Écrivains du Montana

L'appellation « écrivains du Montana » regroupe un certain nombre d’écrivains américains contemporains résidant ou travaillant dans l’État du Montana. On parle parfois d'une « école du Montana », de « génération Montana » ou de « Montana Connection »[1].

Le Montana, ultime incarnation de l'Ouest américain

Perhaps it’s the long winters, the hours by streamside, the contemplation of open vistas or mountain grandeur, or just the beauty or the harshness of the place, but Montanans are reflective people.

 Mark A. Sherouse, [2]

« Peut-être sont-ce les longs hivers, les heures passées au bord des rivières, la contemplation des grandes plaines ou des majestueuses montagnes, peut-être est-ce plus simplement la beauté ou la dureté de l'endroit, mais le fait est que les habitants du Montana sont des gens réfléchis. »

 [3]

Le Montana est en effet un vaste État de l’Ouest des États-Unis, constitué à l’Est par les Grandes Plaines et à l’Ouest par les Montagnes Rocheuses. Au quatrième rang par sa superficie, le Montana a l'une des plus faibles densités des États-Unis (997 670 habitants pour environ 380 000 km2). Le climat y est rude (jusqu’à moins 40 °C en hiver), l’isolement important et les paysages démesurés : dans ces conditions, « écrire sur le Montana, c'est faire du paysage un personnage, ou alors un arrière-plan qui est bien plus qu'un arrière-plan », explique Pete Fromm[4].

Depuis les années 1960, Missoula, la deuxième plus grande ville de l’État avec un peu moins de 70 000 habitants, regroupe une concentration d’écrivains telle qu'elle a été comparée au Montparnasse des années 1920[5] : une petite centaine[6], sans compter les 10 000 étudiants[réf. nécessaire] dont certains suivent les ateliers d'écriture (creative writing). Si Missoula est devenue un « paradis pour écrivains »[7], c'est d'abord parce que jusque dans les années 1970, elle était encore une petite ville provinciale au niveau de vie modeste, perspective intéressante pour des écrivains parfois désargentés[8]. Ensuite, Missoula a pu séduire pour sa longue tradition universitaire en ateliers d'écriture[9]. Cette émulation entre les ateliers d'écriture et les écrivains déjà installés a favorisé la venue de nouveaux venus, à la suite de Raymond Carver, de Richard Brautigan et du poète Richard Hugo.

École du Montana

L'école du Montana relève de la littérature des grands espaces et du nature writing par l'importance que prend la nature dans le récit. Professeur de littérature américaine à l'université de Bordeaux, Yves Charles Grandjeat distingue deux branches dans la « Montana Connection ». Pour la première, même si la « nature est importante », elle vient surtout en « accompagnement » d'une « exploration de l'âme humaine » et de son « désarroi » : on y retrouve Raymond Carver, Richard Ford, Thomas McGuane ou Thomas Savage. Pour la seconde, l'anthropocentrisme est banni, la nature est primordiale et elle voisine souvent avec l'écologie politique, on y retrouve Rick Bass, Annie Dillard ou Barry Lopez[10]. Rick Bass explique ainsi :

« nous ne posons pas la nature autour des personnages ou les personnages autour de la nature. Personnages et nature ne font qu’un[11]. »

La pertinence du terme « école » est souvent critiquée[12] ; le journaliste littéraire Pierre Assouline la considère ainsi comme « fumeuse »[13].

Les auteurs eux-mêmes l'ont parfois dénoncé, comme Richard Ford[14] ou Rick Bass qui écrit : « Plutôt que d’école, parlons plutôt de mouvance, de tendance, de communion d’esprit. Aucun écrivain n’aime être catalogué. C’est une invention de journaliste[15]. » Michel Le Bris de son côté préfère parler d'« écrivains de l'Ouest américain »[16].

Sur son site consacré aux écrivains du Montana, Monique Brisset reconnaît :

« [ces] écrivains s’expriment dans des styles, des genres différents, que ce soit la poésie, le roman, la nouvelle, l’essai ou le roman policier. Les thèmes aussi varient[15]. »

Si la désignation est contestée, un fait demeure : la centralité du Montana dans l'œuvre ou dans l'apprentissage du style littéraire. Les écrivains qui relèvent de la Montana Connection ont en effet en commun de vivre au Montana, soit toute l'année comme William Kittredge, soit quelques mois dans l'année comme Jim Harrison. Ils se sont en outre rencontrés lors des ateliers d'écriture de l'Université du Montana à Missoula, les uns comme enseignants, les autres comme étudiants, ou lors des nombreuses rencontres littéraires qui animent certaines villes du Montana et Missoula en particulier. Comme l'écrit Monique Brisset, « tous considèrent Missoula comme leur port d’attache, ils y reviennent régulièrement[15]. »

Les écrivains du Montana recourent à différents genres littéraires.

Pour ce qui est de la forme, l'on trouve des romans comme The Big Sky d'Alfred B. Guthrie (1947), des nouvelles comme Légendes d'automne de Jim Harrison (1979), de la poésie comme A Run of Jacks de Richard Hugo (1961) ou encore des essais comme Owning it all de William Kittredge (1987).

Pour ce qui est du contenu, certaines productions de la Montana Connection appartiennent à la littérature de voyage (travel writing), comme La Route mode d'emploi de James Crumley. D'ailleurs, pour célébrer les dix ans du festival de Saint-Malo[17], Saint-Malo a été jumelée avec Missoula l'espace de deux printemps. Relevant assez largement du nature writing, le style du Montana rejette comme lui la recherche de l'exotisme qui caractérise souvent la littérature de voyage[18].

Pour ce qui est des thèmes, il serait tentant de réduire l'école du Montana à des récits tournant autour de la nature et notamment de la pêche à la mouche[19] : cela s'explique principalement par le succès au cinéma du film Et au milieu coule une rivière de Robert Redford, adaptation du récit éponyme de Norman Maclean. La pêche est certes aussi présente dans d'autres œuvres de l'école du Montana, ainsi dans les poèmes de Raymond Carver tel que The Current, mais aussi en toile de fond de sa nouvelle So much Water so close to Home (Neuf histoires et un poème, 1996). Le héros du Chant du coyote de Colum McCann, Michaël l'Irlandais, pratique également la pêche à la mouche. Mais l'école du Montana ne se résume pas à des histoires de pêche.

Certains écrivains du Montana ont ainsi opté pour le roman policier comme La Mort et la belle vie de Richard Hugo (1980), Un trop plein de ciel de Robert Sims Reid (1988) ou, plus récemment, Lone Creek de Neil McMahon (2008).
D'autres écrivains du Montana se sont essayés au roman d'apprentissage comme Mildred Walker dans Blé d'hiver (1947)[20], Norman Maclean dans Montana 1919 (1976) ou, plus récemment, Judy Blunt avec Breaking Clean (2003).

Quelques écrivains du Montana

Notes et références

  1. Transfuge, septembre 2004, entretien avec Yves Charles Grandjeat
  2. Mark A. Sherouse, [PDF]"Montana Literary Treasure", Humanities Montana.
  3. Mark A. Sherouse, [PDF]"Montana Literary Treasure", Humanities Montana.
  4. « Writing about Montana, the landscape often becomes another character, or a background that refuses to be simply background. » Entretien avec Pete Fromm de Cindy Heidemann pour la Pacific Northwest Booksellers Association
  5. Maureen Freely commence ainsi son article sur Thomas McGuane dans The Independent du 24 janvier 1993 : [https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/books--lonesome-cowboy-is-he-fifties-man-or-hemingway-with-styling-mousse-novelist-thomas-mcguane-has-remade-the-regular-guy-1480487.html « Where do young American literary lions go these days if they want to be mythologised for their boozing and philandering as well as admired for their fine words? Forget Montparnasse and Pamplona. The answer is Missoula, Montana […]. »
  6. "Today, writers like James Crumley and William Kittredge have homes here, as do many more of the hundred or so other authors whose faces adorn the entryway of Fact & Fiction" in Article de Tim Neville dans le New York Times, 15 juillet 2005.
  7. Missoula: a Literary Haven.
  8. « But Kim Anderson has a different explanation: economy. Three decades ago, Missoula was a rough-and-tumble town where you could find a cheap bed and meal — and even cheaper whiskey at one of the many bars in town.“That was back in the good old days”, says Anderson with a laugh. “It was easy to live lightly in Missoula back then.” » in Missoula: a Literary Haven.
  9. « The university’s renowned creative writing program — the second oldest in the country, after Harvard’s — for drawing writers to Missoula and giving them a place to hone their work. » in Missoula: a Literary Haven.
  10. Transfuges, septembre 2004, entretien avec Yves Charles Grandjeat.
  11. Le site de Monique Brisset Chapitre sur « Les écrivains du Montana », huitième paragraphe.
  12. Jérôme Dupuis, Lire, juin 2008 : « ce que l'on a parfois abusivement appelé "l'école du Montana" »
  13. Blog de Pierre Assouline, 9 octobre 2004.
  14. Thierry Gandillot, L'Express, 17 octobre 2002 : article en ligne.
  15. Site de Monique et Gilbert Brisset.
  16. Site du festival Étonnants Voyageurs.
  17. Étonnants Voyageurs, festival créé par Michel Le Bris.
  18. Olivier Gallmeister considère ainsi qu'« il ne faut surtout pas confondre le travel writing, où les écrivains recherchent l'exotisme, et le nature writing, où ils explorent leur jardin. » Enquête de Lire sur le nature writing, juin 2008.
  19. Blog de Vanessa Postec, 28 novembre 2007.
  20. Page personnelle de Paul Malvaux sur Blé d'hiver de Mildred Walker

Voir aussi

Article connexe

Liens externes et sources

  • Site de Monique et Gilbert Brisset, consacré aux écrivains du Montana, avec une large bibliographie et de nombreux liens
  • Transfuge, , entretien avec Yves Charles Grandjeat sur l'école du Montana.
  • « Missoula, la Mecque des écrivains américains », article paru dans Le Point (no 1193) du . Consultable en ligne


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