Traité de Verdun

Le traité de Verdun est un traité conclu en [3],[4], par les trois fils survivants de Louis le Pieux, petits-fils de Charlemagne, qui se partagent ses territoires appelés Empire carolingien, en trois royaumes. Il est souvent présenté comme le début de la dissolution de l'Empire unitaire de Charlemagne, consacrant ainsi sa division, qui se révèlera en fait définitive (si l'on met de côté une éphémère réunification sous le règne de Charles III le Gros), et du même coup l'un des principaux actes fondateurs de ce qui deviendra la France. Ce traité est la conséquence de l'application de la coutume franque qui est fondée sur le partage de l'héritage entre tous les fils héritiers plutôt que son attribution seulement au fils aîné, en dépit de la règle de primogéniture masculine (agnatique) appliquée chez les Romains.

Pour les articles homonymes, voir Verdun (homonymie).

Traité de Verdun
Les Royaumes francs après le partage de Verdun en 843.
  • Royaume de Charles le Chauve
  • Royaume de Lothaire
  • Royaume de Louis le Germanique
Type de traité frontalier
Langues vieux français et vieux haut-allemand[1],[2]
Signé août 843 (date non connue avec certitude : cf. la section de la page sur le jour du traité)
Verdun (Austrasie)
Parties
Signataires Charles II le Chauve (Francie occidentale) Lothaire Ier (Francie médiane) Louis II de Germanie (Francie orientale)

Le texte du traité, perdu, ne nous est pas connu. Les annales de Saint-Bertin[5] et les annales de Fulda relatent cet événement d'une manière laconique et imprécise.

C'est à la suite de ce traité que la zone géographique appelée « Gaule » depuis plus de mille ans est désignée désormais sous le nom de « Francie occidentale », qui donnera le terme « France » ultérieurement.

Contexte

À la mort de Louis le Pieux, le , son fils aîné, Lothaire, s'arroge sa succession en vertu de l'Ordinatio Imperii de . En 840, Lothaire est en fait en position de force par rapport à ses deux rivaux Louis et Charles. Quand le premier doit affronter des troubles intérieurs dans son royaume de Bavière, le second doit lui, reconquérir la confiance des grands de son royaume d'Aquitaine, qui avaient été séduits par Pépin et refusaient de reconnaître Charles. Lothaire l'a très bien compris et profite de la situation pour envoyer des messagers un peu partout dans l'Empire mais surtout, dans le royaume d'Aquitaine, afin de récupérer les partisans de Pépin, décédé en 838[6]. Cette stratégie fonctionne puisque le fils de Pépin, Pépin II d'Aquitaine, prend parti pour Lothaire. Louis le Germanique et son demi-frère Charles le Chauve, comprennent vite qu'ils doivent s'allier pour contrer les ambitions de Lothaire. Ils battent leur aîné ainsi que Pépin II à la bataille de Fontenoy-en-Puisaye, le . En 842, ils renforcent leur alliance par les serments de Strasbourg. Lothaire finit par céder et conclut avec ses frères le traité de Verdun[7].

Le partage de Verdun et les ajustements ultérieurs

Louis le Pieux (à droite) bénissant la division de l'Empire carolingien ; extrait des Chroniques des rois de France, XVe siècle.

En août 843[8], par le traité dit de Verdun, les trois petits-fils de Charlemagne, issus de son fils (loi salique), se partagent les territoires de l'Empire[9] que ce dernier avait fondé :

Il n’existe pas d’original ni de copie du traité de Verdun. Toutes les informations sont fournies par Nithard, un des deux petits-fils de Charlemagne issus de sa fille et exclus de la succession (loi salique)[10].

Ce partage « des quatre fleuves » (Escaut, Meuse, Rhône et Rhin), soulève des problèmes quant aux langues parlées dans les différents États : des populations de langue romane se trouvent dans une entité germanique (Wallons), et, inversement, la Flandre, de langue germanique, se trouve rattachée à la future France[11]. De même dans les déplacements au sein des États (il faut près de trois semaines pour rallier Rome à Aix-la-Chapelle).

Conséquences

Le traité fut un compromis qui affaiblissait considérablement la portée de l'idée impériale. L'identité qui avait existé sous Charlemagne et Louis le Pieux entre l'Empire et l’État franc disparaissait. L'unité impériale ne subsistait plus qu'en théorie ; son universalité cessait de correspondre à la réalité puisque l'empereur ne gouvernait plus en fait que le tiers de la chrétienté occidentale[12].

« Ce traité de hasard a déterminé tout le destin de l'Europe. En effet, par suite de la faiblesse de nos derniers Carolingiens puis de nos premiers Capétiens, les rois de Germanie purent annexer sans grande difficulté toute la fameuse zone médiane, à savoir en 880, la Lotharingie, puis en 1034, le royaume d'Arles, sans parler de l'Italie que leur livrait juridiquement leur accession au trône impérial »

 René Grousset

La Francie médiane disparaît rapidement. Dès la mort de Lothaire en 855, par le traité de Prüm, elle est partagée entre ses trois fils : l'aîné, Louis II a la partie sud, le royaume d'Italie, et le titre impérial, Lothaire II a la Lotharingie partie nord et Charles le centre, le royaume de Provence. L'empereur n'était plus qu'un souverain secondaire, beaucoup moins puissant que ses oncles Louis le Germanique et Charles le Chauve.

À la mort de Charles de Provence en 863, ses possessions sont partagées entre ses deux frères. Après la mort de Lothaire II (869), la Lotharingie est séparée entre ses oncles Louis le Germanique et Charles le Chauve (traité de Meerssen, 870). En 875, Charles le Chauve, roi de Francie occidentale, récupère le royaume d'Italie à la suite de la mort de son neveu Louis II. En 879, c'est Charles le Gros, roi de Francie orientale, qui récupère l'Italie. En 880, par le traité de Ribemont, Louis III et Carloman II, petits-fils de Charles le Chauve, abandonnent la Lotharingie au roi de Germanie Louis II le Jeune. Par ce traité, la Francie occidentale retrouve approximativement les frontières qui avaient été fixées au traité de Verdun.

Beaucoup d'historiens ont considéré ce traité comme l'acte de naissance des nations française et allemande mais à cette époque, les peuples compris dans les différents royaumes n'avaient pas un sentiment d'appartenance envers ces derniers. Les royaumes sont constitués de peuples qui ne partagent pas la même langue et la même culture et qui ne seront unis que plus tardivement. En réalité, cette hypothèse s'inscrit dans les historiographies nationalistes des Michelet et Thierry, à une époque où l'on défendait l'idée d'une France existant depuis toujours[13].

En effet, les petits seigneurs étaient encore trop puissants, trop nombreux et trop éparpillés pour que les peuples se sentissent les alliés d'un unique et grand souverain sur une vaste étendue de terre[14].

Jour du traité

Mémorial du traité de Verdun, Fontenoy, (Bourgogne-Franche-Comté).

Le jour exact du traité n’est pas connu. Toutefois, le , un certain Baudry, vendeur, et Erchambert, évêque de Freising et signataire pour Notre-Dame de Freising, signent un acte à Dugny (à quelques kilomètres de Verdun) et cet acte indique qu’il a été effectué « dans un lieu portant le nom de Dugny situé près de la ville de Verdun où fut réalisée l’entente des trois frères, Lothaire, Louis et Charles, et où eut lieu la division de leur royaume » (en latin : in loco noncupante Dungeih quod est iuxta civitate Uiriduna ubi trium fratrum Hludharii, Hludouuici et Karoli facta est concordia et division regni ipsorum). Le traité a donc pour certains auteurs été conclu au plus tard le [15] : soit le [16],[17] ou le [18]. Malgré tout, le est souvent cité[19],[20],[21] car si le traité avait été décidé dans ses grandes lignes avant le 10, il n’avait peut-être pas encore été conclu dans ses détails. Avec moins de précisions, le traité est quelquefois daté « au début du mois d’août »[22] ou même en « juillet-août »[23], la simple mention du mois d’août reste le plus courant.

Notes et références

  1. H G Koenigsberger, Medieval Europe 400 - 1500, Routledge, 14/01/2014
  2. Eric Solsten, Germany: A Country Study, DIANE Publishing, 1999
  3. (fr)Joseph Calmette, Trilogie de l'histoire de France - Le Moyen Âge, Fayard, 1952, p. 109
  4. Comme le texte officiel du traité est malheureusement perdu, la date exacte de ce traité diffère selon les écrits s'y rapportant (cf. la section de la page sur le jour du traité).
  5. (fr) Voir l'année 843 dans les Annales de Saint-Bertin
  6. Pierre Riché1997, p. 182
  7. (fr) Jean-Charles Volkmann, Chronologie de l'histoire de France
  8. (fr) Robert Parisot, Le royaume de Lorraine sous les Carolingiens (843-923), A. Picard et fils, 1898, p. 16
  9. (fr) Bibliothèque de l'École des chartes, Impr. de Decourchant, 1921, p. 316
  10. Le traité de Verdun, Mairie de Verdun, site de la Communauté de communes de Verdun et de la ville de Verdun, non daté
  11. (fr) Université de Nancy II, Verdun - La société verdunoise du XIIIe au XIXe siècle - Journées d'études meusiennes, 5-6 octobre 1974, Université de Nancy, p. 114
  12. Henri Pirenne, Histoire de l'Europe des invasions au XVIe siècle, Alcan-N.S.E., Paris-Bruxelles, 15e éd., 1939, p. 77
  13. Pierre Riché1997, p. 188-189
  14. La Dynamique De L'Occident. Norbert Elias
  15. La succession de Charlemagne et le traité de Verdun de Ph. Pouzet et E. Leroux, 1890.
  16. Histoire de France : des origines à l’an 2000, éd. Tallandier, 1998.
  17. Lugdunensis historiæ monumenta de Jean-Baptiste Montfalcon, 1855.
  18. Couples franco-allemands d’autrefois de Bernard Boulengier, 2013.
  19. Histoire d’Allemagne, depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’année 1838 de Friedrich Kohlrausch, 1838.
  20. L’Empire germanique, du traité de Verdun (11 août 843) à la chute du nazisme (8 mai 1945) de Gabriel Cassin, 2008.
  21. « 11 août 843 : le partage décisif du Regnum Francorum par le Traité de Verdun » sur le site officiel de la Wallonie.
  22. [clif.over-blog.com/article-le-traite-de-verdun-125654050.html]

Annexes

Bibliographie

  • René Grousset, Bilan de l'Histoire, Plon, 1946
  • Pierre Riché, Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe, Paris, Hachette littérature, (1re éd. 1983), 490 p. (ISBN 2-01-278851-3)

Articles connexes

Liens externes

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