Abattoirs de la Mouche

Les abattoirs de la Mouche[1] associés à un marché aux bestiaux, sont un ancien complexe industriel lyonnais situé dans l'ancien quartier de la Mouche (actuellement Gerland) conçus par Tony Garnier, dont c'est le premier grand projet. Voulus par les autorités dès la fin du XIXe siècle, leur conception est entamée en 1906 et leur construction s'achève en 1928. L'abattoir est alors un modèle en France de lieu rationnel et hygiénique pour cette activité. Le site ferme définitivement en 1977, et il ne subsiste du site que la halle Tony-Garnier.

Abattoirs de la Mouche
Façade du marché aux bestiaux en 1914, à l'occasion de l'exposition internationale de Lyon
Présentation
Type
Abattoir industriel
Architecte
Construction
Fermeture
Propriétaire
Ville de Lyon
Localisation
Pays
Région
Département
Commune
Coordonnées
45° 43′ 47″ N, 4° 49′ 33″ E
Localisation sur la carte de Lyon
Localisation sur la carte de France

Histoire

Précédents abattoirs lyonnais

Avant les abattoirs de la Mouche, Lyon possède depuis le XIXe siècle deux abattoirs. L'un est ouvert en 1839 dans le quartier de Perrache[2] et l'autre est bâti par Tony Desjardins à Vaise en 1858[3]. Mais ils sont critiqués dès leur ouverture car ils sont trop petits, peu pratiques et trop près des habitations[4]. Les conditions d'hygiène poussent à la fermeture des abattoirs de Perrache.

Contexte du projet

À partir de 1887[5], les élites réfléchissent à l'établissement d'un site beaucoup plus vaste et lointain, répondant à tous les critères d'une structure moderne et hygiénique. La municipalité rencontre toutefois l'opposition tout à la fois des gestionnaires des abattoirs existants que de la multitude d'artisans qui profitent des abattoirs dans leurs quartiers respectifs[4].

La municipalité commence donc par reprendre en régie directe la gestion des deux abattoirs en 1892, après expiration des baux, et relance immédiatement les études pour la création d'un nouvel ensemble dans le quartier de la Mouche. Toutefois, les oppositions font traîner les choses et c'est le maire Victor Augagneur qui met réellement le projet sur les rails. Il obtient un arrêté préfectoral fixant définitivement le futur abattoir dans le quartier de la Mouche[4].

En 1896, le directeur des abattoirs, M. Leclerc, part en Allemagne pour visiter les installations des grandes villes;
En 1906 sous la direction du nouveau maire Édouard Herriot (qui s'est substitué à V. Augagneur) Tony Garnier y va aussi[5].

Projet

Plan des abattoirs de la Mouche à Lyon 7e dessiné par Tony Garnier et reproduit dans la Construction lyonnaise, n°2, du 19/01/1909

Un emplacement situé dans le quartier de La Mouche à Gerland, au lieu-dit La Colombière, est fixé dès 1901, puis déclaré d'utilité publique en 1903[5]. Le site est raccordé au réseau de trains de la société Paris-Lyon-Méditerranée[5].

Le maire E. Herriot, demande à Tony Garnier de faire les plans, en coordination avec Eugène Deruelle, chef vétérinaire des services municipaux et directeur technique du zoo du parc de la Tête d'or. Ce dernier prend, en 1905, la direction du service municipal de la vaccination et des abattoirs[6].

Le projet définitif des Abattoirs de la Mouche est validé le 5 octobre 1908. Tony Garnier est nommé architecte par la Ville, le [5].

Premier chantier

Marché aux bestiaux et abattoirs de La Mouche : le grand hall du marché vue perspective et vue intérieure par Tony Garnier (pl. 44) du recueil "Les grands travaux de la ville de Lyon [Livre] : études, projets et travaux exécutés 1921

L'un des soucis techniques étant l'inondabilité du terrain, il est rehaussé de trois mètres sur l'ensemble du site, qui couvre vingt-trois hectares. Tony Garnier met en place un immense complexe en anticipant toutes les actions pour rationaliser les tâches des différents intervenants, et surtout leurs déplacements. Il prévoit ainsi un grand marché aux bestiaux de 80x210 m sous une halle de 17 000 mètres carrés à l'« audacieuse » charpente métallique Fives-Lille sur rotules en pied[7]mise au point par Victor Contamin. Cette structure ne repose sur aucun pilier.

Des salles frigorifiques, des salles d'abattage, un restaurant, un garage. Le tout est desservi par une gare dédiée avec six quais de débarquement. Toutes les manipulations sont prévues de plain-pied, avec un sens de circulation unique[6].

Tony Garnier a prévu au départ un usage du béton pour toutes les structures[8], il se résout cependant pour supporter la couverture du Grand Hall à utiliser une structure de fermes en acier[8] qui domine le reste de l'opération [note 1]. Cette structure depuis la deuxième moitié du XIXe siècle est celle des halles et gares (Camille Polonceau); elle est associée à la transparence donnée par la glace qui au moment de cette construction est en train de devenir un produit ordinaire. L'architecture globale voulue est celle du toit terrasse repris en continuation personnelle de Garnier de la culture Classique, elle est utilisée pour l'ensemble des autres bâtiments[8].

Les dalles et les pignons à redans sont en béton mâchefer, recouvrant les fondations de béton[7];
Pour la grande halle la couverture est sur hourdis armés[7]. Les travaux débutent en 1909 et s'achèvent en 1914.

L' Exposition Internationale de 1914

affiche de Tony Garnier 1913 Archives municipales de lyon

En 1914, le site accueille l'Exposition internationale urbaine cette dernière a pour thème " la Ville moderne et à l'hygiénisme". L'exposition s'étend sur 75 hectares dont plus de 17 000m² dédiés aux pavillons des nations étrangères et aux pavillons coloniaux. 17 232 entreprises présentent leurs activités économiques et industrielles. La grande halle accueille les sections de l'automobile et des transports,de l'éclairage et de la métallurgie et du chauffage. La voie publique présente les sections des soieries et des vêtements. Un million de Lyonnais viennent visitent le chantier des abattoirs en construction. A partir du 1er août, la fréquentation baisse, le 6 août, les pavillons allemands et autrichiens sont fermés, les marchandises des nations ennemies sont saisies et l'exposition ferme définitivement le 11 novembre 1914 à la suite de la déclaration de la Première Guerre mondiale.

Première Guerre Mondiale : L'Arsenal de la Mouche

Le site est réquisitionné, nommé Arsenal de la Mouche. Dans un premier temps, les halles des abattoirs de la Mouche accueille des blessés rapatriés. La société d'éclairage électrique s'y installe. Dans le cadre de l'effort de guerre, cette entreprise parisienne, délocalisée à Lyon, se transforme en usine d'armement. 12000 hommes et femmes sont employés à l'usine pour produire 20 000 obus par jour envoyés sur le front.

Les abattoirs et marché aux bestiaux

Les travaux reprennent enfin en 1924 pour finir en 1928[5]. Les abattoirs et le marché sont inaugurés le 9 Septembre 1928. Les établissements du marché aux bestiaux et des abattoirs se repartissent sur 240 000m².

Français : Photographie des abattoirs et du marché aux bestiaux de la Mouche. Cote 1108WP/4.Archives Municipales

Le marché aux bestiaux rassemblent 4000 bovins, 8000 moutons, et 3500 porcs.[9]

Historiquement en France, la responsabilité sanitaire des communes aboutit à gérer sur un terrain lui appartenant un abattoir qui peut être pris en régie par une autre entreprise; Le tout est budgété avec les taxes perçues[10].

L'ensemble des abattoirs est une entité économique qui présente une grande importance à une période de forte augmentation de la consommation de viande[11]. Par les transports rapides par train cela touche sur la structure de production des animaux concernant l'élevage à l'échelle régionale large[11].

Déterminé à partir des abattoirs de Chicago pour sa configuration (« halle aux bestiaux, abattoir et cheville »), le complexe industriel distingue deux « métiers »: abatteur et commerçant.

Photographie des abattoirs et du marché aux bestiaux de la Mouche

En 1966 cette activité incombe au Grand-Lyon. Négociants en bestiaux, bouchers, charcutiers et tripiers y travaillent jusqu'en 1967 quand les abattoirs déménagent à Corbas. Les bâtiments de Gerland sont alors désaffectés.

En 1967 pour la fin, ce savoir-faire est réparti en 57 entreprises de la nouvelle structure économique qui est non municipale: la régie CIBIEVAL (créée en 1975)[12].
Liée à l'abattoir, l'activité sur le cuir et les boyaux existe dans le quartier de Gerland. Il y eut comme débouché la peausserie, les cordages de raquettes de tennis, et les ligatures chirurgicales.

Fin de l'abattage et déménagement de l'activité de La Mouche à Corbas.

Reconnaissance des Monuments Historiques

En 1975, une forte campagne médiatique éclaire la potentielle destruction de l'oeuvre de Tony Garnier. La Halle et ses pavillons des Abattoirs de la Mouche sont inscrits sur la liste des monuments historiques lyonnais.

Bien que protégée, la Halle est abandonnée et inexploitée pendant dix années.

Renaissance en salle de concert

En 1987, la Ville de Lyon, propriétaire des Halles décide de confier sa réhabilitation aux architectes Reichen & Robert[13].

Après dix années d'abandon, les travaux sont colossaux : réfection du sol, création des sous-sols pour des locaux techniques, création des colonnes techniques pour un espace modulable. Un éclairage des arches métalliques type "Tour Eiffel" met en valeur la structure architecturale. Mais l'activité d'affectation n'est pas officielle.

Plusieurs idées de projets de musées sont avortés (transport, communication).

Dès Décembre 1988, la halle rénovée devient un lieu culturel lyonnais. Elle accueille un programmation d'événements : tournages, concerts, salons et conventions. Son emplacement est stratégique au cœur de la capitale des gaules.

Dès 1989, les premiers concerts lui confèrent rapidement la renommée d'une salle de spectacle internationale.

Sa programmation éclectique et sa situation géographique la rendent populaire. Les lyonnais s'emparent de nouveau lieu de vie culturel (Téléthon, Festival Berlioz, Concert d'artiste français ou internationaux, Festival Lumière).

Elle possède une capacité de 4 416 à 5 496 places assises et une capacité totale de 17 000 places[14], avec les normes de sécurité en vigueur, elle est l'une des plus grandes de France.

En 2000, l'atelier de la Rize de l'architecte Albert Constantin détient le marché pour optimiser la modularité des lieux, l'isolation acoustique, l'installation de passerelles techniques et de gradins rétractables. Ces aménagements permettent de moderniser et perfectionner l'éclairage en vue d'une exploitation de salle de spectacle.

Vue de l'intérieur de la halle Tony Garnier, avant le concert de System of a Down, le 14 avril 2015

La salle de concert et d'exposition a vu sa renommée établie par la constitution de la première biennale européenne d'art contemporain en 1997 à Lyon par le Musée d'Art contemporain de Lyon. Cette biennale s'associe depuis 1991[15] aux différentes biennales de cinéma danse etc. en Europe.

Sa programmation diversifiée et sa capacité lui ont conféré un statut de salle culturelle incontournable sur Lyon connue officiellement sous le nom de "Halle Tony Garnier".

Elle fait l'objet d'une exposition en résonance avec la célébration du 150ème anniversaire de la naissance de Tony Garnier en partenariat avec les Archives Municipales de Lyon intitulée 1906 la Halle mise en scène Tony Garnier.

Notes et références

Notes

  1. photos Pacalet de l'intérieur du Grand Hall en activité comme Hangar;
    Le hangar fait partie des constructions très techniques et impressionnantes de l'époque 1900-1914 - quelques exemples: Hangar à dirigeables d'Écausseville, Royan, Établissements Bessonneau

Références

    1. « Du nom de la rivière qui afflue rive droite du Rhône juste après la pointe de la confluence », (guide La Mouche (site GrandLyon consulté le 11/11/2019).
    2. Dans le carré formé actuellement par le quai Perrache, le cours Bayard, la rue Casimir-Perier et la rue Delandine.
    3. Sur le terrain jouxtant les rues Louis-Loucheur et de la Grange.
    4. DhL, p. 18.
    5. Guiheux et Cinqualbre 1989, p. 146.
    6. DhL, p. 19.
    7. Philippe Dufieux, « Tony Garnier et l'architecture à l'Exposition de 1914 », dans Lyon, centre du monde ! L'exposition internationale urbaine de 1914, p. 64-79
    8. Exposition Tony Garnier, Caue Lyon, (consulté le 9/11/2019).
    9. « Le marché aux bestiaux et les abattoirs de La Mouche »
    10. Pauline Laugraud, Archives du service des abattoirs; Gestion et fonctionnement des abattoirs 1886-1978 2014 - Archives du Grand Lyon (lire en ligne), (consulté le 11/11/2019).
    11. Mme Jaffrennou-Buisson Le marché bovin de Lyon (La Mouche), ed. Géocarrefour, 1935, photos Pacalet site Persée, (consulté le 10/11/2019).
    12. Commerçants et industriels de la viande en France 1945-2006 (site issuu consulté le 11/11/2019).
    13. « Halle Tony Garnier - reconversion en équipement culturel », sur www.reichen-robert.fr
    14. « Halle Tony Garnier », sur lyon.fr (consulté le )
    15. Historique de la biennale d'art contemporain (consulté le 10/11/2019).

    Voir aussi

    Bibliographie

    • Jaffrennou-Buisson, « Le marché bovin de Lyon (La Mouche) », Les Études rhodaniennes, vol. 11, no 2, , p. 189-206 (DOI https://doi.org/10.3406/geoca.1935.6423, lire en ligne)
    • Gérard Faye, Etude statistique sur les saisies des viandes de bovins à l'abattoir municipal de Lyon : Thèse présentée à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, Lyon, Impr. Bosc Frères, , 48 p.
    • Alain Guiheux (dir.) et Olivier Cinqualbre (dir.) (Publié à l'occasion de l'exposition « Tony Garnier (1869-1948) » présentée par le Centre de Création Industrielle du 7 mars au 21 mai 1990), Tony Garnier : L'œuvre complète, Paris, Centre Pompidou, coll. « Monographie », , 254 p. (ISBN 2-85850-527-6), p. 146-150.
    • Patrice Béghain, Bruno Benoit, Gérard Corneloup et Bruno Thévenon (dir.), Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, Stéphane Bachès, , 1054 p. (ISBN 978-2-915266-65-8, BNF 42001687)
    • Pauline Laugraud, Gestion et fonctionnement des abattoirs, 1886-1978, Lyon, Communauté urbaine de Lyon,
    • Maria-Anne Pivat-Savigny (dir.) et Philippe Dufieux, Lyon, centre du monde ! : l'Exposition internationale urbaine de 1914, Lyon,
      Musées Gadagne exposition Novembre 2013 - Avril 2014, Fage-Editions, , 335 p. (ISBN 978-2-84975-305-7)
      .
    • Rues de Lyon N°59 de Christophe Fournier.

    Liens externes

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