Patriarcat orthodoxe d'Antioche

Le patriarcat grec-orthodoxe d'Antioche et de tout l'Orient (en arabe : بطريركية أنطاكية وسائر المشرق للروم الأرثوذكس / baṭriyarkiyyaẗ ʾanṭākiyaḧ wa-sāʾir al-mašriq li-r-rūm al-ʾurṯūḏuks) est une juridiction autocéphale de l'Église orthodoxe appelée aussi Église orthodoxe d'Antioche. Le patriarche, chef de cette Église, administre directement l'archidiocèse grec-orthodoxe d'Antioche et de Damas, résidant depuis le XIVe siècle à Damas (aujourd'hui capitale de la Syrie). L'actuel patriarche est Jean X d'Antioche, élu le .

Patriarcat grec-orthodoxe d'Antioche et de tout l'Orient
(ar) بطريركية أنطاكية وسائر المشرق للروم الأرثوذكس
Fondateur(s) Apôtres Pierre et Paul
Autocéphalie ou autonomie
déclarée dès les origines
Reconnaissance dès les premiers siècles
Primat actuel Jean X d'Antioche
Siège Damas, Syrie
Territoire primaire Syrie, Liban, une partie de la Turquie, Iran[1], Irak[1], Koweït[1], Bahreïn[1], Arabie saoudite[1], Émirats arabes unis[1], Qatar[1], Oman[1] et Yémen[1]
Extension territoriale Amérique du Nord, Buenos Aires et toute l'Argentine, Mexique, Venezuela, Amérique centrale et Caraïbes, Santiago et tout le Chili, São Paulo et tout le Brésil, Allemagne et Europe centrale, France et Europe occidentale et méridionale, îles Britanniques et Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande et Philippines
Rite byzantin
Langue(s) liturgique(s) Koinè (depuis l'origine), arabe classique (à partir du IXe siècle)
Tradition musicale byzantine
Calendrier grégorien / julien révisé
Population estimée Environ 4 millions

Le titre de patriarche d'Antioche est également porté par quatre autres chefs d'Église : le patriarche syriaque orthodoxe d'Antioche, le patriarche d'Antioche des maronites, le patriarche grec-catholique melkite d'Antioche et le patriarche syriaque catholique d'Antioche.

Nom

L'Église grecque-orthodoxe d'Antioche est également connue sous d'autres noms :

  • Église orthodoxe d'Antioche
  • Église orthodoxe romaine d'Antioche
  • Église orthodoxe melkite d'Antioche
  • Église orthodoxe antiochienne
  • Église orthodoxe melkite (mais ce dernier mot tend à être réservé aux grecs-catholiques)
  • Église orthodoxe d'Antioche
  • Église orthodoxe grecque melkite
  • Église orthodoxe grecque d'Antioche
  • Église antiochienne romaine

Les membres de cette Église se nomment encore الروم (ar-rūm) qui désigne « les orthodoxes » en arabe (à ne pas confondre avec الرومان / ar-rūmān, qui signifie « les Romains » dans cette même langue : cf. Hans Wehr[2] et vocabulaire des croisades et de la reconquista).

Au début du XXe siècle, le patriarche portait le titre de béatissime et sanctissime patriarche de la Grande Théoupolis[alpha 1] Antioche, de la Cilicie, de l'Ibérie, de la Syrie, de l'Arabie et de tout l'Orient[3].

Histoire

L'Église d'Antioche fut une des premières Églises chrétiennes et une des composantes de la Pentarchie. En 424, le catholicosat de Séleucie-Ctésiphon proclama son indépendance du patriarcat de l'Église d'Antioche, formant ainsi le patriarcat de l'Église de l'Orient (dont descend celui de l'Église apostolique assyrienne de l'Orient). En 451, dans l'Église d'Antioche, le concile de Chalcédoine convoqué par l'empereur byzantin Marcien aboutit à une querelle sur le monophysisme. Le patriarcat d'Antioche resta encore uni pendant près d'un siècle, mais en 557 Jacques Baradée, n'approuvant pas les textes du concile, nomma Serge de Tella patriarche d'Antioche. Cela aboutit à la scission du patriarcat en deux patriarcats : le chalcédonien (aussi appelé « melkite »), de tradition grecque et en pleine communion avec le reste de la Pentarchie, et l'autre de tradition syriaque et sorti de cette communion, qui est actuellement le patriarcat syriaque d'Antioche.

Pendant le VIIe siècle, après la conquête arabo-musulmane, le patriarche chalcédonien résida à Constantinople. En 686, certains fidèles du patriarcat, étant néanmoins restés de tradition syriaque et devenus des disciples d'un ermite nommé Maron, se séparèrent de lui, formant l'Église antiochienne syriaque maronite.

En 742, le calife omeyyade Hicham autorisa la réinstallation du patriarche de tradition grecque à Antioche.

Au milieu du XIIe siècle (époque des croisades), le patriarche avait sous sa juridiction, selon Nilos Doxapatrios « toute l'Asie et l'Orient, y compris l'Inde » et envoyait un catholicos à Romagyris et un autre à Irenoupolis[4][alpha 2]. En 637, Séleucie-Ctésiphon avait en effet été capturée par les Arabes[6]. Située non loin, la Meilleure-Antioche, ayant continué d'être appelée الرومية (ar-rūmiyya, « la ville des Byzantins ») par les Arabes, avait été abandonnée au milieu du VIIIe siècle avec la construction de la nouvelle capitale abbasside de Bagdad et le calife al-Mansour (r. -) avait transféré en 762 toute la communauté chrétienne vers la province de Chach (à l'est du Syr-Daria) en Transoxiane, avec son catholicos, constituant le catholicossat de Romagyris (appelé « catholicossat du Khorassan » à partir du Xe siècle)[6]. L'émergence, à côté de ce catholicossat, du catholicossat d'Irenoupolis (« ville de paix », équivalent en grec de l'épithète arabe de Bagdad) évoqué par le patriarche Pierre III (r. -) comme ayant existé après la reconquête byzantine d'Antioche, est vraisemblablement due à une dispute entre les melkites de Chach et ceux qui peuplèrent Bagdad après sa construction et qui soutinrent que Bagdad était le véritable siège du catholicossat au motif que le catholicos qui était parti avec la communauté chrétienne vers la province de Chach avait auparavant résidé à Séleucie-Ctésiphon[7][alpha 3].

En 1185, le patriarche dut s'exiler à nouveau à Constantinople. Le retour du patriarche à Antioche ne fut possible qu'en 1269, après la prise de la ville par les Mamelouks égyptiens en 1268. En 1342, le patriarche s'installa à Damas.

À la suite de la mort du patriarche Athanase IV en 1724, les melkites favorables à Rome se rattachèrent officiellement au Pape, formant l'Église grecque-catholique melkite ; ceux qui rejetaient Rome restèrent fidèles au Patriarcat orthodoxe d'Antioche en communion avec le Patriarcat de Constantinople, formant l'Église orthodoxe d'Antioche.

À l'époque du déclin ottoman, le patriarcat d'Antioche entreprit de se rendre indépendant de celui de Constantinople en jouant sur le nationalisme arabe. En 1899, avec l'appui de l'Empire russe, les orthodoxes arabes obtinrent la nomination d'un patriarche arabe et non grec. Lors de la révolution de 1908, ils cherchèrent l'alliance du Comité Union et Progrès et du journal arabe Falastin pour faire prévaloir leurs droits contre le haut clergé grec qu'ils comparaient au despotisme du sultan Abdülhamid II[8].

Organisation

Au début du XXe siècle, les possessions de l'Église formaient 13 éparchies[9] :

ÉparchieRésidence du prélat
Éparchie d'Antioche (patriarcale)Damas
Éparchie d'AlepAlep
Éparchie d'AmidaDiyarbakır
Éparchie d'ArcadieAkkar
Éparchie d'ÉmèseHoms
Éparchie d'ÉpiphanieHama
Éparchie de LaodicéeLattaquié
Éparchie de SéleucieZahlé
Éparchie de Tarse et d'AdanaMersin
Éparchie de ThéodosioupolisErzurum
Éparchie de TripoliTripoli
Éparchie de Tyr et de SidonSidon

L'Église a aujourd'hui sous sa juridiction 22 archidiocèses ou « métropoles », dont l'ordre de préséance, hormis pour celui du primat, est déterminé par l'ancienneté du sacre épiscopal (comme dans l'Église orthodoxe de Grèce) :

ArchidiocèseSiègeTitulaire actuel
Territoire primaireArchidiocèse d'Antioche et de Damas (patriarcal)DamasJean X d'Antioche
Territoire primaireArchidiocèse de l'AkkarCheikh TabaBasilios Mansour
Territoire primaireArchidiocèse d'Alep et d'AlexandretteAlepPaul Yazigi
Extension territorialeArchidiocèse d'Allemagne et d'Europe centraleCologneIsaac Barakat
Extension territorialeArchidiocèse d'Amérique du NordEnglewood (New Jersey)Joseph Al-Zehlaoui
Extension territorialeArchidiocèse d'Australie, de Nouvelle-Zélande et des PhilippinesSydneyBasilios Kodseie
Territoire primaireArchidiocèse de Bagdad et du KoweïtBagdadGhattas Hazim
Territoire primaireArchidiocèse de BeyrouthBeyrouthElias Audi
Territoire primaireArchidiocèse de Bosra, du Hauran et du Jabal al-ArabSoueïdaSaba Esper
Extension territorialeArchidiocèse de Buenos Aires et de toute l'ArgentineBuenos AiresJacques El Khoury
Territoire primaireArchidiocèse de Byblos et de BatrounBroummanaSilouane Moussi
Extension territorialeArchidiocèse de France et d'Europe occidentale et méridionaleParisIgnace Alhochi
Territoire primaireArchidiocèse de HamaHamaNicolas Baalbaki
Territoire primaireArchidiocèse de HomsHomsGeorges Abou Zakhem
Extension territorialeArchidiocèse des îles Britanniques et d'IrlandeLondresSilouane Oner
Territoire primaireArchidiocèse de LattaquiéLattaquiéAthanasios Fahed
Extension territorialeArchidiocèse du Mexique, du Venezuela, d'Amérique centrale et des CaraïbesMexicoIgnace Samaan
Extension territorialeArchidiocèse de Santiago et de tout le ChiliSantiagoSergios Abad
Extension territorialeArchidiocèse de São Paulo et de tout le BrésilSão PauloDamaskinos Mansour
Territoire primaireArchidiocèse de Tripoli et du KouraTripoliEphrem Kyriakos
Territoire primaireArchidiocèse de Tyr et de SidonMarjayounElias Kfoury
Territoire primaireArchidiocèse de Zahlé et de BaalbekZahléAntonios El Soury

Relations avec les autres Églises

L'Église est membre du Conseil œcuménique des Églises ainsi que du Conseil des Églises du Moyen-Orient.

Le patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche organisa un « congrès antiochien[10] » à Balamand du 25 au sur le thème : « l'unité antiochienne : portées et exigences ». Pour l’occasion le patriarche Jean X avait invité les quatre autres patriarches qui portent le titre d’Antioche[alpha 4] ainsi que le patriarche arménien catholique, Nersès Bédros XIX Tarmouni.

En 2015, le patriarcat orthodoxe d'Antioche rompit la communion avec celui de Jérusalem « après des tentatives de conciliation dans le conflit de juridiction territoriale » qui avait opposé « les deux patriarcats au sujet de l'Église grecque-orthodoxe au Qatar[11]. »

Notes et références

Notes

  1. En grec : Θεουπόλις (Theoupólis, « ville de Dieu »).
  2. Si aucune autre preuve selon Ken Parry ne corrobore cette inclusion de l'Inde, l'île de Socotra pourrait néanmoins selon lui avoir été peuplée au VIe siècle par des chrétiens de rite grec[5].
  3. Le titre de catholicos de Romagyris est dit avoir été attaché à celui de catholicos de Géorgie en 1364[5].
  4. Ignace Ephrem II Karim, patriarche de l'Église syriaque-orthodoxe, et les trois patriarches catholiques Bechara Boutros Rahi (patriarche d’Antioche des maronites), Grégoire III Laham (patriarche de l’Église grecque melkite) et Ignace Joseph III Younan (patriarche de l’Église catholique syriaque).

Références

  1. Hans Wehr, Dictionary of Modern Written Arabic, 4e éd., p. 428
  2. M. Théarvic, p. 144.
  3. Ken Parry, p. 206-207.
  4. Ken Parry, p. 207.
  5. Ken Parry, p. 205.
  6. Ken Parry, p. 205-206, 209.
  7. Noha Tadros Khalaf, Les Mémoires de 'Issa al-'Issa: Journaliste et intellectuel palestinien (1878-1950), Karthala, 2009, p. 61-63
  8. M. Théarvic.
  9. Source
  10. « Le Patriarcat orthodoxe d'Antioche rompt la communion avec le Patriarcat de Jérusalem ».

Bibliographie

  • Ignace Dick, Les Melkites, Turnhout, Brepols, coll. « Fils d'Abraham », .
  • Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des Chrétiens d'Orient, Paris, Fayard, (ISBN 2-213-03064-2).
  • (en) Ken Parry, « Byzantine-Rite Christians (Melkites) in Central Asia & China », dans Winds of Jingjiao: Studies on Syriac Christianity in China and Central Asia, LIT, (lire en ligne).
  • M. Théarvic, « Hiérarchie et population du patriarcat orthodoxe d'Antioche », Échos d'Orient, t. 3, no 3, , p. 143-147 (lire en ligne).
  • « Le Patriarcat orthodoxe d'Antioche rompt la communion avec le Patriarcat de Jérusalem », La Croix, (lire en ligne).
  • Vahé Tachjian, La France en Cilicie et en Haute-Mésopotamie : aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l'Irak (1919-1933), Paris, L'Harmattan, coll. « Hommes et Sociétés », , 465 p. (ISBN 2-84586-441-8).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • Portail des chrétiens d’Orient
  • Portail du monde arabe
  • Portail de la Syrie
  • Portail du christianisme orthodoxe
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.