Époque d'Edo
L'époque d'Edo (江戸時代, Edo jidai) ou période Tokugawa (徳川時代, Tokugawa jidai) est la subdivision traditionnelle de l'histoire du Japon qui commence vers 1600, avec la prise de pouvoir de Tokugawa Ieyasu lors de la bataille de Sekigahara, et se termine vers 1868 avec la restauration Meiji. Elle est dominée par le shogunat Tokugawa dont Edo (ancien nom de Tokyo) est la capitale.
Pour les articles homonymes, voir Edo.
江戸時代
Statut | Dictature militaire féodale |
---|---|
Capitale | Edo |
Langue(s) | Japonais |
Religion | Bouddhisme, shintoïsme |
1600 | Bataille de Sekigahara |
---|---|
1641-1853 | Sakoku |
1853-1868 | Bakumatsu |
Empereur | |
Shogunat Tokugawa |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
Histoire
Début de l'époque d'Edo
Le shogunat contrôle le pouvoir politique, administratif et plus tard juridique. Il existe aussi un empereur, mais celui-ci ne possède que des fonctions spirituelles de grand prêtre et est le symbole du « génie national ». Après les nombreuses guerres féodales qui avaient eu lieu auparavant, les Tokugawa cherchent à réorganiser l'État et garantir la paix dans le pays. Pour cela, ils mettent au point un système encore très hiérarchisé et rigide grâce auquel ils peuvent contrôler totalement le pays. Une austère idéologie néo-confucéenne est prônée, reposant sur une stricte séparation des classes sociales et l'interdiction de tout signe ostentatoire de richesse[1].
Ainsi, le pays est divisé en fiefs gouvernés par des seigneurs, les daimyōs, eux-mêmes sous l'autorité du shogun. Ceux qui avaient prêté allégeance aux Tokugawa avant 1600 s'appellent les « daimyos de l'intérieur » et ceux qui l'avaient fait après s'appellent les « daimyos de l'extérieur ».
Tokugawa Ieyasu crée une nouvelle capitale administrative à Edo (actuelle Tokyo), siège du shogunat. Ce n'était qu'un village de pêcheurs, mais en 1635 pour pouvoir maintenir les daimyos sous son autorité, il leur impose un système de résidences alternées, le sankin-kōtai, dans lequel ils doivent résider à Edo une année sur deux, tandis que leurs familles doivent y résider en permanence en guise d'otages. La fonction shogunale devient même héréditaire afin de décourager leurs éventuelles prétentions. Marchands et artisans, les (chônins) attirés par les gains que peuvent leur procurer cette population assignée à résidence s'installent. En un siècle Edo devient une des agglomérations les plus peuplées du monde : elle compte près d'un million d'habitants au début du XVIIIe siècle[1].
Les Tokugawa ont créé un ordre fondé sur les « quatre divisions de la société » (shinōkō), système s'inspirant des idées confucéennes. La société se compose de samouraïs (士 (shi)), de paysans (農 (nō)), d'artisans (工 (kō)) et de marchands (商 (shō)). Lorsqu'il se trouvait auprès du fudai Daimyō Tadatoshi Hosokawa, Miyamoto Musashi ( - ) artiste calligraphe philosophe et samouraï, a mentionné cet ordre dans son ouvrage le Traité des cinq roues qui sera par la suite la source de l'esprit bushido et qui comme l'ensemble de son œuvre appartient au trésor national japonais[2].
Cette époque se caractérise par une fermeture du pays à l'égard des autres nations, spécialement européennes, appelée sakoku. Le Japon conserve des relations commerciales et diplomatiques avec ses voisins immédiats : la Corée, la Chine et le royaume de Ryūkyū. En revanche, parmi les pays européens, à partir de 1639 seules les Provinces-Unies ont le privilège d'entretenir des relations commerciales avec lui. Ces échanges s'effectuent via le comptoir de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales sur l'île artificielle de Dejima[1]. Les étrangers ne sont pas admis sur le sol japonais, au risque de la peine de mort. Le christianisme est progressivement interdit à partir de 1614, date d'expulsion des missionnaires étrangers, jusqu'à ce que la foi chrétienne soit punie de mort. La rébellion de Shimabara (1637-1638) est le dernier acte de résistance des chrétiens japonais. Ceux-ci abjurent leur foi ou passent à la clandestinité, devenant des Kakure kirishitan (chrétiens cachés).
Au XIXe siècle fin de l'époque Edo
Ce n'est qu'en 1854 que le commodore américain Matthew Perry accompagné de navires de guerre contraint le bakufu à mettre un terme à la politique d'isolement commercial. Le bakufu, effrayé à la perspective d'essuyer de lourdes défaites militaires en cas de refus (comme ce fut le cas pour le voisin chinois avec les guerres de l'opium) signe à contrecœur la convention de Kanagawa.
Celle-ci laisse ouverts les ports de Shimoda et Hakodate aux Américains. Il en sera de même un peu plus tard pour la Russie, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la France. Une première division s'effectue alors entre les partisans de l'ouverture et les isolationnistes. En 1858, la noblesse plutôt xénophobe reproche au shogun d'avoir cédé à la peur des étrangers et de ne pas avoir demandé l'autorisation de l'empereur. Cette scission marquera le début de la chute du bakufu.
Ainsi se prépare un affrontement entre les daimyos héréditairement créés par les Tokugawa au XVIIe siècle et les daimyos de l'Ouest qui se rangent du côté de l'empereur et s'opposent ainsi aux étrangers et au shogun. Les fiefs les plus puissants de ces derniers sont Chōshū et Satsuma. Ceux-ci sont entraînés dans la rébellion contre le bakufu : des batailles s'engagent vers 1866 mais les armées shogunales ne parviennent pas à pénétrer le territoire de Chōshū. Des alliances se dessinent alors entre Chōshū, Satsuma et Tosa dont les chefs préparent un coup d'État. Par conséquent, le , en présence de bushis, est proclamé à Kyoto « le retour à l'ancienne monarchie » et la fin du bakufu.
L'époque d'Edo prend donc fin en 1868 avec la restauration du pouvoir impérial par l'empereur Mutsuhito et l'abdication du quinzième et dernier shogun, Tokugawa Yoshinobu[3].
Chronologie
|
|
Notes et références
- Hélène Prigent, « Images du Monde flottant », Le Petit Journal des grandes expositions, no 369, , p. 3 (ISBN 2-7118-4852-3)
- Miyamoto, Musashi, 1584-1645. et Shibata, M. (Masumi), (trad. du japonais), Traité des cinq roues : gorin-no-sho, Paris, A. Michel, 1996, ©1983, 190 p. (ISBN 2-226-01852-2 et 9782226018526, OCLC 40431649, présentation en ligne), p. 11-46, Préface.
- Aimie Eliot, « Depuis Kyoto, voyage dans le temps à la découverte du Japon de l'ère Edo », Le Figaro, (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
- Société japonaise à l'époque d'Edo
- Shogunat Tokugawa
- Ukiyo-e, l'art graphique populaire de l'ère Edo
- Histoire de la cuisine japonaise à l'époque Edo
- Gokaidō, les cinq routes majeures du Japon
- Tōkaidō, la plus importante de ces routes
- Nakasendo, la deuxième route la plus importante, appelée aussi Kiso kaidō
- Sankin kotai, le système de « résidence alternée » des daimyos, mis en place par le shogunat pour contrôler l'aristocratie militaire
- Historiographie du Japon
- Littérature de l'époque d'Edo
- Misemono, spectacles ou représentations ; importante partie de la culture urbaine japonaise au cours de l'époque d'Edo
- Rakugo
Histoire du Japon
- Francine Hérail, Histoire du Japon des origines à la fin de l'époque Meiji : matériaux pour l'étude de la langue et de la civilisation japonaises, Paris, Publications orientalistes de France, , 462 p. (OCLC 882418621, présentation en ligne, lire en ligne).
- (en) Marius B. Jansen, The Making of Modern Japan, Cambridge et Londres, The Belknap Press of Harvard University Press, , 871 p. (ISBN 0-674-00991-6, lire en ligne).
- (en) James L. McClain, Japan : A Modern History, New York, W.W. Norton & Company, , 724 p. (ISBN 978-0-393-97720-2).
- Francine Hérail (dir.), Guillaume Carré, Jean Esmain, François Macé et Pierre-François Souyri, Histoire du Japon : des origines à nos jours, Paris, Éditions Hermann, , 1413 p. (ISBN 978-2-7056-6640-8).
- Pierre-François Souyri, Nouvelle Histoire du Japon, Paris, Perrin, , 627 p. (ISBN 978-2-262-02246-4).
- (en) William M. Tsutsui (dir.), A Companion to Japanese History, Malden, Blackwell Publishing, , 632 p. (ISBN 978-1-4051-1690-9).
- (en) Karl F. Friday (dir.), Japan Emerging : Premodern History to 1850, New York et Londres, Routledge, , 478 p. (ISBN 978-0-8133-4483-6).
Histoire du Japon d'Edo
- (en) John Whitney Hall (dir.), The Cambridge History of Japan : Volume 4: Early Modern Japan, Cambridge, Cambridge University Press, , 831 p. (ISBN 978-0-521-22355-3, lire en ligne).
- (en) Marius B. Jansen (dir.), The Cambridge History of Japan : Volume 5: The Nineteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, , 844 p. (ISBN 978-0-521-22356-0, lire en ligne).
- (en) Conrad Totman, Early Modern Japan, Berkeley, University of California Press,
- François Macé et Mieko Macé, Le Japon d'Edo, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Guide des civilisations », (ISBN 978-2-251-41034-0)
- Hiroyuki Ninomiya, Le Japon pré-moderne : 1573-1867, Paris, CNRS Éditions, , 234 p. (ISBN 978-2-271-09427-8)
Culture, arts
- Christine Guth, Le Japon de la période Edo, Paris, Flammarion, coll. « Tout l'Art », (ISBN 978-2-08-012280-3)
- Jean Guillamaud, Histoire de la littérature japonaise, Paris, Ellipses,
- (en) Haruo Shirane, Tomi Suzuki et David Lurie (dir.), The Cambridge History of Japanese Literature, Cambridge, Cambridge Univeristy Press, .
- Christine Shimizu, L'Art japonais, Paris, Flammarion, coll. « Tout l'art, Histoire », 2001, 2014, 448 p. (ISBN 978-2-08-120787-5)
- (en) Yoshiaki Shimizu (dir.), Japan : the Shaping of Daimyo Culture, 1185-1868, Washington, National Gallery of Art, , 402 p. (ISBN 0-89468-122-2, lire en ligne).
Liens externes
- Portail des civilisations asiatiques
- Portail de l'histoire du Japon
- Portail de l'époque moderne
- Portail du XIXe siècle