Missile balistique intercontinental

Un missile balistique intercontinental (en anglais : intercontinental ballistic missile ou ICBM) est un missile balistique d'une portée supérieure à 5 500 km (par convention de traités)[1].

Test de lancement d'un missile Minuteman III
Un missile balistique peut porter plusieurs ogives permettant de frapper des objectifs différents dans une même zone

Historique

Le complexe militaro-industriel allemand lança durant la Seconde Guerre mondiale les premières études pour un lanceur pouvant emporter des charges militaires sur un autre continent, la cible spécifique étant les États-Unis, mais la chute du Troisième Reich interrompit les recherches et les Alliés se partagèrent ses travaux.

Le premier missile balistique intercontinental fut le soviétique R-7 Semiorka (R-7 numéro 7) qui parcourut 6 000 km le [2]. Le succès du second essai du dans sa trajectoire ascendante poussa l'Union Soviétique à l'utiliser comme lanceur de satellite, ce qu'elle fit avec la 8K71PS ou R-7 numéro 9, qui emporta le Spoutnik 1 le . Deux suivirent en novembre de la même année, qui envoyèrent en orbite Spoutnik 2 et 3.

Le premier tir d'un ICBM aux États-Unis a eu lieu avec un SM-65 Atlas le .

Charge utile

Les missiles balistiques intercontinentaux sont généralement conçus pour porter une ou plusieurs ogives nucléaires.

Cependant, l'URSS avait durant la guerre froide des armes biologiques embarquées à bord de certains missiles[3] et les États-Unis avaient jusqu'en 1992 quelques missiles pouvant emporter des satellites de télécommunication d'urgence en cas de destruction de leur réseau de télécommunications militaires.

Depuis les années 2000, des responsables des forces armées des États-Unis étudient la possibilité d'installer des ogives conventionnelles ou inertes (l'énergie cinétique due à la grande vitesse d’impact causant d'importants dégâts) à la place des armes nucléaires sur plusieurs de leurs missiles balistiques dans les années 2010–2020 dans le cadre du programme Prompt Global Strike[4]. Un premier essai avec un missile mer-sol balistique stratégique Trident II aurait dû avoir lieu en [5] mais ce programme a été abandonné. L'utilisation de telles charges comporte des problèmes d'identification par les autres pays qui, en cas de tir, ne peuvent savoir s'il s'agit d'un bombardement nucléaire ou conventionnel[6].

La république populaire de Chine a en revanche développé des versions du DF-21 emportant des charges conventionnelles.

Catégories

Un R-36MUTTH, code OTAN SS-18 mod. 5, au musée. Cet engin soviétique est le plus lourd missile conçu jusqu’à présent avec sa masse de 210 t.

Les ICBM se différencient des autres missiles balistiques par leur vitesse et leur portée :

  • les missiles balistiques à courte portée pour champ de bataille "Tactical Ballistic Missile" (TBM) ou également "Battlefield Range Ballistic Missile" (BRBM) ;
  • les missiles balistiques de courte portée SRBM : portée maximale de 1 000 km selon le Missile Defense Agency des États-Unis ;
  • les missiles balistiques de portée moyenne MRBM : portée entre 1 000 et 3 000 km selon la Missile Defense Agency des États-Unis ;
  • les missiles balistiques de portée intermédiaire IRBM : portée entre 3 000 et 5 500 km selon la Missile Defense Agency des États-Unis.

En 2017, tous les membres permanents du conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies disposent de systèmes opérationnels permettant de lancer des ICBM : tous possèdent des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et la Russie, les États-Unis et la Chine ont des bases terrestres permettant de lancer des missiles balistiques intercontinentaux. De plus, la Chine et la Russie possèdent des systèmes terrestres mobiles.

En plus des membres du conseil permanent de l'ONU, l’Inde développe une variante de son missile Agni, appelé Agni 4, qui aurait une portée de 6 000 km. Certaines agences de renseignements soupçonnent la Corée du Nord de vouloir en développer ; deux tests de différents prototypes de missiles en 1998 et 2006 n’ont pas été concluants.

En 1991, les États-Unis et la Russie ont conclu un traité de réduction des armes stratégiques afin de réduire leurs déploiements d’ICBM et les ogives attribuées.

Phases de vol

Vol balistique

Les phases suivantes de vol balistique peuvent être distinguées :

  1. Phase de poussée : de 3 à 4 minutes ; l'altitude à la fin de cette phase est entre 150 et 200 kilomètres, la vitesse moyenne est de 7 km/s (la vitesse de satellisation minimale d'un objet de la surface de la Terre est de 7,9 km/s) ;
  2. Phase intermédiaire : environ 25 minutes pour une cible à 12 000 kmvol suborbital sur une orbite elliptique, c'est-à-dire l'orbite fait partie d'une ellipse avec l'axe principal vertical ; l'apogée est à une altitude d'environ 1 200 km ; l'axe semi-principal vaut entre 1 fois et 12 le rayon de la Terre ; la projection de l'orbite sur la surface de la terre est un grand cercle ;
  3. Phase de rentrée : environ 2 minutes. Le missile peut libérer quelques ogives, chacune ayant une trajectoire propre, ainsi qu'un grand nombre de leurres pour dérouter la défense antimissile.

Vol planant

Représentation du planeur hypersonique Hypersonic Technology Vehicle 2 (HTV-2) de l’USAF testé en 2010 et 2011.

Envisagé depuis la conception des premiers missiles balistiques et testé en 1959 avec Alpha Draco (en), reporté dans les années 1960/70 pour éviter une course à l’armement et testé à partir des années 1980 par les États-Unis[7],[8] puis par la Chine et la Russie depuis les années 2000, les spécialistes recherchent une trajectoire de « croisière » extrêmement rapide (entre 10 000 et 20 000 km/h), tout en maintenant la manœuvrabilité des MIRV à charge conventionnelle ou nucléaire potentiellement « satellisable »[9].

Une des solutions est une ogive de type planeur hypersonique (Hypersonic Glide Vehicle) qui rebondit sur l’atmosphère (entre 80 et 100 km d’altitude). En général, toute l'énergie est fournie dans la phase balistique initiale, puis l'engin avance sur son élan, étant essentiellement piloté lorsqu'il replonge dans les hautes couches de l’atmosphère pour rebondir[10].

Liste de missiles balistiques intercontinentaux

nom localcode OTANpaysdépl.ogiveschargemassepropulsionportéePrécisiontir
R-7SS-6 Sapwood Union soviétique195712,9 Mt265 tkér. et kér.8 000 km3 700 mtour
SM-65 Atlas États-Unis195911,4 Mt121 tkér.11 000 km3 700 mtour et silo
R-16SS-7 Saddler Union soviétique196115 Mt140 thyp. et hyp.11 000 km2 700 mtour et silo
SM-68 Titan États-Unis196114 Mt100 tkér. et kér.10 000 km1 400 msilo
LGM-30 Minuteman États-Unis196211,2 Mt29 tsol., sol. et sol.10 000 km2 400 msilo
Titan II États-Unis196219 Mt154 tsol., sol. et sol.10 000 kmn.d.silo
R-9SS-8 Sasin Union soviétique196412,3 Mt81 tkér. et kér.11 000 km2 000 mtour et silo
R-36SS-9 Scarp Union soviétique1966118–25 Mt210 thyp. et hyp.15 500 km920 msilo
UR-100SS-11 Sego Union soviétique19671500 kt42 thyp. et hyp.11 000 km1 400 msilo
RT-2SS-13 Savage Union soviétique196811,5 Mt50 tsol., sol. et sol.9 500 km2 000 msilo
LGM-30 Minuteman II États-Unis196711,2 Mt33 tsol., sol. et sol.12 500 km1 000 msilo
RT-20PSS-15 Scrooge Union soviétique19691500 kt30 tsol. et hyp.11 000 km600 mmobile
LGM-30F Minuteman III États-Unis19713170 kt35 tsol., sol. et sol.13 000 km280 msilo
R-29SS-N-8 Sawfly Union soviétique19741 à 7100-500 kt33 tmer., sol.6 500-9 000 kmn.d.SNLE
R-36MSS-18 Satan Union soviétique19741 à 1011 Mt (ogive unique)210 thyp. et hyp.11 200 km400 msilo
MR-UR-100SS-17 Spanker Union soviétique197513,5–6 Mt71 thyp. et hyp.10 100 km420 msilo
UR-100NSS-19 Stiletto Union soviétique19756650 kt105 thyp., hyp. et hyp.9 700 km350 msilo
RT-21SS-16 Sinner Union soviétique197611–1,5 Mt44 tsol., sol. et sol.10 500 km450 mmobile
Trident I États-Unis19798100 kt33 tmer., sol.6 400 km380 mSNLE
DF-4CSS-3 Chine19801 à 33,3 Mt82 tsol., sol. et sol.7 000 km1 500 msilo
DF-5CSS-4 Chine198112 Mt183 thyp., hyp. et hyp.12 000 km500 msilo
R-39 RifSS-N-20 Sturgeon Union soviétique198310100-200 kt84 tmer., sol.8 300 kmn.d.SNLE
RT-2PMSS-25 Sickle Union soviétique19851550 kt45 tsol., sol. et sol.10 500 km150 mmobile et silo
LGM-118A Peacekeeper États-Unis198610300 kt88 tsol., sol., sol.9 600 km100 msilo
Jericho III Israël1986n.d.26 tsol. et sol.3 500-11 000 kmn.d.tour
RT-23SS-24 Scalpel Union soviétique198710400 kt104 tsol., sol. et sol.10 000 km150 mmobile et silo
Trident II États-Unis19901 à 8100-475 kt58 tmer., sol.11 300 km90 mSNLE
M45 France19966150 kt35 tmer., sol.6 000 km200 mSNLE
RT-2PM2 Topol-MSS-27 Sickle-B Russie19971550 kt47 tsol., sol. et sol.11 000 km350 mmobile et silo
DF-31CSS-9 Chine200011 Mt42 tsol., sol. et sol.8 000 km300 mmobile
Jericho III Israël2008n.d.6 500 km1 000 msilo
M51 France20106 à 10100-110 kt54 tmer., sol.9 000 km200 mSNLE
RS-24 IarsSS-29 Russie20103150-200 kt50 tsol., sol., sol.10 500 km250 msilo, mobile
Julang 2CSS-N-4 Chine20153 à 10250-1 000 kt23 tmer., sol8 600-14 000 kmn.d.SNLE
Hwasong-14 Corée du Nord20171n.d.34 t10 000 kmn.d.tour
Hwasong-15 Corée du Nord20171n.d.72 t13 000 kmn.d.mobile
RS-28 SarmatSS-30 Satan-2 Russie202015n.d.>100 tsol., sol. et sol.17 000 km10 msilo, mobile
R-30 BoulavaSS-N-32 Russie6 à 10100-150 kt37 tmer., sol.8 000 kmSNLE
Liste des missiles balistiques intercontinentaux américains, soviétiques et chinois avec leur durée de mise en service, leur nombre d'ogives et d'engins déployés (en allemand).

Notes et références

  1. Joseph Henrotin (Centre des études de sécurité), « Armes hypersoniques : quels enjeux pour les armées ? », Briefings de l'IFRI, (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) « Rocket R-7 », energia.ru
  3. référence nécessaire
  4. Défense et Sécurité internationale no 35, mars 2008
  5. « L’US Navy prévoit de tester en aout prochain des technologies liées au missile Trident conventionnel », Le portail des sous-marins, 23 mai 2009
  6. (en) US 'Prompt Global Strike' Capability: A New Destabilising Sub-State Deterrent in the Making?, British American Security Concil, juin 2006
  7. (en) « Strategic Nuclear Strike Hypersonic Glide Vehicles », sur Dreamland Resort, (consulté le )
  8. (en) « Lockheed HGV », sur Designation Systems, (consulté le )
  9. (en) Bill Gertz, « Hypersonic arms race: China tests high-speed missile to beat U.S. defenses », sur The Washington Times, (consulté le )
  10. [image](zh)Trajectoire Qian étudié par la Chine

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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