Aïnou (langue du Japon)

L’aïnou (autonyme : アイヌ イタㇰ, aynu itak dans cette langue ; japonais : アイヌ語 ainu-go) est une langue traditionnellement parlée par les Aïnous, implantée sur l'île japonaise de Hokkaidō.

Pour les articles homonymes, voir Aïnou.

Cet article concerne la langue aïnoue. Pour le peuple aïnou, voir Aïnous (ethnie du Japon). À ne pas confondre avec l’aïnou (langue ouïghoure), langue des Aïnous (ethnie de Chine)

Aïnou
アイヌ イタㇰ, aynu itak
Pays Japon, Russie
Région île de Hokkaidō, Sibérie
Nombre de locuteurs 304 (2006)
Typologie SOV, polysynthétique, tripartite
Classification par famille
  • - hors classification (isolat)
    • - aïnou
Codes de langue
IETF ain
ISO 639-2 ain
ISO 639-3 ain
Linguasphere 45-B
WALS ain
Carte

Carte des variétés aïnoues entre le XVIième et le XIXième siècle. Les variétés de Sakhaline et des Kouriles sont désormais éteintes.

Histoire

Majoritairement parlée dans les îles Kouriles jusqu'au milieu du XIXe siècle, et plus anciennement dans les îles de Honshū et de Sakhaline, la langue aïnoue est en voie d'extinction.

La Pérouse a fait relever un Vocabulaire des habitans de l'isle Tchoka, formé à la baie de Langle en [1].

Le missionnaire John Batchelor a édité en 1905 un dictionnaire trilingue ainou-anglais-japonais.

En 1996, il ne restait plus qu'une dizaine de locuteurs, tous âgés de plus de 80 ans. En 2006, grâce aux efforts des défenseurs de cette langue tel Shigeru Kayano, on comptait 304 locuteurs[2]. Les autres Aïnous sont passés au japonais.

Classification

L'aïnou est un isolat : les spécialistes n'ont pas réussi à établir sa parenté linguistique avec d'autres langues. D'un point de vue typologique, il est plutôt proche des langues dites paléo-sibériennes. On constate un certain nombre de mots communs entre l'aïnou et le nivkhe (appelé aussi guiliak) ainsi qu'entre l'aïnou et le japonais, mais dans le second cas il s'agit d'emprunts. Toutefois, certaines racines sont clairement sibériennes, comme *it-, « langue, mot », que l'on retrouve en samoyède.

Variétés

Shibatani et Piłsudski suggèrent que les variétés de l'aïnou sont des langues indépendantes. Refsing argue que les variétés d'Hokkaido et de Sakhaline n'étaient pas mutuellement compréhensibles. Cependant, Vovin parle de dialectes de l'aïnou. Hattori a trouvé une première division entre les langues aïnoues entre Sakhaline et Hokkaido.

Les langues ou dialectes aïnous sont généralement classés comme ceci[3] :

  • Proto-aïnou
    • Proto-aïnou de Sakhaline
      • Aïnou de Sakhaline
    • Proto-aïnou d'Hokkaido-Kouriles

Phonologie

Consonnes

Bilabiales Labio-
vélaires
Alvéolaires Palatales Vélaires Glottales
Occlusives p t k (’ [ʔ])
Affriquées c ([ts])
Nasales m n
Fricatives s h
Approximantes w y ([j])
Battues r ([ɾ])

L'aïnou ne connaît pas d'opposition de voisement, et les occlusives et affriquées peuvent être voisées à l'intervocalique ou après une nasale. Les sifflantes s et c peuvent se réaliser comme des alvéolo-palatales. L'apostrophe sert principalement à désambiguïser certaines graphies homonymes en notant une occlusive glottale qui n'est pas vraiment un phonème.

Voyelles

L'aïnou possède cinq voyelles.

  Antérieures Centrales Postérieures
Fermées i u
Mi-fermées e o
Ouvertes a

Accent

L'aïnou possède un accent de hauteur distinctif capable de distinguer des paires minimales comme nisáp « tibia » vs. nísap « soudainement ». La syllabe accentuée est prononcée sur un ton haut, les syllabes précédentes sur un ton bas. C'est donc le passage d'un ton bas à un ton haut qui caractérise l'accent en aïnou.

La position de l'accent aïnou est en grande partie prédictible. La plupart des mots sont par défaut accentués sur la première syllabe s'il s'agit d'une syllabe lourde ((C)VC, ex. áynu « personne »), sur la seconde si la première est légère (CV, ex. kotán « village »). L'accent n'est donc pas indiqué à l'écrit sauf pour les exceptions à cette règle.

Morphologie

Morphologie verbale

L'aïnou possède un système d'indexation des arguments sur le verbe où des préfixes pronominaux s'attachant au verbe indiquent la personne du sujet pour les verbes intransitifs, et du sujet et de l'objet pour les verbes transitifs. Les indices pronominaux sont par convention séparés du verbes par le symbole «=».

Indexation des arguments sur le verbe en aïnou (∅ = «zéro»)
objet
intransitif 1SG 1PL 2SG 2PL 3 INDF
sujet 1SG ku= eci= eci= ku= ku=i=
1PL as= eci= eci= ci= a=i=
2SG e= en= un= e= e=i=
2PL eci= eci=en= eci=un= eci= eci=i
3 en= un= e= eci= i=
INDF an= a=e= a=un= a=e= a=eci= a= a=i=

Écriture

Les Aïnous ne possédaient pas d'écriture à l'origine, leur savoir se transmettant oralement. Aujourd'hui la langue aïnoue est écrite à l'aide de l'écriture japonaise katakana (avec quelques symboles spéciaux), mais aussi à l'aide de l'alphabet latin. Le principal journal en langue aïnoue, The Ainu Times, publie une version katakana et une version en lettres latines[4]. Les publications linguistiques utilisent en général la transcription latine, et les publications japonaises pour le grand public, la transcription en katakana.

Répartition géographique

Rouge : région où habitent les aïnousRose : Anciennes régions supposées aïnoues en raison des toponymes.

L'aïnou est presque éteint : il n'est plus transmis aux nouvelles générations depuis longtemps et il ne restait en 1996 qu'une dizaine de locuteurs natifs maîtrisant vraiment la langue. Le Japon compte cent cinquante mille individus se réclamant d'ascendance aïnoue (et probablement bien plus encore si on inclut ceux qui s'ignorent de cette origine, ou préfèrent la taire par crainte des discriminations). Ces personnes, pour la plupart, ne parlent que le japonais, bien que l'on observe un nombre croissant de personnes désirant apprendre l'aïnou. Il existe aussi une signalisation routière bilingue dans les zones de langue aïnoue. Cette évolution récente est à porter au crédit d'activistes aïnous, dont en particulier Shigeru Kayano.

Littérature aïnoue

Quelques poètes et écrivains du XXe siècle

Le linguiste Kyōsuke Kindaichi a regroupé de nombreux poètes et édité leurs œuvres[5].

Notes et références

  1. Louis-Marie-Antoine Destouff de Milet-Mureau, Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 3, Paris, imprimerie de la République, , 414 p. (lire en ligne), chap. XXIII, p. 157-165
  2. Anthony Rivière, « Les Japonais oublient leurs langues régionales », Aujourd'hui le Japon, le 10 septembre 2010
  3. Vovin 1993, p. 157.
  4. (ja) « アイヌタイムズ », sur www.geocities.jp (consulté le )
  5. (en) Donald L. Phillipi et Gary Snyder, Songs of Gods, Songs of Humans : The Epic Tradition of the Ainu, Princeton University Press, , 436 p. (ISBN 978-1-4008-7069-1 et 1-4008-7069-0, présentation en ligne), p. 50-52.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • D. B. Arapu, La spécificité de la langue ainu, thèse, Paris, Université Paris 3, 1980.
  • (en) Anna Bugaeva, « Southern Hokkaido Ainu », dans Nicolas Tranter, The languages of Japan and Korea, New York, Routledge, , p. 461-509
  • Maurice Coyaud, « L'Ainu », dans Dictionnaire des langues, Paris, PUF, 2011, p. 922–926
  • Alexander Vovin, A Reconstruction of Proto-Ainu. Leiden: Brill., 1993, (ISBN 978-90-04-09905-0).
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