État islamique en Afrique centrale
La province de l’État islamique en Afrique centrale (en abrégé ISCAP, également connu sous le nom de wilaya d'Afrique centrale) est une division administrative de l'État islamique, un groupe salafiste djihadiste. Selon les médias partisans de l'État islamique et certaines autres sources, cette entité serait présente en République démocratique du Congo et au Mozambique, où elle occupait avant la bataille de Palma un territoire de plus de 10 000 km2, le plus grand jamais contrôlé par Daech depuis le printemps 2018.
État islamique en Afrique centrale Gouvernorat d'Afrique centrale (ar) ولاية وسط إفريقية | |
Idéologie | Salafisme djihadiste Panislamisme Anti-chiisme Antioccidentalisme |
---|---|
Objectifs | Expansion à l'Afrique centrale et australe du « califat » proclamé par l'État islamique |
Statut | Actif |
Fondation | |
Date de formation | 2019 |
Fondé par | État islamique |
Actions | |
Mode opératoire | Lutte armée, guérilla, terrorisme |
Victimes (morts, blessés) | > 2 149 civils tués selon le département d'État des États-Unis[1] |
Zone d'opération | République démocratique du Congo Mozambique Ouganda[2] |
Période d'activité | Depuis 2018 |
Organisation | |
Allégeance | État islamique |
Sanctuaire | Mocímboa da Praia (capitale provinciale autoproclamée) |
Groupe relié | Ansar al-Sunna Allied Democratic Forces |
Répression | |
Considéré comme terroriste par | États-Unis |
Insurrection djihadiste au Mozambique |
|
Genèse
À la suite de la conquête partielle de la Syrie et de l'Irak, ainsi que de la proclamation du califat, l'État islamique est devenu internationalement connu ; susceptible de rallier des groupes djihadistes du monde entier. Plusieurs groupes rebelles d'Afrique de l'Ouest, de Somalie et du Sahara ont prêté allégeance à l'organisation ; ces factions ont pris de l'importance à mesure que la faction principale de l'EIIL au Moyen-Orient déclinait. Malgré l'importance croissante des groupes liges en Afrique occidentale, septentrionale et orientale, aucune faction majeure n'a surgi en Afrique centrale et australe pendant des années[3].
Une faction connue sous le nom d'« État islamique en Somalie, au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda » a été créée en avril 2016 mais n'a été active qu'en Somalie et au Kenya que pendant une courte période [4].
En , une vidéo apparaît sur des chaînes partisanes de l'État islamique montrant un petit nombre de militants en République démocratique du Congo affirmant appartenir au groupe « Cité du monothéisme et des monothéistes » (MTM). Le chef des militants a proclamé le « Dar al-Islam de l'État islamique en Afrique centrale » et a appelé les personnes partageant les mêmes idées à les rejoindre dans la guerre contre le gouvernement. Le Long War Journal a noté qu'en dépit de son effectif très réduit, son apparition a attiré une attention notable de la part des sympathisants de l'EI[5].
La nature du MTM a donné lieu à plusieurs interprétations. Le Groupe d'étude sur le Congo (CEG) a soutenu en 2018 que le MTM appartenait aux Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe islamiste qui mène une insurrection dans l'est de la République démocratique du Congo et dans l'Ouganda voisin depuis des décennies. Certains experts pensent que l'ADF ont commencé à coopérer avec l'EI et que la création du MTM avait pour but de recueillir publiquement le soutien des fidèles de l’État islamique[3].
Le calife autoproclamé de l'EIIL Abu Bakr al-Baghdadi a mentionné pour la première fois une « province d'Afrique centrale » dans un discours en , suggérant que cette branche existait déjà auparavant[6]. À la mi-2018, l'Union africaine a affirmé que des militants de l'État islamique s'étaient infiltrés dans le nord du Mozambique, où les rebelles islamistes d'Ansar al-Sunna menaient une insurrection depuis 2017[7].
En , certains rebelles mozambicains ont posté une photo d'eux-mêmes posant avec un drapeau noir qui a été utilisé par l'EI , mais aussi par d'autres groupes djihadistes. Dans l'ensemble, la présence de l'EI au Mozambique reste contestée à l'époque[8], et la police du pays a fermement nié que les loyalistes de l’État islamique étaient actifs dans la région[9].
Émergence
Plusieurs organes d'information djihadistes, tels que les agences de presse Amaq et Nashir et le bulletin d'information Al-Naba, ont déclaré en que la Province d'Afrique centrale de l'État islamique avait mené des attaques dans l'est de la République démocratique du Congo. Il s'agit de la première manifestation tangible de cette entité [6].
Les premiers raids de la province d'Afrique centrale de l'EI ont visé les Forces armées congolaises (FARDC) dans le village de Kamango et une base militaire à Bovata le . Les deux localités sont près de Beni, non loin de l'Ouganda[3] . On ne sait toujours pas combien de militants au Congo avaient effectivement rejoint l'EIIL [6]. Le journaliste Sunguta West considère la proclamation de la Province d'Afrique centrale comme une tentative par un État affaibli de « renforcer son ego et projeter ses forces » après ses défaites en Syrie et Irak [3].
Une photo publiée par le bulletin d'information Al-Naba montrait environ 15 membres présumés de l'État islamique en Afrique cenrale. Le Defence Post a fait valoir qu'une faction dissidente des Forces démocratiques alliées (ADF) avait peut-être rejoint ce groupe, tandis que les dirigeants officiels des ADF n'ont fait aucune bay'ah (serment d'allégeance) à Abu Bakr al-Baghdadi ou à l'EI en général[6]. Le chercheur Marcel Heritier Kapiteni doute que les partisans de l'État islamique soient impliqués dans les attaques, arguant que cette province d'Afrique centrale ne pourrait être qu'un outil de propagande dans une « guerre médiatique ». Selon lui, « le terrain de la RDC n'est pas socialement favorable à l'islam radical »[10].
Le , l'EI a affirmé que sa province d'Afrique centrale a mené avec succès une attaque contre les Forces armées de défense du Mozambique (FADM) à Mitopy dans le district de Mocímboa da Praia[11]. Au moins 16 personnes ont été tuées et environ 12 blessées au cours de l'attaque. À ce stade, l'EI considérait Ansar al-Sunna comme l'un de ses affiliés, même si le nombre de rebelles islamistes qui leur était réellement loyalistes au Mozambique demeure incertain[12].
Le Defence Post soutient qu'il était impossible de juger si l'attaque avait été menée par l'État islamique en Afrique centrale ou un autre groupe armé en raison du manque d'informations sur les rebelles dans le pays. Quoi qu'il en soit, la police locale a une fois de plus nié l’activité de l'organisation dans le pays[8]. En , deux embuscades sont menées contre les forces de sécurité mozambicaines et les mercenaires russes du groupe Wagner dans la province de Cabo Delgado, tuant 27 soldats[13].
Contrairement à sa présence croissante au Mozambique, les opérations de l'État islamique au Congo sont restées de petite envergure et peu nombreuses encore fin de 2019. Selon le chercheur Nicholas Lazarides, cela montre le non-alignement de l'ADF avec l'EI, suggérant que l'État islamique en Afrique centrale n'est en réalité qu'une faction dissidente[14]. En conséquence, la principale importance de la province de l'Afrique centrale résidait dans sa valeur de propagande et son potentiel de croissance grâce à ses relations avec le groupe central bien établi et connu de l'EI[14] .
Offensives
La province de l'Afrique centrale a officiellement prêté allégeance au nouveau calife de l'EI Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi le [15].
Le , des combattants ont massacré 52 civils dans le village de Xitaxi, dans le nord du Mozambique, lorsqu'ils ont refusé de rejoindre leurs forces. Plus tard ce mois-là, les autorités mozambicaines ont admis pour la première fois que les partisans de l'État islamique étaient actifs dans le pays[16].
Le , les troupes de l'EI-CAP ont occupé la ville de Mocímboa da Praia pendant une courte période, provoquant la fuite de nombreux habitants[17]. Le bulletin d'information Al-Naba a par conséquent glorifié les prétendus succès de l'État islamique d'Afrique centrale au Mozambique, affirmant que « l'armée croisée du Mozambique » et les « mercenaires de l'appareil de renseignement croisé russe » (alias le groupe Wagner) étaient repoussés par les forces locales de l’État islamique[18].
L'Afrique du Sud a envoyé des forces spéciales pour aider les forces de sécurité mozambicaines contre les rebelles et les djihadistes[19].
Depuis la déclaration de l'État islamique de son implantation au Congo via les ADF le 2019, les revendications d'attaques par les médias de l'État islamique se multiplient[20].
Entre avril 2019 et mars 2020, 33 attaques sont revendiquées par le groupe. A partir du , l'État islamique en Afrique centrale mène 25 attaques. Cette multiplication des revendications prouve les liens entre les ADF et l'État islamique selon plusieurs chercheurs[21].
Le , l'armée congolaise annonce avoir perdu au moins 2 000 militaires depuis octobre 2014 dans la région de Beni, dans l'est de la République démocratique du Congo, lors de combats contre des rebelles d'origine ougandaise des Forces démocratiques alliées (ADF)[22],[23].
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Islamic State's Central Africa Province » (voir la liste des auteurs).
- (en) « State Department Terrorist Designations of ISIS Affiliates and Leaders in the Democratic Republic of the Congo and Mozambique », Département d'État des États-Unis, (consulté le )
- (en) « Islamic State (ISIS) Claims Responsibility For IED Attack Inside Uganda Police Compound in Kampala », Institut de recherche des médias du Moyen-Orient, (consulté le )
- (en) Sunguta West, « Has Islamic State Really Entered the Congo and is an IS Province There a Gamble? », Terrorism Monitor, vol. 17, no 11, , p. 7-9 (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Jason Warner et Charlotte Hulme, « The Islamic State in Africa : Estimating Fighter Numbers in Cells Across the Continent », CTC Sentinel, vol. 11, no 7, , p. 21-28 (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Caleb Weiss, « Islamic State-loyal group calls for people to join the jihad in the Congo », sur https://www.longwarjournal.org/, (consulté le ).
- (en) Robert Postings, « Islamic State recognizes new Central Africa Province, deepening ties with DR Congo militants », sur https://www.thedefensepost.com/, (consulté le ).
- (en) « AU confirms ISIS infiltration in East Africa », sur https://www.independent.co.ug/, (consulté le ).
- (en) Robert Postings, « Islamic State arrival in Mozambique further complicates Cabo Delgado violence », sur https://www.thedefensepost.com/, (consulté le ).
- (en) « Mozambique: Police Deny Alleged Terrorist Infiltration », sur https://allafrica.com/, (consulté le ).
- (en) « IS Down But Still a Threat in Many Countries », sur https://www.voanews.com/, (consulté le ).
- (en) Caleb Weiss, « Islamic State claims first attack in Mozambique », Long War Journal, (consulté le ).
- (en) Sirwan Kajjo et Salem Solomon, « Is IS Gaining Foothold in Mozambique? », sur https://www.voanews.com/, (consulté le ).
- (en) Pjotr Sauer, « 7 Kremlin-Linked Mercenaries Killed in Mozambique in October — Sources », sur https://www.themoscowtimes.com/, (consulté le ).
- (en) Nicholas Lazarides, « Islamic State Central Africa Province: Rebranding or Coopting of ADF Faction », Terrorism Monitor, vol. 17, no 21, , p. 5-6 (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Aaron Y. Zelin, « The Islamic State's Bayat Campaign », sur https://jihadology.net/, (consulté le ).
- (en) « Mozambique admits presence of Islamic State fighters for first time », sur https://www.thesouthafrican.com/, (consulté le ).
- (en) « Insurgents Kill 8 Gas Project Workers in Northern Mozambique », (consulté le ).
- (en) Aymenn Jawad Al-Tamimi, « Islamic State Editorial on Mozambique », sur http://www.aymennjawad.org/, (consulté le ).
- (en) Jan Gerber, « Questions about SANDF deployment in Mozambique unanswered », sur https://www.news24.com/, (consulté le ).
- (en) Robert Potings, « Islamic State recognizes new Central Africa Province, deepening ties with DR Congo militants », (consulté le ).
- (en) Caleb Weiss, « ISCAP Ambushes UN Peacekeepers in the DRC, Exploits Coronavirus », (consulté le ).
- Radio Okapi, « RDC: l'armée annonce avoir perdu au moins 2.000 soldats depuis 2014 à Beni (est) », (consulté le ).
- ACTUALITE.CD avec AFP, « RDC: l'armée annonce avoir perdu au moins 2.000 soldats depuis 2014 dans le territoire de Beni », (consulté le ).
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