Équations de Painlevé
Les équations de Painlevé sont les uniques équations différentielles non-linéaires du second ordre qui définissent de nouvelles fonctions. Elles possèdent par construction la propriété de Painlevé : l'absence de singularités à la fois critiques et mobiles dans la solution générale. Découvertes par les mathématiciens Paul Prudent Painlevé[1] et Richard Fuchs, elles se rencontrent dans de très nombreux problèmes intégrables de physique, géométrie, etc.
Définition et propriétés fondamentales
Il existe six équations de Painlevé : cinq découvertes par Painlevé et Gambier, et la sixième par Richard Fuchs. La sixième équation engendre toutes les autres par un processus de confluence.
La sixième équation de Painlevé
La sixième équation de Painlevé PVI est une équation différentielle ordinaire (EDO) non-linéaire qui dépend de quatre paramètres complexes . Il en existe deux représentations, ou bien en coordonnées rationnelles pour une fonction ,
ou bien en coordonnées elliptiques pour une fonction :
Ici est la fonction elliptique de Weierstrass, une fonction doublement périodique, dont les périodes sont notées et , et désigne sa dérivée par rapport au premier argument. La variable indépendante ne dépend que du rapport des périodes, , et les quatre grandeurs sont respectivement l'unique pôle et les trois zéros de .
Le passage aux coordonnées rationnelles
a pour inverse
où .
L'équation PVI en coordonnées elliptiques découle d'un hamiltonien naturel dont les variables (position, impulsion) sont
Propriété de Painlevé et singularités
Quelques définitions classiques sont ici nécessaires. [2] [Introduction p. 6, lignes 5 et 13, note (1)]. Une expression est dite
- uniforme (resp. multiforme) si le nombre de ses déterminations est égal (resp. supérieur) à un. Exemples respectifs : .
Pour une expression donnée, un point est dit,
- critique si autour de lui plusieurs déterminations de l'expression se permutent, non-critique dans le cas contraire. Exemples respectifs : en , en .
Étant donné une équation différentielle ordinaire (EDO), un point est dit
- mobile si sa position dans dépend des conditions initiales, fixe sinon.
La propriété de Painlevé d'une EDO est alors définie comme l'absence dans la solution générale de singularités à la fois critiques et mobiles.[3] Une telle équation est aussi appelée à points critiques fixes .
L'équation PVI pour possède par construction la propriété de Painlevé. Sa solution générale est uniforme sauf en trois points fixes, mis par convention en pour que soit le birapport . Plus précisément, elle est méromorphe dans .
Les seules singularités mobiles de PVI en coordonnées rationnelles sont les suivantes. À chaque , sont associés soit deux pôles simples de résidus opposés si , soit un pôle double si . Le comportement de la solution au voisinage de ces pôles est
où les résidus des pôles doubles sont arbitraires.
Confluence
Dans l'écriture de PVI en coordonnées rationnelles, le coefficient de possède quatre pôles de résidus . Par une homographie, on peut donner à trois de ces pôles des positions quelconques dans . La confluence ou coalescence ou dégénérescence consiste à obtenir d'autres équations différentielles en effectuant des limites du type . Dans une telle limite, deux pôles sont remplacés par un seul pôle, dont le résidu est la somme des résidus des deux pôles initiaux. Les résidus se comportent donc ainsi :
À partir de PVI, on obtient quatre autres équations[4],[5] :
Ce schéma est une extrapolation non-linéaire de la confluence classique[6] qui, à partir de l'équation hypergéométrique de Gauss, engendre successivement les équations de Whittaker, Bessel, Hermite et Airy:
Équations de Painlevé
Les cinq équations PVI, PV, PIV', PIII, PII' dépendent chacune de quatre paramètres, ce qui permet d'exploiter au mieux la confluence pour engendrer à partir de PVI les diverses propriétés des autres : paires de Lax, hamiltoniens, fonctions tau, transformations birationnelles, solutions de Riccati, etc. On obtient les équations PIV, PII, PI en donnant des valeurs particulières aux paramètres de PIV' et PII'.
En coordonnées elliptiques
Dans l'écriture de Babich et Bordag[7], les équations de Painlevé sont:
- .
En coordonnées rationnelles
Les changements de coordonnées entre les écritures elliptiques et rationnelles sont:
Les écritures rationnelles des équations de Painlevé sont[5]
avec pour PVI la notation Ces cinq équations possèdent par construction la propriété de Painlevé, ce qui n'est pas le cas (sauf pour PII') de leur écriture elliptique.
Potentiels
Pour les cinq équations PVI-PII' en coordonnées rationnelles, Garnier a introduit les potentiels
Ces potentiels permettent d'écrire les équations de façon plus compacte :
Valeurs particulières des paramètres
Les équations PIV, PII, PI ont un nombre minimal de paramètres, et se déduisent de PIV' et PII' en donnant des valeurs particulières à certains de leurs quatre paramètres[4] :
De plus, selon les valeurs des paramètres, on distingue trois variétés d'équations PIII :
Données de base et confluence
Table Données de base pour les Pn. La Table ci-après rassemble : comportement dominant, indices de Fuchs, exposants de monodromie. Les indices de Fuchs sont par convention définis pour que la valeur soit toujours un tel indice, ce sont donc les racines de l'équation indicielle de l'EDO linéarisée, diminuées de la valeur de l'ordre du pôle considéré. Chaque exposant de monodromie a son carré rationnel en . Les lignes successives indiquent : le degré de singularité de la Pn et l'indice de Fuchs positif , le premier coefficient de la série de Laurent de , la notation pour la racine carrée de , la définition du vecteur (transposé) des exposants de monodromie, les composantes de ce vecteur.
.
Les coalescences successives d'une équation vers une autre équation sont décrites par des transformations affines , où tend vers zéro.
Pour les cinq Pn définies par Garnier et pour des valeurs génériques de , ce sont
Le niveau ajouté (J comme Jacobi) est celui vers lequel conflue PII'.
Pour la confluence des six Pn historiques, consulter[8] [p. 5-6] ou[1] [Tome III p. 119], qui corrigent des erreurs typographiques des Comptes rendus [4].
Table Confluence des exposants de monodromie[9]. Les paramètres (qui représentent essentiellement des signes) participent aussi à la confluence. Le signe des racines carrées est choisi pour ne donner que des signes + dans les valeurs successives
Fonctions tau
Il en existe au moins deux définitions, équivalentes au niveau de PVI : une analytique, une par la paire de Lax matricielle.
Définition analytique
Pour chaque Pn, il existe des fractions rationnelles de , définies à une fonction additive de près, dont les seules singularités mobiles sont des pôles simples de résidu entier positif. Leur primitive logarithmique, qui possède alors les mêmes singularités mobiles que la solution générale d'une EDO linéaire (c'est-à-dire aucune singularité mobile, seulement des zéros mobiles), est par définition appelée fonction tau [sans doute par le choix dans l'alphabet grec de la lettre qui suit , la notation de Weierstrass pour sa fonction entière] et leur existence prouve ipso facto la propriété de Painlevé de Pn.
PVI admet deux ensembles de quatre fonctions tau équivalentes, respectivement construits par Painlevé et Chazy, chaque élément des deux ensembles étant indicé par l'une des singularités .
Dans le cas ("de Picard") où les quatre sont nuls, Painlevé[10] [p. 26] a défini l'ensemble préliminaire
dont chaque élément possède un seul pôle simple de résidu unité au voisinage des pôles doubles correspondants de , Le seul élément pair en est celui d'indice (le birapport des quatre points singuliers), il conduit à des expressions ultérieures plus simples.
Le premier ensemble de fonctions tau[4] [Éq. (3)], noté , extrapole le double de ces expressions préliminaires; leur dérivée logarithmique possède ou bien deux pôles simples de résidu unité (cas non nul), ou bien un pôle double de résidu deux (cas nul).
Avec le choix (plus simple que le choix à cause de sa parité en ), la dérivée logarithmique
possède des pôles simples de résidus un ou deux aux pôles de ,
et elle est régulière aux six pôles simples ou aux trois pôles doubles de . Cependant, l'EDO d'ordre deux qu'elle vérifie a pour degré quatre[11] [p. 340], soit plus que le minimum deux.
Le deuxième ensemble de quatre fonctions tau, noté , a été construit par Chazy[11] [expression p. 341] à partir de l'ensemble simplement en supprimant l'un des deux pôles mobiles simples du premier ensemble
De plus, et c'était la motivation de Chazy, l'EDO d'ordre deux pour chaque a pour degré la valeur minimale deux, comme explicité ci-dessous.
L'élément (le choix de Malmquist[12]) de ce deuxième ensemble est le plus simple car il n'a pas de terme linéaire en
son unique singularité mobile est un pôle simple de résidu unité
et il est régulier aux pôles mobiles de .
Cette expression s'écrit également
où définit la solution classique de PVI à un paramètre.
Définition par la paire de Lax
C'est plutôt une propriété caractéristique, elle est donc mentionnée dans la section Paires de Lax matricielles en coordonnées rationnelles.
Exemple de fonction tau
Seul (X=P ou C) est expressible sous forme fermée, ne peut pas l'être à cause de l'irréductibilité. Pour la série asymptotique de , voir bien sûr Jimbo [13] et, pour plus de détails, Its, Lisovyy et Prokhorov [14].
Équations différentielles des fonctions tau
Les termes additifs non-pertinents qui ne dépendent que de dans visent à rendre les quatre expressions solutions de la même EDO d'ordre deux et de degré deux, dénotée (B-V) par Chazy[11] [p. 340]. Après la normalisation , l'EDO pour s'écrit ou bien avec un belle symétrie quaternaire[15]
ou bien comme une équation simplifiée avec quatre termes complémentaires notée SD-Ia par Cosgrove et Scoufis[16] [Éq. (5.4)]
avec les valeurs suivantes dans le cas
La transformation inverse s'écrit[17] [Table R]
Quelques exemples en physique et en géométrie
Ces deux ensembles de fonctions tau se rencontrent dans de nombreux domaines, en voici quelques exemples.
1. Dans la correspondance quantique, les quatre ne contribuent que par leur carré, c'est donc la fonction tau de Painlevé qui la décrit.
2. Dans tout problème (et ils sont nombreux) où la fonction tau n'a qu'un zéro mobile simple (donc sa dérivée logarithmique un seul pôle mobile simple de résidu un), c'est la fonction tau de Chazy qu'il faut considérer. Sa non-invariance par parité d'un des quatre a conduit Okamoto[18] à établir le groupe de Weyl affine et la transformation birationnelle élémentaire de PVI.
3. Si l'on désire l'invariance par changement de en son opposé, les fonctions tau adéquates sont . Cela a conduit Malmquist[12] à construire un hamiltonien polynomial dans les deux coordonnées canoniques .
4. L'exigence d'un degré minimal (deux) de l'EDO d'ordre deux pour sélectionne les fonctions tau de Chazy . Cela se présente en géométrie des surfaces de Bonnet[19], où une telle EDO d'ordre deux et de degré deux trouvée par Hazzidakis[20] a pour solution .
Fonctions tau des Pn inférieures
Il suffit pour les engendrer de faire agir la confluence.
Les fonctions tau à deux zéros mobiles engendrent des fonctions tau[21] (C10)-(C13) affines en , paires en pour le choix , à deux zéros mobiles simples (mais un seul zéro double pour PIII-D8 et PI) définies à des fonctions additives de près
Les fonctions tau à un zéro mobile engendrées par sont les suivantes
La dérivée logarithmique de chaque fonction tau obéit à une EDO d'ordre deux et de degré quatre (fonction tau à deux zéros ) ou deux (fonction tau à un zéro ). Celles de degré deux ont le type dit binomial, elles sont énumérées par Chazy[11] [p. 340] et détaillées par Cosgrove et Scoufis[16] [p. 66]. Avec la normalisation
Okamoto [17] [Table (E)] [22] [Éq. (B.58)] les a récrites comme suit afin de mettre en évidence leur groupe de symétrie
Invariances
Pour les établir toutes, il faut considérer non seulement l'équation PVI mais aussi la fonction tau à un seul zéro . La considération d'un tel couple est également nécessaire dans l'étude du comportement au voisinage des trois points critiques fixes[23], cf. la section Problèmes de connexion.
Dans sa représentation elliptique PVI possède deux invariances dans l'espace des quatre : quatre changements de signes, vingt-quatre permutations des . Dans l'espace ces permutations agissent comme des homographies, lire ci-après.
L'EDO pour telle qu'écrite par Okamoto[15]
est invariante par les vingt-quatre permutations des , liés aux par les relations précitées. Ces permutations agissent sur comme des transformations birationnelles, détaillées ci-après.
Homographies
Pn ne désigne pas une EDO mais une classe d'équivalence définie par l'homographie la plus générale qui conserve la structure de singularités
et qui dépend donc de quatre fonctions arbitraires.
Ainsi, est une définition parfaitement admissible[24] [p. 258] de PII.
Les 24 permutations de qui laissent PVI invariante de forme agissent sur les comme une permutation et sur comme une homographie. Rangées par valeurs croissantes de l'ordre de cette homographie, ce sont (la numérotation en première colonne est celle de Gromak et Lukashevich[25]),
Leurs trois générateurs sont par exemple les éléments 8, 14, 7.
Pour des valeurs génériques de ,
la confluence
définit les homographies
laissant les autres Pn invariantes de forme
où désignent des constantes arbitraires non-nulles.
Transformations birationnelles
Étant donné deux EDOs en et de même , une transformation birationnelle entre ces deux EDOs est par définition [8] [p. 21] une paire de relations
où et sont des fonctions rationnelles de et de leurs dérivées, analytiques de .
Ces transformations définissent un groupe et admmettent pour sous-groupe le groupe des homographies.
Dans le cas des Pn, contrairement aux homographies, elles changent l'ensemble , donc elles n'existent par pour les Pn sans paramètre (PI et PIII-D8).
Au niveau de PVI, ce sont les vingt-quatre permutations des paramètres qui laissent invariante de forme l'EDO pour la fonction tau à un seul zéro . La nature affine de la transformation entre les et les fait donc agir chaque permutation des comme une transformation affine des et birationnelle de . Il est également possible de les obtenir sans théorie des groupes, en exploitant seulement la structure de singularités[26],[27],[28].
Aux niveaux inférieurs, la non-commutativité de deux opérations (permutation des quatre singularités de PVI, convention de fusionner et de PVI pour définir PV) définit deux séquences distinctes[28] . Notons et les signes de et : .
Séquence normale
accompagné de
La deuxième partie de la transformation se déduit de la première par l'échange des minuscules et des majuscules , par exemple pour PII
Avec une telle convention, chaque transformation où est une involution.
Le choix rend toutes les translations positives et, pour le choix , la partie linéaire a pour déterminant . La somme des translations reste égale à deux, sauf pour PIV et PII par suite d'un changement d'échelle, cf. la Table de notation des exposants de monodromie.
Ces transformations sont respectivement dues, pour PVI à Okamoto[18], pour PV à Okamoto[29], pour PIII à Gromak[30] [Eqs. (14)-(15)], pour PIV à Murata[31], pour PII à Lukashevich[32].
Pour PVI, le carré de la transformation élémentaire ci-dessus est l'involution qui laisse deux exposants invariants et décale les deux autres de , par exemple
Connue de Schlesinger dans l'espace , elle a été établie dans l'espace par Garnier[33],[34]
Séquence biaisée
Avant d'effectuer la confluence, on effectue sur la transformation birationnelle normale de PVI la permutation (numéro 22 dans la Table des homographies) et le changemment du signe de et de , avec pour résultat
accompagné de
Dans cette transformation biaisée de PVI, la constante est l'une quelconque des expressions
Au niveau de PIII, la transformation se réduit à la permutation des deux points singuliers , une homographie sur qui laisse bien PIII invariante. Donc au niveau de PII ce n'est que la parité.
La transformation biaisée de PV est due à Gromak[35] [Éqs. (10)-(11)], et celle de PIV à Lukashevich[36]. À ces deux niveaux V et IV, la transformation normale est le carré de la transformation biaisée (à une homographie et des changements de signes près), donc les transformations birationnelles élémentaires sont finalement : la normale pour PVI, PIII, PII, la biaisée pour PV, PIV.
Transformations non-birationnelles
Pour des valeurs particulières des paramètres il existe des transformations non-birationnelles entre l'une des six Pn avec paramètre (ce qui exclut PIII-D8 et PI) et une autre, possiblement la même. Ces transformations sont algébriques et non-canoniques (la forme symplectique est multipliée par un entier petit, , ou , alors que cet entier est l'unité pour une transformation birationnelle).
Pour PVI, ce sont les extensions de la transformation de Goursat[37],[38] [Vol I, sections 2.6.2, 2.11] pour l'équation hypergéométrique
où le lien entre les deux variables indépendantes n'est pas homographique.
Il existe au moins deux types de transformations non-birationnelles : (i) les transformations de repliement[39] (définition 2.1); (ii) au moins pour PVI, des transformations polynomiales laissant la variété de monodromie invariante de forme.
TABLE. Toutes les transformations non-birationnelles de repliement [39][Théorème 2.3]. La dernière ligne est de l'autre type (variété de monodromie). La deuxième colonne est le rapport (entier) des formes symplectiques , et la quatrième indique si la transformation est élémentaire (E) ou le produit d'autres transformations de repliement (P).
Pm Pn | Rapport | E/P | Référence |
---|---|---|---|
PVI PVI | 2 | E | [40],[41] |
PVI PVI | 4 | P | [39] [] |
PV PIII-D6 | 2 | E | [39] [] |
PV PV | 4 | P | [39] [] |
PIII-D6 PV | 2 | E | [10] [p. 40] |
PIII-D6 PIII-D8 | 2 | E | [42] [p. 368] |
PIII-D6 PIII-D6 | 4 | P | [43] |
PIII-D8 PIII-D6 | 2 | E | [39] [] |
PIV PIV | 3 | E | [39] [] |
PII PII | 2 | E | [8] [p. 32] |
PVI PVI | 3 | [44] |
Au niveau supérieur (PVI),
il existe une seule transformation de repliement entre
et ,
obtenue par Kitaev[40],
et interprétée par Manin[41]
comme une transformation de Landen[45]
entre les représentations elliptiques des deux PVI
Le carré de cette transformation [39] [Éqs. (3.11)-(3.13)] conserve et crée trois zéros parmi les
Parmi les trois transformations impliquant PV, une seule est élémentaire
Parmi les trois transformations entre PIII, deux sont élémentaires
L'unique transformation impliquant PIV' est bien sûr élémentaire
Au niveau le plus bas (PII), l'unique transformation de repliement relie PII(0) à PII (entre PII et l'équation numéro 20 de Gambier, elle est birationnelle), comme montré par Gambier[8] [p. 32-33]
Enfin, pour , les deux transformations de PVI vers PVI conservent la PVI de Picard L'inverse n'est pas vrai : il existe une transformation différente d'un repliement qui conserve la PVI de Picard, c'est la transformation cubique[44]
L'utilité de ces transformations est la "simplification" des paramètres, par exemple l'annulation de certains .
Exemple 1. Le problème de la persistence[46] est caractérisé par la fonction tau de Chazy de PVI de paramètres . Une permutation engendre d'abord , qu'une transformation de Kitaev convertit en .
Exemple 2. Une fonction de corrélation à deux points du modèle d'Ising bi-dimensionnel est décrite par la fonction tau de Chazy de PVI de paramètres avec entier quelconque [47] [p. 405-406]. transformations (toutes des involutions) la ramènent au cas de Picard
Mieux, trois transformations seulement (une d'Okamoto, une de Schlesinger et une de Kitaev) suffisent à annuler trois des exposants,
De l'analyse à la géométrie algébrique
Lors de leur découverte, la description des six équations/fonctions de Painlevé était purement analytique et la conséquence directe de la motivation "définir de nouvelles fonctions par des EDOs". Ce point de vue a radicalement changé vers 1979 quand l'école japonaise a montré que la géométrie algébrique fournissait un bien meilleur cadre et conduisait même à une discrétisation naturelle de ces équations (lire l'excellente revue[48]).
Ce passage de l'analyse à la géométrie a été motivé par la résolution globale du problème de Cauchy. Cauchy représentait une EDO d'ordre (par exemple une Pn pour ) par un système d'ordre un à composantes (par exemple les coordonnées canoniques et d'une représentation hamiltonienne de Pn), et son problème était : étant donné des valeurs finies des données de Cauchy en un point , trouver les solutions vérifiant . Son fameux théorème établissait bien l'existence, l'unicité, l'holomorphie etc d'une telle solution, mais ce résultat n'était que local et restreint aux valeurs finies des données de Cauchy.
Par la méthode classique d'éclatement, Okamoto[15] a obtenu les importants résultats suivants.
[a.] Chaque équation continue Pn admet une solution globale à son problème de Cauchy, et le formalisme se simplifie beaucoup par le choix des coordonnées hamiltoniennes , avec , plutôt que par celui des coordonnées naturelles [Les coordonnées et (qui a deux pôles simples de residu unité) adoptées par Garnier cite{Garnier1917} pourraient constituer un autre choix]. L'espace des valeurs initiales (finies ou infinies) se construit par huit éclatements[48] [p. 16] de l'espace , ou de manière équivalente par neuf éclatements[48] [p. 24] de .
[b.] À chaque Pn sont associées deux notions [49],[48] tirées de la géométrie algébrique : une surface rationnelle (définissant un type de surface) et un groupe de Weyl affine étendu (définissant un type de symétrie). Afin de rendre cette correspondance biunivoque, il est nécessaire[50] de remplacer le groupe des transformations birationnelles (qui définit six classes d'équivalence PI, PII, PIV, PIII, PV, PVI) par ce groupe de Weyl affine étendu, dont les classes d'équivalence pertinentes sont au nombre de huit car PIII doit alors être scindée en trois classes, PIII-D6, PIII-D7, PIII-D8, d'ailleurs déjà mentionnées par les auteurs classiques [10] [p. 13][51], [p. 202], voir la Table ci-après.
[c.] Cette surface rationnelle, une fois retiré le "diviseur inaccessible"[48] [p. 16], représente essentiellement l'espace des conditions initiales.
[d.] Ce groupe de Weyl affine étendu, qui est le groupe naturel de transformations laissant une des huit Pn invariante de forme, est engendré par des réflexions et des translations, il agit sur les paramètres d'une Pn comme une transformation affine, et sur les coordonnées hamiltoniennes ou bien comme une homographie ou bien comme une transformation birationnelle.
[e.] Il existe une analogie remarquable entre le type de surface et le type de symétrie, au sens où ce sont deux sous-réseaux orthogonaux [48] [Remarque 3.9 p. 27] du réseau .
En résumé, le nombre de Pn distinctes varie suivant le point de vue adopté :
1. Du point de vue analytique (irréductibilité et invariance par le groupe des transformations birationnelles), six Pn (PVI, PV, PIII, PIV, PII, PI) dépendant respectivement de 4, 3, 2, 2, 1, 0 paramètres essentiels.
2. Du point de vue géométrique (irréductibilité et invariance par le groupe des transformations birationnelles et par le groupe de Weyl affine étendu), huit Pn (PVI, PV, PIII-D6, PIII-D7, PIII-D8, PIV, PII, PI), les trois PIII dépendant respectivement de 2, 1, 0 paramètres essentiels.
3. Du point de vue de la confluence promu par Garnier (irréductibilité et invariance générique par le groupe des transformations birationnelles), cinq Pn (PVI, PV, PIII, PIV', PII') dépendant chacune de quatre paramètres, essentiels ou non.
Les huit équations géométriques de Painlevé
Pour définir les classes d'équivalence par les groupes ci-dessus, il faut donc supprimer toute Pn ou bien birationnellement équivalente à une Pn déjà dans la liste, ou bien réductible à un ordre inférieur. Il n'existe que deux telles Pn :
(i) PV(), birationalement équivalente à PIII-D6[30]
(ii) PIII() et PIII(), dont la solution générale est rationnelle en une puissance de
La Table ci-contre résume les caractéristiques des huit Pn ainsi sélectionnées[49].
Hamiltoniens
En coordonnées rationnelles
Un hamiltonien avec le choix représente PVI si et seulement si il existe une variable impulsion dont l'élimination entre les équations de Hamilton engendre PVI. Rappelons que, si est un tel hamiltonien, alors pour tout scalaire et toute fonction , les grandeurs et sont également de tels hamiltoniens. Parmi les nombreux hamiltoniens admissibles, il en existe de naturels, égaux à la dérivée logarithmique de l'une quelconque des huit fonctions tau (à deux zéros mobiles ou à un seul zéro mobile),
L'hamiltonien défini par la fonction tau de Painlevé[52] étant une constante arbitraire de normalisation
a pour principale propriété de réaliser la correspondance quantique. il est rationnel en , affine en les quatre , et son impulsion est indépendante des .
Par la coalescence il engendre ceux des Pn inférieures[21] [Eqs. (C10)-(C13)]
où les potentiels sont définis section Équations_de_Painlevé.
L'hamiltonien défini par la fonction tau [12] à un seul zéro, qui s'écrit
est polynomial en et en , quadratique en les , et l'équation définit la solution classique de PVI à un paramètre. Les hamiltoniens qu'il engendre par la confluence restent polynomiaux en et (sauf pour PV et PIII), et la condition caractérise la solution de Riccati
(la notation est définie ci-dessus dans la Table des exposants de monodromie, et dans PV et PIII sont des constantes arbitraires destinées à décrire les deux variétés de PV et les trois de PIII).
En coordonnées elliptiques
Ils découlent immédiatement de l'écriture des Pn en coordonnées elliptiques[7]
.
Paires de Lax
Toutes les Pn admettent des paires de Lax d'ordre deux (nous ne considérons pas ici celles d'ordre supérieur), scalaires ou matricielles, définissables en coordonnées rationnelles ou elliptiques .
Paires matricielles en coordonnées rationnelles
Notons une telle paire pour PVI
Schlesinger[53], le beau-frère de Richard Fuchs, en a donné les principales caractéristiques, sans toutefois l'écrire.
1. et peuvent être choisies de trace nulle.
2. La matrice est la somme de quatre pôles simples de birapport , mis par convention en , et la dépendance de en est la somme d'un pôle simple en et d'un terme régulier
3. Les déterminants des quatre résidus sont constants (et équivalents aux quatre paramètres de PVI);
4. Le résidu est constant, la matrice est un multiple scalaire de ;
5. Si est inversible, il existe un changement de base permettant d'annuler et donc de rendre la paire de Lax unique.
Cette paire de Lax, que n'avait pas écrite Schlesinger, s'obtient aisément[54],[21] à partir des équations du repère mobile des surfaces de Bonnet, il en existe deux formes canoniques.
Paires holomorphes en les quatre paramètres
Elle est affine en trois des , quadratique en le quatrième
où est une constante qui peut être assignée à une valeur arbitraire, telles , ou , par action d'une matrice de passage constante.
Cette paire de Lax a la même dépendance dans toutes les variables que la dérivée logarithmique de la fonction tau à un seul zéro : polynomiale de degré deux en , méromorphe en et (les seuls pôles étant ceux de ), affine en holomorphe en .
Historiquement, la première paire de Lax matricielle de PVI[55] [Éq. (C.47)] fut obtenue par la condition d'isomonodromie du système à quatre singularités fuchsiennes
lire les détails ci-après.
Chacun des deux éléments non-diagonaux , possède un seul zéro simple (à condition de choisir ), le plus simple étant
,
et chacun de ces deux zéros obéit à une PVI. Ces PVI contiguës sont reliées par des transformations birationnelles comme indiqué dans[56] [Éq. (4.4)].
En appliquant la confluence pour obtenir les paires de Lax matricielles des Pn inférieures, il est judicieux de préserver deux propriétés : (i) la symétrie entre et remarquée par Garnier[5] [p. 51], en exigeant que reste proportionnel à , (ii) l'inversibilité de sous une condition de non-nullité. Les paires matricielles holomorphes en tous les sont alors les suivantes[21]
Paires diagonalement symétriques
Symétriques par rapport à la diagonale, elles sont méromorphes en . En effet, si est nul, la matrice est du type de Jordan non-diagonalisable. Si n'est pas nul, la matrice de passage
engendre la deuxième forme canonique, affine en deux et quadratique en les deux autres
avec la notation
Cette paire présente une symétrie par rapport à la diagonale, cf. [56] [Éq.~(4.4)],
.
Historiquement, afin de respecter la propriété constante établie par Schlesinger, Jimbo et Miwa avaient choisi la représentation [55] [Éq. (C.47)] [57] [Éq. (3.6)]
qui définit quatre fonctions de trois variables , à déterminer par la condition de courbure nulle. Une conséquence en est un dénominateur , lire les détails [56] [Table 1]. L'avantage décisif des surfaces de Bonnet est de contourner cette difficulté, et la structure de leurs résidus
implique deux fonctions rationnelles et six polynômes moniques de degré deux en à coefficients polynomiaux en .
Les paires de Lax diagonalement symétriques des Pn inférieures s'obtiennent ou bien par action de la confluence sur celle de PVI, ou bien par action de la matrice de passage dénotée dans la première ligne de chacune des entrées ci-dessous. Elles ont une dépendance méromorphe dans l'un des quatre paramètres. Pour PIV' et PII', n'est plus diagonal et tous les éléments sont rationnels.
Relation avec les fonctions tau
Étant donné une paire de Lax matricielle d'ordre deux en coordonnées rationnelles à quatre points singuliers fuchsiens de résidus (telle la méromorphe ou la symétrique ci-dessus), la forme différentielle[55] [Éq. (C.57)]
est fermée[57] [p. 45], elle admet donc une primitive
qui se trouve être égale à la dérivée logarithmique de la fonction tau de Chazy (un seul zéro mobile simple quels que soient les paramètres ),
.
Pour chacune des deux paires de PVI écrites ci-dessus (la méromorphe et la symétrique), cette fonction tau est (le choix de Malmquist[12])
alors que pour la paire de Jimbo et Miwa[57] [Éq. (3.6)] c'est (le choix de Chazy [11] [expression p. 341])
Courbe spectrale
Les deux paires de Lax de PVI susmentionnées définissent la même courbe spectrale
dont le genre dans le plan est génériquement un. La condition d'avoir pour genre zéro (racine double pour ), qui ne peut donc être vérifiée que par des solutions classiques, n'a à notre connaissance jamais été résolue. Une de ses solutions est un cas particulier de la solution de PVI avec arbitraires.
Quant à la courbe spectrale définie par la paire de Lax de
Jimbo and Miwa de trace nulle[57] [Éq. (3.6)],
elle ne diffère de la précédente que par la
permutation des points et .
Paires matricielles en coordonnées elliptiques
En coordonnées elliptiques , il en existe au moins deux pour PVI.
La matrice de la première[58] présente quatre singularités fuchsiennes dans le parallélogramme des périodes du paramètre spectral . Elle est affine en les quatre et ne dépend que d'une grandeur sans dimension [58] [Éq. (A.10)], fonction des deux variables également sans dimension et d'une des quatre demi-périodes
désignant un multiple entier de caractérisé par la propriété
(avec la notation classique ).
Une telle fonction est classiquement appelée[59] [p. 462] fonction elliptique de deuxième espèce de (resp. ) (non-doublement périodique, mais multipliée par l'exponentielle d'une fonction affine de (resp. ) par addition d'une période).
En notant la dérivée de par rappport à son premier argument, cette paire de Lax s'écrit
Sa conversion en coordonnées rationnelles[21] [Éq. (55)] présente la symétrie entre le paramètre spectral et la variable dépendante signalée par Garnier.
La seconde paire de Lax de PVI[21] [Éq. (76)] est simplement la conversion en coordonnées elliptiques de la paire en coordonnées rationnelles constituée d'une équation aux dérivées partielles (EDP) d'ordre un et d'une EDP d'ordre deux
où désigne une expression trop longue pour être reproduite ici.
La réduction de la remarquable EDP parabolique ci-dessus est identique à l'EDO introduite par Darboux[60],[61] [livre III chap. XII section 284 note 1][62], [livre IV chap. IX section 415 Éq. (58)],
admettant pour schéma de Riemann
une EDO intégrée pour (le "paramètre accessoire") complexe quelconque et pour des entiers quelconques par de Sparre[63],[64] en termes de fonctions elliptiques de deuxième espèce[65],[66],[67].
Puisque cette EDO de Darboux est identique à l'équation de Heun par le passage des coordonnées elliptiques aux coordonnées rationnelles, on en conclut que la réduction de l'EDP parabolique n'est pas différente de l'équation de Heun, définie par
et dont le schéma de Riemann est
avec la correspondance de notation
La conversion de la paire de Zotov en coordonnées rationnelles n'a été effectuée qu'au niveau PVI [21] [Éq. (76)], il serait utile d'en effectuer la confluence, tant en coordonnées elliptiques qu'en coordonnées rationnelles.
Paires scalaires en coordonnées rationnelles
Comme rappelé dans la section Historique, c'est Richard Fuchs[68] qui a fini par découvrir PVI. Son résultat découle immédiatement de la paire matricielle. En effet, si l'on note (q comme quadratique dans les ) les deux composantes de la paire de Lax holomorphe, après élimination de , la fonction d'onde scalaire
obéit à la paire de Lax scalaire de Fuchs[68]
où la fonction arbitraire , qui dépend de mais pas de , va servir ci-après à annuler divers termes indépendants de . Cette paire de Lax scalaire possède en effet une seule singularité apparente (ici ).
Le coefficient est indépendant des quatre et le coefficient (le schwarzien), qui a cinq pôles doubles en (d'où la notation ), possède deux belles propriétés préservées par la confluence : (i) c'est une fonction affine des quatre (équivalents à ); (ii) comme remarqué par Garnier[5] [p. 51], il présente une remarquable symétrie entre et , clairement mise en évidence par les potentiels .
Les valeurs de pour PVI, PV, PIII, PIV', PII' sont
et celles de sont
où le potentiel est une version décalée du ci-dessus
À cause de leur parité en les quatre , ces paires scalaires ne dévoilent toutefois pas l'invariance par les groupes de Weyl.
Une fois écrite avec des pôles simples par le changement de la fonction d'onde
la paire ci-dessus pour PVI
perd sa parité en les mais gagne une belle interprétation[42] pour les résidus : sont les coordonnées canoniques de l'hamiltonien défini par l'un quelconque des quatre résidus , , et par exemple est égal à (détails[69]).
En ce qui concerne le résidu du pôle , sa nullité, accompagnée de la contrainte définit la solution classique de Riccati à un paramètre de PVI[70] [p. 317] en termes de la fonction hypergéométrique.
Correspondance quantique
En coordonnées rationnelles
Il existe une élimination[73] du champ non-linéaire entre les deux équations de la paire de Lax scalaire pour qui conserve une dépendance linéaire envers le vecteur d'onde. Elle est réalisée[69] par la combinaison linéaire qui élimine le pôle simple . Le résultat est une EDP linéaire parabolique[73],[74] pour à coefficients rationnels en et , quadratique en les
avec arbitraire, ou de manière équivalente une EDP canonique pour sans terme [73]
qui est alors affine en les quatre . Dans le cas de Picard , sa réduction est identique à l'EDO linéaire classique de Legendre [75] [tome I p. 62 sqq] [59] [tome I p. 350 Éq. (30), p. 352 Éq. (35)] pour les périodes de la fonction elliptique,
Par la confluence partant de PVI jusqu'au niveau de l'équation elliptique, cette EDP devient l'équation usuelle de la chaleur
,
que vérifient les fonctions entières de Weierstrass et de Jacobi, d'où son nom d'"équation de la chaleur généralisée". Bien évidemment, elle se rencontre en physique[76] [Éq. (5.17)] et, pour des valeurs génériques des , cette EDP n'admet aucune solution en termes des fonctions classiques.
Il existe une représentation de PVI par un hamiltonien classique avec (hamiltonien différent de celui de Malmquist[12]), et il existe une quantification , , permettant l'identification de l'équation de la chaleur généralisée et de l'équation de Schrödinger dépendant du temps de la mécanique quantique
L'hamiltonien qui réalise cette "correspondance quantique" sans avoir à se soucier de l'ordre des opérateurs non-commutatifs n'est pas[21] [section V] celui de Malmquist[12] (égal à la dérivée logarithmique de la fonction tau à un seul zéro simple), mais celui de Tsegel'nik[52], égal à la dérivée logarithmique de la fonction tau à deux zéros simples.
En résumé, la correspondance quantique en coordonnées rationnelles
requiert une translation de de et de des trois autres .
Si l'on note les hamiltoniens classiques des Pn affines en [21] [(C.10)-(C.13)], les équations de la chaleur généralisées des Pn sont (en omettant les fonctions arbitraires )
où les translations des paramètres sont non-nuls seulement aux niveaux PVI et PV
Leurs expressions explicites sont [73],[21] [(C.10)-(C.13)]
et plus précisément
En coordonnées elliptiques
En coordonnées elliptiques , l'équation de la chaleur généralisée de PVI[71] [Éq. (5.21)] [21] [Éq. (76)]
est bien sûr invariante de forme par permutation des , et le décalage de s'explique simplement par l'identité .
Pour les Pn inférieures, consulter [72] [PI=(3.7), PII=(4.4), PIV=(5.6), PIII=(6.18), PV=(7.28)].
Solutions classiques
Comme prouvé par Painlevé [4], pour des valeurs génériques des paramètres fixes des Pn, la dépendance de leur solution générale envers les deux constantes d'intégration est transcendante, c'est-à-dire non-algébrique.
A contrario, pour des valeurs non-génériques des paramètres fixes, certaines Pn peuvent admettre des solutions (alors qualifiées de classiques) dont cette dépendance est algébrique pour au moins une des deux constantes. Und définition très précise en a été donnée par Umemura[77].
L'exemple le plus simple étant pour la contrainte de PII. Malgré son intégration par des fonctions elliptiques, le cas de Picard de PVI (quatre nuls) n'est pas une solution classique.
Les solutions classiques des huit Pn irréductibles sont toutes connues, seule PI n'en admet pas.
Étant donné une solution classique (appelons-la le germe), d'autres solutions classiques sont engendrées par l'application répétée, dans n'importe quel ordre, des homographies, de la transformation birationnelle élémentaire et des transformations non-birationnelles s'il en existe qui laissent la Pn invariante de forme, il suffit donc d'énumérer tous les germes.
Solutions classiques à un paramètre
Un premier ensemble dépend rationnellement d'une constante arbitraire, son germe est la solution de l'équation de Riccati définie en annulant les deux membres de la transformation birationnelle élémentaire.
Naturellement, la sous-équation de Riccati de PVI[70] engendre par la coalescence toutes les sous-équations de Riccati inférieures. Toutes ces solutions obéissent à une EDO d'ordre un, de degré quelconque et de genre zéro, par construction linéarisable en, respectivement, l'équation hypergéométrique de Gauss, les équations de Whittaker, Bessel, Hermite, et Airy, rappelées ci-dessus.
Solutions classiques à zéro paramètre
Le deuxième ensemble ne dépend d'aucune constante. Si l'on exclut les solutions particulières des équations de Riccati, ces solutions sont algébriques (non-rationnelles) pour PVI, rationnelles en pour PV [78], pour PIII-D6 [79], pour PIII-D7 [80], pour PIII-D8 [79], pour PIV [36], pour PII [81],[82].
Pour toutes ces Pn sauf PVI, il existe deux rationnels tels que le changement (qui est dans la classe d'équivalence de Pn) rend l'EDO pour et sa solution rationnelles en , donc toutes ces solutions sauf pour PVI peuvent être qualifiées de rationnelles.
Exemple. Par suite de la symétrie ternaire, pour toute solution rationnelle de PII, la variable est une fonction rationnelle de .
Pour PII-PV, il existe une infinité dénombrable de solutions rationnelles, dont les contraintes entre exposants de monodromie sont les suivantes ( entiers arbitraires)
et dont les germes sont par exemple
Parmi la double infinité (cas de PIV et PV), il existe une simple infinité de solutions de Riccati.
Solutions rationnelles de PII'.
Le germe engendre la suite (notation )
Les polynômes au numérateur et au dénominateur obéissent à une relation de récurrence, étudiée par Yablonskii[81] et Vorobev[82].
Solutions rationnelles de .
De la suite doublement infinie ci-dessous, il convient d'exclure les éléments qui sont aussi solutions de l'équation de Riccati.
Notation .
Solutions rationnelles de PIII-D6.
Notation , .
Davantage d'éléments se trouvent dans Murata[79] [Table I p. 44].
Solutions rationnelles de PIII-D7.
Notation .
Solutions rationnelles de PIII-D7.
Identiques à celles de PIII-D7 par la symétrie PIII PIII.
Solutions rationnelles de PIII-D8. L'unique solution est le germe .
Solutions rationnelles de PV.
Le cas est birationnellement équivalent à PIII, donc est supposé non-nul. Il existe trois ensembles de solutions rationnelles[25] de degrés , , , dont les éléments dépendent de deux entiers arbitraires
Par l'involution l'ensemble de degré zéro est invariant (numérateur et dénominateur sont permutés), et les deux autres ensembles sont permutés, donc seuls les deux premiers ensembles sont repris dans la Table ci-contre.
Notation .
Solutions à zéro paramètre de PVI.
Modulo les homographies et les transformations birationnelles, toutes les solutions classiques à zéro paramètre mobile de PVI sont de l'un des trois types disjoints suivants :
(i) (genre zéro) les solutions de Riccati (hypergéométriques) particulières, parmi elles les algébriques qui sont alors caractérisées par l'appartenance des trois paramètres hypergéométriques à la table de Schwarz [83] [Table p. 211];
(ii) (genre non borné) solutions algébriques du cas de Picard caractérisées par un rapport rationnel quelconque des deux périodes[84] [p. 300];
(iii) (genres 0,1,2,3,7) quarante-huit solutions algébriques exceptionnelles réparties en trois sous-types disjoints [83] [p. 233] :
(a) (genre zéro) trois qui dépendent d'au plus deux arbitraires;
(b) (genre zéro ou un) trente solutions avec des rationnels non-arbitraires, inéquivalentes par la transformation de repliement[40];
(c) (genres 0, 1, 2, 3, 7) quinze transformées de sept des trente par repliement(s).
La solution algébrique à nombre de branches minimal, , avec arbitraires, se présente naturellement dans l'étude[23] des développements non-génériques de autour des trois points critiques équivalents , elle semble avoir été mentionnée pour la première fois par Hitchin[85]. Les autres solutions exceptionnelles sont dues à Dubrovin [86] (III, IV et I32), Dubrovin et Mazzocco [87] (I31 et I41), Kitaev [88] (I21, O08, O10, I26)[89], (LT33), Andreev et Kitaev [90] (T06), et toutes les autres à Boalch [91],[92],[93],[94].
Leur méthode d'obtention combine la théorie des groupes [83] [p. 214] (sous-groupes finis de , groupes , et ) et le développement asymptotique de en . Les quarante-cinq sans arbitraire sont associés à divers polyèdres : le tétraèdre, l'octaèdre et l'icosaèdre, donc aux cinq polyèdres réguliers tridimensionnels de Platon (cube, tétraèdre, octaèdre, dodécaèdre, icosaèdre). Afin de prouver que ce sont bien les seules, Lisovyy et Tykhyy [95] ont considéré l'ensemble des invariants des matrices de monodromie , qui sont contraints par une équation algébrique de degré trois (la "cubique de Fricke"), et résolu la condition diophantienne de finitude du nombre de branches de .
Soit la courbe algébrique de la solution. Les homographies et les transformations birationnelles conservent le genre et le nombre de branches (degré de en ) de cette courbe mais pas forcément son degré, il convient donc d'abaisser ce degré (idéalement au nombre de branches) par application d'une homographie ou d'une transformation birationnelle. Puisque la transformation de Kitaev replie une solution en une solution en doublant (sauf pour le couple (O08, O07)) son nombre de branches, les solutions repliables sont toutes celles qui ont au moins deux nuls, modulo les homographies et les transformations birationnelles bien sûr.
Table des 3+30+15 solutions algébriques exceptionnelles de PVI
inéquivalentes par transformation birationnelle et par homographie.
La liste est ordonnée par sous-type (3, 30, 15), puis par nombres de branches croissants. Les colonnes indiquent : numérotations de Boalch Tnn (tétraèdre) [92] [Tables 1, 2], Onn (octaèdre) [92] [Tables 3, 4], Inn (icosaèdre) [91] [Tables 1, 2]) et de Lisovyy et Tykhyy [95] [p. 155], genre, nombre de branches, couple (degré d'une courbe algébrique et associés), (optionnel) autre choix pertinent de ce couple (par homographie ou par transformation birationnelle). En dernière colonne, une succession de flèches "" indique qu'au moins le dernier élément a des égaux à et qu'il est donc repliable en . Cinq des quinze éléments ont deux représentants mais un seul replié.
Pour des expressions vérifiées (en syntaxe de Maple), consulter les trois fichiers :
https://arxiv.org/e-print/math/0406281 [91] (I01-I10=hypergéométriques, I11-I19=(II, III, IV), I20-I52, 9 absentes car non-icosaédriques),
https://arxiv.org/e-print/math/0506407 [94] (I44-I45, I47-I52),
https://arxiv.org/e-print/math/0501464 [92] (T06, O07-O13, 237).
Exemples.
Solution III, associée au cube [86],[96] (genre zéro, trois branches, degré minimal)
Solution IV, associée au tétraèdre [86] [97] (genre zéro, quatre branches, degré minimal)
La solution Klein [83] [p. 226] (genre zéro, sept branches, degré dix)
est liée à un groupe de Klein.
Voisinage des singularités fixes
Puisque les trois singularités fixes équivalentes de PVI sont des points critiques transcendants, les développements de Taylor ou de Laurent n'existent génériquement pas et doivent être remplacés par des développements asymptotiques. Il existe au moins deux méthodes pour les établir.
La première est la méthode des approximations successives de Picard [98],[99] [tome II p. 301], décrite par exemple dans le cours de Goursat[100] [tome II section 388]. Elle ne repose pas sur une représentation linéaire de PVI par une paire de Lax. Le développement au voisinage de (les deux autres sont similaires) n'existe que dans un secteur de sommet et il a été établi pour des valeurs arbitraires des (théoriquement mais pas explicitement) par Garnier[23] [p. 249-294] (pour un résumé, mieux vaut lire ses trois Notes de 1916 dans les Comptes rendus) à la fois pour et pour la dérivée logarithmique (notée par Garnier) de la fonction tau à deux zéros simples. Étant donné le polynôme[23] [p. 242, 253]
la discussion repose sur le degré de (deux, un ou zéro) et sur son discriminant .
La deuxième méthode met à profit la paire de Lax et a permis à Jimbo[13] d'écrire le développement explicite de la fonction tau de Chazy (un seul zéro simple), mais seulement pour des valeurs génériques des . Les développements explicites pour les valeurs génériques et non-génériques des ont été établis par Dubrovin et Mazzocco[87], Bruno et Goryuchkina[101], Guzzetti[102]. Ils sont reproduits ci-dessous, rangés par ordre décroissant de singularité. Pour les points délicats, consulter Garnier[23].
Le développement générique à deux paramètres arbitraires est une série double de puissances de et de [102] [Éq. (3) et p. 13]
dont les deux constantes mobiles sont et .
Si et , les trois termes du développement générique ont le même ordre [102] [Éq. (9)], mais rien de spécial ne se produit
Si et , il existe un développement à un seul paramètre, holomorphe dans un secteur, en série double de et de [23] [p. 283, 286, 329] [102] [Éq. (32)], dont les trois premiers termes sont
Si et , le développement à un seul paramètre est similaire[102] [Éq. (33)]
Si et , il existe un développement à un seul paramètre, holomorphe dans un secteur [23] [section 30 p. 289] [102] [p. 510 ligne 3] [101] [théorème 4]
Si et , il existe une série double de et de [102] [p. 510], aisément obtenue en cherchant pour une série de Laurent de
Des résultats additionnels combinant les méthodes de Garnier et de Boutroux[24],[103] (le gendre de Poincaré) se trouvent dans [104].
Problèmes de connexion
Soient deux développements asymptotiques au voisinage de deux points singuliers d'une Pn donnée, par exemple et de PVI, ou encore et de PII si doit être réel. Chaque développement dépend d'au plus deux constantes mobiles, et le problème de connexion est de trouver deux relations sous forme fermée entre ces quatre constantes mobiles.
Exemple[105],[106],[107]. Pour et réels, PII admet une solution particulière définie par ses comportements en
dont la connexion entre les deux paramètres mobiles est donnée par la relation transcendante
La méthode pour résoudre de tels problèmes est de considérer une EDO linéaire sous-jacente, le plus souvent la déformation isomonodromique (partie en de la paire de Lax)
,
dont la structure de singularités dans le plan complexe est suffisamment simple pour que son problème (linéaire) de connexion soit déjà résolu. Pour une introduction pédagogique au vocabulaire utilisé, lire par exemple un cours de Cargèse[57]. Seuls les principaux termes sont ici définis.
Considérons les matrices carrées dont les vecteurs colonnes constituent un ensemble fondamental de solutions de au voisinage des pôles . Alors, si l'on choisit par exemple la solution , pour chaque pôle il existe une matrice telle que
.
Définition. Ces matrices , inversibles et indépendantes de , sont appelées matrices de connection.
Définition. On appelle matrices de monodromie les matrices de SL(2,) (déterminant unité) qui multiplient à droite la matrice solution quand tourne autour d'une seule singularité
.
Le produit de toutes les matrices de monodromie est l'identité. Leur importance provient du fait que le meilleur choix des deux constantes mobiles des développements asymptotiques susmentionnés est constitué par les invariants de cet ensemble de matrices de monodromie.
Dans le cas de PVI par exemple (où est la somme de quatre pôles simples ), en tenant compte des relations
,
les produits des définissent sept invariants linéairement indépendants[13] contraints par une relation non-linéaire. Quatre d'entre eux
sont équivalents aux quatre exposants de monodromie (sous réserve qu'au moins un soit non-nul[13]), les trois restants
,
sont contraints par une relation cubique (la "cubique de Fricke") dans les [13] [Éq. (1.6)] [108],[109]
donc cette variété de monodromie caractérise les deux constantes mobiles arbitraires de la fonction PVI.
Problème de connexion de PVI
Soit à établir la correspondance entre les comportements locaux de au voisinage des trois singularités fixes .
La réponse de Jimbo[13] se décompose en cinq étapes.
1. Choix d'une variable équivalente à PVI. En effet, la plupart des problèmes intégrés par PVI impliquent une des deux fonctions tau de PVI plutôt que PVI elle-même. Garnier[23] a choisi le couple (tau de Painlevé, deux zéros simples) et considéré leur système différentiel d'ordre un à deux composantes, alors que Jimbo[13] a choisi la fonction tau (tau de Chazy, un seul zéro simple).
2. Construction du développement (section précédente) de la variable choisie au voisinage d'une quelconque des trois (équivalentes par homographie) singularités fixes .
3. Prise en compte du problème de connexion de la fonction hypergéométrique, déjà résolu. La connexion entre ses trois singularités implique quatre fonctions [38] [Vol I, Sect. 2.10][13]; [de la page 1148 ligne 9 à la page 1150 ligne 2].
4. Considération de la partie en de la paire de Lax non pas scalaire (qui a cinq singularités fuchsiennes), mais matricielle (qui n'a que quatre singularités fuchsiennes ). Sa limite quand tend vers l'une des singularités fixes [13] [p. 1150 ligne 4] est encore un système fuchsien, identique à celui de la fonction hypergéométrique, dont la formule de connexion est connue (détails[110] [p. 871]).
5. Par recollage de ces morceaux, obtention de la formule de connexion de PVI, représentée par les trois comportements génériques [13] [Théorèmes 1.1 et 1.2, corrigendum [93]] de la fonction tau (à un préfacteur constant près) en terme des quatre paramètres fixes et des deux constantes mobiles.
En considérant une extension de la forme différentielle fermée précitée aux données de monodromie, Its, Lisovyy et Prokhorov [14] ont établi la valeur du rapport de ces deux préfacteurs, c'est un produit fini de fonctions de Barnes.
Problème de connexion des autres Pn
La confluence semble n'avoir pas encore été appliquée à la procédure de Jimbo pour PVI, ce qui pourrait simplifier cette section.
Le problème de connexion se résout en deux parties : développements asymptotiques, formules de connexion. Bien qu'il existe plusieurs méthodes pour obtenir ces développements asymptotiques, les paramètres pertinents proviennent encore d'une variété de monodromie et la méthode efficace pour établir les formules de connexion est la méthode de monodromie inverse, c'est-à-dire celle de Jimbo. Pour plus de détails, consulter le livre d'Its et Novokshenov[111] et l'excellente revue de Fokas et alii[112], qui compile les résultats à jour en 2006. Une amélioration fondée sur la méthode WKB est décrite dans [106].
Les articles suivants mentionnent les problèmes déjà traités.
PV[113],[114], [ réel][115], [ purement imaginaire] [116];
PIII-D8[122],
PIV[123],[124], [cas et réel, qui correspond à la solution réelle de [125]][124];
PII[105],[106],[14], [] et [126] [ arbitraire];
PI[127],
Sur les aspects mathématiques des développements asymptotiques, séries divergentes, resommabilité etc, consulter la trilogie [128],[129],[130].
Ordre de croissance des solutions des Pn
L'ordre d'une fonction (qui mesure la croissance à l'infini) n'est défini que pour les fonctions méromorphes dans et, quand cette fonction méromorphe est solution d'une Pn, il dépend (i) du choix de Pn dans sa classe d'équivalence, (ii) de la dépendance envers les constantes d'intégration (solution transcendante, de Riccati, à zéro paramètre).
Comme prouvé par Painlevé[4], la solution générale des Pn usuelles est méromorphe dans pour PI, PII et PIV, dans pour PIII et PV, dans pour PVI. Cette solution générale devient méromorphe dans pour PIII et PV en changeant le représentant de en , mais un tel changement n'existe pas pour PVI.
Les équations de Riccati à coefficients polynomiaux (le cas de PII et PIV) ont une solution générale méromorphe dans , et une telle solution non-rationnelle a pour ordre [131] avec entier positif.
Les équations de Riccati à coefficients rationnels (le cas de PIII, PV, PVI) ont un nombre de solutions méromorphes égal à zéro, un, deux ou l'infini [132],[133] [Chap. 9].
La Table ci-contre résume les ordres de croissance des solutions des Pn, excluant les solutions rationnelles (ordre zéro) et non-méromorphes (odre non défini).
Pn | Solution | Ordre | Ref |
---|---|---|---|
PI | transcendante | 5/2 | [51] [p. 182] |
PII | transcendante | 3 | [51] [p. 185] |
PII | Airy | 3/2 | [131] |
PIV | transcendante | 4 | [11] [p. 320] |
PIV | Hermite | 2 | [131] |
PIII(e^x) | transcendante | [51],[134],[135] | |
PIII(x) | Bessel | [132] | |
PV(e^x) | transcendante | [136],[135] | |
PV(x) | Whittaker | [132] | |
PVI | Gauss | [132] |
Irréductibilité
Pour des valeurs génériques de leurs paramètres, les Pn sont irréductibles, c'est-à-dire ni réductibles à l'ordre un ni linéarisables. À cause de la confluence, il suffit de prouver cette propriété pour PI. La controverse au sujet de PI entre Painlevé et Roger Liouville à coups de Notes dans les Comptes rendus [1] [Tome III, p. 81-114] n'a été tranchée que beaucoup plus tard par Hiroshi Umemura [137],[138] et Keiji Nishioka [139], la difficulté du sujet est bien expliquée dans [138] [p. 125].
Historique
Avant la découverte de PVI en 1905, de nombreux mathématiciens l'avaient indirectement rencontrée ou activement recherchée.
1. En 1867 le géomètre Pierre-Ossian Bonnet[19] a déterminé les surfaces applicables sur une surface donnée qui de plus conservent les deux rayons de courbure principaux. Une des cinq classes de solutions (les surfaces de Bonnet) est caractérisée par l'EDO d'ordre trois[19] [section 11 p. 84 Éq. (52)]
où est une fonction des coordonnées conformes , la courbure moyenne, et une constante arbitraire (avec si s'annule). Ce n'est que cent trente-et-un ans plus tard[140] qu'une intégrale première[20] de cette EDO a été identifiée à une fonction tau de PVI (ou de PV si ) construite par Chazy dans sa thèse[11] [expression p. 341] pour les valeurs des paramètres de PVI.
2. En 1884, Henri Poincaré[141] [p. 217-220] a effectué un décompte très général du nombre de singularités fuchsiennes, non-apparentes et apparentes, à mettre dans une EDO linéaire d'ordre quelconque pour rendre la monodromie non-banale, mais n'a pas entrepris le calcul du cas le plus simple (ordre deux, quatre singularités non-apparentes, une apparente), qui aurait donné PVI.
3. En 1889 Émile Picard a approfondi l'étude, entreprise en 1886 par Georges Halphen[59] [Chap. IX, p. 291-331], de la dépendance des fonctions elliptiques envers leurs invariants relatifs et absolu (le rapport des deux périodes). En considérant l'intégrale elliptique[84] [section 17, p. 298]
où désigne l'une des deux demi-périodes solutions de l'EDO hypergéométrique de Legendre [75] [tome I p. 62 sqq] [59] [tome I p. 350 Éq. (30), p. 352 Éq. (35)]
il a établi sa transformée pour et obtenu pour résultat "une équation différentielle curieuse" n'ayant que trois points critiques (). C'était PVI dans le cas particulier (le "cas de Picard"). Cette PVI, par construction linéarisable en l'EDO de Legendre par la transformation ponctuelle
admet donc la solution générale où sont les deux constantes d'intégration. Les deux périodes et les deux invariants dépendent de , et ses seules singularités mobiles sont des pôles doubles.
4. La même année 1889, Roger Liouville[142], un parent de Joseph, a considéré la classe des EDOs d'ordre deux et de degré un pour invariantes par le groupe de transformations ponctuelles (utile en géométrie) à savoir
Il a énuméré ses classes d'équivalence modulo ce groupe mais, comme remarqué par Babich et Bordag[7] [p. 455], il a incomplètement discuté[142] [section VIII p. 50] le cas où les invariants relatifs qu'il note et sont tous deux nuls, cas qui recouvre toutes les Pn écrites en coordonnées elliptiques (les diverses Pn sont alors départagées par un troisième invariant noté ). Cette omission lui a coûté la primeur de la découverte de toutes les Pn.
5. En 1895, dans ses Leçons de Stockholm, Painlevé a consacré une leçon entière[2] [Leçon 21] à la recherche, infructueuse, de termes complémentaires au cas de Picard, cf. notamment[2] [Éq. (B) p. 508]. Une de ses conclusions[2] [p. 507 dernière ligne], ultérieurement démentie par Richard Fuchs, est l'inexistence de tels termes complémentaires.
6. En 1898, Painlevé a énuméré [143],[144] [ligne 3] tous les types possibles d'équations d'ordre deux et de degré un rationnelles en , susceptibles de n'avoir que des points critiques fixes. Le quatrième et dernier type
avec des polynômes de degré en , incluait bel et bien le type de la PVI complète. Quelques mois plus tard, résumant son argumentation de [2] [Leçon 21], Painlevé a affirmé[144] [ligne 3] que les seules équations admissibles du type juste mentionné sont les transformées de l'EDO linéaire par la transformation ponctuelle de Picard. En conséquence, les tables de 1902 mentionnent PVI seulement dans le cas de Picard[10] [Tableau III p. 25 Éq. (2)].
7. En 1905, Richard Fuchs [68], le fils du Lazarus inventeur des équations fuchsiennes, a considéré une EDO linéaire d'ordre deux pour munie de quatre singularités fuchsiennes de birapport (mises par convention en ), avec de plus, suivant la prescription de Poincaré[141] [p. 217-220] pour rendre la monodromie non-banale, une singularité apparente
étant des constantes et des paramètres pouvant dépendre de et de . La condition que la matrice de monodromie (qui transforme deux solutions indépendantes quand tourne autour d'une singularité) soit indépendante de la singularité non-apparente (condition d'isomonodromie) équivaut à une seule contrainte entre et , représentée par la PVI de Picard complétée par quatre termes. Les paramètres et sont alors des transformées algébriques de très similaires aux fonctions tau de Chazy.
La condition d'isomonodromie prouve également la méromorphie de dans , mais la question restait ouverte de l'admissibilité d'autres termes complémentaires.
8. En 1910 Bertrand Gambier, qui avait entrepris dans sa thèse[8] la révision des tables publiées par Painlevé en 1902[10] a finalement confirmé que les quatre paramètres ajoutés par Richard Fuchs étaient bien les seuls admissibles.
C'est donc après trois occasions manquées (Poincaré 1884, Roger Liouville 1889, Painlevé 1898) que PVI a été découverte.
Bibliographie sommaire
Voici quelques ouvrages traitant des équations/fonctions de Painlevé, par ordre chronologique.
- Les Œuvres de Painlevé[1]. Ses Leçons de Stockholm[2] sont enrichies d'un index des sujets et d'un index des auteurs [Tome I]. Lire notamment sa dispute passionnée avec Roger Liouville sur l'irréductibilité de PI [Tome III, p. 81-114] et son "Analyse des travaux scientifiques jusqu'en 1900" [Tome I, p. 75-196], écrite pour être compréhensible par les académiciens en place lors de sa candidature à l'académie des sciences.
- 1926. Ince [145] a transcrit en anglais la méthode et les résultats de Gambier.
- 1950. Le livre classique de V.V. Golubev[146], en russe.
- 1964. Le premier mémoire de Bureau[147] détaille la "double méthode" de Painlevé et justifie les calculs de Gambier.
- 1990. Le livre de Gromak et Lukashevich[25], en russe, collecte les hamiltoniens, transformations birationnelles et solutions classiques alors connues.
- 1991. Iwasaki, Kimura, Shimomura et Yoshida[148] détaillent la monodromie de la fonction hypergéométrique et des systèmes de Schlesinger et de Garnier.
- 1992. Laine[133] insiste sur la preuve de l'irréductibilité des Pn et sur leur croissance à l'infini.
- 1999. Les Actes[149] d'une école d'été de Cargèse rassemblant des mathématiciens et des physiciens.
- 2000. Noumi[150] détaille les nombreux résultats de l'école japonaise : preuves de l'irréductibilité, définition d'une solution classique, groupes de Weyl, diagrammes de Maya, etc.
- 2002 Gromak, Laine et Shimomura [151] réunissent les résultats des auteurs classiques, de l'école soviétique et ceux concernant la croissance à l'infini.
- 2006. Les Actes[152] d'un colloque franco-japonais tenu à Angers en 2004.
- 2006. Fokas, Its, Kapaev et Novokshenov[112] insistent sur le problème de Riemann-Hilbert.
- 2016. Éric Delabaere, Michèle Loday-Richaud, Claude Mitschi et David Sauzin [128],[129],[130] présentent les questions mathématiques profondes que posent, notamment, PI et PVI.
- 2020. En appendice de la 2e édition de leur livre[22],[153], Robert Conte et Micheline Musette ont rassemblé un matériau détaillé sur les Pn.
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