca du Cuzco d'une dizaine de villages proches comme Muina et Pinawa[1]. C'est le début de l'expansion inca qui engendrera le plus grand empire et la plus remarquable entité administrative des Amériques précolombiennes. Jusque-là, les premiers Incas suprêmes étaient seulement les chefs de guerre de la Confédération, organisant des raids de pillage contre leurs proches voisins ou s'en défendant[2]. Ces « obscures escarmouches et successions de vendettas[2] » n'avaient donc encore abouti à aucune conquête proprement dite[2], ce que changera le règne d'Inca Roca et ce en quoi celui-ci peut être considéré comme inaugural.
Le bâtisseur et l'administrateur visionnaire
Il reste d'ailleurs à Cuzco des vestiges conséquents du palais impérial d'Inca Roca (aujourd'hui : Musée de l'art religieux du palais archiépiscopal), notamment un mur colossal qui illustre l'art incaïque de l'appareillage des pierres polygonales parfaitement ajustées, et qui contient Hatun rumiyoc ["la plus grande pierre" en quechua], la fameuse "pierre aux douze angles" dans la rue du même nom de l'ancienne capitale impériale qui rejoint la Plaza de Armas, en partant du quartier San Blas de Cuzco. La technique employée est caractéristique de la façon de construire des Incas : jointure extrêmement fine, ajustage par frottements avec abrasif. Ceci confère au mur des propriétés antisismiques : il est à noter qu'il est demeuré intact et a résisté à plusieurs violents tremblements de terre alors que des murs plus récents, construits par les espagnols avec du ciment se sont effondrés[3].
Enfin, d'après Garcilaso de la Vega[4] relayé par les grands spécialistes du Pérou préhispanique que sont María Rostworowski (es) et Rafaël Karsten (es), Inca Roca aurait été le fondateur du Yachahuasi, cette école où les enfants de la noblesse de sang royal (de la capitale, puis plus tard ceux de la noblesse des provinces) apprenaient le Runa Simi (la langue quechua), l'histoire et la religion de la dynastie, les sciences dont les mathématiques, et l'art des quipus[5],[6]. Il aurait aussi été l'initiateur d'un nouveau système d'irrigation pour la ville du Cuzco, toujours selon María Rostworowski relayant cette fois le chroniqueur Cieza de León[7].
En effet, Inca Roca semble avoir été le premier chef, hormis le fondateur mythique de la cité Manco Cápac, « que les chroniqueurs montrent soucieux d’améliorer le sort de sa ville[5] ». D’ailleurs, María Rostworowski conclut que « la seconde dynastie régnante [Hanan Cuzco] eut sans conteste un plus grand sens de la grandeur et du gouvernement que la précédente[5] ». Donc, pour elle, « si Manco Cápac fut le fondateur de l’épopée incaïque, on peut considérer Inca Roca comme le précurseur de la future grandeur des Incas, Pachacútec demeurant quant à lui l’architecte de l’empire[5] ».
Notes et références
- Henri Favre, Les Incas, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? n° 1504 », 1972, 7ème édition corrigée : 1997, 128 p. (ISBN 2 13 045387 2 et 978-2-13-038590-5), page 17
- Alfred Métraux, Les Incas, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Histoire n° H66 », 1961 et 1983, 190 p. (ISBN 978-2-02-006473-6 et 2-02-006473-1), p. 38
- On pourra voir ici un petit film documentaire qui permet de visiter en mouvement et de près le mur inca du palais d'Inca Roca, avec des informations précieuses qu'on a reprises : (fr + es) GaoronTV, « LE MUR INCA DE CUSCO PÉROU / La Pierre aux 12 angles! », sur YouTube, (consulté le ).
- NDA : Commentaires royaux sur le Pérou des Incas, tome 1, livre 4, chapitre XIX.
- María Rostworowski (trad. de l'espagnol), Le Grand Inca, Pachacútec Inca Yupanqui, Paris, Tallandier, coll. « moderne », , 351 p. (ISBN 978-2-84734-462-2 et 2-84734-462-4, lire en ligne) on pourra en lire aussi de larges extraits ici : María Rostworowski, « Le Grand Inca, Pachacútec Inca Yupanqui », sur Amazon, 2013 pour l'édition numérique, (consulté le ).
- Rafaël Karsten, La civilisation de l'Empire inca, PAYOT, coll. « Le Regard de l'Histoire », v.o. (finnois) en 1948, en français : 1952, réédité en 1972, 1979, 1983 (ISBN 978-2-228-27320-6), p. 50
- NDA : Del señorío de los Incas (chapitre XXXV).
Voir aussi
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