Empire du Japon
L'empire du Japon (en japonais 大日本帝國 (kyūjitai) / 大日本帝国 (shinjitai), prononcé Dai Nippon Teikoku, littéralement « empire du Grand Japon ») est le régime politique du Japon durant la période allant de l'ère Meiji à l'ère Shōwa et englobant la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale.
大日本帝國
Dai Nippon Teikoku
Drapeau officiel entre 1870 et 1885, de facto par la suite |
Emblème |
En vert foncé : territoire japonais (–).
En vert : acquisitions (–).
En vert clair : occupation et États satellites (–).
Statut |
Monarchie absolue de droit divin (–) Monarchie constitutionnelle de droit divin (–) Empire militariste et expansionniste (–) |
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Capitale |
Kyoto (–) Tokyo (à partir de 1869) |
Langue(s) | Japonais |
Religion | Shintoïsme |
Monnaie | Yen [I 1] |
Population (c. 1935) | 97 770 000 |
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Densité (c. 1935) | 144,8 hab./km2 |
Superficie (c. 1935) | 675 000 km2 |
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Restauration Meiji | |
29 août 1871 | Abolition du système han |
1re Constitution | |
– | Première guerre sino-japonaise |
– | Guerre russo-japonaise |
1912 | Début de l'ère Taishō |
1926 | Début de l'ère Shōwa |
– | Invasion de la Mandchourie |
– | Seconde guerre sino-japonaise |
– | Guerre du Pacifique (Seconde Guerre mondiale) |
Capitulation | |
Entrée en vigueur d'une nouvelle constitution. Fin officielle de l'Empire du Japon. |
– | Mutsuhito |
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– | Yoshihito |
– | Hirohito |
–, –, 1898, – | Hirobumi Itō |
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– | Kiyotaka Kuroda |
– | Aritomo Yamagata |
–, – | Kinmochi Saionji |
–, – | Tarō Katsura |
–, – | Gonnohyōe Yamamoto |
Chambre haute | Chambre des pairs |
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Chambre basse | Chambre des représentants |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
- Le yen coréen était officiel en Corée depuis 1910 et le yen taïwanais à Taïwan depuis 1896.
Après deux siècles et demi de fermeture au monde extérieur, le Japon connaît une réorganisation politique avec la fin du shogunat et se transforme en nation moderne — adoptant sa première constitution en 1889 — ainsi qu'en puissance d'envergure mondiale. Le pays se caractérise également par une forte politique expansionniste et impérialiste, qui culmine durant la première partie de l'ère Shōwa et la participation du pays au second conflit mondial.
Avec la conclusion du pacte anti-Komintern, puis du pacte tripartite, l'Empire japonais finit par s'allier à l'Allemagne nazie, rejoignant ainsi l'Axe formé avec l'Italie fasciste dans le conflit contre les Alliés. Par la réalisation du hakkō ichiu, un concept lié au kokka shinto et pouvant se traduire par « la réunion des huit coins du monde sous un même toit », l'empereur Hirohito devient un symbole de l'Empire colonial du Japon.
Après la défaite du Japon en 1945 et l'adoption en 1947 de la nouvelle Constitution, le pays est désigné officiellement sous le nom de Nippon ou Nihon, et parfois Nippon-koku ou Nihon-koku (日本国, soit littéralement l’État du Japon) tout en conservant la monarchie en devenant une monarchie constitutionnelle.
Histoire
Ère Meiji
Le Japon de l'ère Meiji s'impose comme une nouvelle puissance du Pacifique. Bien avant le contact avec l'Occident, le Japon connaît des tendances proto-capitalistes qui semblent préparer son décollage industriel. De riches cultivateurs constituent des entreprises artisanales notamment dans le tissage et prêtent aux moins fortunés, dont ils finissent par récupérer les terres : c'est le début d'un processus d'accumulation du capital. Avec l'ouverture au commerce international, l'afflux de produits manufacturés entraîne un déficit qu'il faut équilibrer en exportant des produits de base (comme le riz et la soie), ce qui augmente les prix ; d'autre part, l'artisanat se voit concurrencé par les produits européens. D'où une crise sociale qui se manifeste contre les étrangers et contre le système du shogunat.
Politiquement, le début de l'histoire du Japon impérial se confond avec celui de l'ère Meiji. L'empereur Meiji est intronisé en 1867. En , le shogunat est aboli. L'ère Meiji (« gouvernement éclairé ») s'achèvera à la mort de l'empereur en 1912, mais la modernisation se poursuivra sous le règne de son successeur Taishō Tennō (1912-1925). La révolution Meiji est une révolution par le haut. L’empereur gouverne avec ses conseillers : il est de droit divin et le shintoïsme est déclaré religion d'État. À travers le culte de l'empereur, c'est le culte de l'État qui régit la vie des citoyens qui est célébré. La première réforme consiste à supprimer la féodalité et à lui substituer l'élite des marchands et de la petite noblesse des guerriers (les samouraïs). Les grands seigneurs (les daimyos) sont privés de leurs terres et des droits qui s'y attachent dès 1869.
Le , des préfectures remplacent officiellement les domaines féodaux (廃藩置県, Hai-han Chi-ken).
En 1881, Itō Hirobumi est mis à la tête d'une administration chargée d'étudier les formes modernes de gouvernement, en vue d'établir une constitution pour le Japon. En 1888, un projet de constitution, élaboré en secret, est soumis à l'empereur. La Constitution de l'empire du Japon (kyūjitai : 大日本帝國憲法 ; shinjitai : 大日本帝国憲法, Dai-Nippon Teikoku Kenpō), dite Constitution Meiji, inspirée des modèles prussien et américain, est approuvée par l'empereur le 11 février 1889 et entre en application le 29 novembre 1890. La Diète du Japon, premier parlement du pays, est créée. L'empereur, chef des forces armées, conserve l'autorité sur les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, tandis que les droits et les devoirs des sujets sont clairement définis. L'aristocratie est réorganisée, avec l'instauration de titres nobiliaires sur le modèle européen. La liberté de cultes est assurée, l'Empire faisant néanmoins une très large place au shintoïsme.
Le pays connaît une modernisation rapide, utilisant la technologie occidentale et les experts étrangers. L'économie japonaise adopte un capitalisme à l'occidentale, le pays devenant la nation asiatique la plus développée, et une grande puissance régionale.
L'idéologie nationaliste japonaise se développe et se concrétise par les premiers signes d'expansionnisme politique du pays. En 1894–1895, lors de la première guerre sino-japonaise le Japon bat militairement l'empire de Chine : la guerre se conclut par le traité de Shimonoseki, par lequel le Japon annexe Taïwan et plusieurs autres territoires, transformant également en protectorat japonais la Corée, dont la Chine a dû reconnaître l'indépendance. Le budget de l'État japonais augmente fortement, passant entre 1893 et 1897 de 89 à 240,5 millions de yens dont 55 % sont, la dernière année, consacré au budget de la défense[1].
En 1904–1905, la guerre russo-japonaise se termine par la victoire du Japon sur la Russie impériale : tout en préservant sa domination sur la Corée et ses intérêts économiques en Mandchourie, le Japon s'affirme en tant que grande puissance mondiale, capable de vaincre militairement un pays occidental de premier plan.
La participation majeure du Japon à la répression de la révolte des Boxers, puis l'établissement du protocole de paix Boxer, permettent à l'empire d'affermir un peu plus son influence sur la Chine.
En 1910, la Corée est annexée.
L'impérialisme japonais est en partie lié aux problèmes nés du modernisme, notamment le besoin de matières premières pour une industrie en plein essor, la recherche de débouchés commerciaux, le besoin de nouvelles terres et une production agricole insuffisante pour une population toujours croissante. Enfin, la volonté de puissance japonaise est alimentée par la persistance des traditions guerrières[réf. nécessaire].
Ère Taishō
Durant l'ère Taishō, règne de l'empereur Yoshihito, le Japon poursuit sa rapide modernisation économique et sociale, et met en œuvre une vigoureuse politique d'industrialisation et de militarisation.
Durant la Première Guerre mondiale, le Japon rejoint le camp des Alliés et déclare la guerre à l'Empire allemand : la Marine impériale japonaise attaque la Kaiserliche Marine dans le Pacifique sud et l'océan Indien, et les troupes japonaises occupent les possessions allemandes en Chine. En 1915, le Japon tente d'affermir sa domination économique sur la Chine en présentant au gouvernement de Pékin ses Vingt et une demandes, qui constituent en pratique une tentative de mise sous tutelle de l'économie chinoise. Devant les réticences occidentales et les mouvements d'opinion en Chine, le Japon doit finalement reculer. À la fin du conflit mondial, le Japon s'est malgré tout affirmé comme une puissance mondiale et une grande nation industrielle. Le traité de Versailles lui permet de prendre officiellement possession des concessions allemandes en Chine dans le Shandong.
Durant la guerre civile russe, le Japon intervient en Sibérie, dont il occupe le territoire jusqu'en 1922.
Ère Shōwa
L'empereur Hirohito, régent depuis plusieurs années, succède à son père en 1926. Le Japon est frappé par la crise mondiale de 1929. Le pays, faible en matières premières, a du mal à nourrir une population sans cesse croissante (un million de citoyens en plus chaque année). Le chômage sévit dans tous les centres industriels du pays, des krachs financiers se produisent en chaîne. La caste des militaires veut réagir face à l'inaction du gouvernement et reprend son emprise sur le gouvernement.
L'opinion publique accorde une audience enthousiaste, comme en Allemagne et en Italie, aux représentants politiques proposant des conquêtes faciles, des marchés nouveaux ainsi que des politiques de « prestige ». Le Japon poursuit et amplifie sa politique expansionniste[2] et, en 1931, envahit la Mandchourie, annexant de fait la région et créant sur son territoire le protectorat du Mandchoukouo, qui lui garantit le contrôle de très importantes ressources naturelles. Dans les années suivantes, le Japon continue d'étendre son influence sur la Chine, multipliant les heurts avec l'armée chinoise et favorisant des soulèvements indépendantistes en Mongolie-Intérieure, dans le but de rééditer l'opération du Mandchoukouo.
Le Japon, se basant sur un empire extensif comprenant Taïwan, la Corée, la Mandchourie et des régions du Nord de la Chine, reprend sa croissance économique. L'expansion est considérée comme une nécessité politique et économique, visant à interdire aux États étrangers d'étouffer le pays en bloquant son accès aux matières premières et ses principales voies maritimes. La grande force militaire que possède le Japon est vue comme essentielle pour la défense et la prospérité de l'empire à travers l'approvisionnement en ressources naturelles, dont l'archipel manque cruellement.
À partir de 1932, sous l'influence d'idéologues militaires comme Sadao Araki, le Japon s'oriente vers une politique militariste et nationaliste de plus en plus prononcée, concevant le pays comme le seul garant légitime de la paix en Asie, et l'empereur comme le garant divin de l'expansionnisme national, agrémentant la nostalgie du bushido et du shogunat d'une émulation des régimes fascistes européens. En 1936, le Japon signe avec l'Allemagne nazie le pacte anti-Komintern.
Conflits ouverts avec la Chine, puis l'Occident
En 1937, après plusieurs années de conflit larvé et de heurts récurrents, le Japon réalise une invasion en règle de l'Est de la Chine. L'empire vise à poursuivre une politique expansionniste en Asie, prenant le contrôle des pays de la région, sous le couvert d'un indépendantisme pan-asiatique théorisé par le concept de sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. En , pour faire contrepoids à l'hostilité des pays occidentaux ayant des colonies en Extrême-Orient, le Japon conclut une alliance militaire avec l'Allemagne nazie et le royaume d'Italie, le pacte tripartite constituant officiellement l'Axe Rome-Berlin-Tokyo. Le mois suivant, le gouvernement décrète le pays en état de mobilisation nationale, sous l'égide du Taisei Yokusankai, parachevant la mue totalitaire du régime impérial.
À la fin 1941, le Japon entre officiellement dans la Seconde Guerre mondiale, attaquant les possessions occidentales en Asie et en Océanie. Le pays remporte initialement de nombreuses victoires : la Malaisie britannique, les Indes orientales néerlandaises, le Commonwealth des Philippines, la Birmanie sont occupés par le Japon, qui reçoit en Birmanie le soutien de la Thaïlande. Des combats féroces ont lieu aux îles Salomon, en Nouvelle-Guinée et dans l'océan Pacifique. Grâce à l'effort de guerre des Alliés, la tendance du conflit s'inverse progressivement : les combats en Chine s'enlisent, les Japonais étant incapables de réduire la résistance chinoise ; une offensive menée contre l'Inde britannique depuis la Birmanie est un désastre qui aboutit à l'effondrement du front birman; à l'automne 1944, les Américains débarquent aux Philippines.
Défaite militaire
De à les Américains mènent de nombreux raids aériens en bombardant des villes japonaises. Entre février et mars 1945 les bombardements de Tokyo font plus de 100 000 morts civils.
En , le Japon, n'ayant pas répondu à l'ultimatum émis par les Alliés lors de la conférence de Potsdam, subit successivement un bombardement nucléaire américain sur Hiroshima, une invasion massive de l'Union soviétique en Mandchourie, et un second bombardement nucléaire américain sur Nagasaki. Le , l'empereur Hirohito annonce lui-même la reddition du pays. La capitulation est officiellement signée le .
Après 1945
Après sa défaite dans le conflit mondial, le Japon connaît une période d'occupation militaire par les Alliés. Désireux de conserver le Japon comme allié en Asie, les États-Unis ne mettent pas à bas le système impérial, Hirohito lui-même ne faisant l'objet d'aucune poursuite pour crimes de guerre.
Territorialement l'Empire du Japon est divisée en plusieurs entités :
- L'archipel japonais placé sous le Commandement suprême des forces alliées (in facto américain et britannique) ;
- Les îles Spratleys et Formose occupées par la république de Chine ;
- La Sakhaline du Sud et les îles Kouriles occupées par l'Union soviétique ;
- La péninsule coréenne au sud du 38e parallèle sous le Gouvernement militaire de l'armée américaine ;
- La concession de Guandong occupées par l'Union soviétique ;
- la péninsule coréenne au nord du 38e parallèle sous administration soviétique de la Corée ;
- Les îles du Pacifique sous mandat de la SDN occupées par les États-Unis.
Les états satellites du Mandchoukouo et du Mengjiang sont récupérés par la République de Chine.
Cette division effectuée dans la précipitation du côté américain (surpris par la rapidité de la chute de l'empire japonais, l'invasion soviétique éclair en Mandchourie le et la rapidité de l'avancée des troupes soviétiques[3]) entraîna de lourdes conséquences dans la géopolitique en Extrême-Orient durant la seconde moitié du XXe siècle. La rivalité entre Soviétiques et Américains conduisit à la guerre de Corée en 1950 tandis qu'aujourd'hui encore les îles Kouriles sont revendiquées par le Japon et les îles Spratleys disputées par les pays voisins.
Le pays adopte en 1947 une nouvelle constitution, établissant un système de gouvernement parlementaire, et réduisant explicitement le rôle de l'empereur à sa fonction cérémonielle. Le Japon renonce à son armée, et le terme d'« Empire » disparaît du nom officiel du pays. Le Japon s'oriente désormais vers un fonctionnement politique démocratique, le miracle économique japonais de l'après-guerre garantissant le redressement du pays.
Références
- Félix Martin, Le Japon vrai, première édition 1898, réédition 2001, 336 p. (ISBN 978-1-4212-1447-4, lire en ligne), p. 240.
- Cédric Gras, L'hiver aux trousses : Voyage en Russie d'Extrême-Orient, Paris, Gallimard, , 267 p. (ISBN 978-2-07-046794-5), partie II, « Poronaïsk la japonaise ».
- James F. Schnabel, « I. Korea, case history of a pawn » in « United States Army in the Korean War – Policy and Direction: The First Year », Center of Military History, Washington D.C., 1972. (ISBN 0-16-035955-4).
Bibliographie
- Yoshihiko Amino, « Les Japonais et la mer », Annales. Histoire, Sciences sociales, 50e Année - n° 2, L’Histoire du Japon sous le regard des Japonais, mars-avril 1995, p. 235-258.
- Lionel Babicz, Le Japon face à la Corée à l’époque Meiji, Maisonneuve et Larose, 2002.
- Franck Michelin, « Le Japon et le Pacifique : histoire d’une relation complexe », in Sémir Al Wardi, Jean-Marc Regnault, Jean-François Sabouret (eds.), L’Océanie convoitée : Actes des colloques, Papeete, Api Tahiti et CNRS Éditions, 2017, p. 36-49.
- Franck Michelin, « La Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale : réflexion sur un régionalisme asiatique », Relations internationales, n° 168, Paris : Presses universitaires de France, février 2017, p. 9-28.
- Michel Vié, Le Japon et le monde au XXe siècle, Masson, 1995.
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