Éléments prédits par Mendeleïev
Dmitri Mendeleïev publie le premier tableau périodique des éléments en 1869, basé sur des propriétés qui apparaissent avec régularité en fonction de la masse des éléments[1]. Les éléments prédits par Mendeleïev sont un ensemble d'éléments chimiques dont l'existence a été prédite par Dmitri Mendeleïev alors qu'ils n'étaient pas découverts.
Préfixes
Pour donner des noms provisoires aux éléments qu'il a prédit, Mendeleïev utilise les préfixes éka-, dvi- et tri-, issus des chiffres 1, 2 et 3 en sanskrit, en fonction de la place de l'élément dans son tableau périodique (une, deux ou trois places en dessous d'un élément connu du même groupe). Le germanium est ainsi appelé éka-silicium par Mendeleïev[2], le rhénium dvi-manganèse[3] et anciennement[alpha 1] tri-manganèse[5]. Le choix de cette terminologie a pu être influencé par le sanskritiste Otto von Böhtlingk, collègue et ami de Mendeleïev[alpha 2].
Le préfixe éka- est ensuite utilisé par d'autres théoriciens. Avant leurs découvertes, le francium est ainsi appelé éka-césium et l'astate éka-iode. Éka- est parfois encore utilisé pour désigner des éléments transuraniens comme éka-radon[7] désignant l'oganesson et éka-actinium (ou dvi-lanthane) pour l'unbiunium[8]. Cependant, l'IUPAC utilise la dénomination systématique pour donner un nom provisoire aux éléments basé sur le numéro atomique[9].
Prédictions originelles
En 1871, Mendeleïev réalise plusieurs prédictions concernant des éléments non encore découverts[6]. Parmi celles-ci, trois éléments prédits avec quelques-unes de leurs propriétés, l'éka-bore (Eb), l'éka-aluminium (Ea) et l'éka-silicium (Es)[10], sont de bonnes prédictions pour les éléments scandium, gallium, et germanium[11],[12] :
Propriétés[13],[14] | Éka-bore | Scandium |
---|---|---|
Masse atomique | 44 | 43,79 |
Oxyde | Eb2O3 | Sc2O3 |
Densité de l'oxyde (g/cm3) | 3,5 | 3,864 |
Propriétés[13],[14] | Éka-aluminium | Gallium |
---|---|---|
Masse atomique | 68 | 69,9 |
Densité (g/cm3) | 6,0 | 5,96 |
Propriétés[13],[14] | Éka-silicium | Germanium |
---|---|---|
Masse atomique | 72 | 72,3 |
Densité (g/cm3) | 5,5 | 5,469 |
Oxyde | EsO2 | GeO2 |
Densité de l'oxyde (g/cm3) | 4,7 | 4,703 |
Chlorure | EsCl4 | GeCl4 |
Point d'ébullition du chlorure | <100 °C | 86 °C |
Densité du chlorure | 1,9 | 1,887 |
Mendeleïev prédit également en 1871 l’emplacement et la masse atomique de l'éka-césium (Ec), du dvi-césium (Dc), de l'éka-tantale (Et), de l'éka-manganèse (Em) et du tri-manganèse (Tm). Celles-ci s’avéreront correctes : le dvi-césium pour le francium, l'éka-tantale pour le protactinium, l'éka-manganèse pour le technétium et le tri-manganèse pour le rhénium[6]. Dans le cas du protactinium, Mendeleïev prédit sa position entre le thorium et l'uranium[15] et qu'il forme l'oxyde de protactinium(V) (Pa2O5, ce qui a été ensuite vérifié, le protactinium formant également PaO2)[16]. En 1900, William Crookes isole le protactinium (91Pa) de l'uranium mais ne parvient pas à l'identifier. Différents isotopes du protactinium sont ensuite isolés entre 1913 et 1918[15] bien que le nom protactinium ne soit utilisé qu'à partir de 1949[17]. Depuis les années 1950, le thorium, l'uranium et le protactinium sont classés parmi les actinides[18], si bien que le protactinium n'occupe plus la place de l'éka-tantale dans ce qui est maintenant appelé le groupe 5[15]. Aujourd'hui, l'éka-tantale est appelé dubnium.
Mendeleïev a également prédit l'existence de l'éka-niobium, de l'éka-molybdène, de l'éka-cadmium, l'éka-iode et du dvi- tellure. Cependant, la présence des lanthanides perturbe Mendeleïev sur la prédiction des masses atomiques de telle manière que seul le dvi-tellure correspond par sa masse atomique et ses propriétés à un élément découvert par la suite (le polonium). Au-delà des masses atomiques, des analogues plus lourds du niobium, du molybdène, du cadmium et de l'iode ont bien été découverts. Il s'agit respectivement du tantale, du tungstène, mercure et de l'astate[6].
Autres prédictions
En 1902, ayant accepté l'existence des éléments hélium et argon, Mendeleïev place ces gaz nobles dans le groupe 0[19]. Mendeleïev a des doutes sur la théorie atomique pour expliquer la loi des proportions définies, il n'a donc pas de raison, a priori, de croire que l'hydrogène est l'élément le plus léger et suggère l'existence de deux éléments plus légers appartenant au groupe 0[13].
Le plus lourd de ces éléments hypothétiques est le coronium (ou élément y[20]) nommé par association avec une raie spectrale non expliquée dans la couronne solaire dont il serait l'origine. Walter Grotrian et Bengt Edlén expliqueront par la suite l'origine de cette raie par la présence de Fe XIV au sein de la couronne[21].
Le plus léger de ces éléments, l'élément x, aurait une masse atomique théorique comprise entre 5,3 × 10−11 et 9,6 × 10−7 et constituerait l'éther[22],[20]. Pour Mendeleïev, l'élément x engendrerait également le phénomène de radioactivité par accumulation autour des éléments lourds[22]. Il suggérera d'appeler cet élément newtonium, d'après Isaac Newton[23].
Mendeleïev prédit également l'existence de six éléments entre l'hydrogène et le lithium, prédiction qui s'est révélée erronée[24].
Notes et références
- (en)/(es) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Mendeleev's predicted elements » (voir la liste des auteurs) et en espagnol « Elementos predichos por Mendeléyev » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Mendeleïev modifie la dénomination tri-manganèse vers dvi-manganèse en 1905[4].
- À cette époque Böhtlingk préparait justement une nouvelle édition de son ouvrage sur le grammairien et indianiste Pāṇini[6].
Références
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- « Germanium », sur Encyclopædia Universalis.
- (en) R. D. W. Kemmitt et R. D. Peacock, The Chemistry of Manganese, Technetium and Rhenium : Pergamon Texts in Inorganic Chemistry, Elsevier, , 223 p. (ISBN 978-1-4831-8762-4, lire en ligne), p. 905.
- (en) William Andrew Gault, « Investigations of some rhenium compounds and the structure of the mesoperrhenate ion » [PDF], , p. 5.
- (en) Oliver Sacks, Uncle Tungsten : Memories of a Chemical Boyhood, Knopf Doubleday Publishing Group, , 352 p. (ISBN 978-0-8041-7215-8, lire en ligne), p. 198.
- (en) Philip J. Stewart, « Mendeleev’s predictions: success and failure », Foundations of Chemistry, (ISSN 1386-4238 et 1572-8463, DOI 10.1007/s10698-018-9312-0, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Egon Wiberg et Nils Wiberg, Inorganic Chemistry, Academic Press, , 1884 p. (ISBN 978-0-12-352651-9, lire en ligne), p. 1128.
- (en) « Transition energies of lanthanum, actinium, and eka-actinium (element 121) », sur Journal of Chemical Physics.
- [PDF] (en) The IUPAC recommendation.
- (en) J. G. F. Druce, Rhenium, Cambridge University Press, , 102 p. (ISBN 978-1-107-69324-1, lire en ligne), p. 1.
- (en) « The Periodic Table of the Elements », sur IUPAC.
- « Dmitri Ivanovitch Mendeleïev, 1834-1907 », sur Société chimique de France.
- (en) Department of Chemistry and Biochemistry UCLA Eric R. Scerri Lecturer, The Periodic Table : Its Story and Its Significance, Oxford University Press, , 368 p. (ISBN 978-0-19-534567-4, lire en ligne), p. 140.
- (en) « Mendeleev's Predicted Elements », sur meta-synthesis.
- (en) John Emsley, Nature's Building Blocks : An A-Z Guide to the Elements, Oxford, England, UK, Oxford University Press, (1re éd. 2001), 347–349 p. (ISBN 0-19-850340-7, lire en ligne), « Protactinium ».
- (en) Eric Scerri, A Tale of Seven Elements, Oxford, Oxford University Press, , 270 p. (ISBN 978-0-19-539131-2, lire en ligne), « Element 91—Protactinium », p. 197.
- (en) Hammond, C. R., The Elements, in Handbook of Chemistry and Physics, CRC press, , 81e éd., 2712 p. (ISBN 978-0-8493-0485-9 et 0-8493-0485-7, lire en ligne).
- (en) Laing, Michael, « A Revised Periodic Table: With the Lanthanides Repositioned », Foundations of Chemistry, vol. 7, no 3, , p. 203 (DOI 10.1007/s10698-004-5959-9).
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- (en) « An Attempt Towards A Chemical Conception Of The Ether by Professor D. Mendeleeff », sur Rex Research.
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- Bernadette Bensaude-Vincent, « L'éther, élement chimique: un essai malheureux de mendéléev? », The British Journal for the History of Science, vol. 15, no 2, , p. 183–188 (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Marco Fontani, Mariagrazia Costa et Mary Virginia Orna, The Lost Elements : The Periodic Table's Shadow Side, New York, Oxford University Press, (1re éd. 2014), 531 p. (ISBN 9780199383344), p. 421..
- (en) Marco Fontani, Mariagrazia Costa et Mary Virginia Orna, The Lost Elements : The Periodic Table's Shadow Side, New York, Oxford University Press, (1re éd. 2014), 531 p. (ISBN 9780199383344), p. 419..
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