Numération

La numération désigne le mode de représentation des nombres, et peut éventuellement se restreindre aux ordinaux ou cardinaux, ou à un ou plusieurs ensembles de nombres donnés. Cette représentation peut être concrète et matérielle, ou, au contraire, abstraite, par le biais des mots, gestes et signes qui ont permis aux différents peuples d'énoncer, de mimer et d'écrire ces nombres. De façon plus spécifique, la numération peut désigner un mode de représentation des nombres lié à un système d’écriture en chiffres précis. Aujourd'hui la numération occidentale, dite « arabe » ou « indo-arabe », à la fois décimale et positionnelle, tend à s'imposer dans le monde.

Polysémie

La numération désigne parfois aussi le comptage ou le dénombrement. Le mot provient d'ailleurs du latin classique, « numeratio », ayant pour sens « action de compter de l'argent », lui-même tiré de « numerus », signifiant « nombre ».

Par l'étymologie et le sens, on peut donc en rapprocher le terme voisin d'énumération. Pour ce qui est de l'étymologie, ce dernier vient du latin « enumeratio », tiré du verbe « enumerare », signifiant « compter en entier, énumérer, dénombrer », lui-même provenant également de « numerus ». Pour ce qui est du sens, l'énumération désigne l'action de nommer des éléments, à des fins de description, de récapitulation ou de dénombrement.

La numération se distingue également des notions de numérotation, de numérisation, d'immatriculation, de codification et de chiffrement.

Représentation matérielle d'une quantité

Une technique ancienne permet de représenter une quantité sans l'intervention de l'écriture ni du langage. En symbolisant chaque élément par un caillou ou un jeton, cela permet d'enregistrer une quantité à l'aide d'une quantité équivalente. De cette manière, par comparaison des quantités, élément par élément, il est possible de déterminer si un troupeau est complet, ou si le nombre de bêtes qu'il comprend accroit, décroit ou reste stable. On parle de collection équipotente.

Ce système a été utilisé dès la Préhistoire sous la forme d'encoches sur des os (et probablement des morceaux de bois). Dans l'Antiquité grecque, on l'utilisait pour dénombrer les soldats (chaque soldat apportait un caillou). Et au XXe siècle dans les mines françaises pour savoir si tout le monde était sorti (par la gestion des lampes). Le terme « calcul » (cailloux) et le mot anglais « digit » (doigt), avec l'anglicisme « digital » (numérique), proviennent de ces pratiques.

Codification abstraite

Les nombres peuvent être représentés par des signes, par des mots ou par des gestes. Un ensemble de règles d'utilisation de ces signes, des mots ou des gestes définit un système de numération.

Le premier système de numération, dit unaire, est celui qui est présenté ci-dessus avec les objets témoins. Il est cependant peu pratique, surtout lorsque les nombres deviennent élevés. Le comptage implique alors la constitution d'un système de numération. La solution consiste en effet à grouper les quantités par paquets, et constituer ainsi une base de numération. La manière d'écrire le nombre en chiffres cadre plus ou moins avec la manière de prononcer : les deux systèmes se doivent d'utiliser au moins la même base de numération.

Parmi les différentes cultures humaines, de nombreux systèmes de numération traditionnels reposent sur les nombres 5, 10 ou 20. Cela peut s'expliquer par le fait que dans beaucoup de cultures on utilise le comptage sur les 5 doigts de la main, sur les 10 doigts des deux mains ou les 20 doigts des mains et orteils des pieds. Ainsi en shuar, le nombre 10 se dit « deux mains »[1]. De là proviennent les chiffres romains V pour 5 (une main) et X pour 10 (deux mains jointes). Toutefois, certains systèmes de numération peuvent être beaucoup plus limités. Ainsi, en munduruku, il n'existe pas de symbole linguistique pour représenter des cardinaux supérieurs à 5.

On recense plusieurs numérations au cours de l'histoire, propre à une ou plusieurs civilisations, ou à un ou plusieurs peuples. On peut citer, par exemple, les numérations : à bâtons, arabe, arménienne, chinoise, égyptienne, éthiopienne, étrusque, forestière, gotique, grecque, hébraïque, indienne, japonaise, maya, mésopotamienne, mongole, romaine, suzhou, tchouvache, thaï, etc.

Plusieurs numérations fictionnelles ont également été imaginées :

On peut caractériser une numération de différentes manières.

  • Par le type de nombres représentés :
une numération cardinale, ou arithmétique, vise à représenter des quantités, des proportions ou des grandeurs ;
une numération ordinale vise à ordonner un ensemble et à identifier chaque élément de cet ensemble par son rang.
  • Par la base utilisée :
concernant les bases courantes, on parle, par exemple, de numération binaire (ou en base 2), quinaire (ou en base 5), octale (ou en base 8), décimale (ou en base 10), duodécimale (ou en base 12), hexadécimale (ou en base 16), vicésimale (ou en base 20), ou sexagésimale (ou en base 60) ;
concernant les bases exotiques, relatives au domaine des sciences, on parle, par exemple, de béta-numération (ou numération en base non entière), comme pour la numération en base d’or, de numération de Zeckendorf (ou en base de Fibonacci), de numération à bases mixtes (comme la numération factorielle) ou de numération en base complexe.
une numération acrophonique emploie des chiffres qui renvoient à l'initiale du mot désignant le nombre auquel ils sont associés ;
une numération alphabétique emploie pour chiffres des lettres de l'alphabet.
une numération hiéroglyphique emploie pour chiffres des hiéroglyphes.
  • Par le mode d’utilisation des chiffres :
une numération additive emploie des chiffres qui représentent la même valeur quelle que soit leur place dans le nombre ;
une numération de type hybride emploie deux types de chiffres qui peuvent se combiner pour représenter une valeur ;
une numération de position emploie des chiffres dont la valeur qu'ils représentent varie en fonction de leur place dans le nombre.
  • Par son caractère incomplet ou redondant :
une numération incomplète ne permet pas de représenter tous les nombres ;
une numération redondante permet de représenter certains nombres de plusieurs manières.

Applications

Numéroter

Numéroter consiste à attribuer un code unique, appelé numéro, à chacun des éléments d'un ensemble. Bien que les numéros soient généralement des nombres, ils ne représentent pas une quantité, mais ils permettent une relation ordonnée sur les éléments numérotés, et fournissent de nombreux exemples de numération ordinale.

Ordonner

Ordonner consiste à classer des éléments d'un ensemble suivant un numéro ou un nombre auxquels ils sont associés.

Localiser

Localiser consiste à déterminer une position dans un espace donné. Cette position est définie par un n-uplet de coordonnées.

Mesurer

Mesurer consiste à déterminer la valeur d'une quantité, une dimension ou une intensité au moyen d'un instrument de mesure, une partie du corps ou un objet, cet instrument, le plus souvent, définissant ou étant lié à une unité de mesure, pouvant elle-même être fixée par un étalon.

Compter

Compter consiste à réciter une suite ordonnée de mots. Ces mots représentent des nombres, et leur suite est appelée chaine numérique. Compter les éléments d'un ensemble consiste à les mettre en correspondance un à un avec les nombres successifs. Il s'agit en quelque sorte d'une numérotation. Compter des éléments nécessite à la fois de savoir réciter les entiers naturels dans l'ordre, de savoir pointer, généralement de la main ou du regard, des éléments, et de savoir coordonner la motricité, l'activité sensitive (visuelle ou tactile) et le langage.

Calculer

Calculer consiste à effectuer des opérations.

Nombrer

Nombrer consiste à associer aux éléments d'un ensemble un nombre exprimant leur quantité. Ce nombre peut être précis, dans le cas où il a été déterminé au moyen d'un comptage ou d'un calcul, ou, au contraire, approximatif, dans le cas où il procède d'une évaluation en quantité.

Dénombrer

Dénombrer consiste à déterminer la quantité d'éléments d'un ensemble par le biais du comptage ou du calcul. Cela revient donc à compter ou calculer ces éléments et à les nombrer. Aussi, un enfant sait dénombrer lorsque la technique du comptage est acquise et qu'il sait que le dernier mot employé représente la quantité des éléments comptés.

Comptabiliser

Comptabiliser consiste à s'intéresser à une quantité ou à ses fluctuations, par le biais d'une comptabilité, éventuellement effectuée sur un compte, en considérant les arrivées et les départs, les entrées et les sorties, les gains et les pertes, les recettes et les dépenses, etc.

Quantifier

Quantifier consiste à déterminer la valeur d'une quantité, une dimension ou une intensité, valeur pouvant être précise, dans le cas où elle a été déterminée par le biais de la mesure ou du calcul, ou, au contraire, approximative, lorsqu'elle procède d'une évaluation.

Divers

La numération sert aussi à la divination dans certaines cultures. C'est le cas, par exemple de la divination malgache, dérivée de la géomancie arabe, à la suite de l'extension de l'Islam en Afrique[2].

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • L'Empire des nombres, Gallimard
  • Georges Ifrah, Histoire universelle des chiffres : l'intelligence des hommes racontée par les nombres et le calcul, Paris, Laffont, (1re éd. 1981), 1010 p. (ISBN 2-221-07838-1).

Filmographie

  • L'empire des nombres, film d'Arte inspiré du livre éponyme
  • Georges Ifrah, Histoire universelle des chiffres : l'intelligence des hommes racontée par les nombres et le calcul, Paris, Laffont, (1re éd. 1981), 1010 p. (ISBN 2-221-07838-1).

Articles connexes

  • Portail des mathématiques
  • Arithmétique et théorie des nombres
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