Équations de compétition de Lotka-Volterra

Les équations de compétition de Lotka-Volterra sont un modèle phénoménologique simple de dynamique des populations en compétition. Leur expression est similaire à celle des équations de prédation de Lotka-Volterra pour la prédation.

Ne doit pas être confondu avec Équations de prédation de Lotka-Volterra.

Formulation

Deux espèces

Soient deux populations en compétition N1 et N2, suivant une dynamique logistique avec un taux de croissance r1 (respectivement r2) et une capacité biotique K1 (respectivement K2). Les équations de compétition de Lotka-Volterra ajoutent un terme modélisant l'interaction entre les deux espèces:

Ici, α12 représente l'effet de l'espèce 2 sur la population de l'espèce 1, et réciproquement α21 représente l'effet de l'espèce 1 sur l'espèce 2. Les valeurs α12 et α21 ne sont pas nécessairement égales, de plus chaque espèce peut avoir un taux de croissance et une capacité biotique distincte.

Dans le cas du modèle de compétition stricte, les interactions sont délétères, ainsi les valeurs de α sont toutes positives. Si α12 et α21 n'ont pas le même signe, une des deux populations croit aux dépens de l'autre (ce qui peut s'interpréter comme de la prédation ou du parasitisme), si les deux termes sont négatifs, les deux populations ont un effet positif sur l'autre (ce qui peut s'interpréter comme du mutualisme, mais est rarement utilisé en pratique car cela peut permettre aux populations de croître indéfiniment). Une classification complète des dynamiques de ce système est disponible[1].

Nombre quelconque d'espèces

Ce modèle peut être généralisé à un nombre quelconque d'espèces en compétition:

R est le nombre d'espèces en compétition (ou richesse spécifique). Dans ce cas il est pratique de représenter les termes de taux de croissance ri sous la forme d'un vecteur et les termes d'interactions αij sous la forme d'une matrice (appelée matrice d'interaction). On remarque l'apparition de terme de compétition intra-spécifique aii dont la valeur est généralement fixée à 1 par souci de cohérence avec le modèle de croissance logistique.

Comportement

Étude graphique par analyse des isoclines

Le comportement asymptotique du modèle à deux espèces peut être facilement exploré en faisant une analyse des isoclines[2] : une analyse graphique de la position des isoclines-zéro (courbes le long desquelles la croissance d'une espèce est nulle) dans l'espace des phases qui est ici le plan (N1, N2).

Chaque espèce i a deux isoclines, solutions de l'équation  :

  • l'axe (appelée aussi isocline triviale) et
  • (appelée aussi isocline non triviale).
Isoclines pour les équations de compétition de Lotka-Volterra à deux espèces.

Le signe du taux de croissance effectif de l'espèce i change de part et d'autre de l'isocline (positif en dessous, négatif au-dessus) ainsi la population d'une espèce non éteinte tend vers son isocline non triviale[3]. On remarque tout de suite que si l'une des deux espèces est éteinte () on se retrouve exactement dans le cas du modèle de croissance logistique. C'est aussi le cas si l'autre espèce à un niveau de population fixe ( constante) mais la capacité biotique est alors .

Pour des conditions initiales où les deux espèces sont présentes, en fonction de la position relative des deux isoclines non triviales, on observe quatre types de comportements:

Différents comportements dans l'espace des phases du modèle de compétition de Lotka-Volterra à deux espèces.
  1. Exclusion compétitive de l'espèce 2 par l'espèce 1,
  2. Exclusion compétitive de l'espèce 1 par l'espèce 2,
  3. Coexistence stable des deux espèces,
  4. Exclusion compétitive d'une des deux espèces en fonction des conditions initiales.

Stabilité des équilibres

Les équilibres du système sont les points où les deux dérivées s'annulent simultanément (il s'agit des points d'intersection entre les isoclines des deux espèces). Il y en a au moins trois : (0,0) correspondant à l'extinction des deux espèces (intersection entre les isoclines triviales) ainsi que (K1, 0) et (0, K2) correspondant à l'exclusion compétitive de l'une ou l'autre espèce. Il y en a un quatrième si les deux isoclines non triviales se croisent pour des valeurs positives de (N1, N2) (dans les cas 3 ou 4).

La stabilité des équilibres peut être étudiée par le biais du signe des valeurs propres de la matrice jacobienne du système en ces points. Cela permet de formaliser les conditions de la coexistence stable des deux espèces et forme un des fondements de la théorie de la coexistence (en)[4].

Pour plus de simplicité on se place dans le cas où r1 > 0, r2 > 0 et K1 = K2 = 1.

  • (0, 0) a pour valeur propres associées (r1, r2). Cet équilibre est donc toujours un nœud instable.
  • (0, K1) a pour valeurs propres associées (–r1, r2(1 – a12)). Cet équilibre est donc un nœud stable si a12 > 1.
  • (K2, 0) a pour valeurs propres associées (r1(1 – a21), –r2). Cet équilibre est donc un nœud stable si a21 > 1.

La coexistence stable des deux espèces n'est possible que si les deux équilibres d'exclusion compétitive sont simultanément instables, c'est-à-dire si a12 < 1 et a21 < 1. L'interprétation écologique de cette condition est la nécessité que la compétition interspécifique (dont l'intensité est représentée par les paramètres a21 et a12) soit plus faible que la compétition intraspécifique (dont l'intensité vaut ici 1, mais que l'on peut[5] paramétrer par a11 = K2/K1 et a22 = K1/K2). L'intensité de la compétition interspécifique dépend des niches écologique respectives des deux espèces[4].

Interprétations

Le modèle de compétition de Lotka-Volterra est phénoménologique[6],[5] dans le sens où il décrit un phénomène sans préciser le mécanisme qui le cause. Ainsi, il a l'avantage de pouvoir être utilisé comme approximation pour de nombreux systèmes plus complexes, mais son pouvoir prédictif est assez faible. Même s'il n'est pas conçu pour un mécanisme particulier, il est cependant possible de proposer plusieurs interprétations mécanistiques.

  • Compétition directe : les individus ont un effet direct et négatif les uns sur les autres. On peut considérer les individus comme se déplaçant de façon aléatoire sur une surface, les équations de Lotka-Volterra peuvent ainsi être vues comme décrivant la cinétique de ce système. Dans ce cas est la probabilité que lors d'une rencontre en entre un individu des espèces i et j, l'individu de l'espèce j consomme l'individu de l'espèce i.
  • Compétition indirecte pour une ressource[7] : il est possible d'obtenir la même dynamique en supposant que les croissances des différentes espèces dépendent d'une ou plusieurs ressources pour lesquelles elles sont en compétition. Dans ce cas les paramètres utilisés ici () dépendent d'un certain nombre d'autres paramètres décrivant la dynamique de la population en fonction de la quantité de ressources (taux de conversion, probabilité de rencontre...).

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Competitive Lotka–Volterra equations » (voir la liste des auteurs) et « Generalized_Lotka–Volterra equation » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Immanuel Bomze (en), « Lotka–Volterra equation and replicator dynamics: a two-dimensional classification », Biological Cybernetics, vol. 48, 1983, p. 201-211 et « Lotka–Volterra equation and replicator dynamics: new issues in classification », Biological Cybernetics, vol. 72, 1995, p. 447-453.
  2. (en) Michel Loreau, From Populations to Ecosystems, , p. 21.
  3. (en) M. Beals, L. Gross (en) et S. Harrell, « Interspecific competition: Lotka-Volterra », sur NIMBioS (en), .
  4. (en) Peter B. Adler, Janneke HilleRisLambers et Jonathan M. Levine, « A niche for neutrality », Ecology Letters, vol. 10, no 2, , p. 95-104 (DOI 10.1111/j.1461-0248.2006.00996.x/full).
  5. (en) Peter Chesson, « Mechanism of Maintenance of Species Diversity », Annual Review of Ecology and Systematics (en), vol. 31, , p. 343-366.
  6. Loreau 2010, p. 20.
  7. (en) R. Mac Arthur, « Species packing, and what interspecies competition minimizes », PNAS, vol. 64, no 4, , p. 1369-1371 (lire en ligne).

Bibliographie

Pierre Auger, Christophe Lett et Jean-Christophe Poggiale, Modélisation mathématique en écologie, Dunod, 2010

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