Vendredi saint

Le Vendredi saint est la commémoration religieuse célébrée par les chrétiens le vendredi précédant le dimanche de Pâques. Il marque le jour de la crucifixion et de la mort de Jésus-Christ. Il fait partie du triduum pascal, qui s'étend du Jeudi saint (commémoration du dernier repas du Christ avec ses apôtres) aux vêpres du dimanche de Pâques. Dans la tradition orthodoxe, il est appelé « Grand vendredi » ou « Saint et grand vendredi ».

Pour les articles homonymes, voir Vendredi (homonymie).

Vendredi saint

Christ à la couronne d'épines,
peint par Dirck van Baburen en 1623.

Observé par Les chrétiens
Type Célébration religieuse
Signification Commémoration de la Passion du Christ (Montée au calvaire et Crucifixion).
Date Vendredi précédant le dimanche de Pâques
Date précédente 2 avril 2021
Date courante 15 avril 2022
Date suivante 7 avril 2023
Célébrations Office du Vendredi saint dit de la Passion
Observances Chemin de croix,
Office avec la lecture de la Passion,
Adoration de la croix,
Méditation des 7 paroles du Christ en croix,
prières, jeûne
Lié à Pâques

Ce jour est férié dans un grand nombre de pays ou de régions dont une partie de la population est chrétienne, en Europe (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suisse...), au Liban, en Amérique (Argentine, Canada, Chili, 12 des 50 États des États-Unis...), en Afrique (Éthiopie, Kenya, Nigeria…) et en Asie (Hong Kong, Inde, Indonésie, Macao…).

C'est également un jour férié pour les départements français de la Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin. Bien qu'il ne soit pas légalement férié, ce jour est généralement chômé dans les collectivités territoriales de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane.

Objet de la commémoration

Le Vendredi saint est la commémoration de la Passion et de la crucifixion de Jésus-Christ[1]. La mort du Christ et la foi en sa Résurrection sont fondamentales pour le christianisme ; ce jour est donc célébré par toutes les Églises chrétiennes. Il s'agit d'un jour de tristesse et de méditation sur la signification de cette mort[1].

Coutumes catholiques

Jeûne

L'Église catholique préconise de jeûner (« privation substantielle de nourriture selon l’âge et les forces de chaque chrétien[2] ») le Vendredi saint. Le jeûne consiste à ne prendre qu'un repas complet par jour, deux petites collations étant permises le matin et le soir. Les boissons ne sont pas affectées par la discipline du jeûne ecclésiastique.

Liturgie

Les églises catholiques ont coutume de voiler les crucifix en ce jour jusqu'à la veillée pascale.

Des offices additionnels sont tenus en ce jour avec des lectures du Nouveau Testament. L'office solennel catholique, appelé « messe des Présanctifiés », fait partie du temps de la Passion de l'année liturgique et a la structure d’une messe, à savoir trois lectures, la prière universelle, l’adoration ou la vénération de la Croix au lieu du sacrifice eucharistique et la communion avec des hosties consacrées la veille au soir à la messe de la Cène du Seigneur et transportées solennellement au reposoir[3]. Des chemins de croix en quatorze stations, commémorant chaque scène conduisant à la crucifixion, ont également lieu.

La prière Oremus et pro perfidis Judaeis lors de la liturgie du Vendredi saint a comporté pendant plusieurs siècles une mention avilissante pour les Juifs (« juifs perfides »). Cette mention a été supprimée par Jean XXIII en 1959, et le concile Vatican II a clarifié la position de l'Église catholique sur les relations avec le judaïsme dans la déclaration Nostra Ætate en 1965[4]. Benoît XVI modifie en outre la prière « pour la conversion des juifs » contenue dans le missel tridentin, en 2008[5].

Les crucifix voilés depuis le samedi de la quatrième semaine de carême (les images le sont aussi en ce jour) sont dévoilés à l'issue de la célébration.

Processions

Les processions du Vendredi Saint sont séparées en deux groupes, en fonction du moment de leur célébration, avant ou après la célébration de l'Office de la Passion: les processions de la Passion, dont la plus répandue est celle du Chemin de Croix ou Via Crucis, et les processions du Christ-Mort, aussi connues comme entierro ou enterrement du Christ, qui ont lieu à la nuit tombée.

Dans la tradition catholique, le Chemin de croix ou Via Crucis tend à méditer, ou même à reproduire, notamment en Amérique latine et aux Philippines, la Passion du Christ. De nombreuses processions ont lieu à travers le monde pour la Semaine sainte ou simplement le Vendredi saint. En France, les traditions du Catenacciu se poursuivent de nos jours en Corse, en particulier à Sartène[6].

En Allemagne, des « Portements de croix vivants » (Lebendiger Kreuztracht) ont lieu dans les régions du sud, comme à Wiedenbrück, à Ulm et à Neu-Ulm, ainsi qu'à Stuttgart-Bad Cannstatt.

En Belgique, à Lessines, depuis au moins le XVe siècle, le Vendredi Saint est synonyme de Mise au Tombeau. À l'issue de l'Office, une procession de pénitents escorte le gisant du Christ dans les rues de la vieille ville, plongée dans l'obscurité, au son des tambours, des crécelles et des chants de lamentations ; pénitents porteurs de torches et de grandes lanternes, jeunes filles en capes noires accompagnant avec leurs petites lanternes la statue de Notre-Dame des Sept Douleurs, chantres, prêtres en chapes noires et rouges, "deuillantes" en mantille composent un étrange cortège funèbre qui réintègre ensuite l'église Saint-Pierre où s'effectue la Mise au Tombeau du Christ.

Mais c'est surtout en Espagne et en Italie que les processions du Vendredi saint sont les plus impressionnantes, de même que dans les pays d'Amérique latine. Les plus connues mondialement sont probablement celles de la Semaine sainte à Séville[6].

Dans le rite byzantin

Fleurissement de la représentation du Sépulcre du Christ dans une église russe, le Vendredi saint.

Dans la plupart des Églises orthodoxes, un jeûne rigoureux (abstention totale de nourriture) est demandé le Vendredi saint au moins jusqu'aux Vêpres, pourvu que l'âge et l'état de santé des fidèles le permette[7].

L'office des matines a conservé, contrairement à celui du reste de l'année, influencé par les usages palestiniens, la marque des traditions de la Grande Église de Constantinople. On y chante quinze antiphones, au début de l'office, après quoi l'ordo est semblable à celui observé habituellement en carême. Le canon est un triode (à trois odes au lieu de huit) dont l'acrostiche est « Avant le Sabbat ». La particularité principale de cet office est que tout au long de son déroulement sont lues douze péricopes évangéliques qui relatent les derniers enseignements du Christ aux apôtres ainsi que la prière sacerdotale (première lecture, Jean 13,31 - 18,1), puis l'accusation par les Juifs, la condamnation devant Pilate, la Crucifixion et l'ensevelissement, issus des quatre évangiles.

Les heures suivent le déroulement de l'office des heures royales, avec la lecture de psaumes propres, le chant de stichères, et des lectures de l'ancien testament, des épîtres et des évangiles.

Aux vêpres, en plus des lectures de l'ancien testament, on lit une épître et une péricope évangélique ; lorsque le chœur entonne l'apolytikion, le clergé sort du sanctuaire en portant l'épitaphion, une représentation du Christ gisant au tombeau, et vient la déposer au milieu de l'église, pendant que les fidèles s'agenouillent. À la fin de l'office, les fidèles vénèrent l'épitaphion en se prosternant.

Calendrier

Le Vendredi saint est célébré deux jours avant Pâques, et est donc une commémoration mobile, toujours comprise entre le 20 mars et le 23 avril. En raison de la réforme du calendrier grégorien, il n'est pas célébré aux mêmes dates par toutes les Églises, les chrétiens orthodoxes ayant pour la plupart conservé le calendrier julien comme base de leur calendrier liturgique.

Ce jour est férié dans un grand nombre de pays dont une partie de la population est chrétienne, par exemple en Allemagne, en Angola, au Canada, en Espagne, en Finlande, en Italie, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède ou encore dans certains cantons suisses[8].

En France, le Vendredi saint est également férié en Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin) et en Moselle[9]. Dans ces trois départements, la journée n'est chômée que dans les communes où se trouve un temple protestant ou une église mixte[10]. Ce jour-là en Alsace, les fidèles affluent dans les églises protestantes et certains qui ne vont jamais au culte tiennent à être présents ; on parle d'ailleurs des « chrétiens du Vendredi saint »[11]. Pour les catholiques, au contraire, ce n'est pas la mise à mort du Christ mais sa résurrection le jour de Pâques qui est une fête d'obligation. En sorte que, dans certains villages mixtes, les paysans catholiques romains s'arrangeaient pour rentrer le fumier devant leurs concitoyens protestants endimanchés… qui leur rendaient la pareille en travaillant ostensiblement le , fête de l'Assomption[12].

Divers

  • Durant des siècles, les Juifs sont tenus d'assister à un sermon spécial le Vendredi saint (dont l'exorde « Oremus et pro perfidis Judaeis »), occasion de nombreuses émeutes populaires contre eux[13], s'ajoutant à celui du samedi, avant de se rendre à la synagogue[14],[15].
  • Dans l'opéra Parsifal, de Richard Wagner, la seconde partie de la scène 1 de l'acte III se situe pendant le Vendredi saint et se traduit par un long passage symphonique connu sous le nom de L'Enchantement du Vendredi saint[16]. Ce passage, qui exprime l'émerveillement devant la beauté de la nature lors de la scène de la clairière, est souvent joué seul en concert.
  • « Accord du Vendredi saint » (Good Friday agreement) est aussi le nom le plus courant des accords du entre les gouvernements irlandais et britannique qui ont ouvert la voie à un processus de paix impliquant tous les acteurs du conflit nord-irlandais.
  • Traditionnellement, la Bourse de Paris est fermée le Vendredi saint, tout comme le lundi suivant, lundi de Pâques, soit quatre jours sans cotation[17].
  • En France, le Vendredi saint est un jour férié légal en Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin, mais uniquement dans les communes qui possèdent un temple (église) protestant(e) ou une église mixte, ce en application de l'article L3134-13 du code du travail[18], qui codifie l'ordonnance du relative aux jours fériés locaux. « Cependant, là où les oppositions religieuses étaient fortes, les protestants se révoltaient le jour du Vendredi Saint lorsqu’ils croisaient, en allant tout endimanchés au culte, la charrette de fumier ou de purin d’un paysan catholique. »[19].
  • Il n'y a pas de sonneries de cloches le vendredi saint. Dans certaines régions (Alsace et Lorraine), elles sont remplacées par des crécelles pour annoncer l'Angélus et l'office.

Dictons associés

Plusieurs dictons sont associés à cette commémoration :

  • « Le Vendredi Saint, s’il pleut, le bœuf rit, le cochon pleure » (la pluie fournit de l'herbe pour le bœuf mais est néfaste pour le son ou les pommes de terre, aliments du cochon),
  • « Pour garder de gelée le lin, sème-le le Vendredi Saint »,
  • « Pour que les rats ne mangent pas le raisin, il faut tailler la treille le Vendredi Saint »,
  • « Le Vendredi saint, sème tes giroflées, elles doubleront dans l'année »,
  • « Le Vendredi-Saint ensemence ton cotillage, tu auras de beaux légumes »,
  • « Les pommes de terre plantées le Vendredi-Saint ne seront pas prises de gelée »,
  • « La gelée du Vendredi Saint gèle le pain et le vin » mais « S'il pleut le Vendredi Saint, la gelée voit sa fin »,
  • « Qui coule la lessive le Saint vendredi, veut la mort de son mari »,
  • « S'il pleut le Vendredi saint, toute la pluie de l'année ne servira à rien » car « Quand il pleut le Vendredi Saint, la pluie fait l'effet du sang au terrain »[20],[21].

En Bretagne comme en Anjou, « Malheur à qui fait la lessive le Vendredi-Saint ! tout drap blanchi ce jour-là devient un suaire dans le courant de l’année »[22].

Notes et références

  1. Vendredi saint Fédération protestante de France.
  2. Jeûne sur eglise.catholique.fr.
  3. Vendredi saint Portail de la liturgie catholique.
  4. Anita Bourdin, « De la prière pour le peuple juif le Vendredi saint : repères historiques », sur ZENIT - Francais, (consulté le ).
  5. « Le pape modifie une prière « pour la conversion des juifs » du Vendredi saint », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  6. Philippe Rouillard, Les Fêtes chrétiennes en Occident, Le Cerf, , 347 p. (ISBN 978-2-204-07106-2, lire en ligne), p. 71-80.
  7. (en) Sergueï Boulgakov, « Great Friday », (1900), Handbook for Church Servers, 2e éd., Kharkov, Tr. Archpriest Eugene D. Tarris, p. 543.
  8. Il n'est pas férié au Tessin, ni en Valais (cf. l'article Jours fériés en Suisse).
  9. « Jours fériés en France », sur joursferies.fr (consulté le ).
  10. « Vendredi saint considéré comme chômé en Alsace-Moselle : Question écrite n° 26721 de M. Jean Louis Masson (Moselle - NI) publiée dans le JO Sénat du 29/03/2007 - page 676 », sur senat.fr.
  11. F.G. Dreyfus écrit dans Le protestantisme alsacien : « Le nombre de fidèles peut être confirmé par le recensement et les chiffres de réguliers ou irréguliers pouvaient être recoupés avec les chiffres de présence le 29 avril et avec ceux du Vendredi saint et du Dimanche de Pâques. » On voit que l'assistance à ces deux célébrations est caractéristique.
  12. Voir chez Alfred Wahl, Confession et Comportement dans les campagnes d'Alsace et de Bade, 1871-1939, Éditions Coprur, 1980, p. 642 et sqq.
  13. Martine Boiteux, « Les Juifs dans le Carnaval de la Rome moderne, XVIe-XVIIIe siècles », Mélanges de l'école française de Rome, vol. 88, no 2, , p. 745–787 (DOI 10.3406/mefr.1976.2371, lire en ligne, consulté le )
  14. Gérard Pelletier, « Chapitre I. Un Romagnol sur le trône de saint Pierre », dans Rome et la Révolution française : La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799), Publications de l’École française de Rome, coll. « Collection de l'École française de Rome », (ISBN 978-2-7283-0995-5, lire en ligne), p. 31–65
  15. Heinrich Graetz, « Histoire des Juifs, 3, 4, XV, Le Sanhédrin de Paris et la Réaction — (1806-1815) ».
  16. « L'Enchantement du Vendredi saint », sur richard-wagner-web-museum.com.
  17. « La bourse de Paris fermée pour un long week-end de Pâques », (consulté le ).
  18. art. L3134-13 du code du travail [html] sur Légifrance (consulté le 19 juin 2015).
  19. Alfred Wahl, Petites haines ordinaires, Nuée bleue, 2004, page 7
  20. Henri Pourrat, L'Almanach des saisons, Albin Michel, (lire en ligne), p. 121.
  21. Sylvie Rozé, Le livre des proverbes, Omnibus, , 325 p..
  22. Léon Séché, Joachim du Bellay, Collection XIX, 14 juin 2016.

Voir aussi

Articles connexes

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