École de Nancy (art)

L'école de Nancy, Alliance provinciale des industries d'art (en général appelée seulement école de Nancy) est le fer de lance de l'Art nouveau en France, dont l'inspiration essentielle est à chercher dans les formes végétales  ginkgo, ombelle, berce du Caucase, nénuphar, chardon ou encore cucurbitacée  et animales, comme les libellules. Cette alliance s'appuie sur une recherche d'utilisation poussée dans la verrerie, la ferronnerie, l'acier, le bois, pour mettre le beau dans les mains de tous et ainsi faire entrer l'art dans les foyers.

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Vase Daum (Nancy), vers 1900.

Objectifs

Les fondateurs définissent l'école de Nancy comme une « sorte de syndicat des industriels d'art et des artistes décorateurs, [qui] s'efforce de constituer en province, pour la défense et le développement des intérêts industriels, ouvriers et commerciaux du pays, des milieux d'enseignement et de culture favorables à l'épanouissement des industries d'art[1] ». Son but, tel qu'il est décrit à l'article 1 des statuts de l'association, est de « favoriser la renaissance et le développement des métiers d'art en province[2] ».

À sa création en date du , l'association est dotée d'un bureau, composé d'un président, Émile Gallé, et de trois vice-présidents, Louis Majorelle, Antonin Daum et Eugène Vallin[3].

L'objectif est notamment de faire rayonner la Lorraine, riche de ses nombreuses industries (aciéries, etc.) et artisanats d'art (cristalleries, ébénisteries, travail du verre, du bronze d'art, de la faïence et de la céramique), au filtre d'un sentiment patriotique issu de l'immigration de nombreux Français originaires d'Alsace et de l'actuelle Moselle qui, toutes deux, avaient été incorporées à l'Empire allemand depuis la Guerre franco-allemande de 1870. L'École de Nancy se voulait un art total par la collaboration de tous les corps de métiers (architecture, ameublement, arts décoratifs), mais également l'héritière de l'de Metz, d'inspiration romantique, dissoute à l'annexion de 1871, et dont de nombreux membres ont émigré vers Nancy.

Principes

Ses promoteurs se fixent comme but de promouvoir les arts décoratifs.

Disciplines

Les membres de cette école se sont illustrés dans de nombreuses disciplines, notamment l'architecture, la verrerie et la cristallerie, le vitrail, la ferronnerie, l'ébénisterie, le papier peint, la typographie, l'imprimerie, la reliure d'art. On peut citer également d'autres terrains d'investigation, tels la broderie (Fernand Courteix]), l'orfèvrerie (André Kauffer), le dessin, l'estampe, l'affiche publicitaire, la photographie[4].

Influences

Au sein du style Art nouveau, l'école de Nancy se distingue par une réhabilitation du gothique flamboyant et du rococo[5], la première étant vraisemblablement un héritage de l'école de Metz.

La nature est une source d'inspiration importante. Elle s'inspire des décors floraux du Moyen Âge pour en faire le sujet premier de nombreuses œuvres[5]. C'est ainsi qu'Émile Gallé fréquente l'école forestière de Nancy et collabore avec le naturaliste Alexandre Godron. Il publie plusieurs articles scientifiques[6]. Cette inspiration est facilitée par le fait que Nancy abrite un centre d'horticulture reconnu[7].

La présence du Japonais Takashima Hokkai à Nancy, de 1885 à 1889, aura un impact sur le thème oriental de nombreuses œuvres[8].

Histoire

Présents depuis plusieurs années dans les expositions parisiennes, les artistes nancéiens ont l'occasion d'exposer pour la première fois en 1894 leurs productions d'art décoratif à Nancy. Plus de 76 exposants parmi lesquels Émile Gallé[9], Louis Majorelle, Eugène Vallin, proposent aux galeries Poirel sept cents pièces dans diverses techniques confondues.

L'exposition d'art décoratif est le premier acte de la Société des arts décoratifs Lorrains, qui donnera lieu à la naissance de l'École de Nancy[10].

L'activité de cette école se déroule principalement à Nancy et s'impose lors de l'Exposition universelle de Paris de 1889, où Émile Gallé et Louis Majorelle voient leur talent reconnu, jusqu'en 1909 où le mouvement connaît sa dernière manifestation collective à Nancy, dans le cadre de l'Exposition internationale de l'Est de la France. Par la suite, le style évolue lentement vers ce qui constituera l'une des impulsions de l'Art déco français.

L'Art nouveau

À la suite du mouvement Arts & Crafts né en Angleterre, l'Art nouveau se généralise en Europe durant les décennies 1880-1890. Il atteint des villes très importantes comme Barcelone, Bruxelles, Paris, Munich, Vienne, Glasgow, Prague… Le nouvel intérêt des artistes et des artisans pour la vie quotidienne rencontre l'attrait du public pour la modernité, que ce soit dans les décors urbains ou à l'intérieur des maisons[11]. Émile Gallé expose dès 1889 à l'exposition universelle de Paris. Les artistes nancéiens se font connaître lors du salon de la Société nationale des beaux-arts de Paris en 1891 et 1893[7].

Nancy

Après le rattachement à la France au XVIIIe siècle, Nancy a perdu une grande partie de son attraction et, en 1850, elle ne compte que 40 000 habitants. Les constructions du canal de la Marne au Rhin en 1851, et de la ligne de chemin de fer reliant Paris à Strasbourg, en 1856, permettent le développement des industries chimique et sidérurgique en entraînant un nouvel essor de la ville[12]. Des activités traditionnelles, comme la céramique et le travail du verre, connaissent un regain[5].

Mais c'est l'annexion de 1871 qui fait de Nancy la capitale de l'est de la France. L'afflux d'Alsaciens-Mosellans fuyant l'annexion allemande entraîne le développement de l'activité économique et intellectuelle ainsi que la construction de nouveaux quartiers. L'Art nouveau sert de ciment culturel pour ces optants, qui ont trouvé refuge à Nancy[13].

Cependant, la pression croissante sur les loyers entraîne la relégation des classes populaires dans les quartiers de la vieille ville et du canal[12].

Fondation de l'école

Affiche de l'exposition de 1894.

En 1894, une exposition d'arts décoratifs et industriels lorrains est organisée dans les galeries Poirel par l'architecte Charles André. Les membres de la commission de cette manifestation fondent alors la Société des arts décoratifs lorrains. C'est la première fois que les artistes nancéiens exposent ensemble[14].

En 1900, Émile Gallé, Louis Majorelle et les verreries Daum présentent leurs travaux à l’Exposition universelle de Paris[15].

En 1901, Émile Gallé rédige une lettre ouverte, publiée le , dans le quotidien L’Étoile de l’Est, et le 15, dans la revue La Lorraine-Artiste. Dans cet article, il propose de créer un groupement visant à la promotion du développement d'une industrie d'art en Lorraine[15].

L’Association de l’école de Nancy ou Alliance Provinciale des Industries d’Art est créée le [16]. Elle a pour but[17] :

  • de promouvoir le rayonnement culturel de la ville de Nancy ;
  • de trouver des pratiques et thèmes propres à unir les productions des membres de l'association, tout en préservant leur autonomie ;
  • de valoriser les industries d'art en créant une école, un musée, des expositions…

Elle regroupe des artistes et artisans mais aussi des entrepreneurs, des journalistes, des amateurs d'arts[17]

Faute de financement, seuls Majorelle et Daum peuvent participer à l'exposition des Arts Décoratifs de Turin[14], en 1902.

En 1903, l'École expose au pavillon de Marsan, dans le palais du Louvre, à l'initiative de l'Union centrale des arts décoratifs[18].

Une nouvelle exposition est organisée dans les galeries Poirel en 1904[19].

Déclin

Victor Prouvé, Exposition d'art décoratif de l'École de Nancy au Palais Rohan de Strasbourg (1908).

Gallé décède le , Victor Prouvé le remplace à la tête de l'association.

En 1909 est organisée, à Nancy, l'Exposition internationale de l'Est de la France. Les artistes de l'École de Nancy, regroupés dans un pavillon du parc Sainte-Marie, exposent ensemble pour la dernière fois.

Marginalisation

La guerre de 1914, puis le développement du mouvement Art déco, par exemple par Daum, Gruber ou Majorelle, marginalisent l'Art nouveau[20]. Comme dans le reste de l'Europe, le style est dédaigné jusqu'au début des années 1980[4].

Le musée de l'École de Nancy est inauguré en 1964[21].

Dans les années 1970, des opérations d'urbanisme comme celle du quartier de la gare de Nancy entraînent la destruction de nombreux bâtiments appartenant à ce courant. La verrière de Jacques Gruber, située dans l'actuel bâtiment Crédit lyonnais, est menacée de destruction en 1976. Elle est sauvée par le service des monuments historiques[22].

Redécouverte

En 1999 est célébrée l'année de l'École de Nancy. Cet anniversaire est l'occasion de restaurer et d'exposer des œuvres qui étaient jusque-là conservées dans les réserves du musée. Entre 1998 et 2000, on réalise une opération de restauration et de mise en valeur de près de trois cent cinquante ouvrages d'architecture[4].

Aujourd'hui, les œuvres de l’École de Nancy participent à l'identité de la ville et constituent un vecteur de communication. En 2012, on remarquera parmi les clins d'œil à ce mouvement artistique le nouveau logo de Telecom Nancy, école d'ingénieurs de l'université de Lorraine.

Membres du mouvement

L'École est créée formellement le par Émile Gallé, Louis Majorelle, Antonin Daum et Eugène Vallin, qui en constituaient le bureau.

Ils participent aussi au comité directeur avec :

Charles André, Émile André, Henri Bergé, Oscar Berger-Levrault, Albert Bergeret, Charles-Désiré Bourgon, Ernest Bussière, Paul Charbonnier, Alfred Finot, Émile Friant, Charles Fridrich, Camille Gauthier, Émile Goutière-Vernolle, Jacques Gruber, Louis Guingot, Henry Gutton, Robert Herborn, Louis Hestaux, André Kauffer, Jules Larcher, Jules Lombard, Henri Morot, Émile Nicolas, Victor Prouvé, Henri-Paul Royer, Gaston Save, Georges Léon Schwartz, Paul Souriau, Robert Steinheil, Michel Thiria, Lucien Weissenburger, Lucien Wiener, Takashima Hokkai[23].

Après la mort d'Émile Gallé, la responsabilité de l'École de Nancy est confiée à Victor Prouvé, élu président le .

Productions

Céramique

Céramique architecturale

Dès 1902, Louis Majorelle, en s'associant avec Bigot, l'exploite pour décorer l'architecture de sa villa, alors en construction[24]. En 1903, Majorelle se voit proposer, aux côtés de Gruber et Vallin, une collaboration avec Alphonse Cytère. Ce dernier met à la disposition des trois artistes ses usines de céramiques de Rambervillers[24].

Architecture

Symboles de progrès, le fer, puis l'acier, donnèrent à l'Art nouveau les moyens techniques nécessaires au renouvellement des formes, tant souhaité par Viollet-le-Duc, et parfois même les suscitèrent. L'ensemble des réalisations de l'architecture 1900, à Nancy, nous montre à quel point la diversité des matériaux utilisés est grande. La pierre d'Euville, le grès, la meulière, la céramique, la brique, le bois, le verre, et bien sûr le fer, sont à la disposition de l'architecte ou du décorateur. Le métal a toutefois une place à part : c'est le matériau le plus apte à s'adapter à la fois à la structure et au décor architectural. Sa nature ambivalente lui permet de transcender l'antagonisme existant entre ces deux systèmes, et d'en faire une synthèse harmonieuse.

Sur les deux cent cinquante bâtiments recensés[25] par le ministère de la Culture, environ une cinquantaine sont protégés au titre des monuments historiques[4], notamment :

Notes et références

  1. Définition donnée en avant-propos des statuts de l'Association, p. 4 du document.
  2. Ibid., p. 5.
  3. Note en bas de page du programme de l'École de Nancy in Exposition de l'Alliance provinciale des industries d'art. École de Nancy : catalogue officiel illustré, Union centrale des arts décoratifs ; Pavillon de Marsan, (lire en ligne).
  4. Célébrations nationales 1999. L'École de Nancy 1899, François Loyer, www.culture.gouv.fr.
  5. L'École de Nancy, François Loyer.
  6. Émile Gallé, botaniste et scientifique, François Le Tacon, octobre 2005, in Médecine/sciences, no 10, vol. 21.
  7. Valérie Thomas, Nancy à la fin du XIXe siècle. Les conditions du renouveau, Dossier de l'art, no 163, mai 2009, p. 17-21.
  8. « Accueil », sur Site Internet Ville de Nancy (consulté le ).
  9. La vie de Gallé - 22 faits surprenants sur sa vie d’artiste. Page sur le site MV Bracelet. Page consultée le 14 mai 2021.
  10. Musée de l'École de Nancy. Page sur le site MV Bracelet. Page consultée le 14 mai 2021.
  11. L'École de Nancy, Robert Florentin, Frédéric Maguin, Rémi Malingrëy et Bernard Ponton, 2000, p. 25 (ISBN 2-913966-00-4).
  12. Florentin, op. cit., p. 26.
  13. L'Art nouveau. Passerelle entre les siècles et les arts, p. 130, Sylvie Mazaraky, Jos Vandenbreeden, (ISBN 2873864133).
  14. Anne-Laure Dusoir, L'École de Nancy à l’Exposition Internationale de l’Est de la France, 22 octobre 2005.
  15. Émile Gallé et l’association École de Nancy (1901-1904)[PDF], Valérie Thomas, Annales de l'Est, 2005.
  16. Statuts de l’École de Nancy[PDF] Émile Gallé , 12 février 1901.
  17. Florentin, op. cit., p. 28.
  18. Exposition de l'Alliance provinciale des industries d'art. École de Nancy : catalogue officiel illustré, Union centrale des arts décoratifs ; Pavillon de Marsan, (lire en ligne).
  19. Vues de l'exposition de 1904 à Nancy.
  20. Beaux-Arts magazine, hors-série Nancy, Art Nouveau, 1999.
  21. http://www.toutnancy.com/generation-v2/index.php?idpage=1473&iddom=2&first=1&t=Le%20mus%C3%A9e%20de%20l%27Ecole%20de%20Nancy.
  22. (en) « Nancy Guide », sur Nancy Guide (consulté le ).
  23. Sur la composition exacte du comité directeur, il y a des différences entre deux sources, les statuts pour lesquels un lien a déjà été donné, et une liste consultable sur le site web de l'Inventaire du patrimoine de Lorraine.
  24. Roselyne Bouvier, « Habiller les façades et les intérieurs. L'industrie des décors et des ornements », dans Collectif, L’École de Nancy : Art nouveau et industrie d’Art, Paris, Somogy Éditions d’Art, , p. 156-167.
  25. http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/archixx/pann/p42.htm

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Exposition de l'Alliance provinciale des industries d'art. École de Nancy : catalogue officiel illustré, Union centrale des arts décoratifs ; Pavillon de Marsan, (lire en ligne) disponible sur Gallica.
  • École de Nancy. Peinture et art nouveau, Réunion des musées nationaux, Paris, 1999, 159 p. (ISBN 2711838390).
  • L'École de Nancy, 1889-1909. Art nouveau et industries d'art, Réunion des musées nationaux, Seuil, Paris, 1999, 357 p. (ISBN 2711838439).
  • L'École de Nancy, fleurs et ornements. Ma racine est au fond des bois, Réunion des musées nationaux, Paris, 1999, 141 p. (ISBN 2711838447).
  • Delphine Antoine, La Nudité dans l'École de Nancy, entre académisme et érotisme, Éditions Gérard Klopp, 2009, 230 p. (ISBN 2-911992-60-1).
  • François Loyer (dir.), L'École de Nancy et les arts décoratifs en Europe, Serpenoise, Metz, 2000, 277 p. (ISBN 2876924471) (actes du colloque).
  • Jean-Claude Vigato, L'École de Nancy et la question architecturale, Messene, Paris, 1998, 64 p. (ISBN 2911043642).

Liens externes

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